Chapitre 34 : Récit de barbarie
- J'étais la première conseillère de la Haute Prélate d'Arval, notre dirigeante, commença Némée d'une voix enrouée. Quand nos éclaireurs nous ont avertis que les forces de Vriff avaient enfin commencé la guerre contre Duttel, j'ai conseillé à la Haute Prélate de sortir de notre neutralité et d'aider les Dutteliens. Après tout, même si nous ne savions pas nous battre, nous avions des Pokemon, que nous aurions pu mener au combat aux côté des Dutteliens. Mais la Haute Prélate ne voulait rien entendre. Selon elle, son devoir était de protéger Arval, pas les autres pays. J'ai essayé de lui faire comprendre que résister à Vriff tout seul était impossible, que notre seule chance était d'aider Duttel, le seul pays qui était assez puissant pour les vaincre, mais la Haute Prélate ne semblait pas comprendre mes propos. En revanche, elle avait entendu des histoires assez terrifiantes sur les atrocités commises par l'Empire un peu partout. Les bouchers de Solaris la terrorisaient, mais elle ne saisissait pas qu'il fallait les arrêter avant qu'ils n'atteignent Arval.
« La Haute Prélate ordonna de lever une armée de volontaires qui défendrait Arvalia si jamais l'Empire s'avisait de rompre nos accords et de nous attaquer. Elle voulait qu'Arvalia devienne un fort imprenable. Le destin des autres pays, et même du sien, ne l'intéressait pas, du moment qu'elle et sa ville étaient protégées. Mais l'armée qu'elle avait réussi à monter était dérisoire. Tout au plus une centaine d'hommes qui n'avaient jamais tenu une épée de leur vie, et quelques Pokemon... J'ai dit et répété à la Haute Prélate que tout cela n'était que folie, qu'on ferait mieux d'envoyer tous les Pokemon et les hommes valides à Duttel. Mais elle ne m'écouta pas et pire, m'enferma en prison pour traitrise. Elle a même ordonné à mes geôliers de me couper la langue si jamais je continuais à proférer de tels blasphèmes.
Mercutio avait peine à y croire. Il n'aurait jamais imaginé les instances dirigeantes du pays d'Arval agissant de la sorte.
- Donc, j'ai cessé d'essayer de leur faire entendre raison, poursuivit Némée. Je ne voulais pas qu'on me coupe la langue...
- Et tu avais raison, lança Acpeturo. Toute provocation aurait été inutile, t'attirant simplement châtiment injuste et répugnant. Tu as tenté d'ouvrir les yeux à la Haute Prélate et elle a préféré rester aveugle.
- Je suis restée peu longtemps en prison. L'armée de Vriff arriva bien vite, plus vite qu'on s'y attendait. On avait déjà eu des rumeurs comme quoi tout le village de Nondisu avait refusé de se prosterner devant l'Impératrice et comment tous les villageois ont été sauvagement tués, mais peu acceptaient d'y croire. Bref, quand les soldats de l'Empire arrivèrent, prétextant annexer Arval pour la plus grande gloire de l'Impératrice, la Haute Prélate leur jeta à la figure que ce pays était le sien et que si Vriff s'avisait d'essayer de le lui prendre, il connaîtrait un sort peu enviable.
Djosan eut un sourire sans joie.
- Que j'imaginasse fort aisément leur réaction...
- Ils ont éclaté de rire, si fort que j'ai entendu depuis ma cellule. Bientôt, j'entendais le bruit caractéristique d'un bélier qui frappait contre la grand porte d'Arvalia, et les canons de leurs appareils volants. Puis le bruit des armes qui s'entrechoquaient, les cris de guerre et les hurlements de douleur. Les défenseurs étaient submergés et en moins d'une demi-heure, les soldats de Vriff avaient déjà investi la demeure de la Haute Prélate. Quand ils arrivèrent dans les donjons, ils libérèrent tous les prisonniers, moi comprise, clamant haut et fort qu'on était désormais libres de la folie de la Haute Prélate, et libres de servir le tout puissant dieu Asmoth qui était le nôtre désormais. Même si nous savions à quoi nous en tenir, nous dûmes nous agenouiller et jurer fidélité. Ils gardèrent les hommes comme soldats et les rares femmes prisonnières comme moi devinrent des servantes. Mais c'était un sort bien plus enviable aux hommes et aux femmes qui étaient libres.
« Ils tuèrent tous les hommes de quatorze à soixante ans, tout simplement, et bien souvent devant leurs femmes, leurs mères, leurs filles ou leur sœurs. Comble du sadisme, les couples furent amenés ensemble jusqu'au lieu de l'exécution et séparés au dernier moment. Quant aux autres, ils les gardèrent pour travailler à la toute-puissance de l'Empire. En ce qui concerne le calvaire des femmes, je refuse d'entrer dans les détails, mais sachez que j'en ferai des cauchemars pour le restant de ma vie. Violer n'était pas le seul objectif de ces hommes... Assoiffés de sang, ils brûlaient du désir de dégrader leurs victimes afin de bien établir qu'ils détenaient sur elles tout pouvoir de vie et de mort. Comme une bande de bons copains, ils jurèrent en riant qu'ils n'auraient pas de repos tant qu'ils n'auraient pas violé toutes les garces d'Arval. Quant à nos Pokemon, ils les dévorèrent jusqu'au dernier, en nous demandant nous même de les tuer et de les préparer en cuisine. En tant que servante, j'ai dû cuisiner beaucoup de Pokemon pour ces sauvages. Je ne comptais plus les fois où j'ai dû sortir de cuisine pour aller vomir dehors...
« La demeure de la Haute Prélate avait été souillée de manière des plus immondes. Il y avait de ces barbares partout. Des colosses puants la crasse et la sueur vêtus de cuirasses rouges sang. Le crâne rasé, ou arborant des crinières tellement sales et emmêlées qu'il leur aurait fallu une hache pour les couper. Les glorieux soldats de l'Empire de Vriff paraissaient à peine humains. Leur présence dans des salles raffinées de la demeure paraissait presque comique. Mais le pire , c'était leurs yeux. Dans leur regard, on ne voyait aucun remord à force de voir et de commettre des horreurs, mais au contraire une extase toujours renouvelée. Face à une créature vivante, homme, femme ou Pokemon, une seule question leur traversait l'esprit : comment tuer en faisant le plus souffrir ? Leur cruauté dépassait tout ce que j'ai jamais imaginé.
« Dehors, les hommes survivants durent creuser des fosses communes pour les montagnes de cadavres qui s'accumulaient de plus en plus. Puis les exécutions commencèrent. Leur dieu avait soif de sang, paraît-il. Les sacrifices commis en son nom étaient quotidiens. Mais ça ne s'arrêtait pas là. Ayant déjà tué la grande majorité de nos hommes, les soldats de Vriff, quand ça leur piquait, prenait un pauvre vieillard ou un jeune garçon, pour faire un exemple, disaient-ils, afin qu'on ne retombe pas dans la tentation de se rebeller contre le glorieux Empire. Pas mal de condamnés furent utilisés comme cible d'exercice pour les archers et les lanciers de l'Empire. Le jeu le plus en vogue consistait pour les tireurs à se saouler avant de mettre leur précision à l'épreuve. Vous connaissez la fameuse question : à quoi ressemblera la fin du monde ? Eh bien, moi je l'ai vue pendant des jours et des jours...
Mercutio se rendit compte que ses bras tremblaient. Il n'aurait jamais cru être choqué à ce point par un récit. C'était à peu près pareil pour tous les autres. Galatea avait les lèvres qui tremblaient, comme si elle était sur le point de fondre en larme. Siena avait les yeux grands ouverts, comme si le récit de Némée l'avait plongée dans une hallucination. Tuno ne s'était pas rendu compte qu'il s'était enfoncé les ongles jusqu'au sang tandis qu'il écoutait Némée. Et même Zeff, lui si accro à la violence, paraissait mal à l'aise. Djosan, lui, était simplement hors de lui.
- Une bande de chiens enragés, s'exclama-t-il. Des sauvages sans honneur ! Même Wrathan, le diable en personne, n'en voudrait pas dans son enfer souterrain !
- Est-ce que... des gens ont-ils pu s'échapper de... de tout ça ? demanda Tuno. Y'a-t-il eu des évasions ?
- Je crois, hésita Némée. Mais je ne peux rien affirmer.
- Oh, ne vous inquiétez pas, intervint Acpeturo, il y a eu le nombre requis d'évasion.
- Le nombre requis ? répéta Tuno.
- L'Empire sait que certaines proies lui échappent. Et il ne fait rien pour les arrêter. Les officiers s'arrangent même pour que la sécurité ne soit pas parfaite, justement pour que certains parviennent à s'échapper.
- Pourquoi ? demanda Mercutio qui n'y comprenait plus rien.
Acpeturo le dévisagea longuement avant de lui répondre.
- Il faut bien que les rescapés terrorisent les habitants des villes suivantes en leur racontant ce qui s'est passé chez eux. Grâce à cette « publicité », des dizaines de villes se sont rendues sans combattre. L'Empire ne crache pas sur des victoires faciles. Les miraculés qui arrivent à s'enfuir d'une ville prise sont des agents très efficaces pour Solaris.
À la façon dont son cœur cognait dans sa poitrine, Mercutio n'avait aucun mal à comprendre qu'on soit mort de peur après avoir entendu de tels récits. Se concentrant sur Némée, il se passa la main dans les cheveux et demanda :
- Et les enfants ? Tu as dit qu'ils ne tuaient pas les enfants de moins de quatorze ans, en dehors de leur « exemples ».
- Eh bien, au début, les jeunes furent regroupés par tranche d'âge et affectés à ce qu'il faut bien appeler des unités de jeunes recrues. On les séparait des adultes, pour les rééduquer totalement. Une fois formés, les garçons étaient invités à assister aux exécutions en masse des traîtres au « glorieux Empire ». À l'occasion, ils se chargeaient eux-mêmes des exécutions. Ceux qui refusaient rejoignaient les adultes au peloton. La plupart résistaient à cet endoctrinement, mais peu à peu, les tirades mensongères de l'Empire pénétraient insidieusement leurs jeunes esprits. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, pratiquement tous les gamins furent impliqués d'une façon ou d'une autre dans la grande opération de meurtres orchestrée par l'Impératrice. Les enfants insultaient et tabassaient leurs camarades qui avaient refusé de prendre part à cette horreur. Ils se faisaient souvent battre à mort.
Némée secoua la tête, trahissant son incrédulité.
- Le monde était devenu fou ! Comment quelques sermons pompeux sur la gloire de l'Empire et sur la récompense dans l'Au-delà qui attendait ses braves pouvaient suffire à ce que des enfants sains d'esprit se mettent à marcher au pas en chantant des louanges à l'Impératrice, impatients de tuer pour elle ?!
- La réponse est d'une simplicité enfantine, répondit Acpeturo. Du moins dans son principe. Dans l'Empire de Vriff, l'endoctrinement commence dès la naissance. Tu as posé le doigt dessus, Némée : la récompense dans l'Au-delà. En effet, l'Empire de Vriff est très croyant. Tous les Vriffiens croient à une puissance supérieure appelé Dieu qui dirigerait nos vies et attendrait quelque chose de nous.
- Vous voulez parler d'Arceus ? fit Mercutio.
Acpeturo éclata de rire.
- Arceus ? Sois un peu sérieux, gamin. Comment voulez-vous qu'une société qui mange les Pokemon puisse croire à quelqu'un comme lui ? Comment accepteraient-ils qu'une bête de somme puisse avoir créé le monde et les hommes ? Non, les Vriffiens croient à un dieu d'apparence bien humaine : Asmoth. La confrérie de l'Empire, la seule instance religieuse autorisée, nous indique ce qu'il faut penser et comment mener notre vie pour plaire à Dieu. Plus on commence jeune, plus ce conditionnement est efficace. On nous prive de mener une réflexion indépendante et logique en nous bourrant le crâne de concepts religieux d'une fiabilité douteuse. La confrérie de l'Empire, qui est dirigée par le Seigneur Falchis, l'un des Cinq Elus, nous enseigne que le monde des vivants est limité. La vie est éphémère et n'a donc pas une réelle valeur. Nous naissons, nous vivons un temps et nous mourrons. L'Après-vie, en revanche, donnerait accès à l'éternité. Puisque la mort est éternelle, ce qui compte réellement, c'est-ce qu'il y a après la vie, non pas le royaume illusoire des vivants.
« Dans ce même ordre d'idée, tuer et être tué n'est pas important, une façon de reconnaître que la vie n'a aucun sens. La mort est le portail qui donne sur la béatitude, si, et seulement si, nous suivons à la lettre le chemin qu'Asmoth nous a tracé pour chacun de nous. Et bien évidement, les Cinq Elus sont ceux qui connaissent la volonté de Dieu et qui nous la transmettent. En suivant les directives des Elus, nous suivons les directives de Dieu, et donc nous avons la promesse d'une vie éternelle et heureuse après la mort, tout simplement. Les soldats vriffiens tuent et massacrent, car c'est là la volonté des Elus et du dieu Asmoth.
Némée secoua la tête, accablée par cette vision du monde. Siena eut l'intelligence de révéler une faille dans cette théologie.
- Mais comment les Elus savent-ils tout ça ? Comment connaissent-ils les décisions de leur dieu ? Comment osent-ils nous demander de sacrifier notre vie et celle des autres pour la seule promesse invérifiable d'une vie éternelle après la mort ?
Acpeturo hocha la tête à l'intention de ces questions.
- Précisément. Et c'est là qu'intervient cette aberration qu'on appelle la foi aveugle. Croire en quelque chose sans en avoir la moindre petite preuve. Sans cette foi que les Elus obtiennent de leurs fidèles, souvent par la menace et la peur, tout leur système de pensée s'écroulerait immédiatement. La foi est la clé de tout. Et ce genre de fanatiques croyant tout et n'importe quoi de ce qu'on leur raconte haïssent par-dessus tout les gens qui réfléchissent et pensent par eux-mêmes. Pour eux, ce sont d'infâmes pécheurs, et les tuer est un acte de justice divine, qui vous offre accès à cette vie éternelle que nous promettent les Elus. Conscients de la faiblesse de leur idéaux, les dirigeants de l'Empire imposent la foi universelle comme valeur suprême et mettent leurs fidèles en garde contre la démoniaque tentation d'utiliser son intelligence. Après tout, vous n'avez pas à réfléchir. Les Elus le font pour vous. Ils vous disent quoi penser et quoi faire pour vous. C'est très tentant de ne pas se prendre la tête et de laisser quelqu'un d'autre diriger votre vie.
Djosan hocha la tête, l'air sombre.
- Il n'existe point de tueur plus impitoyable qu'un défenseur de la foi, aveuglé par les théories fumeuses de l'Empire, dit-il.
- Mais il doit y avoir un moyen d'ouvrir les yeux aux gens ! s'exclama Galatea. Je refuse de croire que tous les Vriffiens sont mauvais par nature. Ne pouvons-nous pas les ramener à la raison et les débarrasser de la propagande de l'Empire ?
Acpeturo hocha les épaules.
- Je suis né sous le règne de l'Empire, j'ai étudié sa religion et j'ai fini par rejeter ses mensonges. Mais vous n'imaginez pas ce que c'est de rejeter l'obscurantisme. Lorsqu'on n'a pas vécu dans l'Empire de Vriff, on ne peut pas se rendre compte de ce que ressent quelqu'un de convaincu de la totale inutilité de sa vie. Il ne reste plus en lui que le désir de faire tout ce que les Elus nous disent de faire, pour ensuite mourir le plus vite possible et accéder à la félicité éternelle.
Mercutio garda le silence, épouvanté par ce qu'il avait entendu. Il était déjà assez choqué des ambitions de Solaris et de son Empire. Mais il pensait que ce n'était qu'une tyrannie parmi tant d'autres, du genre de fêlés qui souhaitent dominer le monde et imposer sa volonté. Mais tout ceci, tout ce système de pensée, toute cette tuerie organisée, allait beaucoup plus loin que ça. L'Empire de Vriff allait plonger le monde dans les ténèbres les plus profondes si on ne l'arrêtait pas !
- Ces Elus ne racontent que des mensonges, dit-il enfin avec colère. Ils disent que la vie est courte et sans intérêt, que la mort est ce qu'il nous faut rechercher, alors que eux font tout ce qu'ils peuvent pour vivre éternellement, comme obliger un pauvre Pokemon à pondre des œufs à longueur de journée et ensuite les dévorer pour ne pas mourir !
Toutes les personnes présentes, hormis celle de la Team Rocket, le regardèrent avec des yeux ronds. Mercutio leur raconta, avec l'aide de ses amis, ce qu'ils avaient découvert sur les Elus et les œufs de Pegasa. Quand ce fut fait, Djosan parut littéralement hors de lui.
- PEGASA ?! Le Pegasa femelle, qui fut volée par ces chiens de Vriffiens il y a des siècles ?! Ils l'exploitent dans le but de prolonger leurs vies ignobles ?
- C'est bien ce qu'ils font, approuva Tuno.
Acpeturo se gratta le menton, pensif, tandis que Djosan fulminait.
- Voilà qui expliquerait bien des choses, dit l'ancien chevalier. Car voyez-vous, le fait que les Elus sont apparemment immortels est la pierre angulaire de ce qu'ils prétendent ; à savoir qu'ils sont la parole suprême de Dieu qui les a choisis pour ça. Un beau tour de passe-passe.
- Si les gens savaient, ils perdraient confiance dans les Elus, dit Galatea. Ça serait un moyen de casser toutes leurs âneries !
- Sans doute, sauf qu'entre de pauvres mécréants infidèles et les Elus de Dieu, qui penses-tu que les Vriffiens vont croire ? fit Acpeturo. Même si on leur mettait la preuve sous les yeux, ils ne voudront pas la voir. Des années et des années de lavage de cerveau ne disparaissent pas en un jour. Et puis même si on arrivait à faire tomber les Elus, le peuple donnerait alors toute sa dévotion à Solaris, qui elle ne doit pas rêver mieux.
- On ne peut battre l'Empire, intervint finalement le maire Gulfko, qui était resté silencieux jusque-là. Il faut se faire une raison et tâcher de survivre. C'est pourquoi, même si nous apprécions votre aide à tous, elle ne sera pas nécessaire. Nous comptons nous rendre.
- C'est débile, clama Mercutio. Vous pensez qu'ils vous laisseront tranquilles juste parce que vous leur avait épargné une petite bataille facile ? Après tout ce qu'on a entendu, je préférerais, moi, largement me battre et peut-être mourir plutôt que de passer une courte vie à vivre un calvaire sous la férule de ces malades ! Ce serait aussi idiot que ce qu'avait prévu la Haute Prélate d'Arval !
- Et vos Pokemon, vous y pensez ? demanda Siena. Les Vriffiens vont vous les prendre pour les manger ensuite. Vous allez les laisser faire sans rien dire ?
Gulfko avait l'air d'un homme sur les épaules duquel pesaient tous les malheurs du monde.
- J'ai une responsabilité envers mon peuple... Je ne peux pas leur demander de se battre et de mourir.
- Alors fuyez, si vous ne voulez pas vous battre, fit Djosan.
Tous les regards se tournèrent vers lui.
- Sire ?
- Que je préconisasse jamais la fuite face au combat, mais j'oublie parfois que vous êtes des civils n'ayant aucune expérience ni formation militaire. Si les Vriffiens ont le déshonneur de s'attaquer à des gens comme vous, fuyez pour sauver vos vies. Abandonnez votre ville. Nous vous amènerons à Duttel pour le moment.
- Mais... comment voulez-vous transporter toute une ville ?!
- Tout les guerriers de Duttel possèdent au moins un Gueriaigle, expliqua Djosan. C'est notre seul moyen de transport et notre fierté. Un Gueriaigle peut transporter au moins cinq personnes à la fois, et nous en avons sept sur nous.
- Cela ne suffira pas à tous nous amener dans les temps !
- Nous les aiderons, promit Tuno. Nous sommes venus en avion. Nous pouvons vous le prêter pour vous amener jusqu'à Duttel.
- Vous suggérez que l'on monte dans cette... cette machine ?! s'exclama Gulfko, choqué.
- On m'a parlé de la répulsion des gens d'Elebla concernant la technologie. Pourtant, je pense qu'entre ça et la mort, le choix est vite fait.
- Mais même avec vos machines, ce sera loin d'être suffisant...
- Nous pouvons faire plusieurs voyages, dit Djosan. Entre temps, si les Vriffiens osent se montrer, nous les retiendrons. Nous n'abandonnerons pas votre peuple, maire Gulfko !
- En passant, j'ai vu que certains de vos villageois possédaient des Pokemon Vol, ou des Pokemon rapides, dit Mercutio au maire. Demandez-leur de les utiliser pour partir.
Gulfko les regarda tous, puis hocha timidement la tête.
- Très bien. Je... nous vous remercions pour tout.
- Lieutenant, dit Tuno en s'adressant à Siena, allez prévenir le major Orphas de notre plan. Que lui et son équipe se chargent de l'évacuation de ces gens.
- À vos ordres, fit-elle avant de sortir.
Djosan sortit pour réunir ses propres guerriers et leurs Gueriaigle. Gulfko, lui, tâchait de rassembler ses concitoyens pour leur expliquer la manœuvre. On massa les gens dans l'avion de la Team Rocket. Etrangement, les habitants préféraient souvent le transport proposé par les Dutteliens que la sécurité et vitesse relative de l'aéronautique. Au bout d'une demi-heure, les premiers villageois étaient partis. Le trajet jusqu'à Duttel prendrait bien vingt minutes, un peu plus pour les Gueriaigle et il fallait compter le retour. Durant ce temps, Mercutio et les autres passèrent entre les villageois, les interrogeant sur les Pokemon qu'ils possédaient pour précipiter l'évacuation. Une heure plus tard, l'avion et les Gueriaigle revinrent. L'évacuation se poursuivit. Mais le lieutenant Fay, juste après que le second groupe de réfugiés fut parti, se précipita pour les avertir de la chose suivante :
- Une petite armée de Vriffiens se rapproche, dit-elle d'un ton professionnel. Ils seront là dans un peu moins d'une heure.
- Forces en présence ? demanda Tuno.
- Je dirais à vue de nez un millier.
- Il faudra encore compter minimum deux trajets pour transporter tout le monde. Il va falloir donc se battre, résuma Mercutio.
- Que j'aime entendre ces mots, dit Zeff en aparté avec un grand sourire.
- Nous pouvons poser des mines autour de la ville pour les retenir un peu, proposa Fay.
- Parfait, faites donc, dit le colonel. Unité X-Squad, je veux que vous prépariez les défenses de la ville. Faites le tour des gens restants pour voir s'ils ne peuvent pas vous prêter quelques Pokemon pour la bataille.
- Bien monsieur, dit Siena.
Puis Tuno se tourna vers Djosan et Acpeturo.
- J'ignore si vous avez une tactique de bataille, messieurs, mais si ce n'est pas le cas, je vous invite à recevoir nos propres indications. Nous sommes formés pour ce genre de chose et les jeunes personnes qui m'accompagnent sont des experts dans la tactique Pokemon.
- Je n'en doute point, fit Djosan en s'inclinant. Mes Pokemon, mes guerriers et moi-même, sommes à votre service.
- Parfait, s'exclama Mercutio. Venez avec nous, Djosan. J'ai de quoi faire pour votre Titank.
- Alors sus, Mercutio Crust !
Galatea rigola au ton de Djosan.
- Vous êtes marrant, sire chevalier, lui dit-elle. Je vous aime bien.
Mercutio espéra qu'elle n'allait pas se mettre à essayer de draguer Djosan. Ça serait trop bizarre. Mais le grand chevalier aux cheveux roses rougit sous sa moustache.
- C'est un honneur, gente demoiselle, que d'être apprécié d'une telle beauté ! Aurais-je l'indélicatesse de vous demander votre nom ?
- Je suis Galatea, la sœur de Mercutio.
- Fichtre ! Mercutio Crust, vous êtes un homme chanceux d'avoir une telle sœur !
- Ah ? Va falloir que vous me disiez pourquoi alors. Mais pas pour l'instant. On a du boulot.
- Assurément ! Qu'un flot de sang vriffien coule sous nos coups !