Chapitre 8 : Voile Miroir
Nous partîmes en direction de notre forêt. J'étais reconnaissant envers mes compagnons de ne pas poser de questions. Obscur-Balafré déclara seulement : « C'est notre ennemi, tu n'aurais pas du l'épargner, quelles qu'en soient tes raisons. Tu vas t'attirer que des problèmes et cet humain ne te le rendra pas. Il ne le méritait pas. » Cette phrase sonnait tellement vraie. Heureusement, plus personne ne parla après cette intervention. Cependant, je sentais quand même, dans leur regard, qu'ils auraient souhaité des explications. L'envie et le courage de le faire me manquaient pour l'instant. Dès que je les regardais, ils détournaient les yeux, sauf Terreur-des-Hommes à qui j'avais promis de parler. Elle était tout de même visiblement nerveuse. L'ambiance me pesait, à moi aussi. Arrivés à proximité de notre terre, je m'arrêtai. Je demandais aux autres de rentrer, le temps que je disse deux mots au Migalos. Ils s'exécutèrent à contrecœur. Dès qu'ils furent éloignés, le Pokémon que j'avais le moins envie de voir à ce moment sortit des branchages.
...............- La mission aurait-elle échoué ? me lança Malin-Fureteur d'un air narquois.
...............- Je n'ai pas à me justifier devant toi.
...............- Non, bien sûr. Mais je n'étais pas encore au courant que tu étais un traître. Du moins, je n'avais jamais eu la preuve pour confirmer mes soupçons... Que t'apprêtes-tu à raconter à Protectrice-Colérique ?
...............- Crois-tu vraiment que je vais lui mentir ? Ce que j'ai fait ne te regarde pas. Ce que je ferai encore moins. Déguerpis.
...............- Je voudrais juste m'assurer que la version qu'aura notre protectrice sera conforme aux faits.
Terreur-des-Hommes s'interposa alors que j'allais répondre qu'il ne savait rien des faits. Elle affirma avec justesse que ce n'était pas ses affaires. Protectrice-Colérique jugerait elle-même. Il n'y avait rien d'autre à en dire d'après elle et elle avait raison. Je la remerciai d'un sourire crispé pour son intervention. Le Fouinar s'en alla, l'air satisfait. Mon amie me surveillait pour s'assurer que je pouvais me contenir. Je ne devais en aucun cas m'en prendre à Malin-Fureteur. Je n'aurais fait qu'envenimer la situation. Elle se décida à commencer l'entretien.
...............- Toi d'abord, tu as sans doute plus besoin de parler que moi.
...............- Cet humain... C'est à lui que je dois mon nom. Sans son intervention, je serais aux côtés de Darkrai à l'heure qu'il est. Je ne pouvais tuer celui à qui je dois la vie, même s'il est humain. D'ailleurs, n'as-tu pas remarqué ? Je lui ai trouvé un air pas très humain. Il a le regard d'un Pokémon.
...............- Je ne lui ai rien trouvé de spécial. Tu savais, comme nous tous, ce que tu risquais en le laissant s'en aller. Je ne peux rien dire de plus là dessus. Pour moi, tu as fait le bon choix. Seulement...
...............- Malin-Fureteur a tout vu, il attendait que je fasse quelque chose comme ça, la coupai-je. Il me surveillait ! Je regrette de lui avoir laissé sa vie. Je vais y perdre la mienne.
...............- Protectrice-Colérique comprendra, j'en suis quasiment sûre. Puis, ce n'est pas la faute de cet humain, ni la tienne, si le Fouinar qui se mêle de ce qui ne le regarde pas nous guettait.
...............- Le nom de notre maîtresse ne lui a pas été attribué pour rien. Et je suis sûr qu'avec ce stupide Fouinar, il ne restera personne pour me soutenir. Obscur-Balafré ne sera pas difficile à convaincre. Il a aussi Brûlant-Agité. Il lui racontera des histoires et le Chimpenfeu est naïf. Coupe-Tout ne se risquera pas à s'en mêler.
...............- Je suis là, moi. Tu as fait ce que tu devais. Si tu l'avais tué... Je ne pense pas que tu te sentirais mieux maintenant. Tu as fait le bon choix, je vais t'aider à le démontrer !
...............- Oublie cette idée. Tu ne peux qu'y perdre en me défendant et tu ne pourras rien changer. Nous sommes deux contre tous les autres. Ce que j'ai fait est fait. Les raisons que je pourrais avancer sont personnelles, elles m'ont poussé à désobéir. Je ne peux que me soumettre à la punition qui m'est réservée. Pour le coup, cet idiot de Fouinar va en rajouter, mais au fond, il aurait presque raison. Je n'aurais pas dû m'apitoyer sur son sort : ce sont nos ennemis.
...............- Mais enfin ! Cet humain t'a sauvé la vie... Je ne laisserai pas le Fouinar influencer Protectrice-Colérique. Elle ne peut pas te prendre plus que ta place de chef pour ce que tu as fait... D'ailleurs, tu ne mérites aucune sanction.
...............- Nous verrons... Je n'en suis pas si sûr. Arrêtons-nous là, je n'ai pas vraiment envie de m'étendre sur le sujet. Mais dis moi, toi, tu parles l'humain maintenant ?
...............- Non... Enfin, je suis née chez eux, avant la guerre, juste avant... Je ne me souviens plus très bien de mon dresseur. Il m'a relâchée dès que les humains ont commencé à se battre. Au début, j'ai rejoint les Pokémon de la forêt parce que j'en voulais à mon dresseur de m'avoir abandonnée. Mais maintenant, je pense que c'est mieux ainsi. Il m'aurait sans douté utilisée dans le conflit. Voilà pourquoi je comprends vaguement le sens de ce qu'ils disent, mais je n'ai pas non plus envie de parler de cette époque.
...............- Nous devrions peut-être rentrer. Je n'ai pas envie d'attendre plus longtemps, les soupçons n'en seraient que plus importants. Qu'on me dise ce qui m'attend et qu'on en finisse. Si je pouvais revenir en arrière... L'humain n'aurait même pas posé les yeux sur moi qu'il serait déjà mort. Ces créatures ne nous apportent que le mal.
...............- Sauf quand ils te sauvent la vie... Moi non plus, je ne les aime pas. Toujours est-il que tu devais quelque chose à celui-ci. Il t'a aidé, en aucun cas tu aurais eu raison de le tuer.
...............- Il ne vaut pas ma vie. Cela reste un humain. J'ai eu tort. La discussion est close, répliquai-je sèchement pour l'empêcher de répondre.
Terreur-des-Hommes soupira. Je ne savais pas si elle voulait me rassurer dans mon choix ou si elle avait vraiment de la compassion pour cet humain. Elle était sans nul doute la plus altruiste de notre groupe et elle me soutenait toujours. De là à défendre ces créatures, cela m'étonnait quand même. Je concluais ma réflexion en me disant qu'elle ne condamnait pas mon action parce qu'elle me faisait confiance. Il lui était évident que je ne pouvais pas trahir et elle ne se trompait pas. Jamais je n'aurais défendu un humain contre un Pokémon.
Tous les Pokémon étaient déjà rassemblés quand j'arrivais chez nous. Protectrice-Colérique m'attendait. Cela ne faisait aucun doute. J'allai immédiatement vers elle, essayant de garder un air digne. Evidemment, Malin-Fureteur lui avait parlé avant que je n'arrivasse. Je le cherchais du coin de l'œil en passant au milieu du groupe. Il parlait avec Brûlant-Agité qui semblait l'approuver. Il ne restait donc plus que Terreur-des-Hommes qui pouvait encore me soutenir. Je posai un genou à terre devant la maîtresse. J'attendais que la sanction tombe. Connaissant Malin-Fureteur, il lui avait raconté l'histoire d'un tel point de vue que je pouvais m'attendre au pire.
...............- Que t'arrive-t-il, Vaillant-Rescapé ? Es-tu passé de leur côté ? Il n'y a pas de place ici pour un traître. J'ai tout de même du mal à croire ce que m'a raconté Malin-Fureteur. Tu les tenais. Le chef humain t'a demandé de le laisser partir et tu l'as laissé faire. Il a eu l'air reconnaissant. Tu serais donc au service des humains du Sud... Mais enfin, est ce vrai, cette histoire ? Donne-moi ta version des faits.
...............- Je ne suis pas de leur côté, affirmai-je.
J'allais parler de l'humain, du sauvetage de ma jeunesse. Le Fouinar avait dû donner plus de détails que ce qu'il venait de m'être rapporté. Je me rappelai du regard d'Obscur-Balafré et de Brûlant-Agité. Ils ne me feraient plus confiance, surtout après ce qu'on leur avait dit. Je les comprenais. Malin-Fureteur, aussi fourbe qu'il fût, n'avait jamais fait une telle chose. Pourquoi alors me croiraient-ils moi, plutôt que lui ? Sans doute que Coupe-Tout non plus n'aurait pas bonne opinion de moi. A quoi bon alors rester là comme un paria ? Ténèbres-Ailées avait donné sa vie pour nous libérer des humains et nous permettre d'affronter ceux que j'avais laissés fuir. Je ne pouvais lui faire l'affront de discuter. Surtout que finalement, Malin-Fureteur avait amplifié cette histoire pour que je m'en allasse. Les Pokémon ne valaient pas plus que les humains, si nous avions les mêmes types de conflits. Ils ne voulaient plus de moi, alors je n'avais aucune raison de m'acharner.
Des cris commençaient à monter dans l'assemblée. Certains réclamaient déjà la pire sentence, d'autres demandaient des explications. Je ne pouvais défendre l'indéfendable, d'autant plus que j'étais persuadé d'avoir tort avant même de parler. J'ajoutai donc simplement :
...............- J'ai fait une erreur, j'en assumerai les conséquences. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
...............- Alors, Malin-Fureteur m'a dit la vérité ?
...............- C'est fort probable.
J'attendis un coup qui ne vint pas. Notre maîtresse ne parla d'ailleurs pas pendant quelques secondes. Visiblement, personne ne s'attendait à cette réaction de ma part. Je me surprenais moi-même depuis que j'avais croisé à nouveau cet humain. J'espérais juste que Terreur-des-Hommes n'allait pas intervenir. Elle dut lire dans mes pensées, puisqu'elle ne dit rien. Protectrice-Colérique reprit après son temps de réflexion. Sa voix restait posée malgré la colère que je sentais en elle.
...............- Je ne comprends pas ce qui te prend, mais si tu ne veux rien dire, cela fait donc de toi un traître. Vas-t-en. Je te laisse deux heures. Passé ce délai, tu seras une cible au même titre que les humains. Si j'apprends que tu tues des Pokémon aux côtés de nos ennemis, tu ne seras plus seulement un traître. Je me chargerai de toi, personnellement. Je te conseille donc de ne plus réapparaître par ici et encore moins dans nos combats.
Je me relevai et tournai le dos à ma maîtresse, la tête baissée. D'un pas lent, je m'éloignais de la forêt. Je ne savais ni où j'allais ni ce que je ferais. Cela n'avait aucune importance. Je n'avais plus aucune raison de vivre. Je suivais la direction que prenaient mes pattes, sans y penser. A la sortie de la forêt, j'hésitai. J'allais la quitter pour la dernière fois, sans doute. Si je remettais les pieds ici, je mourrais. Je me décidais finalement à franchir la frontière de mon habitat, non sans avoir jeté un regard en arrière. Je regrettais déjà ses arbres accueillants, ses baies succulentes et surtout, ses joyeux Pokémon. Ma vie n'avait plus aucun sens. Je m'étais battu tout ce temps aux côtés de mes amis et j'avais tout perdu en une journée. Il ne me restait rien, à part mon désarroi.
J'entendis un bruit derrière moi, comme des frottements. Je n'avais aucune idée du temps passé. Peut-être les deux heures étaient-elles déjà écoulées... Peut-être allait-on m'attaquer. Je ne me retournai même pas. Rien n'avait plus d'importance. Terreur-des-Hommes apparut à mes côtés. Sa présence me faisait du bien, cependant, j'aurais aimé trouver la force de lui dire de partir. Je n'étais plus une bonne fréquentation, elle risquait sa vie. Elle voulait me parler. Mais pour cela, elle attendait que je lui disse que j'étais prêt à l'écouter, ce que je ne fis pas. Enfin, j'avais décidé où me rendre. Je me mis en route vers le repère des humains, mon amie toujours sur les talons. Je me décidai à la retenir.
...............- Je vais au nid humain. Je vais venger la mort de Ténèbres-Ailées et réparer mon erreur, puisque je n'ai pas pu le faire tout à l'heure. Je ne sais pas combien j'en tuerai, sans doute aucun. Mais c'est sans importance, je vais attaquer. Ne me dis surtout pas que tu viens avec moi.
...............- Non, aucun risque, c'est pure folie.
...............- Ca m'est égal... Je préfère mourir au combat face à des humains que traqué et tué par mes anciens amis.
...............- Ne dis pas de bêtise ! Quand Malin-Fureteur a inventé des histoires pour effrayer Brûlant-Agité, tu lui as bien dit de ne pas croire ce que racontait ce Fouinar. Tu avais raison. Il a monté le groupe contre toi. Tu aurais dû te défendre face à Protectrice-Colérique. Il lui a raconté des mensonges et tu l'as laissée y croire. Si épargner cet humain n'était pas une erreur, ce que je pense être le cas, ne rien dire en est une ! Reprends-toi ! Tu ne vas pas te laisser écraser par ce vil Pokémon. Il ne veut que ta perte. Il voulait ta place, tu ne vas pas la lui laisser, tout de même !
...............- Si nous ne valons pas mieux que les humains, à quoi bon se battre encore ?
...............- C'est de Malin-Fureteur dont tu parles, tous les Pokémon ne sont pas comme lui, heureusement. J'irai parler à notre maîtresse, à Brûlant-Agité, Coupe-Tout et Obscur-Balafré. Ils comprendront, avec le recul, j'en suis persuadée. Avec un peu de chance, j'arriverai même à faire comprendre que Malin-Fureteur a mis en place cette machination contre toi. Ce sera alors lui qui aura des ennuis. Dans dix jours, on se retrouve ici. Si je n'ai pas réussi, alors tu pourras faire ce que tu veux. Pour l'instant, laisse-moi essayer, fais moi confiance.
Je soupirai mais elle eut mon accord. Nous n'étions plus très loin du nid, toujours à couvert. Je vis l'humain de ma jeunesse qui courait, les pattes de devant en l'air, dans notre direction. Une erreur de plus ne me coûterait pas grand chose, au point où j'en étais. Je le laissais donc venir, espérant pourtant qu'on ne me verrait pas. Il se mit à parler, essoufflé. Par des gestes et grâce aux compétences de Terreur-des-Hommes, je comprenais à peu près le sens de ses phrases. Il se souvenait à présent de moi. Il m'avait vu quitter la forêt. Il ne me pensait pas en sécurité dehors, dans un territoire contrôlé par les humains du Nord. Les Pokémon n'étaient pas les ennemis de ceux du Sud, à son avis. Il me proposait son aide. Je pouvais aller chez eux si je le souhaitais. Je voulais bien entendu refuser, cependant Terreur-des-Hommes y semblait presque favorable. Du moins, elle ne m'aidait pas à aller à l'encontre de la proposition. L'humain prétendait que personne ne saurait que j'étais chez eux, puisqu'ils restaient loin de la forêt, surtout après ce qu'il venait de se passer. Ils avaient une mission courte ici, jusqu'au lendemain, pas plus. Ils se repliaient ensuite. Il me laisserait partir dès que je le souhaitais. Il le jura devant moi.
Tout allait trop vite, j'étais perdu au milieu de la discussion ; il me voyait déjà au milieu de ses semblables. Je ne savais pas quoi répondre. Je fus vite pris au dépourvu, puisque mon amie donna son accord à ma place. Je n'en revenais pas, incapable de réagir à tant d'agitation. Elle convint de nous rejoindre, lui et moi, aux premières lueurs du jour, au pied du versant Est de la colline des Granivol. J'appréciais qu'elle prît mon destin en main, c'était très gentil de sa part, d'autant plus qu'elle n'y avait que peu d'intérêt personnel. Je trouvais ses actions pourtant bien étranges. Dès que l'humain fut éloigné, je questionnai Terreur-des-Hommes sur son idée farfelue. J'avais du mal à me concentrer.
...............- Ne dis rien et écoute-moi. Je t'explique mes raisons, tu parleras après. Malin-Fureteur va sans doute mettre ta capture, ou même ta mort, dans ses priorités. Et, puisque tu es maintenant un soi-disant ennemi, personne ne sera là pour te défendre. Il pourra donc agir au grand jour, sous la protection de notre maîtresse, avec l'accord de nombreux Pokémon. Tu ne tiendras jamais dix jours tout seul. Les Pokémon alentours ne t'accepteront sans doute pas, il ne reste donc que cet humain. Ce n'est pas une solution de secours, c'est la seule possibilité. Je ne suis pas vraiment convaincue que ce soit une bonne idée non plus. Il a pu te raconter n'importe quoi pour t'attirer chez eux, bien que ça m'étonne. C'est pour cette raison que nous allons voir tout de suite ce qu'il va rapporter à ses supérieurs. Les humains ont des sens tellement peu développés que nous pourrons entendre ce qu'il dit de loin, sans nous faire repérer. Comme je comprends un peu ce qu'ils disent, on verra bien s'il est sincère. Si ce n'est pas le cas, demain, tu lui poses un Laporeille et on n'en parle plus. Si on peut lui faire confiance, tu gagnes la protection le temps que je m'occupe de ton cas.
...............- Je n'avais pas vu les choses comme ça. Je n'aime pas vraiment le fait de me servir de l'humain et encore moins celui de rester avec lui, mais je dois admettre que l'idée est bonne. Après tout, c'est lui qui a proposé, dis-je pour me donner bonne conscience.
Ce plan me plaisait de moins en moins au fur et à mesure que nous marchions. Cependant, je ne voyais aucune autre solution, comme l'avait affirmé la Migalos. La trace des humains ne fut pas difficile à suivre. Nous prîmes position contre le vent, ainsi, nos bruits ne parvenaient pas jusqu'à eux. Il était plus aisé pour nous d'écouter. D'autres humains du Sud avaient rejoint ceux à qui nous avions tendu une embuscade. Ils étaient alors plus d'une trentaine. Nous arrivions en retard, puisque l'humain était déjà entrain de parler de moi à son supérieur. Je me demandais pourquoi il ne l'avait pas fait avant de venir me chercher... Terreur-des-Hommes s'empressa de me traduire leur échange avec le plus de précision possible. Elle essayait de compléter logiquement ce qu'elle entendait pour me citer des phrases entières.
...............- Vous savez que cette guerre est aussi... traduisit péniblement mon amie.
L'échange commençait mal, puisque Terreur-des-Hommes n'avait aucune idée de ce que pouvait être la nature de la guerre, selon cet humain. Les paroles à ce sujet n'avaient aucun sens pour nous. Heureusement, celui que j'avais sauvé et son interlocuteur se passionnèrent de plus en plus dans leurs arguments. Le ton nous apportait plus de facilité dans la traduction. La suite du dialogue fut donc beaucoup plus claire.
...............- Selon le chef, un Pokémon avec les humains leur ferait prendre trop de risques. Il pense qu'on ne peut pas te faire confiance et que tu es peut-être un espion. Ton humain a l'air de lui dire que tu es perdu ; que les autres t'ont abandonné parce que tu l'as épargné. Il lui raconte votre histoire, je crois, et parle d'une amitié qu'il existait entre humains et Pokémon, avant la guerre. Une amitié à leur manière alors, mais c'est vrai qu'il y avait du mieux, avant...
Je hochai la tête pour dire à Terreur-des-Hommes que j'étais attentif. Je sentais mon amie concentrée au maximum. Elle avait beaucoup de mal à écouter en même temps qu'elle me rapportait leurs propos. Ils parlaient bien plus que ce qu'elle disait, sans doute ne comprenait-elle pas tout. Leurs arguments devaient être développés, mais aucune importance, nous ne voulions savoir que les réelles intentions de l'humain. A mon grand désespoir, il semblait pour l'instant sincère ! La Migalos reprit ses explications après une courte pause.
...............- Le chef dit que tu as payé ta dette d'antan. Il ne veut pas entendre parler de toi. Pour lui, nous n'avons pas de réels sentiments. Nous avons bien raison de ne pas nous rapprocher de créatures qui parlent de nous comme cela ! Tout a changé à son avis, par rapport à avant. Ton humain a bien du courage de continuer à argumenter... Il invoque à présent les raisons du conflit contre les humains du Nord, qui seraient communes à eux et aux Pokémon. Pour lui, nous nous soulevons tous contre des humains qui ne font aucun cas de la vie, tant qu'ils parviennent à leurs fins. Son chef a très mal accepté qu'il lui reproche de tout détruire au nom de valeurs qu'il défend sans respecter. Ca va mal aller pour lui...
Les deux humains s'éloignèrent. Nous ne pouvions pas nous approcher plus sans risquer d'être repérés. Je n'avais pas besoin de comprendre ce qui se disait pour voir qu'ils se disputaient. Et je savais aussi que le supérieur aurait évidemment raison. En tout cas, celui à qui j'avais laissé la vie semblait différent des autres humains. Il avait l'air de vraiment vouloir m'aider. Pourtant, il ne me devait pas autant. Il m'avait déjà sauvé une fois. Je regardai Terreur-des-Hommes. Il ne me fallut pas longtemps pour constater qu'elle était du même avis que moi. Nous n'en revenions pas. Je trouvais tout de même cette réaction louche. Je pensais bien qu'il y avait des humains meilleurs que d'autres. Mais je n'aurais jamais imaginé qu'il en existerait un jour pour défendre des Pokémon.
L'humain, qui devait porter le nom de Vassili d'après Terreur-des-Hommes, avait baissé la tête devant son supérieur, un peu plus loin. Je le vis mettre sa main dans le dos, pour saisir son bâton à capacités. Il le remit à son chef. Je ne parvenais pas à voir son expression d'ici. Il lui donna aussi des espèces de petites boîtes noires qu'il sortit de sa peau amovible. Il salua comme le faisaient les humains, en portant une patte à sa tête. Il s'éloignait. Un autre humain le rattrapa. Je ne pus m'empêcher de penser à mon départ de la forêt, quand Terreur-des-Hommes m'avait rejoint. Celui qui semblait être un ami lui tendit quelque chose. Ils étaient encore plus loin qu'auparavant, mais je crus voir un bâton à capacité de très petite taille. Il y avait aussi autre chose, mais là, je fus totalement incapable de discerner quoi que ce soit. Les deux humains se serrèrent la patte avant. J'en avais déjà vu faire cela. Je ne savais pas vraiment ce que ça signifiait. Bien que ça ne m'enchantât pas outre mesure, j'allais donc devoir rejoindre ce Vassili le lendemain matin.