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Peter ! de S3phiroth



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Informations

» Auteur : S3phiroth - Voir le profil
» Créé le 15/08/2011 à 17:07
» Dernière mise à jour le 23/08/2011 à 02:33

» Mots-clés :   Kanto   Présence de personnages de l'animé   Présence de personnages du jeu vidéo

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10 - Allez savoir...
- Mouarf…

Peter, Charline, Sandra, Edgar, Catty et Ben attendaient sous un abribus au pied du Mont Sélénite que la navette qui les mènerait à Azuria passe les prendre. Mais elle se faisait attendre et le ciel commençait à se couvrir de vilains nuages gris.

- On va se taper de la pluie, commenta Peter.
- Tu t'attendais à quoi en partant voyager ? Le temps n'est pas clément avec les dresseurs itinérants, autant que tu t'y fasses dès maintenant.
- Je m'en fiche un peu, à vrai dire ; je râlais uniquement pour faire raccord avec les deux aigris, là.

Et de désigner Edgar et Sandra qui se tenaient aussi loin l'un de l'autre que possible sur le banc de l'abribus. Nul ne répondit.

- Tu sais, si tu veux des infos sur comment se déroule un voyage itinérant et sur les erreurs à éviter, tu n'as qu'à me demander, proposa Charline.
- Mmmhh… c'est vrai que tu es une vétérante, toi. Mais c'est non, désolé ; je refuse de me faire instruire par une dresseuse plus jeune que moi.
- Alors, pour commencer, toujours avoir un kawé sur soi. Ou un parapluie. Tu as un des deux ?
- Non. Mais j'ai un bus, sourit Peter.

Et en effet, le bus venait tout juste d'arriver. En fait, il s'agissait plus d'un long fourgon de hippie jaune sur lequel avaient été grossièrement peintes des fleurs aux couleurs pastel. Assis derrière le volant, un octogénaire au crâne dégarni en bermuda et chemise hawaïenne flashy ouvrit les portes de la navette sans couper le moteur et se mit à beugler :

- Magnez-vous la rondelle, les moufflets ! Pas que ça à branler, moi !
- C'est vous qui êtes à la bourre ! répliqua Sandra en sautant vite fait dans le bus pour se protéger de la pluie naissante.
- Rien à foutre ! C'est mon bus !

Toute la troupe se précipita à l'intérieur en évitant les gouttes et s'assit sur les petites banquettes à deux places en suivant les dispositions suivantes : Peter aux côtés de Charline, Sandra en compagnie de Catty, et Edgar avec Ben.

- Et c'est parti comme en 40 ! Compil' maison ! mugit le vieux chauffeur en se vissant sur le nez une paire de Ray-Ban aux verres fumés pour se protéger des rayons du… ah ben non, il pleut. Juste pour le style, alors.

Si tôt que le véhicule se mit en branle, l'autoradio cracha de la bonne musique bien retro en commençant par Sweet Home Alabama.

- Dommage que le volume soit si fort ! nota Peter.
- Qu'est-ce que tu dis !? hurla Charline.
- BAISSEZ LE SON ! cria Peter en tapant la vitre du bus du plat de la main.

Ce à quoi le chauffeur répondit d'un reniflement sonore, d'un « straight » méprisant, et d'un superbe doigt d'honneur ; néanmoins, il baissa le son.

- Il a la pêche pour un vieux con.
- Et de bons goûts musicaux !
- Dommage que ses oreilles ne suivent plus.

Ils ricanèrent tous deux comme des gosses. La pluie s'intensifiait et de grosses goûtes vinrent bientôt s'écraser sur les carreaux du bus, tranchant avec la bonne ambiance qui régnait à l'intérieur.

- C'est ce genre de moments atypiques qui me conforte dans le choix que j'ai fait de partir, pensa tout haut Peter.
- Tu as quand même de la chance que la première averse à laquelle tu doives faire face survienne alors que tu es à l'abri.
- Même, ça ne m'aurai pas dérangé de marcher sous la pluie.
- T'es maso ?
- J'aime la pluie.
- … Ah ?
- Etre trempé et enrhumé ne m'enchante pas vraiment, mais la pluie en elle-même ne me dérange pas. Vu de l'intérieur, je trouve ce temps apaisant ; peut-être même plus si j'avais été dehors.

Charline ne répondit pas, intriguée comme tout un chacun par ces petites manies et ces goûts bizarres qu'on trouve parfois chez les gens que l'on vient de rencontrer.

- Et toi, comment ça s'est passé ?
- De quoi ?
- Eh bien, tu viens de me dire que j'avais de la chance d'être à l'abri pour ma première averse. Ça veut dire quoi ? Que tu t'es fait foudroyer lors de ton premier orage ?
- Surement pas !
- Emporter par une coulée de boue ?
- Encore moins !
- … Tu t'es retrouvée trempée en t-shirt blanc sans rien dessous ?

Charline réprimanda Peter d'une tape sur l'épaule.

- Dommage que je ne porte plus que du noir, hein ?
- Ton linge finira par déteindre. En attendant, qu'est-ce qu'il s'est passé pendant cette fameuse averse ?
- … Un concours de circonstances assez improbable. Je m'étais retrouvée au beau milieu d'une immense prairie sans aucun arbre à perte de vue ; et puis, des nuages gris se sont levés.
- Laisse-moi deviner : tu n'avais pas de kawé !
- Bravo Sherlock. Mais là n'était pas le problème – enfin, pas le principal problème. J'ai un peu menti en disant qu'il n'y avait absolument aucun arbre, car en fait, il y en avait un. Il était gigantesque, touffu, solide, enfin bref, tous les qualificatifs positifs que tu espères pouvoir donner à l'arbre qui va t'abriter de la pluie, sauf qu'en plus de tout ça, il était loin ; genre à deux kilomètres.
- C'est la pampa chez toi.
- Faut dire que Hoenn n'est pas réputé pour ses forêts luxuriantes. Quoi qu'il en soit, j'ai couru jusqu'à cette arbre alors que la pluie redoublait d'intensité.
- Mmmhh… t-shirt blaaaaanc…
- Si ça peut t'aider à mieux imaginer la scène et à arrêter de m'interrompre, dis-toi que je ne portais rien ce jour-là.

Peter leva innocemment les yeux en l'air, feignant de visualiser la scène.

- Tu as toute mon attention.
- Mouais, c'est déjà ça. Pour en revenir au fait, j'ai couru vers cet arbre que j'arrivais à peine à distinguer à cause du torrent de pluie, tant et si bien que, dans ma course, j'ai trébuché dans les hautes herbes et suis tombée sur une touffe de poil.
- … ?
- Oui, de poils ! En fait, c'était une petite meute de Zigzaton et de Lineon qui essayait de se protéger comme ils pouvaient de la pluie. Tu as déjà dérangé ces Pokémon aux abords de leur terrier ?
- Non.
- He bien ne le fait jamais ! Ils m'ont coursé comme des Caninos enragés jusqu'à ce que j'arrive sous l'arbre.
- Pourquoi tu ne t'es pas battue ?
- J'y voyais rien avec la pluie ! Quand je suis finalement parvenue, à bout de souffle, sous ce gros arbre, j'ai fait appel à Majaspic, qui, à l'époque, n'était encore qu'un Lianaja, et je les ai dérouillé. Mais…
- …
- …
- … je sens que tu essaies de donner de l'ampleur à ta narration, mais je ne te donnerai pas cette satisfaction, jubila Peter.
- Salaud. Tout ça pour dire que l'arbre grouillait littéralement de Pomdepik !
- Ounch !
- Tu vois ? Pas besoin de feintes narratives pour te faire réagir. Et tu imagines bien qu'avec le combat que j'avais mené contre les Zigzaton et les Lineon, les Pomdepik ne se sentaient plus ; alors ils ont pété !
- La baise !
- C'est ça. Je me suis enfuie, mais les Nirondelle qui nichaient dans l'arbre, dérangés par les explosions, ont fondu sur moi en pensant que j'en étais responsable ! Alors j'ai encore couru, couru tant que j'ai pu en faisant de grands moulinets avec les bras pour me débarrasser de ces foutus piafs ! Epuisée, en panique, j'ai glissé sur une flaque de boue et suis tombée par terre, à la merci des coups de bec et de serres des Nirondelle qui s'en donnaient à cœur joie. Et c'est là que ma sauveuse est arrivée.

Un léger sourire attendri sur les lèvres, Charline fixait une de ses Pokèball qu'elle tenait tendrement au creux de sa main.

- Seviper.
- Ta Seviper t'as sauvé ?
- Oui. Elle est brusquement sortie des fourrés, la gueule grande ouverte, et s'est battu crocs et lame, fendant et tranchant mes assaillants en prenant bien soin de ne me pas me toucher. Lorsque tous les Nirondelle furent K.O. ou en déroute, elle m'a reconduit sous l'arbre, où j'ai attendu que la pluie s'arrête. Elle est restée lovée à mes côtés pendant tout ce temps, dissuadant n'importe quel occupant de l'arbre de m'approcher.

A la radio, Police battait la mesure sur Message in A Bottle.

- Lorsque l'orage fut fini, Seviper continua de me suivre sans que je ne lui demande rien ; au début, elle se tenait derrière moi à une distance raisonnable, mais bien vite elle monta à ma hauteur et, depuis, elle ne me quitte plus. Je me suis renseignée après ça, et il arrive, dans de très rares cas, que des Pokémon sauvages portent assistance à des êtres humains en détresse ; mais personne ne sait vraiment ce qui motive pareil comportement.
- Je sais ce que c'est, confia Peter, songeur, en dirigeant son regard vers Sandra, et ses pensées vers une Altaria juchée sur un pilier du pont cyclable de Parmanie.

*
* *

Catty s'assit côté fenêtre sur une banquette en retrait de Peter et Charline. Sandra se laissa tomber lourdement sur le siège à ses côtés, Mélo sur les genoux. La radio jouait du Lynyrd Skynyrd en arrière fond.

- Il essaye, le cousin, il essaye…
- Peter ? Qu'est-ce qu'il essaie ?
- De draguer Charline, pardi ! T'as vu comme il s'est empressé de s'assoir à côté d'elle ? Pff, quelle môme ; il sait même pas que les filles n'aiment pas les mecs empressés.
- Nous n'aimons pas non plus les hommes qui tournent trop longtemps autour du pot, précisa Catty en fixant à travers la fenêtre le Mont Sélénite sous la pluie.
- Oui mais bon, y a un juste milieu quand même. Là, ça fait carrément toutou trop content de retrouver son maître.

Silence. Catty s'arracha à sa contemplation et se tourna vers sa partenaire de commérage, avec l'air de celle qui vient de comprendre quelque chose qui ne va pas plaire à tout le monde.

- Je vois. En fait, pour toi, personne n'est parfait.
- Normal.
- Ce constat est légitime, car personne ne l'est. Mais ce qui ne va pas chez toi, c'est que ce n'est pas un simple constat ; c'est un reproche !

Sandra hésitait entre l'incertitude et la vexation.

- Personne n'est parfait, c'est un fait, poursuivit Catty. Peter l'a bien compris, car il assume le fait d'être un jeune homme bourru et rentre-dedans en se jouant de sa propre rudesse. S'il avait été aussi « bourrin », si j'ose dire, mais qu'il avait eu peur des impressions de Charline, je pense que le résultat aurait été bien plus lourdingue que ce à quoi on vient d'assister.

Charline donna une tape sur l'épaule de Peter.

- Elle a d'ailleurs l'air de bien aimer son envie de jouer à fond le garçon à la répartie grasse, prouva Catty.
- Mouais… elle est bizarre c'te fille.
- Tout le monde l'est de ton point de vue, même Edgar.

Sandra se redressa soudainement, les yeux écarquillés. Mélo manqua de tomba de ses genoux.

- Mais Edgar est le premier sur ma liste des gens bizarres !
- Ce qui est un tort, car même si je ne l'ai pas connu avant son mutisme, j'ai pu constater que vous le taquinez suffisamment, toi et Peter, sur son changement de comportement pour qu'il soit significatif.
- Et alors ? Avant c'était un con pédant et prétentieux, et maintenant c'est plus qu'un gratte-papier chiant à mourir.
- Tu ne peux pas en vouloir à quelqu'un à la fois d'avoir une personnalité assumée et de passer ses opinions sous silence. Et vu que toi et ton cousin lui avaient reproché d'être dans le premier cas, je constate qu'il est maintenant dans le second.
- Oui mais ça reste quand même un abruti, puisqu'il a changé juste pour nous plaire ! s'indigna Sandra, ne voyant pas trop où voulait en venir Catty.
- Ou bien par désir de s'améliorer, tout simplement ; après avoir réfléchi au bien-fondé des reproches que vous lui avez fait, il aura décidé de changer afin de tendre vers un idéal de perfection.
- Et on en revient à l'être parfait, la boucle est bouclée… soupira Sandra.
- Non, car personne n'est parfait, sourit Catty.
- J'aime pas la philo : c'est contradictoire.
- Ce n'est pas de la philosophie, mais juste de la logique comportementale.
- Oula… commence pas à inventer des sciences.
- Tu n'aimes pas que les gens aient des personnalités fortes qui empiètent sur tes opinions, et tu n'aimes pas non plus qu'ils aient peur de les assumer. Mais il y une troisième catégorie de personne dont nous n'avons pas parlé.
- Laquelle ?

Nouveau sourire de Catty. Ses yeux bleus brillaient de la même lueur de convoitise qu'ont les concierges quand elles entendent des ragots.

- Ceux, trop sûrs d'eux, qui, après s'être trop longtemps complu dans la certitude, se sont tournés vers la remise en question, en attendant d'atteindre le troisième cas.

Sandra semblait autant intriguée par ce discours que lassée par son ton énigmatique.

- Et… c'est quoi, le troisième cas ? finit-elle par demander, curieuse.
- L'acceptation.
- … c'est nul comme révélation ! Et c'est contradictoire de dire qu'il faut changer pour s'accepter tel qu'on est.
- C'est justement ce changement qui fait que nous pouvons nous accepter tel que l'on devient.
- Mais ce qui a de con dans ton raisonnement, c'est que l'acceptation, c'était le premier cas !
- Ah non ! nia Catty en jetant à Sandra un regard de connivence. Le premier cas, c'est la complaisance.
- Tu m'expliques la différence ?
- Ce serait trop facile. En fait non ; ce serait trop compliqué, au contraire. Si tu veux vraiment comprendre la différence, il te suffira de surveiller ce qu'Edgar va devenir. Tu seras surprise du gouffre qui le séparera de ce qu'il était auparavant.
- A t'entendre, on croirait qu'il va sortir de son cocon pour se changer en Papillusion.

Gloussement des deux filles qui se voient déjà l'image d'un Edgar tentant de percer sa chrysalide à coup de dents.

- Non, lâcha Catty en ricanant. Je suis trop pragmatique pour croire à ces bêtises New Age.

Sting entonnait le premier couplet de Message In A Bottle à la radio en canon avec le vieux chauffeur.

- Rooh non !... J'ai horreur de Police, souffla Sandra.
- Et si toi aussi tu désires un jour atteindre ce troisième cas, il faudra que tu viennes à bout de ce petit penchant que tu as pour les complaintes et les atermoiements.
- Je ne me plains pas : je dis ce que j'aime et ce que je n'aime pas, indiqua Sandra sur un ton tout ce qu'il y a d'académique. Et les mecs adorent les filles qui savent ce qu'elles veulent, rajouta-t-elle d'un air vicelard.

Catty leva innocemment les mains.

- Ce que tu fais pour mener les hommes dans ton lit ne me regarde pas.
- Mais t'es pas bien !? J'ai jamais couché avec personne ! Non mais Oh !!

Le bus s'arrêta brusquement, faisant valdinguer tout le monde sur la banquette de devant ; le vieux chauffeur de profession, et emmerdeur de vocation, coupa l'autoradio après s'être garé sur le bas-côté, s'accouda sur le dossier de son siège et posa sur ses six passagers un regard grave.

Tous se turent.

*
* *

(Je sais. Faire un retour temporel juste après le cliff-hanger, c'est bas. Mais bon, que voulez-vous : c'est mon côté Balisto ! ndla)

Peter venait de s'assoir à côté de Charline et Sandra avec Catty. Edgar, lui, se résigna à tenir compagnie à Benjamin, tout en sachant d'avance qu'il n'y aurait pas d'échange entre eux. Benjamin était un grand dadais brun aux cheveux en batailles, au teint pâle et au regard endormi. Et Edgar… eh bien, c'était Edgar.

Benjamin, côté fenêtre, trifougna dans son sac et en sortit un album photos épais comme un annuaire et un appareil photo argentique à l'objectif gros comme un canon. On sentait que la photo, c'était son dada, sa passion. Il compulsait pensivement son album photos en fronçant les sourcils à chaque fois qu'il décelait une petite imperfection dans un des clichés, ce qui lui donnait l'air d'un veilleur de nuit luttant contre le sommeil.

Edgar avait les mains crispées sur ses genoux. Il regardait les photos par-dessus l'épaule de Ben sans trop savoir s'il devait commenter ou pas. Et de toute façon, que pouvait-il bien lui dire ? Ils ne se connaissaient pas et n'avaient rien en commun. Il jeta des regards furtifs aux autres occupants du bus qui discutaient tranquillement et se refrogna. Etait-il donc si peut social qu'il n'arrivait même pas à engager la conversation avec un inconnu ?

Edgar prit une brève inspiration pour se calmer et se jeta à l'eau.

- Tes photos sont belles.

Ca y est, il l'avait dit.

Edgar fixa intensément Ben, attendant sa réaction avec appréhension. Mais celui-ci restait figé dans sa contemplation sans faire attention à Edgar. Puis, après un petit blanc, Ben releva subitement la tête de ses photos, et demanda comme un homme qui pique du nez qu'on vient de réveiller :

- Hein ?

Edgar, prit de court, balbutia.

- Euh je… je disais que… tes photos étaient belles… voilà voilà.
- Merci, répondit Ben en souriant. J'attache beaucoup d'importance à mon travail de photographe. D'ailleurs, je considère d'avantage la photo comme une passion que comme un travail. Et c'est la meilleure chose que l'on puisse avoir, un travail passionnant. Tu ne trouves pas ?

Edgar était tendu comme les bretelles d'un obèse. Il ne s'attendait pas dutout à ce que Ben lui réponde avec autant de naturel et de sérénité.

- Ça va ? lui demanda le photographe. Tu as l'air crispé.
- Oui oui. Ça va. C'est juste que …

Benjamin attendit posément la suite. Mais Edgar laissa sa phrase en suspens et poussa un soupir lourd des angoisses qu'il expulsait.

- Je suis désolé. Je dois te paraître enquiquinant avec mes commentaires insipides.
- Non, pas du tout… tenta de tranquilliser Ben.
- C'est que… j'ai du mal à faire la conversation courante ; quand on ne connait pas la personne avec qui on parle, il est difficile de trouver un sujet intéressant qui ne soit pas bateau et attendu. Et je dois bien avouer… que je n'aime pas ce genre de conversation.
- … C'est pas banal, ça, rigola Ben.

Edgar haussa les sourcils.

- Tu te moques de moi… ? demanda-t-il, incrédule.
- Absolument pas. C'est juste que tu viens de me dire que tu n'aimais ni ne savais faire la conversation courante, tout ça en engageant la conversation de ton propre chef. J'ai comme l'impression que ce que tu fais contredit tes dires.

Le jeune médecin fixait Ben, mi-figue, mi-raisin.

- Je ne sais pas comment on en vient à de telles conclusions, surtout à ton âge, poursuivit Ben, mais ce qui est sûr, c'est que personne ne déteste vraiment discuter avec ses semblables, même si c'est parler pour ne rien dire. Alors inutile de stresser dès qu'il s'agit d'aborder quelqu'un, lui sourit-il.

Le bus pila soudainement et se rangea sur le bas-côté à la hauteur d'un arbre rachitique. Le vieux hippies au volant éteignit la radio et toisa tous les occupants du bus d'un regard circulaire.

- Les jeunes… introduit-il d'un ton grave.

Tous se turent et se pendirent aux lèvres du vieux chauffeur qui se coiffa d'un chapeau en toile huilée à larges bordes comme en ont souvent les gardes forestiers dans les feuilletons américains.

- Vous avez de la chance d'être jeune. Parce qu'à mon âge, vous pouvez pas imaginer les emmerdements que peut me filer ma prostate !

Il se leva, ouvrit la porte du fourgon et annonça à la cantonade :

- Faut que j'aille pisser !

Et il sortit sous la pluie, qui n'était plus qu'une fine bruine, pour se diriger vers l'arbrisseau qui ne demandait pas tant d'eau. Les six passagers se levèrent de leur siège afin d'aller respirer un peu d'air frais par l'entrebâillement de la porte.

- C'est rafraichissant un temps comme ça, dit Peter.
- Tu le fais pas sortir ?

Sandra venait de demander ça à son cousin en lui présentant Mélo qu'elle tenait dans ses bras.

- Ah oui, pas bête. Mais je suis sûr que même ça, ça ne l'amusera pas plus que ça.

Et de faire sortir Kaiminus de sa Pokéball sous la pluie. Aussitôt libre, le Pokémon s'assit dans l'herbe humide et ouvrit grand sa gueule vers le ciel pour y recueillir l'eau de pluie.

- On dirait un gosse de quatre ans, nota Charline.
- Ou encore une fleur qui s'ouvre pour recueillir la rosée du matin, enjoliva Edgar.
- Quel lyrisme… se moqua Sandra.

Kaiminus, poète à ses heures, se gargarisa bruyamment de l'eau ainsi recueillie et l'avala avant de se remettre à puiser.

- Yerk !
- C'te classe, se plaignit Peter.
- Le digne Pokémon de son maître !
- Merci…

Un grand « Ziiiiip » vint couper court aux admirations de la foule. L'homme qui prenait les troncs d'arbres pour des pissotières revint jusqu'au bus.

- Si j'en entends encore un critiquer ma musique, j'vous préviens, ça va chier !
- J'ai pas critiqué, se justifia Peter, se sentant visé. J'ai juste dit que c'était trop fort.
- Ca, c'était borderline, mais ça passe encore. Je parlais de la petite aux cheveux curaçao qui chougnait parce qu'elle aimait pas Police.
- Bah quoi, c'est vrai : Police, c'est nul.
- 'Tar ta gueule, toi ! Insulte pas Sting ! Il a fait rêver des dizaines de générations alors que toi tu fais juste chier la tienne.
- Pas faux, renchéri Peter.
- Tout ce bordel parce que j'ai exprimé mes goûts…
- En bafouant les miens ! Et le respect pour les ainés, j'm'assois dessus, c'est ça !? beugla le sénile en s'asseyant derrière le volant.
- Non mais c'était juste pour Police, le reste c'était bien. Tiens, d'ailleurs, si vous avez du Kool and The Gang, j'suis d'accord.
- Mouais…

Un horrible reniflement vint ponctuer la réflexion du vieux.

- Je t'absous ! Mais gaffe-toi de plus cracher sur ma Giga Compil'.

Le chauffeur se recycla soudain en DJ et pianota sur son autoradio aux mille et un boutons. S'ensuivit le début de Get Down On It, du groupe sus-cité. (J'hésite à faire passer cette fanfic en songfic, ndla)

Sandra s'assit sur le siège qu'elle avait quitté, mais ce fut Charline qu'elle trouva à la place de Catty. Elle coula un rapide regard sur les dispositions de ses compagnons de route et vit Peter en compagnie d'Edgar, et Catty avec Ben.

- Ca y est, tu changes de voisine de banquette et t'es perdue, se moque Charline.
- C'est surtout qu'en m'asseyant à côté d'une brune, je m'attendais à ce que ce soit la même que tout à l'heure. Enfin bon, ça va me donner l'occasion de savoir comment Peter s'en sort.
- Je ne vois pas dutout de quoi tu veux parler, mentit éhontément Charline.
- Mais si, tu sais, sa parade nuptiale super lourde faite juste sous les yeux de ton p'tit copain.
- De mon petit copain !? s'étonna Charline.
- Beeeh… bêla Sandra, oui. Ben. C'est bien ton petit copain, non ?
- Euh… non, pas du tout !
- Mais pourtant, tu avais dit que c'était ton compagnon, alors j'avais compris que…
- Oulaaaa…

Charline se pinça l'arête du nez avec le pouce et l'index et soupira. Sandra, elle, était plutôt pommée.

- J'ai dit ça parce que je voyais bien que Peter s'intéressait à moi, alors j'ai fait planer une ambiguïté, histoire de. Mais il n'y a pas cru une seule seconde ; je me demande même s'il a compris le double sens du mot compagnon. Enfin bon, je ne pensais pas que quiconque avait… scotché sur cette blague ! souffla-t-elle, consternée.
- Hé ! Hé ! Doucement, la vipère. Me gueule pas dessus, ok ? C'est toi qui as instauré le doute, tu te souviens ?
- Oui, oui. Désolée. C'est juste que... tu es aussi barrée que ce que m'a dit ton cousin.
- Parce que quand vous êtes ensemble, le seul sujet qui vous vient, c'est moi ?... Comment ça, barrée !?
- En fait, on parle de tout et de rien ; de notre famille ; de nos péripéties.
- C'est assez passif comme drague, confia Sandra, ennuyée.
- En fait, on ne se drague pas. Peter est mignon, marrant, plein d'esprit et de bonnes intentions. Mais il n'a entreprit aucune véritable démarche de «séduction », si je puis dire ; et moi non plus d'ailleurs. Il m'intéresse, c'est réciproque. Pour l'instant ça ne va pas plus loin.

Le regard de Sandra erra dans le vague un moment, puis finit par se fixé sur un point précis.

- Et Ben dans tout ça ?

Charline fut surprise du changement de sujet.

- De quoi Ben ?
- Eh bien… il voyage avec toi, vous êtes ensemble tous les jours, et vous vous entendez plutôt bien. Alors bon, je me dis qu'au bout d'un moment, il serait normal que vous pensiez à… tous les deux… tu vois ?

Charline, éberluée, restait figée devant une Sandra au final un peu gênée par son propre raisonnement ; puis elle lui explosa de rire à la figure. La brune se tenait les côtes dans son fou rire. Sandra ne pouvait qu'observer et espérer qu'elle ne se moquait pas d'elle, mais de quelqu'un d'autre. Quand Charline eut retrouvé son souffle, elle put articuler ses mots dans un chuchotement :

- Ben… aha… Ben est gay !

Douche froide pour Sandra qui se retrouva bien nouille ; elle et sa logique sentimentale à deux cesters, ça lui apprendra. Et elle se mit à rire ; à mourir de rire. Cette fois ce fut Charline qui se demanda ce qui la faisait tant se gondoler. Elle lui fit comprendre d'un haussement d'épaule.

- Ben… mouarf ! Ben a pas arrêté de faire de grands sourires à Edgar pendant le début du trajet ! s'esclaffa-t-elle en se frappant la cuisse. Rolala ! Quand je vais lui dire au Edgar, il va être vert, cul-serré comme il est !

Quelques banquettes devant, Edgar éternua.

- Va pas attraper un rhume avec ce temps, lui dit Peter. Ce serait un comble si c'était le médecin du groupe qui tombait malade en premier.
- Merci, mais ne t'en fais pas pour moi, je saurai me soigner.

Petit silence durant lequel Peter jouait nerveusement avec la crête de Kaiminus.

- Bon, lâcha-t-il enfin. Technique pied dans le plat : va voir Sandra !
- Mais… elle va m'insulter et m'envoyer paitre.
- Non, elle va t'insulter et tu lui parleras quand même. Et c'est la seule façon pour que vous ne soyez plus tendus comme des strings à chaque fois que vous vous retrouver à moins de trois mètres l'un de l'autre.
- Je crois plutôt qu'il vaudrait mieux que j'attende qu'elle ait une meilleure image de moi.
- Ah oui, l'attente est une bonne idée. C'est d'ailleurs comme ça que Luke Skywalker est venu à bout du joug de Dark Vador : en attendant !
- Ceux sont des personnages fictifs, Peter.
- Parce que tu crois que les grands évènements se produisent juste parce qu'on les a attendu ? Dark Vador est une grand-mère qui tisse du canevas au coin de la cheminée comparé à Sandra ; quand elle a quelqu'un dans le nez, elle ne se contente pas simplement de le découper au sabre laser.

Edgar se tourna furtivement vers la banquette de Sandra et Charline et soupira.

- Donc tu crois que lui parler arrangerai les choses ?
- Tu as déjà essayé ?
- … Non, c'est vrai…
- Bah voilà. Au pire, elle t'érigera au rang de nuisance absolue pour l'espèce humaine et elle piquera des poupées vaudous à ton effigie.
- J'aime bien ton flegme, sourit Edgar. Tu as le don de tourner en dérision tous les problèmes.
- Quand on s'est rencontré il n'y a même pas un mois, tu étais comme ça aussi. Moins marrant, certes, car personne n'égale mon humour, mais tu essayais toujours d'avoir le dernier mot. Qu'est-ce qui a changé depuis ?
- Eh bien…

Il fit une moue dédaigneuse autant adressée à l'objet de son tourment qu'à lui-même et lâcha.

- … c'est à cause de Mendès.
- Le toubib d'Argenta ?
- Oui. Il m'a brisé pendant que j'étais étudiant, et je me suis endurcie justement pour ne pas pâtir de son mépris. Mais le revoir sans m'y attendre m'a ébranlé.
- Tu as l'art de bien choisir tes mots, pouffa Peter.
- Quel gosse tu fais ! Je te parle sérieusement et tu ris d'une allusion à la masturbation. Franchement…
- Désolé, désolé. Et donc je suppose que les piques de Sandra ont commencé à faire mouche une fois que tu as revu Mendès.
- C'est ça. D'autant plus que certaines étaient fondées…

Tous deux se turent. Edgar n'osait pas faire part de ses défauts à voix haute, et Peter n'avait nulle envie de les connaître. Edgar finit par relever la tête et demanda de but en blanc :

- Tu ne la trouve pas bizarre, Catty ?
- Si, répondit Peter au tac au tac. Je voulais d'ailleurs t'en parler, vu que tu es plus susceptible que Sandra de garder une confidence. C'est Flint qui m'a mis sur la piste, et j'avoue que je la trouve de plus en plus bizarre.
- Flint ? Qu'a-t-il trouvé de compromettant à son sujet ?
- Tu te rappelles des Pokémon qui la poursuivaient avant l'éboulement ? Il y avait un Charmina. Flint m'a dit qu'aucun Charmina sauvage ne vivait dans le Mont Sélénite ; c'est donc que…

Clac ! Edgar se frappa violemment le front du plat de la main, la tête en arrière.

- Ça va ? s'inquiéta Peter.
- Mais quel imbécile ! Je fais des recherches avec le professeur Pokémon le plus compétent de tout Kanto et je ne remarque même pas ça, se reprocha-t-il.
- J'avoue, t'es un gland. J'aurais cru que tu l'aurais remarqué… mais attend, si ce n'est pas ça qui t'a aiguillé, pourquoi trouves-tu Catty bizarre ?

Edgar poussa un long soupir en se pinçant l'arête du nez ; une fois remis de la prise de conscience de sa stupidité, il regarda en direction de Catty pour vérifier qu'elle ne l'entendait pas.

- Elle connait Mendès, confia-t-il.
- … Et alors ?
- Pour moi, quiconque le connait, et admire ses travaux de surcroit, est un être foncièrement mauvais, ou au mieux, suspect.
- C'est un peu arrêté comme opinion du bonhomme.
- Tu ne le connais pas, Peter. Et puis, si elle admire tant ce salaud, pourquoi a-t-elle refusé d'aller le voir ? Ou au moins, de le saluer ? Je la soupçonne de tremper dans quelque chose de pas net avec Mendès.

Peter réfléchit en grattant pensivement les écailles du crâne de Kaiminus sur ses genoux. Il en profita aussi pour écarter une mèche de ses cheveux rouges qui lui tombait dans les yeux.

- Ca se tient… même si j'accorde plus de crédit à la présence du Charmina pour la soupçonner de quelque chose.
- C'est vrai que cette preuve est plus empirique et moins personnelle que la haine que j'éprouve pour Mendès. Mais les deux réunis font qu'elle ne m'inspire pas confiance, dit-il en désignant Catty d'un signe de tête. Tu lui as déjà parlé de tes soupçons ? s'inquiéta-t-il finalement.
- Non, pas encore. Mais je crois qu'au prochain arrêt pipi du chauffeur, j'en profiterai pour m'assoir à côté d'elle et la prendrai à parti.
- Bonne idée. J'essaierai de toucher deux mots à Sandra et d'arranger les choses.
- Rahhh ! Putain d'feu rouge !

Le conducteur hippie rageait sur le feu de signalisation auquel il avait dû s'arrêter. Le carrefour était désert et la pluie commençait à se calmer. Il profita de l'immobilité du fourgon pour mettre les Kinks à l'autoradio et tambourina sur le volant en croyant que ça allait faire passer le feu au vert plus vite.

- Rooh allé quoi ! On est à dix minutes du terminus ! Va pas me faire chier maintenant !
- Dix minutes !? s'étonna Peter.
- C'est vrai qu'on a du mal à croire que contourner le Mont en bus prend moins d'une heure et demie alors que son ascension à pied a duré trois jours, remarqua Edgar.
- M'en fout de ça ! C'est surtout que je ne vais pas pouvoir parler à Catty.
- Ni moi à Sandra, réalisa-t-il.
- Le fait que ça t'importe soudain est assez déroutant… Il faut trouver un moyen d'arrêter ce bus !
- Tu ne penses quand même pas à assommer ce pauvre vieil homme !?
- J'y ai pensé mais non : trop d'ennuis avec la justice, tout ça tout ça… Non, ce qu'il faudrait…

Et de réfléchir à toute allure en palpant frénétiquement la tête de Kaiminus comme si c'était une balle anti-stress. Le Pokémon, ennuyé, émit de petits couinements de gêne.

- … ce qu'il faudrait… raah tait-toi, toi !... Mais oui, j'ai trouvé ! Viens là, Kaiminus !
- Kai ?
- Ecoute-moi bien, chuchota Peter en ouvrant la fenêtre. Tu vas passer par la fenêtre et mordre un pneu pour qu'il crève. OK ?
- Peter, tu n'y penses pas !?

Le Pokémon réfléchit quelques instants et fit non de la tête en croisant les bras pour appuyer son refus.

- Non mais c'est pas compliqué quand même ! T'es un crocodile, t'aimes mordre des trucs, alors tu sors et tu fais péter ce foutu pneu !

Le bus était toujours à l'arrêt, mais soudain, le feu passa au vert. Le chauffeur embraya sa première en bataillant avec la tringlerie rouillée du boitier de vitesses.

- On n'a plus le temps. Fonce !

Et de lancer Kaiminus par la fenêtre.

- Kai !!

Le Pokémon tomba sur le bitume de tout son poids mais se releva aussi sec pour menacer son dresseur du poing en l'invectivant.

- Ah ça pour gueuler, y a du monde ! Va mordre un pneu avant que le bus ne démarre, sinon tu vas rester pommé en pleine nature.
- Peter, menacer un Pokémon de la sorte est indigne d'un bon dresseur.
- Mais il est odieux ce Pokémon ! Ah !

Le bus commença à avancer à pas d'homme.

- Plus que quelques secondes, Kaiminus.

Le Pokémon baissa le poing et regarda, les yeux écarquillés, le bus se mettre lentement en branle. Il secoua sa petite tête pour se remettre les idées en place et couru à petites foulées sous le bus.

- Oh non ! Me dit pas qu'il va s'accrocher sous le bus pour pas avoir à mordre un pneu, geignit Peter.
- Il est malin, admira Edgar.

Un grand PAN ! résonna dans le fourgon, suivit d'un soupir éventré ainsi que d'un affaissement du véhicule sur sa partie arrière droite.

- Ouf… il l'a fait, souffla Peter, soulagé.
- Il est passé sous le bus pour crevé le pneu arrière droit, et ainsi ne pas être vu par le chauffeur. C'est toujours malin, complimenta le médecin.
- C'est quoi ce bordel !! hurla le vieux chauffeur en pilant. Me dites pas qu'on a crevé !!

Il coupa le moteur et alla jeter un coup par la fenêtre passager sur le pneu arrière.

- Et merde ! Encore un salopiaud qu'a jeté sa merde sur la route ! Et le respect de l'environnement, on se le taille en biseau ?

Et il continua de râler en sortant du bus pour aller changer sa roue.

- Va vite voir si Kaiminus va bien, somma Edgar.
- Et comme ça, j'inciterai les autres passagers à sortir du bus et je pourrai parler tranquillement à Catty dehors ; bonne idée ! gratifia Peter en sortant.
- Je pensais juste à la santé de ton Pokémon, mais bon…

Et les six passagers sortirent du bus pour fouler une herbe grasse et détrempée sous un ciel blanc où pointait une légère éclaircit.

- P'tain ! On a roulé sur une mine ou quoi !?

Le chauffeur faisait des yeux ronds comme des bassines devant le pneu éventré sur plus de cinquante centimètres. Il partit farfouiller dans le coffre du fourgon pour en extirper une boite à outils et une roue de secours.

- Ouhou ! Kaiminus !

Peter jetait des coups d'œil sous le véhicule en quête de son Pokémon. Il le trouva finalement plus loin sur le bas-côté en train de crachoter avec dégoût les morceaux de pneu qui lui restaient entre les dents.

- Te voilà, saboteur. Je sais que ce n'étais pas très sympa, mais je suis fier de toi.

Pour seule réponse, le Pokémon lui envoya un Pistolet à O en pleine poire.

- Arg ! Petit con ! J'vais t'apprendre !

Peter amorça un grand shoot dans son Pokémon mais fut interrompu dans son geste par le raclement de gorge réprobateur de Charline, derrière lui avec Ben. Elle se tenait, impassible, les bras croisés sur la poitrine, le regard sévère.

- J'espère que tu n'allais pas vraiment le frapper, le prévint-elle.
- Euh… nooooon…

Alors que Catty aidait le vieux chauffeur à s'improviser mécano, Edgar s'avançait vers Sandra. Elle était appuyée sur le capot du van et désespérait de donner à Mélo quelque expression faciale que ce soit.

- Je crois que c'est peine perdue avec lui, préambula Edgar.
- Toujours aussi fataliste.
- C'est ma marque de fabrique.

Elle le regarda et parvint à lâcher un petit sourire en coin ; il était d'avantage moqueur qu'amusé, mais il était bien là.

- Je… je pourrais te demander comment va ta jambe depuis ta chute dans le Mont Sélénite, mais je vois bien que la blessure guérie parfaitement…

En effet, la compresse qui recouvrait une bonne partie du mollet de Sandra était propre.

- … et puis tu te rendrais immédiatement compte que c'est un prétexte fumeux pour venir te parler.
- Abrège...
- Je sais que je suis un peu lourd parfois, que je parle beaucoup pour ne rien dire et que je suis un peu psychorigide…
- Oh, si peu…
- … mais je te pardonne de ne pas supporter mes traits de caractère, Sandra !
- Doh ! De quoi !? Tu me pardonnes !? s'égosilla-t-elle, ne s'attendant pas vraiment à se faire reprocher quoique ce soit par Edgar.

Celui-ci la regardait patiemment dans les yeux sans une once de malice. Il était calme et détendu.

- Tu as des choses à me reprocher, j'en suis conscient, et je travaille à effacer les objets de tes griefs ; mais j'attends de toi les même efforts pour faire changer ton caractère, disons… pas facile.
- Non mais tu crois quoi ? Que je vais changer pour te plaire !?
- Espérer ça serait vain et stupide de ma part, tout comme m'imaginer que devenir quelqu'un d'autre me rendrait intéressant à tes yeux.

Sandra ne répondit pas et attendit la suite en fronçant les sourcils et en se disant que son interlocuteur avait vraiment une logique bien à lui.

- Je veux… je veux juste qu'on se reparle comme avant, qu'on s'adonne à nouveau à des joutes verbales dont nous seuls avions le secret, mais sans la ridicule rivalité dominatrice qui siégeait entre nous jusque-là.
- En gros tu me demandes de faire comme avant mais en étant gentille.
- C'est succinct… mais c'est l'idée, approuva-t-il.
- Et j'y gagne quoi, moi, dans ton plan de paix universelle ?
- Eh bien…

Edgar fit mine de réfléchir en se tenant le menton et finit par désigner ses chaussures ; Sandra baissa les yeux et vit Mélo, aux pieds d'Edgar, observant intensément le lustre de ses souliers. Elle n'avait même pas vu le Pokémon la quitter.

- Comme on a rien sans rien, et que tu n'aimes pas trop ton Mélo, je me suis dit que, peut-être, ça te ferai plaisir de l'échanger contre mon Ptéra.

Et de ponctuer l'accord en tendant à Sandra la Pokéball de ladite créature.

- Mais… tu… noooooooon ! mugit-elle en écarquillant les yeux.
- Non ? Tu es sure ? se moqua Edgar en la prenant au mot.

Elle lui arracha la Pokéball des mains.

- Non mais t'es pas bien !? C'est pas un marché qui se refuse ! Tiens, la Pokéball du Malabar !

Et de lui lancer la petite sphère de Mélo.

- Merci… souffla-t-il en souriant, gêné.

Un petit silence s'installa entre eux ; Edgar cherchait quelque chose à dire alors que Sandra s'extasiait devant la Pokéball de son nouveau champion sans pour autant oser l'ouvrir.

- Je suis désolé.

Les paroles d'Edgar tirèrent Sandra de sa contemplation.

- Je suis désolé pour ce que je t'ai dit là-bas, fit Edgar en désignant la montagne de la tête.

Sandra le fixa, surprise, puis finit par pouffer de rire et lui flanqua une bonne droite dans l'épaule.

- Aïe !
- C'est oublié. Et… merci à toi ! lui accorda-t-elle avec un grand sourire.

Alors que les violons entonnaient les hymnes de la réconciliation, Peter était parvenu à échapper à la pluie de reproches de Charline et se dirigeait vers Catty, toujours affairée à aider le vieux à changer son pneu.

- Hum hum…
- Qu'est-ce que t'as, morveux !? Tu vois pas qu'on change la roue ? J'peux pas te faire arriver à Azuria plus vite, va falloir t'y faire !
- Oui… oui… c'est très regrettable mais… je pourrai te parler seul à seul Catty, s'il-te-plait ?

L'intéressée releva la tête de ses boulons et adressa à Peter un regard innocent et ingénu.

- Oui, bien sûr. Je reviens de suite, Stan.
- A toute.

Peter et Catty s'éloignèrent du chauffeur.

- Tu ne perds pas de temps, toi, pour faire connaissance. Tu l'appelle déjà par son prénom.
- C'est lui qui n'a pas voulu que je l'appelle monsieur ; si je l'écoutais, je devrais le tutoyer, et lui m'appellerai « poulette ». Tu voulais me dire quelque chose ?
- Euh… oui. Comme on va bientôt arriver à Azuria, je voulais savoir comment tu allais…

Catty continua de fixer Peter sans sourciller.

- … Parce que, tu vois, tu en viens… et puis tu y retournes… genre tu as fait tout ce trajet pour rien, retour à la case départ, alors je me disais que, peut-être, ça te mettais un coup au moral…

Catty laissa planer le silence un petit moment, ses yeux bleus toujours rivés innocemment dans ceux de Peter ; ce dernier espérait qu'elle se trahisse par une quelconque expression inhabituelle. Mais elle finit par afficher un grand sourire.

- C'est gentil de t'inquiéter pour moi, mais je m'estime plutôt chanceuse d'avoir fait ta connaissance, ce qui fait que mon voyage jusqu'à Argenta n'aura pas été inutile ; grâce à toi, je vais pouvoir rencontrer des journalistes pour mes recherches, alors je n'ai pas à me plaindre, sourit-elle d'autant plus.
- Oui, éhé, c'est sûr ! « Elle va pas lâcher le morceau ! » Mais bon, je me disais aussi que tu n'aimerais peut-être pas qu'on s'éternise trop à Azuria, parce que, bon, si on croise tes collègues de boulot, ils risquent de bien se foutre de toi, vu le détour que t'as fait.

Catty se frotta l'arrière du crâne d'un geste distrait et rit jaune.

- Oui, c'est vrai que ce n'est pas vraiment ce que je veux, mais bon, ceux ne sont que quelques moqueries, ce n'est pas bien grave. Et après tout, dès que vous aurai obtenus vos badges d'arènes, toi, Sandra et Edgar n'auraient plus rien à faire dans cette ville, alors inutile de se presser d'avantage. Sans compter que la victoire sur le champion de la ville ne sera pas bien difficile à obtenir, ajouta-t-elle pensivement.

Ce fut Peter qui tiqua cette fois-ci.

- Ca veut dire quoi, ça ? Tu connais le champion ?
- Tu n'as jamais entendu parler de lui ? s'étonna-t-elle.
- Non, jamais.
- Ah bon. Pourtant, il a une sacrée réputation de… laxiste, dirons-nous. C'est un personnage emblématique d'Azuria qui sait comment entretenir sa légende, mais pas son ration de victoire.
- Il est comment ? Il utilise quel type ? s'enquit aussitôt Peter, friand d'informations pouvant lui donner accès à une victoire facile.
- Tout le monde dans l'bus ! La roue est changée, et c'est pas grâce à vous, jeunes ingrats ! cria le chauffeur. Non mais franchement, une bande de jeunos qui laisse un vieux changer une roue, y a de quoi se l'arrondir à la râpe à fromage !

Alors qu'ils se dirigeaient vers le fourgon, Catty susurra mystérieusement à Peter :

- Tu le sauras quand on y sera. Je ne voudrais surtout pas te gâcher la surprise.

Et elle monta dans le bus à la suite de Ben et Charline. Peter, lui, alpaga Edgar et Sandra avant qu'ils ne montent à bord ; ils étaient tous les deux en train de discuter tranquillement en rigolant.

- Eh bien, la vie est belle pour vous deux.
- Oui, on s'est réconcilié, et…
- Pendant ce temps, tu n'as eu aucune pensée pour moi qui soutirait des informations à l'ennemi, Edgar !
- Ce n'est tout de même pas pour une mission suicide que tu t'es engagé, Peter, relativisa Edgar. Alors, que t'as-t-elle dit ? Et j'ai mis Sandra au courant des soupçons que nous nourrissons.
- J'avais rien vu venir, avoua-t-elle.
- On avait remarqué… En fait, elle n'a rien lâché. Elle a même repris la conversation en main en me parlant du champion d'arène et…
- Et tu t'es fait blouser comme un débutant ! Franchement, t'es pas crédible, cousin…
- Elle a été formée au KGB, je ne vois que ça…
- Donc, si j'ai bien compris, t'as mission est un échec ? supputa Edgar.
- Pas tout à fait.

Peter se rapprocha de ses deux complices et chuchota, conspirateur :

- Malgré ce que vous pensez de moi, je ne suis pas un incapable doublé d'un Insolourdo. Lorsque je lui ai dit qu'elle n'apprécierait peut-être pas d'être revue à Azuria par ses collègues de boulot, vous savez ce qu'elle a dit ?

Les deux autres firent non de la tête.

- Elle a confirmé : elle préfèrerait ne pas être vu à Azuria. Et mieux encore ; elle ne veut pas qu'on s'y éternise !
- Et ça change quoi ? demanda Sandra.

Edgar aussi avait l'air perdu.

- Ca veut dire que si on veut pouvoir lui tirer les vers du nez et la faire chanter, c'est à Azuria qu'il faudra qu'on le fasse ! Demain, l'opération « Fuite de gaz » commencera au lever du soleil. Et je ne tolèrerai aucun échec !

Et il monta dans le fourgon.

- « Fuite de gaz » !? s'exclama Edgar.
- Ouais… il a vraiment des goûts de chiotte pour les noms de missions…