Chapitre 40 : Sombre avenir
Quand Galatea se réveilla, elle vit un plafond sombre défiler au-dessus de ses yeux. Elle comprit qu'on était en train de la porter. C'était Zeff qui la tenait, sans plus de mal que si elle avait été un bébé. Se rappelant des derniers évènements, elle avait l'espoir un peu fou que Zeff n'avait jamais rejoint véritablement l'Empire de Vriff et qu'il l'avait sauvée, ce qui expliquait qu'elle se trouvait dans ses bras.
Mais non, car avec une légère rotation de la tête, elle vit la personne qui marchait avec eux dans ce couloir sombre et inconnue. C'était Solaris. Elle s'était apparemment changé, car sa robe noire était à présent intacte, mais il y avait quelque chose d'assez... étrange chez elle maintenant. Deux trous avaient été créés dans sa tenue sombre pour laisser passer dans son dos deux grandes ailes blanches et magnifiques, alors repliées sur elles-mêmes. Solaris se tourna vers elle et constatant qu'elle était réveillée, lui fit un grand sourire, un peu gâché par ses yeux violets emprunts d'une lueur sauvage.
- Sois la bienvenue à bord de l'Invincible, chère Galatea, dit-elle de sa voix veloutée. Le fleuron de la flotte impériale. Le Seigneur Souverain Vriffus a exigé ta présence. Tu es prête à le rencontrer ?
- Connais pas, dit Galatea d'une voix pâteuse.
- C'est notre maître à tous, Galatea. Le créateur de l'Empire de Vriff, aux pouvoirs infinis. Le maître des Elus. J'ignore ce qu'il te veut vraiment, mais c'est un grand honneur pour toi que d'avoir une place dans ses plans à proportion cosmique !
Galatea s'épargna la souffrance de devoir encore prendre la parole. Sa gorge était sèche, sa bouche pâteuse et parler équivalait à avaler de la terre. Elle avait été sans doute droguée pour qu'ils l'amènent jusqu'ici. Galatea entendit une lourde porte s'ouvrir devant eux, puis ils entrèrent dans une salle encore plus sombre que le couloir duquel ils venaient. Il faisait froid dans cette pièce et il y régnait une atmosphère oppressante que Galatea ne pouvait pas définir.
Zeff la jeta au sol, sans douceur. Quand elle redressa la tête, Galatea vit Solaris devant elle qui s'agenouillait devant une personne tapie dans l'ombre. Grâce aux deux petites bougies de part et d'autre de cette personne, on pouvait entrevoir sa silhouette. Noir des pieds à la tête, le personnage était enveloppé d'une ample toge noire finie par un capuchon qui recouvrait son visage. On ne voyait rien de ses traits, si ce n'était la lueur rougeâtre et surnaturelle de son œil gauche.
- Mon Seigneur Vriffus, dit Solaris d'une voix révérencieuse, je vous ramène l'un des jumeaux Crust, comme vous me l'avez ordonné.
Solaris avait dit jumeaux à la place de triplés, mais Galatea ne rectifia pas. La silhouette encapuchonnée baissa la tête, comme pour mieux voir sa proie.
- Approche, jeune fille.
C'était une voix d'homme, grave et gutturale, qui résonnait partout dans la pièce. Galatea sentit ses poils se dresser sur sa nuque rien qu'à l'écoute de cette voix. Pour rien au monde, elle ne voulait s'approcher du Seigneur Vriffus. De toute façon, ses jambes ne la portaient même pas. Mais elle sentit alors une force invisible l'attraper à la gorge, comme si quelqu'un la soulevait et l'amena jusqu'à la main tendue du Seigneur Souverain. Une main totalement disloquée et sèche, comme de la terre et friable à beaucoup d'endroits. Ce contact malsain fit trembler Galatea malgré elle et elle se força à ne pas regarder ce qui se trouvait sous ce capuchon.
- Hum... Oui, je sens que tu n'es pas encore prête, fit Vriffus. Mais ça ne fait rien, ça ne fait rien. Je ne suis pas du tout pressé concernant ceci. En entendant, tu resteras auprès de Solaris.
Puis il leva la tête pour s'adresser à l'Impératrice.
- Je te la confie. Quand elle sera prête, je veux que tu me la renvoies sur le champ !
- Il en sera selon votre volonté, Seigneur Souverain, fit Solaris en s'inclina.
Vriffus lâcha le menton de Galatea qui en soupira de soulagement en reculant.
- Et qu'en est-il de l'invasion de Duttel, impératrice ? demanda Vriffus. Sur ce sujet, je suis moins patient, tu le sais.
- Mon Seigneur, le Royaume de Duttel sera à nous dans la semaine, je vous en fais la promesse !
***
Tuno tâchait de garder son sang froid et de ne pas s'énerver en présence de Tender, mais c'était difficile.
- Je... je ne comprend pas, général...
- Pourtant, c'est très simple, colonel, fit Tender à l'écran. Vous et votre équipe, vous rentrez à la base. L'affaire Vriff pour vous, c'est terminé. Ça n'a que trop duré.
Trois jours étaient passés depuis le fiasco d'Obaskal. Entre temps, les forces de la Team Rocket promises au Royaume de Duttel étaient arrivées et avec elle un écran dans un des appareils Rockets qui les mettait immédiatement en communication avec le général à Kanto, qui souhaitait être informé des derniers avancements. Tuno se serait bien gardé de l'appeler s'il avait su qu'il allait lui demander ça.
- Sauf votre respect, mon général, je pense que c'est une erreur. L'unité X-Squad est présente depuis le tout début et connaît bien mieux la situation que personne d'autre...
- Oh, mais je la connais moi aussi, la situation, Tuno, répliqua le général. Un membre de votre équipe est passé à l'ennemi et un autre a été enlevé pour sans doute subir le même sort. Les deux Crust qui vous restent ne pourront plus réfléchir librement si leur sœur est sous l'emprise de l'ennemi et de plus, le jeune Mercutio est beaucoup trop impliqué personnellement dans ce conflit. Je ne doute pas que son jugement soit faussé par ses émotion. La voilà, la situation.
- Mais monsieur, on a promis au roi de Duttel de le servir pour des missions contre Vriff, tenta Tuno. C'était dans notre marché.
- On lui enverra quelqu'un d'autre. Un des Agents Spéciaux du Boss, une équipe entière, ce qu'il veut ! De toute façon, quelle sorte de missions pensez-vous accomplir à seulement trois ? Vous rentrez immédiatement et c'est un ordre.
Tuno comprit qu'il ne servirait à rien de continuer.
- Bien monsieur.
- Bon. De quoi vouliez-vous me parler au juste ?
- Les Dutteliens, monsieur. Ils réclament plus d'hommes de notre part.
Tender prit un air agacé.
- Plus d'hommes ? Nous leur avons déjà fourni ce que notre contrat avec eux spécifiait pourtant !
- Oui général, nous l'avons fait, mais la guerre se déroule très mal ici. En à peine deux jours, les forces de l'Empire ont avancé de plusieurs kilomètres dans le royaume. Toutes les villes stratégiques de Duttel tombent les unes après les autres. Dans un ou deux jours, on aura les Vriffiens ici, aux portes de Duttelia !
- Et nos hommes alors ? Qu'est-ce qu'ils foutent ?! Six cent hommes armés avec des transporteurs et des machines de combats, c'est bien suffisant pour battre une bande de sauvages armés d'épées quand même ! À moins que le roi de Duttel et son état-major soient des imbéciles qui ne savent pas mener une guerre.
- Nos hommes n'ont jamais encore perdu une seule bataille, monsieur, répondit Tuno. On repousse constamment l'Empire, mais pour mille homme de tués, deux milles les remplacent dans l'heure. Solaris dispose de ressources humaines quasiment illimitées ! Et bien que l'on gagne à chaque fois, nos pertes sont de plus en plus lourdes. Nous ne tiendrons pas, général.
Tender secoua la tête.
- Je ne peux pas envoyer plus d'hommes, Tuno. La Team Rocket n'est ni un Empire ni un Royaume. Nous sommes une organisation et les six cents hommes que j'ai déjà envoyés représente beaucoup. De plus, il faut que nous gardions des forces chez nous pour défendre Kanto si jamais l'Empire s'avisait de nous envahir à notre tour.
- Vous ne comprenez pas, général ! s'exclama Tuno en laissant tomber le sang-froid. Il faut arrêter les Vriffiens ici et maintenant, pas attendre qu'ils soient à nos portes ! Si on les laisse s'emparer de toute la région d'Elebla, ils deviendront inarrêtables ensuite !
- C'est une affaire du gouvernement ça, Tuno. Les Dignitaires n'ont qu'à un peu se bouger le fion ! Ils n'ont qu'à envoyer Lance et l'armée. Ce n'est pas à la Team Rocket de jouer la police des frontières pour eux !
Tuno savait que s'ils devaient compter sur les Dignitaires pour repousser les Vriffiens, ils étaient mal barrés. Les Dignitaires, leaders du gouvernement de Kanto, étaient une bande de nobles et de riches industriels qui ne regardaient que leurs bénéfices et se fichaient de la misère des autres. Ils avaient certes une armée, dirigée par le légendaire Général Peter Lance, Maître de la Ligue Pokemon et G-Man de surcroît, mais elle était si peu importante qu'elle n'était là que pour le décorum.
- Sauf votre respect, général, je ne suis pas d'accord, dit Tuno. Et je pense que le Boss...
- Le Boss est parti, Tuno ! Et il m'a chargé de diriger ce conflit, pas à vous ! Alors cessez de faire l'enfant et revenez à la base immédiatement ! Terminé !
La communication se coupa tout aussi violement que le ton du général. Tuno soupira, découragé. Il ne tenait pas à aller annoncer à Mercutio et à Siena qu'ils devaient abandonner leur sœur et rentrer au bercail. En rentrant au palais pour aller rapporter la discussion qu'il avait eue avec Tender au roi, il croisa Sire Djosan dans un couloir.
- Colonel Tuno ! Votre entrevue avec votre supérieur s'est-elle bien passée ?
- Non, je le crains.
Djosan hocha la tête.
- Nous n'aurons point de renfort ?
- Non, et il y a pire. Mercutio, Siena et moi-même devons rentrer. Je suis vraiment désolé, messire. J'aurais de loin préféré continuer le combat avec vous, même s'il semble perdu d'avance.
Djosan tandis sa grosse main à Tuno. Ce dernier dut tendre le bras pour arriver à l'attraper et Djosan lui broya copieusement la main avec émotion.
- Vous êtes un brave guerrier, colonel Tuno ! Vous, Mercutio Crust et Siena Crust... et Galatea Crust. Nous vous regretterons, et sachez que si nous en avons l'occasion, nous ferons tout pour arracher Galatea Crust des mains ignobles des Vriffiens !
- Euh... oui, oui... merci... fit Tuno en serrant les dents et en essayant de dégager sa main endolorie. Je vous laisse en informer votre suzerain. Il faut que j'aille parler à Mercutio et Siena. Savez-vous où ils se trouvent ?
- Ils sont rentrés de mission il n'y a guère longtemps. Siena Crust doit être avec mes hommes. Quant à Mercutio Crust...
- Oui, je me doute où il est.
***
Depuis que Galatea avait été capturé, Mercutio, en dehors de ses missions pour Duttel, restait le plus clair de son temps dans la salle du Devin, en compagnie de Xatu. Il s'était rendu compte que parler avec le Pokemon Chromatique lui procurait un apaisement des plus appréciables. Bien sûr, le Pokemon n'était pas bien bavard, mais rien que sa présence semblait soulager l'esprit tourmenté du jeune homme. Il ne cessait de revoir sa sœur, celle avec qui il avait grandi, avec qui il avait tout partagé, dans les bras de ce traître de Zeff, et Solaris, avec ses ailes blanches d'ange, ses yeux violets et son sourire maléfique proclamant qu'elle allait devenir une déesse. Il ne pouvait trouver le sommeil. Quand il parvenait à s'endormir, il faisait des cauchemars dans lesquels il voyait Galatea l'appeler à l'aide tandis qu'une forme sombre ailée aux yeux violets la faisait disparaître.
Le sort que Solaris réservait à Galatea lui échappait, mais il pouvait facilement imaginer les pires horreurs, et la mort n'était pas la pire. Elle pouvait la faire devenir comme Zeff, trahissant et combattants ses amis. Elle pouvait la transformer en monstre comme elle ; une mutante mi-Pokemon mi-humaine qui rêvait de déification et de conquête. Rien n'aurait pu empêcher Mercutio d'aller à son secours. Mais comment faisait-on pour trouver un vaisseau invisible ? À en croire les Dutteliens, le fameux Seigneur Vriffus était encore plus dangereux que l'Impératrice.
Non, Galatea était... partie. En son for intérieur, Mercutio doutait de ne jamais la revoir. C'était comme si une partie de son cœur lui avait été arrachée. Mercutio aimait ses deux sœurs autant l'une que l'autre, mais il était indéniable qu'il avait toujours été plus proche de Galatea que de Siena, qui était quelqu'un d'assez solitaire. Le pire serait quand il aurait à annoncer ça à leur père adoptif. Des trois Crust, Galatea était toujours la plus tête en l'air, la plus vulnérable. Penan comptait sur Siena et Mercutio pour la protéger, souvent d'elle-même. Qu'allait-il leur dire maintenant ?
Dans le profond désarroi dans lequel il était, Mercutio avait essayé de chercher un peu de réconfort dans les combats Pokemon. D'ordinaire, quelque soit son souci, il disparaissait le temps d'un combat. Il avait été prêt à aller défier Sacha Ketchum, peu importe qu'il se fasse battre. Mais Sacha avait quitté la ville depuis deux jours, pour une reconnaissance et n'était pas encore revenu. Au rythme où allaient les choses, il risquait de découvrir une ville totalement en ruine ou envahie par l'Empire quand il reviendrait.
Mercutio se sentait seul, horriblement seul. Il avait perdu une fille à priori merveilleuse qu'il pensait aimer. Il avait perdu un compagnon certes agaçant qui était un peu son rival mais qu'il avait fini par apprécier malgré lui. Il avait perdu une de ses sœurs qui apportait la bonne humeur à toute l'unité. Siena aussi souffrait, Mercutio le voyait, pourtant, elle n'était pas du genre à rechercher la compagnie de quelqu'un pour la consoler. Elle affrontait sa douleur et ses problèmes toujours seule et elle était bien plus douée que Mercutio dans ce domaine.
S'il y avait d'autres personnes qui semblaient souffrir encore plus que Mercutio, c'était les Pokemon de Galatea. Mercutio et Siena se les étaient partagés. Siena avait pris Tentacruel tandis que Pyroli et Kirlia avaient rejoint le Mortali de Mercutio. Perdre son dresseur était aussi douloureux que perdre une sœur. Mais Mercutio était tout de même heureux qu'il reste quelque chose qui puisse lui rappeler Galatea. Mercutio sortit de son long mutisme après avoir jeté un coup d'œil à Xatu qui le fixait de ses grands yeux sans dire mot.
- Désolé, dit piteusement Mercutio. Je ne suis pas vraiment de bonne compagnie...
- Je n'ai pas besoin de mot pour comprendre quelqu'un, répondit le Pokemon de sa voix psychique résonnante. Les pensées sont encore plus claires que les sons.
- Tu lis mes pensées en ce moment ?
- Pas qu'en ce moment, jeune Mercutio. Dès que quelqu'un rentre dans cette pièce, ses pensées me submergent. C'est une chose que je ne peux pas contrôler. Je lis dans l'esprit des gens, que je le veuille ou non.
- Tu dois en voir passer des choses affreuses, alors...
- Oh, pas si affreuses que ça. Hormis Antyos, son fils et quelques autres du palais avec qui j'entretiens des relations amicales, tous ceux qui pénètrent ici sont ceux que j'ai choisis pour qu'ils me posent une question. Si je les ai choisi, c'est qu'ils en sont dignes. Ce sont des gens bons et promis à un grand destin. Leurs pensées, même dans les moments les plus douloureux, restent saines et brillantes.
- Je vois, dit Mercutio, qui ne voyait pas vraiment. Tu es un devin Xatu. Tu sais tout, tu vois tout. Qu'est-ce que tu vois pour ma sœur ?
Xatu leva ses ailes en signe d'excuse.
- Si je pouvais soigner ton cœur en te révélant ce que je vois du futur la concernant, pense bien que je le ferais. Mais je ne peux pas révéler quelque chose plus d'une fois à quelqu'un. C'est une règle qui vit en moi et que je ne peux pas enfreindre.
- Pourquoi ?
- C'est un ordre de mon dieu,, expliqua le Pokemon. Le Pokemon Légendaire qui m'a fait don de ce pouvoir. Il m'a dit de ne révéler l'avenir qu'à ceux qui en seront dignes et une fois seulement, car connaître son avenir en détail peut souvent l'amener à le modifier. En tentant d'empêcher quelque chose qui devrait normalement avoir lieu, la personne peut radicalement changer son avenir. Or l'avenir, et donc le destin, est écrit, quoi qu'on en dise. Le perturber serait un sacrilège.
- Mais la question que je t'ai posée sur le frère de Solaris ne concernait pas l'avenir, répliqua Mercutio. Il s'agissait du présent. Je t'ai demandé s'il était vivant à cet instant précis, pas s'il l'avait été ou s'il le sera.
- En effet, mais même si la question que l'on me pose traite du passé ou du présent, elle aura toujours des répercutions sur l'avenir, Mercutio Crust. Maintenant que l'Impératrice de Vriff sait que son frère est en vie, elle fera tout pour le retrouver. Si je lui avais dit qu'il était mort, elle se serait probablement vengée en tuant chaque Dutteliens en ce monde.
Mercutio comprenait le principe. Pourtant, la moindre bribe d'information sur Galatea aurait été comme un rayon de soleil pour lui.
- C'était comme le jeune humain qui est venu me poser sa question il y a trois jours. Sacha Ketchum, si je me souviens bien. Sa question ne portait pas en principe sur le futur, pourtant, maintenant qu'il en connaît la réponse, son futur sera changé et pas qu'en bien, je le crains...
- Sacha ? Tu as choisi Sacha Ketchum comme digne de te poser une question ?
- En effet. Je n'ai jamais vu d'esprit aussi riche que le sien. Son destin pourra même surpasser le tien, qui n'est pourtant pas anodin.
- Et quelle question t'a-t-il posé ? demanda Mercutio, soudain curieux.
- Je crains de ne pouvoir te le révéler.
- Encore un commandement de ton dieu ? sourit Mercutio.
- Non, un commandement de la bienséance. Révéler la vie privée des autres est grandement impoli.
Entendre ça de la bouche d'un Pokemon donna à Mercutio l'envie inexpliquée d'éclater de rire. C'était ce genre de chose que Xatu savait faire sans le vouloir pour soulager un peu Mercutio. Mais sa bonne humeur prit fin dès que la porte de la salle s'ouvrit pour laisser apparaître le prince Octave. Mercutio n'avait pas mis plus d'un jour pour découvrir qu'il méprisait tout en ce prince arrogant, de ses airs doucereux jusqu'à sa coupe de cheveux. Le prince le lui rendait bien en ne manquant pas une occasion de rabrouer la Team Rocket et Mercutio plus particulièrement. Le jeune Rocket se demandait comment un type aussi sympa que le roi Antyos pouvait avoir eu un fils pareil.
Le prince était accompagné, comme toujours, par son petit Pokemon noir et blanc à l'allure d'un chat aux grandes oreilles. Mercutio ne le connaissait pas et il aurait été certain de provoquer un scandale en l'examinant avec son Pokedex, mais Djosan lui avait parlé de lui. Il s'appelait Mémorios et un seul croisement de son regard pouvait vous faire ressurgir dans votre esprit les pires moments de votre vie. Aussi Mercutio prit bien garde de ne pas fixer le Pokemon, même s'il savait que le pire moment de sa vie était passé il y a trois jours. Octave plissa ses yeux d'un gris acier en voyant qui se trouvait dans la salle du Devin.
- Que fais-tu là ? demanda-t-il avec colère. Comment un étranger comme toi oses-tu pénétrer ici sans y avoir été invité ?!
Mercutio se força à modérer son langage face au prince, même s'il rêvait de lui dire en terme dénués de toute ambiguïté sa façon de penser le concernant.
- Pardonnez-moi, mais j'y ai été invité, Altesse, dit Mercutio. Sa Majesté votre père a dit que toutes les personnes que Xatu a choisies pour recevoir une réponse peuvent venir ici tant qu'ils le souhaitent.
- Sûrement pas un étranger comme toi, siffla Octave. Seuls les Dutteliens sont admis ici !
- J'avais compris que le Devin ne se limitait pas aux frontières et à la nationalité pour repérer les personnes qu'il juge dignes, riposta Mercutio.
- Le Devin peut-être pas, mais nous si. Et un étranger dans cette pièce est un sacrilège !
- Je vois...
Xatu n'intervint pas dans ce face à face brûlant. Il se contenta de dévisager les deux jeunes hommes en silence. Mercutio quitta le regard rageur du prince pour observer précautionneusement Mémorios. Le Pokemon n'avait pas l'air d'aller bien. Son visage était crispé, ses poils dressés et il paraissait tituber quand il marchait.
- Votre Mémorios ne m'a pas l'air en grande forme, Altesse, constata Mercutio.
- À ma connaissance, l'état de mon Pokemon ne te concerne en rien, manant !
- Vous avez raison. Je voulais juste faire preuve d'un peu de sollicitude. Entre dresseurs.
- Garde ta sollicitude pour toi !
- Vous semblez ne pas nous apprécier, Altesse, dit Mercutio. Pourtant, nous sommes du même côté.
- Vous n'êtes que des mercenaires, fit le prince avec dégoût. Vous vous vendez aux plus offrants, comme vous vous êtes vendu à cette chienne de Solaris ! Vous nous aidez uniquement pour nous prendre Xatu !
Mercutio se prit à vouloir lui dire qu'ils se seraient quand même alliés à eux même sans compensation, car il n'y avait aucune autre solution pour espérer faire face à l'Empire, mais qu'ils avaient profité de l'occasion pour avoir un petit bonus. Mais il ne savait pas pourquoi, lui dire ça aurait été le moyen le plus sûr que de l'échauffer davantage.
- Vous avez une bien piètre opinion de nous, c'est ce que je constate, en effet. Dites-moi, est-ce que cette opinion changerait si je vous battais à un combat Pokemon ?
Octave cligna des yeux, la parole momentanément coupée. Il ne s'était pas du tout attendu à ça.
- Tu... tu oses me provoquer en duel ?
- Les règles d'engagement doivent être les mêmes à Duttel qu'à Kanto, n'est-ce pas ?
Mercutio ne savait pas dans quoi il se lançait, mais un combat lui ferait le plus grand bien. Et s'il pouvait rabattre le caquet de ce nobliau de pacotille, ça serait ça de plus de gagné.
- Tu n'es qu'un fou, fit Octave avec un sourire de prédateur et en prenant une de ses Pokeball. Tu vas regretter ton impudence !
- Ça ne sert à rien de passer sa vie à regretter, sourit Mercutio en prenant l'une des siennes.
Mais alors, la porte s'ouvrit une nouvelle fois, laissant entrer le colonel Tuno. Il fut surpris et inquiet quand il vit Mercutio et Octave, tous deux tendant leurs Pokeball, prêts à en découdre. Il s'inclina tout de même devant le prince.
- Pardonnez-moi, Votre Altesse. J'ignorais que vous vous trouviez ici.
Puis il se tourna vers Mercutio.
- Il faut qu'on parle. J'ai des...
Le son de plusieurs trompettes l'interrompit. Mercutio avait souvent entendu des trompettes ces derniers jours à Duttelia. Les Dutteliens utilisaient des trompettes pour chaque chose de la vie. Pour indiquer huit heures, midi et dix-huit heures, pour un mariage, pour un enterrement, pour saluer l'arrivée du roi, pour la sortie de chaque soldat vers le front. Tous les sons étaient différents et celui là, c'était la première fois que Mercutio l'entendait. Il était strident et répété rapidement, comme un signal d'alarme. Le visage du prince Octave avait blêmit.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Mercutio.
Octave était si terrifié qu'il en oublia d'être désagréable.
- Le plus haut son d'alerte possible. Personne ici ne l'a encore jamais entendu de son vivant. Il indique l'état de siège. Duttelia est attaquée !