Aide-toi et le ciel t'aidera de Kydra

...............- Vaillant-Rescapé, tu as prouvé maintes fois ta bravoure et ta détermination. Souvent, tu as risqué ta vie pour notre cause. Les autres n'ont jamais eu à se plaindre d'une quelconque erreur de ta part. Un Pokémon tel que toi mérite récompense ! A ce titre, il me semble donc légitime de te donner plus de responsabilités.

C'était donc pour cela que la maîtresse Kangourex, Protectrice-Colérique, avait réuni le clan. Elle voulait me récompenser de mes efforts. J'étais très fier d'avoir gagné sa confiance. De tous les Pokémon que je connaissais, Protectrice-Colérique était la plus puissante, la plus apte à commander le clan. Elle avait amplement mérité sa place de dirigeant. Cette promotion me donnait envie de redoubler d'efforts pour servir au mieux notre groupe. C'était tellement exceptionnel que tant de Pokémon de races différentes parvinssent à se fédérer sous une seule bannière ! Rien que pour avoir réussi cela, nous devions à notre maîtresse de lui obéir aveuglément. De toute manière, elle ne pouvait avoir tort.

Je m'avançai. Il m'était difficile, avec l'émotion, de marcher d'un pas égal, le corps droit, mais je fis les efforts nécessaires pour y parvenir. Arrivé devant Protectrice-Colérique, je ramenai contre mon torse une de mes lames et m'inclinai. Elle posa sa patte avant sur mon épaule. La joie m'emplit ; ma mère aurait été tellement fière de me voir à ce moment !

...............- Je te nomme Chef, Vaillant-Rescapé. A présent, tu commanderas un groupe de cinq Pokémon. Les combats seront rudes, mais je suis persuadée que tu sauras servir au mieux les intérêts des Pokémon. Je compte sur toi. Souhaites-tu que certains Pokémon en particulier soient placés sous tes ordres ?
...............- Faites à votre guise, maîtresse. Votre choix sera sans doute plus judicieux que le mien.
...............- Très bien. Dans ce cas, tu commanderas Ténèbres-Ailées, Terreur-des-Hommes, Obscur-Balafré, Brûlant-Agité et Coupe-Tout.
...............- Merci. Je saurai agir de façon à mériter mon titre.

Protectrice-Colérique savait à merveille créer des équipes. Non seulement je m'entendais très bien avec tous ceux qu'elle avait cité, mais de plus, ils avaient des aptitudes au combat diversifiées. Ténèbres-Ailées faisait un excellent éclaireur en tant que Cornèbre. Sa vision était aussi performante de jour que de nuit. Les humains n'éprouvaient plus aucune crainte pour cette espèce : il lui était donc facile de se renseigner sans éveiller les soupçons. Terreur-des-Hommes, Migalos émérite, était capable d'immobiliser ses adversaires grâce à ses toiles, solides comme de l'acier. Aucun humain n'avait une force suffisante pour s'extirper des pièges qu'elle pouvait leur tendre. D'autant plus que contrairement à Cornèbre, les humains avaient tendance à être effrayés par ce Pokémon. Obscur-Balafré avait depuis longtemps fait ses preuves. Il était très puissant. Petit mais hargneux, il ne reculait devant aucun danger, ce qui était rare pour un Medhyena. Son nom lui avait été donné petit, quand un humain lui avait assené un coup de lame. Il avait à présent une cicatrice qui courait du haut de sa tête, derrière son oreille, jusqu'à la gorge. Brûlant-Agité, lui, pouvait enflammer ce qu'il souhaitait, bien pratique pour contenir les humains. Il était également très habile au combat rapproché et ne se fatiguait pas facilement. Un Chimpenfeu comme lui était toujours bienvenu dans un groupe de combat. Enfin, Coupe-Tout était une Rattatac. Experte du sabotage des objets explosifs humains, elle savait non seulement les mettre hors d'état de nuire mais aussi et surtout les repérer.

Ma nouvelle équipe s'avança. Tous me jurèrent obéissance. Finalement, ils exigèrent de moi un discours. Je n'avais rien préparé, puisque personne ne m'avait prévenu de ma promotion imminente. Cependant, je ne voulais pas les décevoir dès le premier jour, d'autant plus que Protectrice-Colérique semblait favorable à mon intervention. Je pris donc mon courage à deux lames et commençai à parler :

...............- Ce titre est, pour moi, le plus grand des honneurs. Mes amis pourront compter sur moi en toute circonstance, je ne les abandonnerai pas.

Je m'arrêtai, déjà à court d'inspiration. Ce que je venais de dire était tellement classique que j'en avais honte. D'un geste, Protectrice-Colérique m'encouragea à continuer. Toujours en manque d'idées, je me lançai dans des banalités.

...............- Les humains vont toujours plus loin. Il fut un temps où ils vivaient séparés des Pokémon, chacun pour soi. Puis, ils entreprirent de tisser des liens avec nous. A ce moment, humains et Pokémon avaient leurs intérêts particuliers. Faute de moyens, les humains avaient besoin de notre aide, que nous leur apportions, par compassion. Seulement, il y eut la transformation des noigrumes, l'apparition des premières Pokéball. C'est à partir de ce moment que tout changea. Les hommes nous privèrent alors de nos libertés. Nos semblables n'étaient pas malheureux, mais ils étaient forcés de partager la vie des hommes. Les combats organisés par ces derniers nous amusaient. Rien n'était encore perdu.
Seulement, les hommes se sont toujours battus entre eux, tout comme nous. La différence réside uniquement dans leurs buts. La mort d'un Pokémon lors d'un combat est regrettable, même quand elle est nécessaire à la survie d'un autre. Les combats des humains ont pour unique but la mort de leur adversaire. C'est pour cette raison que ce sont des guerres, non plus combats.
Pour eux, tout est permis. Maintenant qu'ils ont les Pokéball, ils nous utilisent dans leurs guerres. Nous sommes contraints de mourir pour leurs causes, pour leurs terres ! Terres qu'ils ne cessent de s'approprier, à nos dépends. Non seulement nous ne pouvons plus vivre en paix, mais nous avons de moins en moins de lieux pour nous abriter. Les hommes détruisent nos terres, détruisent nos vies. Que reste-t-il aux Pokémon ? Rien !
Depuis trop longtemps les hommes volent nos belles terres sauvages ! Depuis trop longtemps ils transforment ces terres en nids, fumants et noirs ! Depuis trop longtemps ils exploitent les capacités des Pokémon pour leurs intérêts ! Depuis trop longtemps nous sommes soumis à leur volonté ! Depuis trop longtemps ils sous-estiment notre pouvoir de révolte ! Le temps de la domination des hommes est révolu ! Regagnons notre liberté, regagnons nos terres, libérons nos amis Pokémon du joug humain ! La guerre que les hommes ont lancée entre eux devient aussi notre guerre. En utilisant les Pokémon, ils se sont créés un nouvel ennemi. Nous ne nous laisseront plus manipuler ! C'est la dernière guerre des humains, ce sera leur dernière défaite !

A ma grande surprise, j'eus droit à une ovation. Pourtant, j'avais été tout sauf brillant et original. Protectrice-Colérique m'adressa même un sourire. Ce fut pour moi un véritable plaisir. A présent, comme j'avais des responsabilités, il fallait que je m'entraînasse à parler devant la foule. J'imaginais que tout de même, si j'étais amené à devoir m'exprimer, j'aurais peut-être plus de temps pour préparer ce que j'allais dire, à l'avenir.

...............- Vaillant-Rescapé, fais-nous une démonstration de ton courage ! Montre-nous de quoi le nouveau chef est capable. Tu ne vas tout de même pas refuser de prouver ta valeur.

Malin-Fureteur était un Fouinar qui portait on ne peut mieux son nom. Il était très rusé. Je ne m'étais jamais très bien entendu avec lui. Tout nous opposait : alors que lui était sournois, n'hésitant pas à tromper pour arriver à ses fins, je m'étais juré de ne jamais mentir. Je voulais toujours être franc avec mes amis. Je ne lui faisais pas vraiment confiance et il le savait. Cependant, il était un très bon stratège. Nous nous étions ralliés au groupe à peu près au même moment. Il était donc sans doute déçu que je fusse nommé chef avant lui. C'était une évidence que son défi n'avait pas du tout pour but de prouver quoi que ce soit. Il voulait seulement me ridiculiser en me faisant perdre afin de prouver à notre maîtresse qu'elle s'était trompée en me nommant chef avant lui. Il m'était pourtant difficile de refuser devant tout le groupe, surtout étant donnée mon affection pour les petits matches amicaux.

...............- J'accepterai toutes les épreuves qui se présenteront à moi, Malin-Fureteur. Plus exactement, toutes celles qui se mettront entre notre but et moi. Cependant, je ne pense pas que ce soit une bonne chose de nous battre entre nous maintenant pour prouver je ne sais quoi. Notre loyauté à tous les deux ne fait, il me semble, plus aucun doute à personne. Une démonstration de mon art du combat, dans le but de vous divertir n'est pas vraiment d'actualité.

Protectrice-Colérique avait naturellement sans doute compris les motivations du Fouinar. Aussi, ce fut à ma grande surprise qu'elle n'intervînt pas en ma faveur.

...............- Nous avons un peu de temps à te consacrer, c'est ta journée, aujourd'hui. Même si le combat n'est pas la seule qualité d'un bon chef, il ne fait aucun doute qu'elle est importante. De toute façon, un entraînement de plus ne te fera pas de mal, chef Vaillant-Rescapé. J'ai hâte de connaître tes adversaires. Ne t'en fais pas, nous avons encore assez de baies pour vous soigner après ce combat.

...............- Je propose Terreur-des-Hommes, Pierre-Montagneuse et Nuit-Aveugle.

Migalos, Gravalanch et Nosferalto sortirent des rangs. Je reculai pour me placer assez loin de la foule. Mes adversaires prirent place. Pierre-Montagneuse était face à moi, Terreur-des-Hommes et Nuit-Aveugle chacun d'un côté. Ils n'étaient pas des amateurs. Leur placement en témoignait déjà. J'aurais du mal à les maîtriser surtout s'ils ne se gênaient pas entre eux. La seule possibilité à un contre trois étant de réussir à isoler ses adversaires ou mieux, qu'ils ne puissent pas attaquer sans risquer de blesser un de leurs alliés. Quoiqu'il arrive, il me fallait tenir un temps raisonnable pour ne pas paraître ridicule. Si je pouvais gagner, ce serait une défaite pour Malin-Fureteur, ce qui me ferait vraiment plaisir. De plus, cela assurerait mon autorité et la légitimité de mon titre pour quelques mois au moins. Je penchai la tête sur la droite, passai ma lame gauche du haut vers le bas contre mes dents afin de produire un crissement. Je secouai la tête. Le combat commençait.

Pierre-Montagneuse ne me laissa le temps de ne faire aucun mouvement. Des pierres volèrent dans ma direction dès la première seconde. J'esquivai d'un geste rapide l'attaque Jet-pierres. Le slalom entre les pierres prenait toute mon attention, aussi, je reçus un coup de Dard-venin dans la patte gauche. J'attaquais dans la direction de Terreur-des-Hommes. Je ne fus pas assez rapide et ce fut Nuit-Aveugle qui encaissa. Une Sécrétion entoura ma lame. Sous les coups, je me dégageai de l'étreinte en coupant, avec difficulté, les fils qui me retenaient prisonnier. J'avais seulement réussi à placer un coup et j'étais déjà fatigué et bien amoché. En quelques secondes de réflexion, j'élaborais ma tactique. Je courrai loin de mes adversaires afin de me préparer à frapper. J'eus le temps de placer une Danse-lames qui me redonna courage. Je tournai rapidement autour de mes adversaires. Ainsi, ils ne pouvaient pas m'encercler. Ils étaient donc forcés de me frapper chacun leur tour. Cassés dans leur élan, ils étaient bien plus vulnérables ainsi.

Terreur-des-Hommes s'effondra à mon troisième Aéropique. A deux contre un, ce serait plus jouable. Seulement, je commençai à être vraiment épuisé. Il m'était maintenant beaucoup plus ardu de conserver une place stratégique par rapport à mes adversaires, d'autant plus que Nuit-Aveugle redoublait d'efforts pour m'attaquer. Visiblement, il avait gardé des forces pour les utiliser une fois que les miennes m'auraient quitté. Il me fallait placer une seconde Danse-Lames si je voulais avoir une chance de remporter l'affrontement. C'est donc ce que j'entrepris de faire, au prix de sacrifices. Feignant l'épuisement complet je me recroquevillai sur moi-même. Cela n'empêcha pas mes adversaires de porter leurs coups. Je reçus deux puissantes attaques qui m'arrachèrent un cri de douleur. Je m'étendis d'un coup, tranchant les deux combattants en leur lançant un regard glacial. Surpris, ils reculèrent. Je fis de même, le plus vite possible. Ma Danse-Lames était enfin possible.

La force avait à peine pénétré dans mes lames que Nuit-Aveugle était déjà sur moi. J'esquivai Poison-Croix en me baissant au dernier moment. Ma riposte fut décisive pour le Nosferalto qui tomba au sol, aussitôt sorti du combat par mes amis. Il ne restait à présent que Pierre-Montagneuse et moi. Je ne pouvais plus me cacher derrière les autres pour éviter ses attaques, si douloureuses pour moi. Les pierres d'Eboulement me frappèrent de plein fouet. J'étais cloué dans l'herbe, ma vision troublée. Je sentis alors la douleur. Pendant le combat, les blessures étaient supportables, masquées par le courage, la concentration. A la première pause, elles devenaient insupportables. Obscur-Balafré s'avança pour m'épauler dans ma retraite. En relevant la tête pour le regarder, j'aperçus Malin-Fureteur. Son visage radieux me redonna tout le courage qui me manquait pour en finir avec cet affrontement. Je ne pouvais pas le laisser marquer un point. D'un signe de tête, je fis comprendre à Obscur-Balafré que je n'abandonnerais pas. Je me relevai, oubliant mes douleurs. Je chargeai Pierre-Montagneuse. Il tenta de me frapper pendant ma charge ; je l'avais vu venir. Aussi, je m'écartai au dernier moment. L'attaque portée fut moins dévastatrice mais au moins, j'étais encore debout. La lenteur de mon adversaire était pour lui un handicap que j'exploitais. J'utilisai mes dernières forces pour me déplacer autour de lui. Au moment opportun, je frappai. Il tomba. La victoire était à moi.

Malin-Fureteur était bien moins joyeux maintenant. Lui aussi savait sans doute que Protectrice-Colérique avait vu clair dans son jeu. Du moins, j'espérais que c'était le cas. Cette pensée me donna la force de lever les deux lames pour témoigner de ma victoire. La foule hurla des encouragements. Mes amis étaient à la fois impressionnés et fiers de moi. J'avais presque envie de remercier Malin-Fureteur. Cela aurait cependant paru tellement faux qu'il aurait pu croire que je le narguais. Du coup, je m'abstenais. Mes jambes lâchèrent. Je me retrouvai à genoux, les lames reposant sur le sol. J'avais besoin de repos et de nourriture.