Amitié Rivale de Auraman

« Tu ne manges pas Léo ? Tu es malade ? »

Le jeune adolescent avait la mine grave et l'air préoccupé. Il n'avait même pas touché à son assiette.

« Non mère, je vais bien. »

« Alors, désires-tu que l'on te prépare autre chose ? »

« Non merci, mère…Je vais monter. Je dois sans doute être fatigué... »

Léo se leva lentement et quitta la salle à manger. Derrière lui, les servants débarrassaient déjà son assiette encore pleine. Les parents du jeune homme se regardèrent, intrigués par un tel comportement. Le Duc haussa les épaules.

« Laissons-le un moment. Cela va peut être passer... »

Malgré les paroles douces du Duc, la Duchesse n'avait pas l'air rassurée pour autant. Elle fit signe à Olimar de se rapprocher.

« Dans environ un petit quart d'heure, vous irez chercher le fils du gardien et le conduirez à la chambre de Léo. Peut être que ce garçon saura trouver ce qui ne va pas... »

Après une petite courbette, le vieux serviteur se retira. Il allait confier ce travail à un autre...
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« Que faire ? Le message est bien clair... Si je veux conquérir son cœur, je dois rentrer dans cette organisation. Mais que diraient Père et Mère si ils l'apprenaient ? Et puis, je ne connais rien d'eux ni de leur façon de « réparer l'écosystème » ! Le fait que cette Team soit constituée d'anciens Solar et Lunar n'arrange pas les choses ! Père m'a raconté la catastrophe que Nicole a failli connaître*... Mais je ne peux décemment pas baisser les bras aussi facilement. Je vais me coucher, je crois. La nuit porte conseil dit-on... »

Couché sur le dos, Léo observait le plafond. Il n'y avait rien à regarder bien évidemment mais quoi regarder d'autre lorsqu'on est sur le dos ? D'un geste lent, le jeune garçon éteignit la lampe de sa table de chevet. L'obscurité envahit soudain la pièce. Léo ne ferma pas les yeux pour autant. Tous ces événements le taraudaient. Il en devenait presque malade... Mais n'était-ce peut-être qu'une période à passer ? Il ne savait plus que penser.

Soudain, quelque un frappa à la porte. Léo se releva, plaçant ses mains devant lui pour tâter l'obscurité. Il agrippa le loquet et ouvrit d'un coup brusque. Le garçon qui se tenait derrière sursauta. Léo plaça sa main devant ses yeux pour atténuer la luminosité. Il fronça les sourcils afin d'identifier son visiteur.

« Kyle ? Que veux-tu ? »

« Je venais voir si tout allait bien ! T'as pas l'air normal ces derniers temps... »

« Si, si, ça va, je suis fatigué. Je vais me coucher, à plus ! »

Léo referma la porte, avec précaution cette fois, laissant son ami sans voix sur le palier de la chambre.
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« Tu veux pas t'entraîner un peu ? »

Kyle fixait son ami de ses yeux couleur terre. Il y avait quelque chose qui n'allait pas, mais alors pas du tout, et il allait découvrir quoi ! En attendant, Léo semblait avoir perdu toute énergie, toute volonté. Il observait le ciel, la nature, le vol des Nirondelles... mais ne semblait pas prêter trop attention aux personnes qui l'entouraient. Kyle posa sa main sur l'épaule du fils du Duc, ce qui le fit sursauter. Le jeune homme se retourna subitement.

« Oui, quoi ?!! » s'écria t-il.

Kyle resta immobile quelques secondes. Le geste brusque de Léo l'avait un peu... surpris. Le temps de recouvrir ses esprits, Léo était déjà reparti dans sa rêverie. Quel cas étrange. Mais après tout, peut être que les choses allaient se démêler d'elles même ? Mais encore fallait-il trouver de quoi il s'agissait... Soudain, un éclair de lucidité traversa le garçon. Mais oui, c'était tellement évident !

« C'est à cause de cette fille ! Je croyais que suite au bouquet que tu lui avais offert, c'était passé mais c'est bel et bien sérieux, dirait-on ! »

Léo se crispa sur lui-même. Kyle ne pouvait pas comprendre. Si seulement c'était aussi simple... Mais non. Le jeune homme secoua mollement la tête.

« Non, c'est... autre chose. »

Kyle demeura sceptique. Léo repoussa comme à son habitude une mèche verte qui le gênait et se releva. Un petit vent frais soufflait en cette fin de matinée. Non loin, derrière les platanes, Gaston, le jardinier, taillait les rosiers. Abel, comme à son habitude, fixait les deux adolescents de son œil vif et à la fois serein, depuis la fenêtre de sa petite résidence. Les deux jeunes hommes avaient appris à oublier cette surveillance sans fin, non sans quelques démonstrations de mécontentement de la part de Léo. Mais Abel ne faisait que son travail…

Kyle observait son ami s'éloigner de lui. Sa démarche était lente. Sa tête, basse et lourde, trahissait ses pensées. Tel un condamné à mort, le jeune homme se dirigea vers le portail d'entrée.
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« Tu signes là, là et... ici ! »

Léo signa aux endroits spécifiés puis se redressa. L'homme qui se tenait en face de lui, de l'autre coté de la table, le fixait de ses yeux impitoyables. Léo frissonna. L'homme n'était pas grand malgré son âge moyen mais sa largeur d'épaule ne disait rien qui vaille. De longs cheveux châtains recouvraient sa tête ronde. Il avait les bras croisés au dessus de son ventre, proéminent. Le jeune homme recula légèrement lorsque celui-ci quitta sa position et vint le rejoindre. L'homme lui donna une tape sur l'épaule. Léo se surprit d'avoir survécu à la poigne du colosse.

« Bon, maintenant que tu es des nôtres, on peut entamer les familiarités ! Moi, c'est Moi, c'est Baptiste-Origon-Théo, mais tout le monde me surnomme Bot, c'est plus court et plus simple à se rappeler ! Je serai ton tuteur pendant un temps. Et toi, c'est quoi ton petit nom ? »

Bot sourit. Léo était un peu effrayé par ce virement soudain.

« Je... moi... Léo... tout court. » bafouilla-t-il, confus.

Bot ouvrit ses yeux grand. Il demeura ainsi quelques instants et éclata soudainement de rire. Il avait même une petite larme à l'œil droit.

« Excuse-moi, ne fais pas attention ! Mais dis-moi, pourquoi tu t'es inscrit chez nous ? C'est pas vraiment un endroit pour les gamins chétifs... »

« C'est strictement personnel ! »

Bot considéra Léo quelques instants avant d'abandonner. « Quand c'est perso, on touche pas ! », comme il disait souvent. L'homme ouvrit la porte du minuscule bureau et invita Léo à le suivre. Le jeune homme s'exécuta, sous l'œil vif de son nouveau compagnon.

Les couloirs du QG fourmillaient d'activité. Des sbires discutaient entre eux, d'autre attendaient à la fontaine leur tour pour boire, d'autre encore mangeaient une barre de céréales dans un coin. Léo eut du mal à se frayer un chemin pour suivre Bot.

« Le QG est minuscule, faute de moyens pour le moment. Mais on est en ce moment sur un gros coup ! Mais je ne t'en dis pas plus, je te laisse entre les mains de Danielle, la secrétaire de notre Chef. »

Le colosse ouvrit une porte et invita Léo à rentrer. C'était un bureau, presque plus grand que celui de Bot. Il n'y avait pas de fenêtre, juste un plafonnier grossièrement suspendu. Derrière le bureau, qui ressemblait plus à une table de bois d'ailleurs, une femme, svelte et apparemment jeune, prenait des notes sur un petit calepin. Bot ferma doucement la porte derrière le jeune homme. La femme releva la tête et rehaussa ses fines lunettes. Son air était à la fois dur et doux, curieuse personne...

« Assieds-toi, nous avons à parler. Tout d'abord, voici tous les formulaires qu'il te reste à remplir, quelques formalités... »

Danielle sortit de l'un de ses classeurs une pile de feuilles, les tendant à Léo qui fut surpris par le poids. Quelques formalités, tu parles !

« Bon, ça, c'est la partie sympa. Tu iras au magasin retirer un uniforme. Ensuite, tu te rendras à la réunion de dix heures vingt. Libre quartier jusqu'à dix-neuf heures, sauf ordre contraire... Tu dormiras au dortoir B, lit quatre. J'ai tout dit, je crois... Des questions ? »

« Euh, est-il possible d'avoir des permissions ? Pour rentrer chez soi par exemple ou pour manger ? »

« La Team Stella ne prends pas en charge les repas alors vous pouvez sortir, même en civil si vous le souhaitez, bien que ce ne soit pas très bien vu Au-Dessus. Quartier libre, perm', c'est du pareil au même. Bon, va chercher ton uniforme, j'ai de la paperasse qui n'attend pas ! »

Léo serra les documents contre lui et quitta le bureau aussi vite qu'il y était entré, prenant la direction du « dortoir B ». Quelle galère…
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Léo se regarda une dernière fois dans un petit miroir mural. Cet uniforme, en plus d'être stupide, ne lui allait pas du tout. C'était un costume blanc gris, très simple, « faute de moyens », pourvu d'une capuche noire. Franchement, comment faire pire ? Même la Team Rocket à ses débuts avait des uniformes potables ! Le jeune homme soupira. Il ne pouvait décemment pas se balader en ville ainsi ! Il ne le porterait donc qu'en cas de nécessité.

Léo se changea donc, rangea son costume dans un sac à dos gracieusement offert par le gérant des stocks d'uniformes et entreprit de profiter de sa permission pour rentrer chez lui, histoire de ne pas trop éveiller les soupçons...

En sortant de la salle, Léo heurta une personne. Celle-ci, après avoir repris un peu ses esprits, dévisagea le jeune homme d'un air sévère, presque sadique.

« Tu pourrais pas faire gaffe, non ?!! Dégage de mon chemin ! »

Léo crut devenir sourd. La voix de l'homme était très puissante, très agressive. Après avoir montré les dents quelques instants, l'individu s'en alla d'un pas pressé. Léo resta pétrifié quelque seconde jusqu'à ce qu'un sbire lui agrippe l'épaule.

« Fait attention la prochaine fois ! Khan, c'est pas un marrant, il pourrait te tordre le cou et te fracasser la colonne vertébrale d'une pichenette. Bien sûr, j'exagère mais... bon, t'as compris... »

Léo acquiesça et reprit sa route, traumatisé. Mais que faisait-il au milieu de tous ces types étranges ?!!
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« Tout va bien Monsieur ? »

Abel, depuis la fenêtre de son poste de garde, observait Léo suivre le chemin dallé qui conduisait au manoir. Abel ne connaissait pas vraiment Léo, aussi il ne se permettait pas de familiarité avec le fils de ses employeurs. En un certain sens, il enviait son fils d'être ami avec un noble, surtout quand on sait que ces derniers ne se parlent qu'entre eux...Mais le vieux sage qu'il était disait souvent que l'on est ce que l'on est, point final. C'est ce que l'on fait qui fait ce que l'on devient !

Léo entra dans le manoir, immédiatement rejoint par Olimar qui le délesta de sa veste. La Duchesse apparut au même moment et observa son fils d'un air inquisiteur. En tant que mère, elle se devait de savoir où se rendait son fils.

« Et bien, où étais-tu ? Nous avons cru que tu ne reviendrais pas pour manger ! Mais où diable es-tu parti ?!! »

« Je... j'aidais une dame qui avait besoin d'aide... »

« J'admire ce geste, mon petit, mais aider une dame ne requiert pas la matinée toute entière... Mais passons. Nous en rediscuterons plus tard…Va te laver les mains et installe-toi à table ! »

Léo s'exécuta. Il déposa son sac dans sa chambre et partit en direction de l'une des salles de bains pour se nettoyer les mains. Lorsqu'il entra dans la salle à manger, son père lisait le journal. Ses petites lunettes de lectures tombaient sur son nez.

« Ah, te voici ! Installes-toi ! Tu sais ce que je viens de lire ? L'observatoire de Norande a été sauvagement investi par un groupe criminel répondant au nom de Team Stella. Franchement, ils sont ridicules. Leurs intentions sont pour le moment inconnues mais ça ne présage rien de bon... Fais attention à toi en sortant de la propriété. Mais assez de parlote, mangeons ! »

Léo se surprit à sursauter. Lui qui pensait avoir fait le bon choix, il s'était lourdement fourvoyé ! Les supposés bienfaiteurs de la Team Stella n'étaient en fait qu'une bande de criminels, dont il faisait désormais partie ! Quels étaient les objectifs de cette organisation ? Dans quel pétrin monstrueux Léo s'était-il fourré ?

« Euh... oui, c'est... ridicule et... impardonnable. »

*(voir le Soleil a rendez-vous avec la Lune)