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Fire up! de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 28/07/2011 à 12:10
» Dernière mise à jour le 11/10/2012 à 22:54

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Tourner le temps à l'orage
Tourner le temps à l'orage.

C'était probablement l'une des innombrables conséquences additionnelles au geste que je ne me décidais pas à faire. Additionnelles parce que non voulues, et autres que celle que je visais. Aurais-je réellement le courage de... ?

Je relus les quelques lignes qui précédaient cette question qui me torturait depuis... si longtemps déjà.

Votre nom ? Clément Tavid.
Votre métier ? Fleuriste... enfin, ça, c'était avant.
Et maintenant ? ...cela a-t-il réellement de l'importance ?
Oui. Réellement. Je suis... en mission.
Quel genre de mission ? Mission de secours. Ou de sauvetage.
Pour sauver quoi ? Pour sauver ces Pokémon que l'on enferme.
Pourquoi ? La façon dont ils sont traités est... moralement incorrecte. Vous le savez aussi bien que moi.
Oui. Seulement, je ne peux prendre de décision seule. Mais ?
Mais un homme que je juge honnête et juste peut prendre ces décisions. Alors, que décidez-vous ? L'ouverture des cages.
Demande de confirmation de l'ouverture des cages : Oui.

Comment cela pouvait-il être aussi facile ? Je n'en revenais toujours pas. Il ne restait plus qu'à appuyer sur un bouton – pour valider ma réponse – et... Mon regard dévia vers les écrans de surveillance – un mouvement à la périphérie de mon regard avait suffi à me mettre la puce à l'oreille : il y avait du mouvement.

« Tanya, tu es prête ? fis-je dans le micro relié à mes écouteurs.
– Oui, ne t'en fais pas ! Occupe-toi plutôt d'ouvrir les cages !
– Tu es sûre ?
– Absolument ! Allez, magne-toi ! Je vais peut-être pouvoir les retenir longtemps, mais ce n'est pas une raison pour prendre tout ton temps. Ne me dérange plus à partir de maintenant ou bien on pourrait découvrir notre complicité. Fin de la communication. »

Je soupirai. Tanya. J'avais toujours autant de mal à croire que j'avais pu rallier à ma cause une femme pareille. Comment était-ce possible ? Rien n'aurait pu laisser présager cela...


Car oui, il s'agissait bien d'une journée comme les autres, à la Boutique Fleurie, lorsque Tanya avait fait son apparition. Ou son entrée fracassante. Car, effectivement, l'arrivée de Tanya n'était pas passée inaperçue. Était-elle pressée ou bien avait-elle glissé sur quelque chose ? Toujours est-il que la jeune femme avait semé un désordre assez incroyable à l'entrée de la petite boutique. En entendant un tel fracas, Clément était sorti et avait constaté les dégâts.

« Je... je suis désolée pour...
– Ne vous excusez pas ; cette devanture avait besoin de renouveau, de toute façon... »

Tanya n'en était pas revenue ; ce fleuriste n'était pas
du tout en colère. Plus surprenant encore, il ne lui avait pas accordé un seul regard ; il n'avait d'yeux que pour le désastre qui s'étalait devant sa boutique. Cela aurait troublé une personne "normale" quelques instants, puis peut-être se serait-elle excusée avant de s'en aller en courant presque... mais Tanya n'était pas une personne "normale" à proprement dire. Elle était habituée à ce qu'on la regarde, à ce qu'on l'envie, à ce qu'on la désire, parfois à ce qu'on la regarde d'un air dédaigneux ou jaloux, mais jamais au grand jamais on ne l'avait ignorée. Et rien que l'idée d'être prise pour une femme normale la déroutait, alors être considérée comme telle, dans la réalité...

Conscient du trouble de la personne qui avait renversé ses pots de fleurs, Clément avait tout de même daigné lui accorder un peu d'attention. Son teint était d'une pâleur effrayante ; elle était extrêmement mal-à-l'aise.

« Venez, suivez-moi à l'intérieur, vous prendrez un verre d'eau... souffla le jeune homme, inquiet. Vous savez, ce n'est pas très grave ; ça arrive à tout le monde, la maladresse, il ne faut pas vous en faire pour si peu... Tenez, un bon verre d'eau fraîche. »

Clément tendit à Tanya un verre d'eau. La jeune femme leva lentement son bras, ouvrit la main pour enfin saisir la bouée de secours qu'on lui tendait. Sauf que, loin de l'utiliser, elle gardait les yeux fixés dessus, avec un air complètement abruti.

« Ç... ça va mada... mademoiselle ? Vous voulez que j'appelle un médecin, peut-être ? »

Tanya avait fait non de la tête.

« Vous avez perdu votre langue ?
– Non, c'est juste que... enfin, vous ne me reconnaissez pas ? »

Clément avait alors détaillé chaque parcelle du visage de la jeune femme, qui s'était alors trouvée extrêmement gênée. Au bout d'une éternité, il avait enfin dit :

« Pourquoi, je devrais ? Si vous êtes une de mes clientes, je suis désolé de ne pas vous reconnaître, j'en ai tellement...
– Vous... vous le faites exprès ? »

Clément était resté silencieux, un peu gêné. Tanya avait alors avalé le contenu du verre qu'elle tenait à la main, avait remercié le jeune homme puis s'en était allée, toute chose. Il s'était alors employé à réparer les dégâts en attendant d'avoir une idée de nouvelle devanture pour sa boutique. Ce qu'il ignorait, c'est qu'il l'avait fait sous l'œil attentif de Tanya. Celle-ci s'était effectivement assise à une table d'un restaurant-bar non loin pour commander une boisson... mais surtout pour observer sans être vue ce jeune homme intriguant. Plus d'une fois elle avait fait la une des journaux, alors comment se pouvait-il qu'il ne l'eut pas reconnue ? ...la connaissait-il, au moins ? Ou bien restait-il enfermé jour et nuit sans rien savoir de ce qui se passait dans le monde extérieur ? En réfléchissant à ces multiples questions, Tanya sirotait son diabolo menthe spécialement rafraîchissant en cette après-midi d'été particulièrement chaud... et contemplait Clément remettre en ordre avec des manières de maniaque sa devanture. Elle serait bien allée l'aider mais... elle se sentait faible. Quelque chose venait de mourir en elle... ou peut-être naître.

Combien de jours la jeune femme avait-elle passé à cette table à contempler Clément ? Suffisamment en tous cas pour que celui-ci remarquât son manège. Dans un premier temps, il avait cru pouvoir l'ignorer mais son regard était... avait quelque chose de... gênant, d'énigmatique, de mystérieux. C'est pourquoi il s'était décidé à venir l'aborder à sa table, une après-midi – ensoleillée – où les clients étaient rares. Enfin, l'aborder était un bien grand mot : il s'était simplement contenté de s'installer en face d'elle, sans un mot. Après un long silence passé à échanger des regards aussi gênés que brefs, Clément s'était enfin décidé à lui demander :

« Je peux faire quelque chose pour vous ?
– Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai besoin de quelque chose ?
– Je ne sais pas... cela fait plusieurs jours que j'ai remarqué que vous veniez dans ce bar... toujours à cette table... toujours à cette place... qui donne une vue imprenable sur ma boutique... alors je me disais que... peut-être vouliez-vous des fleurs mais que vous étiez trop... enfin, que vous ne souhaitiez pas revenir dans la boutique... »

Tanya avait réfléchi quelques instants avant de répondre.

« C'est fort possible...
– Ça, ça veut dire non... s'était dit Clément à lui-même.
– Que dites-vous ?
– Moi ? Rien, rien du tout... avait balbutié le jeune homme, catastrophé à l'idée que Tanya l'ait entendu.
– Vous vivez seul... »

La fin de sa phrase était restée en suspens : elle cherchait dans sa mémoire un prénom qu'on ne lui avait pas donné.

« Clément.
– ...Clément ? avait achevé la jeune femme.
– Oui, vous êtes une fine observatrice... mais je doute que vous attendiez de moi des détails de ma vie privée...
– Excusez-moi, je ne voulais pas m'immiscer dans votre vie privée...
– À vrai dire, je n'en ai plus vraiment...
– Vous avez bien de la chance... »

Clément n'avait pas relevé, ce qui avait eu le don d'agacer Tanya au plus haut point.

« Vous ne me demandez pas pourquoi ?
– Je ne vais pas m'immiscer dans votre vie privée, puisque je ne veux pas que vous vous immisciez dans la mienne...
– Vous venez tout juste de me dire que vous n'en aviez plus vraiment... et puis, n'est-ce pas à moi de décider de vous révéler ma vie privée ?
– Sans doute... avait commencé le jeune homme avant d'ajouter, comme pour effacer le sourire triomphant qui naissait sur les lèvres de Tanya : sauf que je ne vous ai rien demandé...
– Vous avez raison. Je suis désolée.
– Vous avez bientôt fini de vous excuser ? Ne vous ai-je donc pas dit que ça n'était pas grave ? »

Tanya était restée muette ; elle n'avait plus su comment réagir.

« Vous m'avez l'air tendue...
– Parce que vous ne me laissez pas l'occasion de m'excuser...
– Parce que vous vous êtes déjà excusée...
– Oui mais vous ne m'avez pas pardonné, alors laissez-moi au moins... vous inviter au restaurant... »

Clément avait fait mine de réfléchir quelques instants puis :

« C'est d'accord... mais rien de trop chic ni de trop cher, promis ?
– C'est promis. Alors nous disons... ce soir à huit heures ?
– Ce soir à huit heures. Et je vous emmène. Et je vous ramène.
– Mais...
– Pas de mais ! Ce sera ma façon de vous remercier pour le repas. Allez, à ce soir ! »

Sur ce, Clément avait rejoint sa boutique de fleurs où quelques passants intéressés s'attardaient.

***
Le soir venu, Clément et Tanya s'étaient retrouvés à l'entrée de la Boutique Fleurie. Ils avaient dîné dans un endroit modeste non dénué de charme, cependant ; ils avaient partagé un peu de leur savoir, de leur passé, de leur présent, de leur avenir... Une soirée qui avait scellé une amitié profonde et sincère entre les deux jeunes gens. Le temps avait passé, leur amitié s'était épanouie... Ils partageaient leurs souvenirs, leurs rêves, leurs repas, leur argent – au refus de Clément au départ, mais peu à peu, il avait succombé à une sorte de fièvre acheteuse et la fortune sans fin de Tanya avait trouvé un intérêt –, leur maison mais pas – au grand dam de Tanya – leur lit. La jeune femme était effectivement tombée progressivement sous le charme du fleuriste. À son grand malheur, la réciproque n'avait pas été vraie ; Clément avait eu plus d'yeux pour son argent que pour elle... Mais cet argent lui apportait du bonheur, ce qui faisait dire à la jeune femme qu'il tenait à elle, d'une certaine façon. Et puis un jour, Clément avait découvert ce terrible secret...



Et maintenant, il n'y avait plus qu'un simple bouton à presser. Un bouton qui aurait beaucoup plus qu'une conséquence, beaucoup plus que celle qui était voulue. Comme tourner le temps à l'orage...