Chapitre 29 : Dangereuse alliance
Monsieur Giovanni, le Général Tender et le colonel Tuno avaient donné leur accord pour les premiers pas vers une alliance avec l'Empire de Vriff. Mais au bout d'une semaine, Mercutio et les autres n'étaient toujours pas partis. Des comités spécialisés avaient dû se réunir plusieurs fois pour évaluer ce qu'on pouvait apporter aux Vriffiens comme aide pour cette première fois. Ensuite, il avait fallu les informer et leurs communications, déjà pas très récentes, étaient quelque peu occupées par la guerre en cours.
Enfin, ils reçurent une réponse, envoyée par un pauvre diable qui avait dû faire le trajet à pied. Pas étonnant que ça ait pris si longtemps. Le mot était d'un certain général Epini, chef des armées vriffienes, qui avait écrit simplement : « Nous recevons favorablement cette proposition d'aide de la Team Rocket et nous vous remercions, au nom de Sa Majesté Solaris. » Il avait joint aussi une carte avec l'emplacement du lieu où ils pourraient se rencontrer ; un front non loin de la frontière avec Duttel. Tuno avait insisté pour mettre les choses au point une fois de plus.
- Vous leur refilez les vivres et les armes, vous interrogez l'Impératrice si elle est là, puis vous partez. Je ne veux pas vous voir combattre vous-même les Dutteliens. Est-ce clair ?
Mercutio avait rarement connu Tuno aussi strict et sérieux. Il songea qu'il aurait dû lui montrer la photo de Solaris que Galatea avait faite pour lui, pour le mettre dans de meilleures dispositions envers Vriff. Il acquiesça néanmoins, pressé de revoir sa belle. Et puis, montrer cette photo à Tuno n'aurait pas été une bonne idée. Mercutio ne voulait pas d'un rival pour le cœur de Solaris. Comme tous les hélicoptères et autres engins volants avaient été alloués sur d'autres missions, Mercutio, Siena, Galatea et Zeff furent amenés jusqu'à l'Empire de Vriff par Etouraptor, dont deux de plus qui transportaient les caisses d'armes et de vivres.
La Team Rocket en avait plusieurs pour ce genre de déplacement imprévu. Ça n'allait pas aussi vite que l'hélico et ça tanguait souvent, mais c'était sympa. Mercutio espérait juste que leurs taxis ne se feraient pas abattre par quelques chasseurs vriffiens qui se régaleraient d'un bon Etouraptor à la broche. Quand ils furent arrivés au point de rendez-vous, reconnaissable grâce au campement vriffien qui s'y trouvait, ils atterrirent et firent rentrer les Etouraptor dans leur Pokeball. À l'entrée du camp militaire, un visage familier vint les accueillir.
- Heureux de vous revoir, fit Fukio, toujours sans l'ombre d'un sourire.
Mais Mercutio et les autres se passaient très bien de son sourire, car le seul qu'il faisait, c'était quand il s'apprêtait à trancher quelqu'un avec son épée.
- Si tu es ici, dit Mercutio en lui serrant la main, c'est que Solaris ne doit pas être loin, non ?
- Sa Majesté est en patrouille avec l'un de nos groupes. Elle ne devrait pas tarder.
Mercutio se demanda s'il avait bien entendu.
- Euh... vous laissez votre impératrice aller se battre avec les soldats ?!
- Si j'osais émettre un seul doute sur sa capacité à éliminer nos ennemis, je serai vite privé de certains de mes membres principaux. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Elle n'en a pas l'air, mais Sa Majesté peut venir à bout d'une vingtaine d'ennemis à elle toute seule.
- Vraiment ? fit Mercutio, sceptique.
- Qu'avez-vous là ? demanda le Chevalier en désignant les caisses.
- Des petits présents pour bien démarrer nos relations, répondit Siena. Des armes et des vivres, essentiellement.
- Je vois. Venez, je vais vous présenter au général. C'est à lui que vous devrez parler en l'absence de Sa Majesté.
Fukio les guida à travers les centaines de tentes et de baraquement montées à la va-vite. Les conditions sanitaires ici étaient loin d'être optimales, c'était certain. Une dizaine de soldats devaient dormir dans une tente qui avait été conçue pour en contenir que cinq. Certains dormaient à même le sol, sur une couverture sale. Plusieurs soldats s'entraînaient au combat au corps à corps dans une espèce d'arène. Mercutio constata avec horreur qu'ils se battaient avec de vraies épées et que certain avaient écopé de graves blessures et parfois même de la perte d'un membre ou deux.
- Euh... si je peux me permettre, fit Mercutio. C'est un peu idiot de faire mourir vos hommes à l'entraînement, non ?
- Il faut former les soldats à ce qui se passera en combat réel. Et quoi de mieux pour cela qu'un entrainement tout aussi réel, se contenta de dire Fukio. C'est ainsi que notre dieu Asmoth juge nos soldats : ceux qui sont faibles n'attendront pas d'aller au champ de bataille pour mourir.
Mercutio abandonna. De toute façon, il ne comprendrait jamais les Vriffiens. C'était vrai qu'au plus profond de lui-même, il aurait préféré que Solaris ait été Dutteliene et que ce fut eux qui aient sollicité leurs services et non l'Empire. Les Dutteliens étaient des maniaques de l'ordre, de l'honneur et de la hiérarchie, mais ils étaient bien moins fanatiques que les Vriffiens. En revanche, cet entraînement brutal intéressait clairement Zeff, qui regardait comme s'il rêvait d'y participer. Le général Epini discutait avec plusieurs de ses hommes autour d'une table avec une carte. Quand Mercutio et les autres arrivèrent, il les accueillit avec un franc sourire.
- Nos amis et alliés de la Team Rocket ! Les vaillants mercenaires qui ont protégé notre impératrice et qui sont allés la sauver jusqu'aux portes de Duttelia ! Bienvenue à vous !
- C'est un honneur, mon général, dit Siena, en bonne militaire qu'elle était.
- Je suis à vous dans un instant. Fukio... il y a ce petit problème dont nous avons parlé hier. Eh bien, nous l'avons repéré, non loin d'Arval. Un groupe vous attend déjà.
- J'y vais, dit le Chevalier. Il ne m'échappera pas plus longtemps.
Mercutio ne savait pas quel était ce « problème » mais à en juger par l'air de Fukio et par la façon dont il tenait son épée, la solution à ce problème nécessitait sans doute la mort de quelqu'un.
- Bien, et bonne chance. À vous, mes chers Rockets. Vous venez donc forger une alliance avec nous.
- Ce serait l'idéal oui, répondit Mercutio. Enfin, il faudra discuter des détails avec l'impératrice.
- Bien sûr. Et je laisse la politique à sa plus grande compréhension. Ma mission à moi est de gagner cette guerre et toute aide est la bienvenue.
- Et en parlant d'aide, on a ceci pour vous, dit Mercutio en ouvrant la caisse d'arme.
Il en sortit une des mitraillettes alignées et la montra à Epini. Celui semblait déçu.
- Euh... des armes de votre région ?
- Il y a un problème ?
- Ne vous vexez pas, mais... nous aurions préférés des armes comme les nôtres. De vraies armes.
- Vous trouvez qu'elles ne sont pas vraies ? s'étonna Mercutio.
- Cela ne fait rien, assura Epini. Nous apprécions votre geste.
Mercutio échangea un regard entendu avec Zeff. Ces Vriffiens et leur satané rejet de la technologie... Comptaient-ils gagner une guerre avec des pierres aiguisées ? Surtout que dans le camp d'en face, il y avait des Pokemon ! Une trompette du camp sonna et un vigile s'écria :
- Sa Majesté est de retour !
Aussitôt, tous les soldats se bousculèrent pour être les premiers devant la porte pour accueillir l'impératrice. Tous scandèrent des paroles à sa gloire et des hurlements de joie.
- Nous, on a pas le même accueil quand on rentre chez nous, constata Galatea.
Solaris émergea de la foule avec plusieurs de ses soldats, dont pas mal étaient blessés. Solaris elle était indemne, mais son allure était changée. Finies les amples robes d'impératrice ; elle était vêtue d'une armure blanche et violette, avec une cape rouge qui voletait derrière. Son compagnon Publo était lié à son bras droit en une espèce de double épée qui pouvait soit s'allonger soit se rétrécir. Ses cheveux, d'ordinaires impeccablement coiffé, étaient en bataille et plusieurs mèches rebelles vaquaient ci et là. Elle était passée du look Déesse de Beauté à Déesse de la Guerre et pour Mercutio, ça ne la rendait que plus belle encore.
- Camarades ! s'exclama Solaris à tous ses hommes. Aujourd'hui, trois de nos frères ont perdu la vie en affrontant nos ennemis. Mais leur sacrifice n'a pas été vain. Car le groupe de Dutteliens que nous combattions a péri sans donner l'alerte et nous avons pu nous emparer de leurs armes pour les combattre avec encore plus d'ardeur !
Elle souleva plusieurs épées duttelienes sous les vivats de la foule.
- C'est ça leurs vraies armes ? ricana Zeff.
Mercutio ne répondit pas, car il s'était déjà précipité sur Solaris. Cela faisait une semaine qu'ils s'étaient séparés, pourtant il lui semblait que ça faisait un an. Solaris l'accueillit avec un grand sourire et l'embrassa dès qu'il fut dans ses bras. Malgré son désir, Mercutio s'en serait abstenu devant Zeff, ses sœurs et tous les vriffiens présents. Mais c'était là encore une qualité de Solaris : elle se fichait de ce que les autres pouvaient penser sur elle.
- Tu es revenu, fit-elle quand elle lâcha ses lèvres.
- Bien sûr. Ma parole à une jolie fille est d'or.
Solaris alla saluer Siena, Galatea et Zeff avant de se tourner vers Epini.
- Rien de neuf, général ?
- Non, Votre Majesté. Les Dutteliens tiennent leur position, aveugles à notre supercherie. Votre Chevalier Fukio est parti à la poursuite d'un certain traitre également.
- Bien. Une tente et un dîner pour mes invités !
Mercutio sursauta au mot dîner.
- Euh... ce n'est pas nécessaire. Nous avons mangé avant de...
Mais Solaris éclata de rire.
- Ne t'inquiète pas. Nous n'avons plus trop l'occasion de manger du Pokemon, maintenant. Enfin, parfois, nous prenons ceux des Dutteliens que nous avons tués s'ils en ont, mais nous ne nous nourrissons plus que de fruits ou de petits animaux. Les Pokemon ont tous déserté le champ de bataille.
- Nous vous avons apporté une pleine caisse de vivres, dit Siena. Nous savions que vous préfériez les Pokemon, mais si vous avez faim comme vous dites, ce ne sera pas de refus ?
- Et comment ! les remercia Solaris. Mes braves soldats sont tous affamés. Epini, allez distribuer cette nourriture à nos hommes !
- Tout de suite, Votre Majesté !
- Euh... vous devriez peut-être aller l'aider, les amis ? fit Mercutio aux trois autres.
Ils comprirent le message. Mercutio avait insisté pour parler seul à seul avec Solaris de l'affaire de Tuno. Solaris, elle, pensait que Mercutio voulait un peu d'intimité avec elle et en fut ravie. Quand Solaris le conduisit dans sa tente royale, elle était remplie de domestiques en tout genre, dont une petite fille aux cheveux roux dont on aurait pu penser, à son visage, qu'elle était enfermée derrière des barreaux.
- Dehors, tout le monde, ordonna Solaris. Toi, Némélia, tu ne t'éloignes pas trop.
La petite fille s'inclina profondément et sortit à une vitesse impressionnante, comme si Solaris était un monstre à trois têtes. L'impératrice répondit à la question muette de Mercutio.
- C'est ma cousine. Le seul membre restant de ma famille, que j'ai retrouvé il y a quelques jours.
- Et tu l'amènes sur le champ de bataille ?
- Elle sera appelée plus tard à de grandes responsabilités dans l'Empire ; et si jamais il m'arrivait quelque chose, ce serait elle qui prendrait le trône. Et c'est en observant ce qui se passe de près qu'on acquiert la sagesse nécessaire pour donner plus tard des ordres. Moi j'ai passé toute mon enfance à suivre mon père partout où il allait, que ce soit dans les combats où dans un traité de paix.
Puis Solaris ferma le rabat de la tente, puis sauta une nouvelle fois au cou de Mercutio. Ce dernier se dégagea à contrecœur.
- Désolé. Euh... j'adorerai passer un petit moment seul avec toi, mais il faut qu'on parle.
Mercutio lui raconta alors la scène qu'avait décrite le colonel Tuno. Il cita le nom de Pegasa, mais sans lui dire qu'il connaissait ce nom du roi Antyos. Il allait bien voir si Solaris voulait la jouer sincère ou non. Il fut heureux et soulagé quand une expression de pure incrédulité s'afficha sur ses traits délicats.
- Pegasa ?! Mais c'est un Pokemon millénaire et légendaire ; celui que les Vriffiens ont capturé aux Dutteliens il y a des siècles et qui a provoqué notre antagonisme. Comment peut-il être encore en vie ?
- Il faudrait que tu le demandes à un type nommé Evard et qui se fait appeler Seigneur, répondit Mercutio. C'est lui apparemment qui est derrière tout ça.
Il finit en lui racontant comment Evard avait dévoré un des œufs et comment il s'était subitement illuminé. Le visage de Solaris devint grave et furieux.
- Evard... il s'agit de l'un des Cinq Elus. C'est... c'est très grave...
- Personne n'est donc au courant de ça chez vous ?
- Pas moi, en tout cas. Mais il se pourrait très bien que d'autres Elus soient dans le coup. Ecoute, je vais enquêter sur cette histoire. Qu'Evard retienne prisonnier pendant tout ce temps le légendaire Pegasa et l'oblige à faire des œufs pour ensuite les dévorer me parait inacceptable !
- Tu... tu ne sais pourquoi il mangerait ces œufs ? Je veux dire... vous qui mangez les Pokemon, peut-être est-ce encore une de vos traditions ou...
- On ne mange jamais les œufs des Pokemon, l'assura Solaris. Ils sont tellement peu nombreux chez nous que ça serait du gaspillage. Et j'ignore pourquoi Evard mangerait les œufs de Pegasa.
- Ils doivent avoir quelque chose, pour qu'Evard ce soit illuminé comme ça après l'avoir mangé, insista Mercutio.
- Pegasa est un Pokemon considéré comme légendaire. En fait, ils sont deux dans le monde. Un mâle et une femelle. On raconte que le Pokemon légendaire Sulfura aurait été sauvé une fois par un couple de Galopa. En remerciement, il les fit évoluer, ce qui normalement n'est pas possible. Ces deux Pokemon habitaient Duttel avant que nous... que mes ancêtres ne capturent le Pegasa femelle. Depuis, on a plus jamais revu le mâle. En tout cas, il a quitté Duttel depuis longtemps.
- Je pense qu'Evard le recherche, lui aussi, précisa Mercutio. Le colonel a dit qu'Evard sous-entendait que Pegasa aurait bientôt de la compagnie. Mais s'il a le mâle et la femelle, il pourra alors féconder les œufs et faire naître de nouveaux Pegasa ?
- Non, répondit Solaris. Ce ne seront que des Ponyta, qui évolueront ensuite en Galopa, pas plus haut. Ces deux Pegasa sont uniques et même leur progéniture ne pourra être comme eux.
- Alors... pourquoi il le veut. Qu'est-ce qu'il recherche, ce type ?
- J'obtiendrai des réponses, dit Solaris, confiante et déterminée. Tu peux me faire confiance. Et quand je les aurai, je les partagerai avec vous. Merci de m'avoir raconté tout ça.
- Eh bien, fit Mercutio, gêné, en fait, c'était une obligation de mes supérieurs. Ils ne voulaient pas prendre le risque de faire une alliance si jamais tu... je veux dire... si tu avais eu connaissance de ces choses et que tu tirais les ficelles.
- Bien sûr, sourit Solaris. Je comprends que les vôtres aiment les Pokemon et soient indignés du genre de traitement qu'on pourrait faire subir à un Pokemon légendaire.
Elle réouvrit la tente et s'apprêta à sortir. Mercutio hésita, puis décida de se lancer.
- Et sur le Pokemon légendaire Dracoraure ? Tu n'as rien à dire ?
Solaris se pétrifia. L'expression sur son visage se figea, comme si le fait même d'entendre ce nom était une insulte.
- Où as-tu entendu parler de lui, Mercutio ? demanda Solaris d'un ton doucereux que Mercutio n'avait jamais entendu de sa bouche.
- Le roi Antyos de Duttel, répondit-il. J'ai oublié de te dire, mais quand on est allé te sauver, je l'ai croisé et on a un peu parlé.
- Bien sûr, dit Solaris avec un sourire sans joie. Il n'y a qu'un Duttelien pour nous accuser de tout et n'importe quoi.
- Donc tu admets que vous n'avez jamais volé ce Pokemon ? résuma Mercutio.
Solaris sembla hésiter, puis dit finalement :
- Il a, soi-disant, été enlevé il y a cinquante ans. Si quelqu'un de mon peuple a vraiment capturé ce Pokemon et si mon père le savait, il ne m'en a jamais informé.
- Mais si tu découvrais que l'Empire a bel et bien capturé Dracoraure, et s'il était toujours en vie, comme le Pegasa femelle, tu le rendrais aux Dutteliens ?
- Pourquoi le devrais-je ? s'emporta Solaris. Est-ce qu'ils m'ont rendu mon frère, eux ? Et puis de toute façon, c'est ridicule, car l'Empire ne possède pas ce Pokemon ! Qu'en ferions-nous ?
- Ne t'énerve pas, fit Mercutio en levant les mains. Je suis désolé, je ne voulais pas faire comme si je t'accusais de quoi que ce soit. Je sais que Dracoraure a été enlevé il y a un demi-siècle et que donc tu n'y es pour rien du tout. C'est juste que... je trouve ces guerres entre vous totalement ridicules. Vous vous bouffez le nez depuis si longtemps parce qu'un a enlevé un Pokemon, l'autre a enlevé un prince...
- Ne t'en fais pas, se radoucit Solaris. Cette guerre sera le dernière, je l'ai promis. Je battrai Duttel et j'unifierai la région toute entière sous l'égide de l'Empire. Nous pourrons alors tous vivre en paix.
- Je le souhaite, approuva Mercutio. Et nous t'y aiderons. Je dirai à mes supérieurs que tu n'y es pour rien dans cette histoire d'œufs de Pegasa. On va continuer à vous apporter du matériel et quand tu auras totalement fait la lumière sur les manigances d'Evard, nous officialiserons notre alliance, et nous pourrons alors vous aider directement.
- Et ça fait qu'on se verra bien plus souvent, hein ? dit Solaris avec un sourire coquin.
- Il me tarde, acquiesça Mercutio.
Ils se prirent dans les bras et renouvelèrent un long baiser. Enfin, il aurait pu être long si Galatea n'était pas entrée dans la tente et signalé sa présence en toussotant.
- Désolé de vous interrompre en si importante conversation, ironisa-t-elle, mais on a fini de distribuer les vivres, et le général Epini nous a dit qu'ils allaient bientôt bouger le camp. Siena a décidé qu'il était temps d'y aller.
- J'arrive, lui dit Mercutio.
Galatea eut le tact de refermer le rabat de la tente derrière elle.
- Je vais rentrer à Akuneton, dit l'Impératrice. Ma présence ici était juste faite pour motiver les soldats. J'ai plein de choses à faire là-bas, notamment enquêter sur ce que tu m'as raconté.
Mercutio et Solaris finirent ce qu'ils avaient commencé, puis le jeune homme partit avec la promesse de bientôt revenir. Galatea l'attendait à l'entrée de la tente et lui jeta un regard entendu dès qu'il sortit.
- Je ne veux rien entendre, la prévint Mercutio.
Mais il dut subir son regard amusé pendant longtemps.
***
Dès que la Team Rocket fut partie, Solaris s'enferma dans sa tente avec interdiction formelle pour quiconque d'entrer tant qu'elle ne serait pas sortie. Puis elle fouilla dans ses affaires et en sortit une pierre ronde et rouge, qu'elle sera dans sa main. Aussitôt, la silhouette d'un homme se matérialisa dans la tente ; celle du Seigneur Evard, des Cinq Elus. Solaris ne comprenait pas comment ces pierres de communication marchaient. Le fait est qu'elle en possédait cinq, une pour chacun des Elus et que eux même portaient toujours sur eux une pierre identique, ce qui faisait qu'il pouvait communiquer en grande distance et en visuel aussitôt que Solaris empoignait l'une des pierres.
Les Vriffiens n'étaient pas friands de technologie. Solaris non plus. Leur dieu Asmoth interdisait l'utilisation de toutes choses qui ne soient pas d'origine ou d'invention Vriffienne. Mais ce système était fort pratique, parce qu'elle devait souvent communiquer avec les Cinq Elus discrètement. Mais comment les Elus avaient-ils mis la main sur une technologie pareille, Solaris n'en savait rien. Les Elus avaient encore plus de secrets qu'elle. Le Seigneur Evard, vêtu de sa robe rouge sang, s'inclina rapidement.
- Que me vaut l'honneur de votre appel, Majesté ? fit-il de sa voix mielleuse.
Solaris se força à rester de marbre devant ce visage horrible, comme celui d'un cadavre d'un mois.
- Vous avez foiré, Evard, dit-elle de bout en blanc. Notre localisation a été découverte.
L'Elu écarquilla ses yeux laiteux et striés de sang.
- Comment ?!
- La Team Rocket a remonté une de leur usine qui fabriquait nos conteneurs à œufs et on trouvé l'endroit où vous cachez Pegasa. Ils vous ont vu, vous, en train de manger l'un des œufs.
Evard garda le silence un moment, sa mâchoire tendue.
- Puis-je savoir ce que vous faisiez vous-même là-bas, Evard ? s'énerva Solaris.
- C'était seulement une visite pour voir si tout allait bien, Majesté, éluda l'Elu.
Solaris haussa les sourcils.
- Vraiment ? Et l'œuf dévoré, c'était uniquement pour tester la production ? Ce n'était en aucune façon une occasion malavisée d'aller se sustenter secrètement en attendant la livraison mensuelle, n'est-ce pas ?
Evard plissa les yeux, ce qui fit apparaître encore plus de rides sur son visage d'outre-tombe. Quand il répondit, il avait perdu son ton mielleux.
- Je n'ai pas à me justifier devant toi, gamine, grogna-t-il. Je fais ce que je veux. Pegasa ne t'appartient pas ! Rappelle-toi à qui tu t'adresses quand tu me parles !
Solaris ne se laissa pas faire.
- Mais je m'en souviens, Seigneur Evard. Aussi sûrement que je me souviens qu'en effet, Pegasa ne m'appartient pas. Il me semble qu'il appartient aux Elus. Aux cinq Elus. De même que les œufs qu'il produit. Imaginez ce que vos quatre amis diraient s'ils apprenaient que vous vous servez sans attendre votre tour ? Ils ne seraient pas contents. Pas contents du tout. Surtout le Seigneur Vriffus.
L'effet fit mouche. Solaris vit avec satisfaction le visage déjà pale d'Evard prendre une teinte maladive dès qu'il entendit le nom du chef des Elus.
- Je vois, dit-il après avoir déglutit. Ça ne se reproduira plus, Votre Majesté.
- Je suis heureuse de l'entendre.
- Que comptez-vous faire pour ceux qui sont au courant ?
- Rien du tout. Ils sont en route pour nous rejoindre contre les Dutteliens. C'est à vous de faire quelque chose, Evard. Déplacez Pegasa et les œufs immédiatement. Ce serait dommage que vous en soyez privé, hein ?
Solaris lâcha la pierre et coupa la communication avant qu'Evard ne puisse répondre. Elle se sentit de très bonne humeur, comme si rabaisser le caquet d'un Elu l'avait gonflé à bloc pour la journée. Elle n'allait pas se faire marcher sur les pieds, comme son crétin de père, par ces cinq vieux croutons et leur rêve insensé d'immortalité. L'Empire lui appartenait désormais. La région toute entière allait lui appartenir. Et plus tard, le monde !