Et le bruit des motos qui démarrent
Un orage ? Je n'aurais pas pu rêver mieux ! Je profitai du tonnerre pour démarrer ma moto à l'insu de tous et fonçai droit devant, espérant que cette butte me permettrait d'atterrir sur le toit sans trop de dommages.
***
« Ce vrombissement… C'est celui de notre moto, non ? »
Je ne tardai pas à avoir une réponse : la moto en question venait littéralement de décoller et approchait d'ici à la vitesse grand V. Je la contemplai bouche bée atterrir sur le toit, puis le conducteur en descendre et me tendre un casque tandis qu'il relevait la visière du sien.
« Ta… Tanya ? fis-je, incrédule. Tu… vas bien ?
– Eh bien ? On dirait que tu viens de voir un revenant… »
Je serrai la jeune femme dans mes bras, toujours dubitatif.
« Je… en temps normal, je ne dirais rien… même si je ne le mérite pas… mais nous avons… nous devons nous enfuir… me murmura Tanya, confuse, d'une voix émue qui cachait mal l'émotion que provoquaient en elle nos retrouvailles.
– Euh, oui oui, bien sûr, excuse-moi, je ne…
– Prends donc ce casque au lieu de t'enfoncer… »
Je le pris et l'enfilai sur ma tête.
« Je conduis ou tu conduis ? m'enquis-je en me dirigeant vers la moto qui nous avait amené jusqu'ici.
– Comme tu veux…
– Tu as suffisamment pris de risques comme cela, c'est à mon tour, à présent… » décidai-je.
Je m'installai sur la moto tandis que Tanya prenait place derrière moi. Je frémis en sentant ses bras m'entourer la taille et repensai à ces chansons… Au fond de moi, je brûlai de lui en parler, parce que ça me troublait au plus profond de mon être… mais nous étions pressés, aussi mis-je le contact et me préparai à foncer sur la sorte de tremplin qui se trouvait à l'extrémité du toit. Le doux vrombissement du moteur sonnant à mes oreilles comme une promesse de libération, je l'écoutai pendant quelques instants avant de mettre les gaz. Je voulus fermer les yeux lorsque nous quittions le toit mais c'était moi qui conduisais, et il était hors de question de mettre la vie de Tanya en danger. Je nous vis donc survoler les voitures de police qui empêchaient toute velléité de fuite… sauf si l'on empruntait la voie des airs. En voyant les têtes ébahies des policiers au-dessus desquelles nous roulions, Tanya et moi éclatâmes de rire. Qui aurait pu s'attendre à pareille sortie ? Grisé par mon courage, je me mis à accélérer afin de mettre le plus de distance entre les policiers et nous, Tanya et moi.
« On les a bien eus, pas vrai ? » me cria Tanya pour couvrir le bruit du moteur de la moto que je conduisais.
Je souris. Réalisant que nous commencions à manquer d'essence après une bonne vingtaine de minutes de route, nous fîmes une halte dans une station-service. Nous bûmes un coup en silence, histoire de respirer un peu, euphoriques d'avoir échappé de justesse à un bien sombre destin, puis, après avoir fait le plein, nous remontâmes à moto. Avant de mettre mon casque, je dis à Tanya :
« Au fait, merci…
– Merci ?
– De ne pas m'avoir abandonné. »
La jeune femme resta silencieuse, le visage fermé. Son regard en disait cependant long. Nous nous remîmes en route ; l'aventure pouvait enfin commencer…