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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 13/07/2011 à 20:52
» Dernière mise à jour le 13/07/2011 à 20:52

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Film - Il ne connait ni Pitié, ni Justice..(1)

Voilà, normalement, je voulais vous publier le dernier chapitre de la fic, en un coup, mais…Il fait déjà 85 pages, et je sature royalement là, j'ai besoin d'encouragements, d'avis des lecteurs…De recul quoi. Je compte sur vous pour me donner votre avis (enfin, ça, c'est si vous voulez la suite vite, sinon, je vais continuer à avancer à un rythme de trois phrases par jour…)

Donc, voilà, la première partie sur les trois prévues. Elle ne fait que 20 pages car je ne pouvais pas couper plus loin sans briser l'action. J'espère qu'il vous plaira.

Pour ceux qui veulent savoir, il ne reste, pour l'histoire, que la fin de ce chapitre (donc encore deux parties, dont une est écrite et attend que j'achève la troisième pour être postée)…Un épilogue, et surtout, le prologue à la saison 2. Car je ne vais pas vous laisser avec cette fin là.

Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture…
Et je vous demande encore une fois, votre avis sur cette partie.


FILM - Il ne connaît ni pitié, ni justice. (1)

« C'est de la confiance que naît la trahison. »


Petit, Peter avait un jour rencontré un garçon étrange, un enfant de son âge, aux cheveux et aux yeux de cyans, aussi clairs et brillants que les cieux. Pourquoi, ce gamin avait-il attiré son attention ? Peut-être parce qu'il était puissant, peut-être parce qu'il ressemblait à son tout jeune frère venant de naitre, et qui lui manquait de retrouver après son voyage ? Peut-être, parce que il possédait un regard aussi ouvert, qui se fermait tel l'acier, d'une volonté si puissante, qu'elle écrasait tout autre, tout obstacle se dressant sur son chemin ? Peut-être, parce que ces mêmes yeux, aussitôt gris de tempête et de pluie, retrouvaient toujours l'éclat de gentillesse et de compassion du premier jour… ?

Il l'ignorait, mais ce gamin, Pierre, Steven, Rochard, le fils du Pdg des Entreprises Devon d'Hoenn, lui répondit un jour, avec son sourire énigmatique :

-C'est parce que ma Maman dit que j'ai des yeux de Pierres précieuses.

Et il lui avait montré, il lui avait tendu une des précieuses pierres qu'il collectionnait, et il lui avait gentiment dit :

-Regarde. Plonge ton regard dedans, essaye de voir ce qu'il y a l'intérieur.

Et il le fit, il contempla très attentivement la pierre lisse entre ses doigts, il caressa la surface polie, aussi douce que la peau d'une personne. Et quand il plongea son être dans l'admiration curieuse de cette merveille, il ne trouva aucune réponse.

Parfois dans un angle, sous un rai de lumière, il se voyait sous l'océan, dansant entre l'écume, de longues zérbures de lumières dansantes au dessus de lui alors qu'il sombrait dans un douce abyme de mélancolie, sans frayeur. Parfois, il livre comme l'air, il n'aspirait qu'à un ciel aussi vaste que l'infini, où le vent paraissait prendre forme dans les nuages, dans chaque rayon solaire, pour venir partager l'aventure avec lui. Et encore parfois il se trouvait dans une immensité étoilée, aux éclats doux et rassurant, un voile, une cape d'opaline, aux saveurs lunaires, qui venait l'entourer, l'étreindre doucement, comme l'aurait fait les bras d'une mère.

-On y voit, uniquement, ce que l'on désire voir. Lui expliqua dans un murmure Steven.

Et il sourit.

-Mais ce qui est merveilleux, avec les pierres comme celles-là…C'est qu'elles ne peuvent pas se briser.

Peter avait redressé la tête, étonné, alors que Steven avait simplement levé la tête vers le ciel.

-Ca fait du bien, de tenir ses rêves et ses espérances, aux creux de la main…Et de les croire, indestructibles. Tu ne trouves pas ?

Alors, oui, il avait saisit, il avait compris. L'enchantement auréolant les prunelles de Steven, était exactement le même sort entourant ses pierres tant aimées. Il était espérance, il était désir, il n'était que volonté inébranlable. Peter, au cours de sa vie, avait rencontré beaucoup de personnes, aux regards éternels, aux iris ensorcelantes. Mais jamais plus il n'avait ressenti ce sentiment étrange de confiance, et d'impuissance à la fois. Cette faiblesse écrasante sous le regard empli de profondeur, de force, d'un autre. Jusqu'à ce soir d'orage fatidique où Eléanore se tenait sur le parvis de la bibliothèque, les cheveux encore trempés, collant à ses tempes, formant volutes et spirales poisseuses sur sa peau pâle.

Mais en cet instant, Peter ne pouvait que contempler ses yeux. Deux grandes émeraudes, profondes, pleines. Deux océans, deux cieux, Une seule Force. Douloureuse Force qui causerait sa propre perte.

- Je veux aider, quoi qu'il m'en coute. Avait-elle dit, simplement.
-Je ne veux pas devenir un meurtrier.

Il ne désirait pas voir plus de sang souillé ses mains, et surtout pas, son sang, celui d'une innocente, d'une enfant. Mais Eléanore avait souri, elle avait haussé des épaules, et dans un rictus mélancolique, tragiquement réaliste, elle avait murmuré :

– Je sais…Que dans ce monde, il y a beaucoup d'évènements tristes, et de crimes affreux…

Il y en avait trop. Tellement trop. Tellement, que Peter se sentait perdre la raison face à eux, ses épaules n'étaient pas assez fortes pour le supporter. Elles ne l'avaient jamais été.

-Mais il y a aussi tout ce qui m'a rendue heureuse jusqu'à maintenant. C'est mon monde aussi, et je veux…
-Il n'y a pas de solution, donc il n'y a pas de problème Eléa, je ne te laisserai pas gâcher ta vie pour…

Mais Eléanore avait refusé d'entendre ce qu'il désirait lui avouer. Tel un diamant, d'un tranchant mystique, implacable, elle lui rétorqua, sans bouger, sans reculer, sans vaciller, incassable :

–Il y a un problème. Et il y a une solution, tu refuses juste de la voir.
–Parce qu'elle coute bien trop chère…

Il avait sifflé, il le sentait, tout entier, ce prix s'arracher, comme de sa propre chaire, et lui être retiré, plus encore qu'elle ne semblait le réaliser. Mais elle avait simplement secoué la tête, refusant de comprendre, de voir la souffrance, les conséquences, les dommages :

– Non, elle coûte exactement le prix que nous pouvons nous permettre.
– Ne parle pas de ta vie ainsi !

Ignorait-elle simplement, ce que cela impliquait ? Une fois mort, c'est fini. Il n'y a plus rien ! Plus rien à espérer, plus rien à aimer, plus rien dont se vanter.

– Justement c'est ma vie, je la mène comme je l'entends et je la termine exactement de la façon dont je l'entends ! Mon bonheur à moi, c'est de partir en vainqueur et de vous permettre le bonheur ! Alors, laisse moi au moins ça.

Il n'y avait aucune dignité dans la mort. Il y avait juste un corps froid, et une âme qui disparaissait dans le néant. Juste, juste l'atroce souffrance de ceux qui restent, et la placide indifférence, d'un regard déserté de toute émotion. Déserté de toute trace de son être.

– Je..-Je sais déjà que le remède de Régis ne marchera pas, et si nous attendons plus longtemps…
-Nous trouverons bien un autre moyen ! Avait-il rugi, à bout.
– Lequel ?

Et son cri, outrepassa le sien, sur un autre seuil, sur un autre niveau de désespoir et d'impuissance. Une question, qui n'avait aucune réponse, aucune solution. Contrairement à la sienne.

-Hein, alors que même en appelant Arcéus vous ne savez même pas ce qui en découlera… ? Qu'est-ce que tu crois pouvoir faire contre ma maladie, Peter ? Tu ne peux même pas sauver une personne, crois-tu pouvoir sauver le monde seul ?
– Mais…

Il ne désirait pas sauver le monde, si cela impliquait de se perdre lui-même, de perdre ses principes les plus moraux. Si cela impliquait, qu'il allait causer la même douleur, que celle qu'il avait vécue, à d'autres.

- Nous avons tous beaucoup payé, dans cette guerre…Toi autant que les autres. Et ma vie est déjà finie depuis longtemps, je n'ai aucun avenir, j'ai déjà une tombe, Peter.

Elle eut un sourire aigrie, à la mention de cette plaque de marbre trônant au dessus d'une boîte vide, au Bourg palette. Là où sa famille, se recueillaient et pleuraient, une personne encore bien vivante.

Il avait levé les yeux vers la jeune femme, affreusement droite et majestueuse, face à lui. Et son regard, encore et toujours de la même froideur. Sans une hésitation.

-J'ai l'opportunité de donner une raison, une signification à ma fin, peu de gens, peuvent se vanter de cela.
– Tu…Ne fais pas ça.

Pas pour les autres, pas pour une idée, de fierté. Cela ne servait à rien. Il n'y avait rien de beau dans un sacrifice.

–Je le fais pour moi avant tout Peter. Je suis égoïste, si je me sacrifie, ce sera pour moi, parce qu'imaginer vos sourires me suffit, parce que je ne désire que choisir, être libre.

Alors, Peter, défait, s'était agenouillée face à elle, et avait baissé la tête. Ployant sous ces deux émeraudes, où il ne lisait plus aucun désir, plus aucune passion, ou même espérance.

–Bien…Eléanore.

Il ferma les yeux, incapable de soutenir lui-même le propre crime qu'il refusait d'admettre, et dont il était pourtant l'odieux participant.

-Je te promets d'honorer ta mémoire. Et sitôt le monde sauvé, je te rejoindrai dans la tombe pour me pardonner le pécher de t'avoir ôté la vie.

Et alors, dans un éclat de lucidité, de compassion, peut-être d'agacement et de sarcasme, les prunelles d'Eléanore brillèrent.

– Arrête ton char de prince charmant, si tu veux honorer ma mémoire Peter, reste en vie, oublie-moi, efface mon existence et surtout mon sacrifice de ta mémoire : pour vivre heureux toi aussi, et donne à ce monde une chance d'avancer, plus loin, plus magnifique encore qu'avant.

Elle s'agenouilla à son tour, et posa une main sur ses épaules, et se pencha de nouveau, baissant la tête, pour placer son visage dans son champ de vision. Les cheveux tombant en une cascade noueuse sur le parquet, Peter entrevit une frimousse pâle, et un sourire baigné par des larmes, ou de pluie, impossible de le savoir, dont il serait l'unique témoin.

- … -Invente un monde dans lequel j'aurai aimé vivre paisiblement…

Peter rouvrit les yeux, au milieu de la grotte, épuisé. Adossé contre un pan de mur, bercé par les souvenirs de cette fameuse soirée, de cette décision faisant tout basculer, il s'était laissé emporter. Abandonné. Mais le chant d'Eléanora n'était pas venu sonner à ses oreilles, malgré la bouteille de poison, gisant à ses pieds.

Le verre poli et ouvragé, eut comme un sursaut, un rire ironique, dans un éclat de pénombre. Vide, une goutte d'acide suppurant au bord de son goulot, au bord du gouffre, mais refusant de se laisser aller à l'abandon, de plonger une dernière fois pour s'écraser sur le marbre de la caverne, dans le froid madabre de la pierre, d'un tombeau.

Peter sentit sa gorge se serrer, comme ayant sa propre vie devant ses yeux. Une simple goutte, dernière représentante de ce qui avait autrefois été un tout, une simple goutte, venimeuse, qui tuait quiconque s'en approchait, et qui pourtant, refusait de disparaître.

Même le poison n'effaçait pas le poids de ses remords. Rien ne pouvait l'altérer. Il avait pourtant tout avalé, tout avalé à part cette dernière goutte. Mais sa vie refusait de s'éteindre.

S'il avait été plus fort. S'il avait eu de tels yeux, capables de faire fondre toute volonté. S'il avait été de taille. S'il avait été, tout ce qu'il n'avait put être…

Soudain, un hurlement se répercuta tout autour de lui. Il sursauta, et se redressa sans grande difficulté.
Son pied manqua de glisser sur la bouteille scellant son destin. Il se rattrapa à la paroi, et tendit l'oreille. De nouveau, il saisit le cri, atroce, il parut lui vriller les tympans, reconnaissant ce timbre entre tous.

« Holly. »

Il se précipita vers les premières salles de leur refuge, revenant le plus rapidement qu'il put, du plus profond de la caverne. S'extirpant lui-même de la noirceur dans laquelle il s'était réfugier. Pour une seule personne, une seule bonne action. Parce qu'il n'apprenait jamais il fallait bien le constater. Aussi longtemps que son cœur pulsait dans sa poitrine, il se souciait d'autrui, il jetait toutes ses forces dans une bataille, vaines. Juste pour sauver ce qu'il pouvait.

Jamais assez. Jamais les bons.

Et encore il se trouva, trop tard, à admirer les fruits de son incompétence.

Silver gisait au sol, inerte, ses cheveux écarlates plongeaient son expression dans l'ombre des doutes. Non loin de lui, Salomée se tenait, insensible, tournant le dos à son propre fils.

-Qu'est-ce que…

Salomée sursauta, et se tourna vers Peter, pour lui offrir un sourire.

-Oh Peter tu étais…

Il ne l'écouta pas finir sa phrase et se rua vers Silver. Précautionneusement, il le redressa légèrement, tout le corps se dodelina, flasque, sans le moindre mouvement vital, doucement, il releva la mèche de cheveux qui cachait la frimousse du meurtri.

Silver avait les yeux clos, la bouche légèrement entrouverte, un simple filet de sang coulait de ses tempes, pour venir s'échouer sur le pourtour de ses lèvres gercées. Il remarqua une larme, encore empêtrée dans les cils du gamin, elle n'avait pas eut le temps de s'écouler. Inquiet, Peter posa sa main contre ses lèvres, et il poussa un soupir de soulagement, en sentant un souffle sporadique, lui lécher la paume.

-Allez Silver, Reste avec moi. Murmura-t-il nerveusement, alors qu'il essayait de trouver l'origine de cette perte de sang, mais surtout de l'inconscience du garçon. Son sourire faiblit de crainte sous les réminiscences. – je ne veux plus perdre personne…

Il ne trouvait pas ce qui avait pu…Ses doigts se crispèrent sur le jeune homme, toujours inconscient.

-Qu'est-ce que tu fais ?

Peter tressaillit, réalisant peut-être pour la première fois, réellement, que la mère et le fils se trouvaient réunis. Appréhendant sa réaction ; il leva les yeux vers elle, mais comme il le redoutait, elle lui renvoya une œillade interloquée. Comme ne voyant même pas le gamin blessé à ses pieds. Son unique prunelle argenté l'observait, placide, le sourcil arqué par la surprise.

Elle ne le voyait même pas.
C'était tellement injuste.

Peter siffla, et peut-être, un peu trop rageusement, son impuissance se cognant une fois de trop contre la folie de sa première victime, il lui envoya :

-J'essaye de sauver Silver !
-Qui ?

Peter se retourna violemment, furieux, et il cracha :

-LE GAMIN QUI EST JUSTE DEVANT TOI !

Mais Salomée pencha simplement la tête sur le côté, et innocemment, désolée, elle lui murmura :

-Mais il n'y a personne d'autres que nous ici, Peter…

Le maître Dragon eut, une seconde de doute, comme un pincement au cœur, un simple vacillement. Salomée lui sourit. Mais la colère submergea aussitôt le chef de Twilight, qui grogna :

-Arrête de dire…

Il s'arrêta net, dans son mouvement pour revenir auprès du malade, il ne toisait plus que ses bras ballants, paumes ouvertes vers le plafond, sans chargement, sans prise.

Qu'est-ce que ?

Il frissonna, et toisa de nouveau Salomée, qui le scrutait soucieuse.

-Peter, ça va ? S'inquiéta-t-elle.

Il n'aurait sur le dire. Peut-être que le poison produisait enfin quelque effet… ? Il hallucinait ? Ou alors devenait-il simplement fou ? Il aurait pourtant juré pouvoir palper le corps inerte d'un Silver inconscient dans ses bras. Le tragique de la situation, lui avait comme lacéré la poitrine, enfermé l'esprit dans un étau de panique, l'espace d'une seconde. Sa gorge s'était asséché, et son poul avait défailli, une illusion…Pouvait-elle réellement sembler si réelle ? Pouvait-elle imiter jusqu'à la texture de la peau ? Le souffle dangereusement faible coulant sur ses doigts ? Jusqu'à recréer la paralysie de la peur même ? L'enfermer à nouveau dans le cercueil de ses sentiments, écueil de ses souvenirs ?

-Peter ?

La petite voix de Salomée le tira à nouveau de ses réflexions, elle se penchait près de lui, la mine sérieusement affectée. Une petite moue de gamine peignant ses traits.

-C'est mon esprit ! Je crois qu'il me joue quelques tours…

Il tenta de ricaner, mais seul un borgborisme sortit de son gosier. Il se releva, et il lui sembla l'espace d'une seconde, qu'un bruit sourd, mât, retentissait à ses pieds, comme une charge que l'on lâche, et qui s'écrase au sol. Mais Salomée lui attrapa la mâchoire, et le força à regarder dans sa direction.

-Tu es sûr que…Tu es fatigué. Tu travailles trop. Qu'est-ce qui te préoccupes pour que… ?

Peter frémit, mais il se dégagea de son emprise. Il n'appréciait plus son contact, depuis que Marion était entrée intimement dans sa vie, ce geste le dérangeait. Aussi esquiva-t-il :

-C'est rien, j'ai eu un petit coup…J'ai vraiment cru que Silver était là à moitié mort !

Il rigola de sa propre stupidité, et Salomée, après une minute, à le regarder, en silence, lui demanda naïvement :

-Qui est Silver ? Nous ne connaissons pas de Silver…

Et là, la question le frappa.
C'est vrai ça, qui était Silver ?
Il essaya de se concentrer, de lister les visages, les noms qu'il connaissait, de cerner les traits obscures de la créature blessée de sa vision, quelques instants plus tôt, mais tout se para d'un flou obscure. Il fronça les sourcils, et un pic de couleur lui parcourut le crâne. Pourtant, il était certain, que cette personne comptait pour lui…Comment…

Il devait vraiment être épuisé. Ou alors, le poison, malgré l'entrave de la grotte, atemporelle, faisait effet.
Salomée se crispa une seconde devant lui. Il tâcha de lui sourire pour la rassurer, car après tout, cette femme, n'avait plus que lui, Cynthia et Eléanore. Elle était seule, enfermée constamment dans cette prison de Cristal. Il était sadique, mesquin, de l'incommoder de tourments et d'inquiétudes lors de leurs brèves rencontres.

-Ce n'est rien, je suis un peu…
-Oppressé ? Devina juste Salomée avec un sourire omniscient.

Peter s'étonna de la voir tomber juste, mais il hocha du chef.

-Tu…Tu comprends, j'ai beaucoup de choses à faire…
-Oui, je comprends, après tout…Tu es chef de Twilight. Tu dois prendre beaucoup de décisions. Difficiles.

Un long serpent d'angoisse s'insinua en Peter, sans qu'il ne parvienne à en comprendre la cause, et il se contenta d'hocher vaguement du chef, à la question de Salomée. Ce sourire…ce sourire qu'elle lui envoyait…
Il le dérangeait aussi, tout comme son contact. Mais il ne parvenait plus à se souvenir depuis quand.

« Ne t'inquiète pas, je sais lire en toi ne l'oublie pas. » Murmura alors une voix en écho, au fond de son crâne.

Il parut à Peter, que cette immersion, en lui, l'embêtait, mais…pourquoi déjà ? Quand l'avait-il chassé la dernière fois ?

-Tu vas donc aller sacrifier Eléanore…Murmura une Salomée, tristement.

Peter ne répondit pas.

-Je suis certaine qu'elle fera une excellente Eléanora de remplacement…Tu comptes bien entendu être le gardien du Pacte ? N'oublie pas, que le pacte ne peut-être rompu, et Arcéus libéré, qu'une fois le ou les gardiens du pacte, morts…Tu es sûr que…
-Eléanore ne va pas mourir. Et je ne serai pas son gardien.

Pour la première fois, Salomée se figea, et plissa des yeux.

-Ah oui ?

L'intonation dans sa voix, ne paraissait ni soulagée, ni emprunt de contentement. Peter se détourna.

-C'est moi qui vais mourir. J'ai déjà pris du poison pour la remplacer. Et Cynthia pourra être gardienne du pacte. Ou alors ce sera Eléanore. Elle semble savoir ce qu'elle veut, elle fera un parfait chef, bien meilleur que moi.
-Ce n'est pas possible.

Peter s'étonna de tant de certitude chez la mère de Silver, et il la dévisagea, une seconde, mais il ne rencontra que son masque habituel, alors qu'elle expliquait :

-Je ne suis pas liée à Cynthia. Et je ne le pourrais jamais. Elle n'a pas de sang de Gijinka dans les veines, comme toi, ou tous ceux aux prunelles dorées…et elle n'en est pas une, comme Eléanore.
-Et bien…Essaya de répliquer Peter.
-Eléanore ne me fait pas confiance, elle ne me laisse pas entrer dans son esprit comme je le désire. Elle ne m'écoutera jamais. Tu es le seul à pouvoir être Gardien du pacte avec Arcéus…

Une pointe d'exaspération inonda Peter, qui ferma les yeux, et grinça des dents, pour prendre sur lui, avant de répondre, le plus calmement possible.

-Et bien c'est trop tard. J'ai déjà pris du poison, et Cynthia a déjà du assommer Eléanore pour éviter qu'elle ne chante…C'est…

Elle posa ses bras autour de son cou, et un choc électrique lui parcourut le corps entier, il la repoussa violemment :

-LACHE-MOI !

Une douleur à la tête l'interrompit, et il gémit, clignant des yeux sur le coup. Et quand il les rouvrit, une drôle de sensation étreignait son estomac. Comme une brisure…Une brisure familière…Telle que…Que le jour où il avait bravé, bafoué ses principes les plus fondamentaux. Le jour où au Qg Rocket, il avait, assassiné des Pokémons innocents. Ou peut-être…Une brisure…Plus vieilles, anciennes. Il lui sembla suivre des yeux les fissures de son corps éparses, et pendant une seconde, il fut perdu, dans les souvenirs, le long du chemin, jusqu'à ce qu'il parvienne au but. A la première blessure, ouverture, au pieu qui avait généré cette infection.

Son regard croisa celui de Salomée. Ses prunelles solaires rencontrèrent la lune de ses yeux. Comme pour la première fois.

Un sourire fendit sa frimousse, et ses lèvres s'entrouvrirent, pour laisser échapper :

- Dès la première concession tu as scellé ton Destin.

Alors, une douleur, un impact au creux de l'estomac, lui renvoya violemment, les premiers mots échangés, en pleine mer, alors qu'il la sortait de l'eau, quand le corps sanguinolent de la femme qu'il tenait, brillait encore du miracle de sa renaissance. Là encore, il n'y avait eut, qu'un échange de regard, de mot, une supplique, une demande :

« Aidez-moi »

Et une première concession.

Il ne réalisa pas complètement ce qui lui arriva, il sentit la pierre, la roche, tout contre lui. Et il leva les yeux, vers Salomée. Cette fois, à l'inverse, c'était elle qui se tenait debout, indemne, et lui en sang. La femme, les mains ensanglantées, jouaient avec fascination, avec un liquide, suspendu dans les airs. Peter reconnut, par sa couleur violacée, le poison qu'il avait ingéré un peu plus tôt. Elle le contemplait sans expression, et le faisait danser autour de ses doigts, comme un enfant s'amuse d'une balle.

Comment un si petit liquide avait-il pu manquer de ruiner ses plans ?

Salomée baissa les yeux vers Peter, et elle lui sourit à nouveau. Elle s'accroupit à son niveau, et pencha la tête sur le côté, comme embarrassée.

-Ca va ?

Peter palpa son ventre, qu'il avait cru percé, pour constater que rien, à part la souffrance, ne le trouait. Il n'arriva pas à balbutier un mot, perdu, déboussolé, et Salomée fut plus rapide.

-Il faut se dépêcher d'invoquer Arcéus avec Eléanore Peter. Nous devons éradiquer le mal du monde, pas le temps de flemmarder.

Et elle sourit de nouveau, en voyant le champion se lever et hocher simplement du chef, sans même poser de question.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Son souffle lui brûlait la trachée, lui déchirait les poumons. Chaque enjambé, chacun de ses pas s'affaissant dans le sol, se répercutait dans tous ses muscles, lui écrasait le cœur et la respiration. Et il se focalisait, il se focalisait sur son but, s'y accrochait de toutes ses forces pour que mettre un pied devant l'autre, plus vite, plus fort, plus vite, plus fort. Encore et toujours.

Mais pourquoi, la place principale était donc si loin ? Pourquoi alors qu'il y plaçait toutes ses forces jusqu'à ne même plus pouvoir respirer, ce point lui paraissait si inaccessible.

Gabriel regrettait amèrement de n'avoir jamais fait autant de sport qu'il ne l'aurait du. D'avoir négligé ce soin du corps pour l'enrichissement de l'esprit. Il se remémorait les paroles de leurs professeurs d'EPS –tous sadiques- qui leur criait à s'en déchirer la voix, de continuer. Que la peine s'estomperait, qu'il fallait juste avancer, et qu'en suite elle s'évaporerait. Mais il s'en fichait pas mal. Il souffrait maintenant. Pourquoi se torturait-il donc à continuer une chose qui le meurtrissait déjà ? Pourquoi cela ne la douleur lancinante de ses muscles, le poids qui formait un étau, se resserrant à chaque foulée, ne s'évaporait-il pas déjà ?

Et aussi égoïste que cela pouvait paraitre, il détesta, il haït Eléanore en cet instant. Il se promettait de la tuer dès qu'il la retrouverait, pour lui avoir fait endurer une pareille course, une pareille frayeur. Oui, c'était l'unique motivation qui lui permettait encore de maintenir la cadence, d'ignorer l'odeur de la sueur insupportable qui montait à ses narines, de se demander si ce qui perlait à ses yeux était de la sueur ou des larmes. D'oublier sa dignité depuis longtemps semer sur le chemin cahoteux qu'il venait de traverser.

Mais pourquoi cette maudite place restait dans cette foutue ligne à l'horizon ! Pourquoi le stupide architecte qui avait construit cette vallée n'avait-il pas placé cette avenue juste à côté de son foutu passage secret ! ENCULE D'ARCHITECTE !

CONNARD ! SALOPARD ! FILS DE PUTE ! MERDEUX ! ET…ET…TOUS LES GROS MOTS QU'IL NE S'ETAIT JAMAIS SOUCIE D'APPRENDRE ! CE TYPE MERITAIT JUSTE L'ENFER POUR LE FAIRE COURIR SUR UNE TELLE DISTANCE !

Alors, enfin, une silhouette apparut, un ange tombé du ciel. L'exclamation échappa à Gabriel, rauque, désespéré, à bout, comme un marin appelle à l'aide se noyant dans le typhon en pleine tempête.

- Gold !

Le brun fit volte-face, et sur le coup, trop occupé à ne pas vomir, à reprendre son souffle, à essayer de survivre, Gabriel ne prêta même pas attention aux ecchymoses sur son visage. La lèvre fendue, la tempe bleuie aux marques de sang séchés, l'arcade sourcilière badigeonnée d'écarlate. Tout ça sembla se confondre dans le flou de sa vision, tant le monde tanguait devant ses yeux.

Et d'ailleurs, tout à sa peine, à ses remords, Gold ne remarqua pas plus l'état pitoyable du génie.

-Quoi ? Répliqua-t-il sèchement.

Alors, Gabriel déballa d'une traite, sans pause, de peur de voir ses mots se mélanger, disparaitre dans sa gorge sèche, roulant sous sa langue qui lui semblait énorme en cet instant, et suintante de sang surtout.

-Gros problèmes Je sais pas encore quoi, mais, toute cette histoire sur Eléa, c'est faux, et Silver…Silver il…

A l'entente de ce prénom, le garçon détourna la tête, et rugit violemment, les poings serrés :

-Qu'il se démerde ça me regarde pas ! Je veux plus entendre parler d'eux !

Et peut-être, si la situation n'avait pas été aussi critique, Gabriel aurait-il perçu la douleur purulente qui se camouflait derrière ces mots durs. Mais il ne les vit pas ; il ne perçut, que le refus. Et pour un garçon, qui avait toujours vécu dans une famille, solidaire dans le malheur, pour un gamin qui n'avait jamais eu qu'une main tendue dans le besoin, cet acte était le pire des actes. Le plus incompréhensible. Le même que celui de son père.

-Qu-quoi ?

La voix de Gabriel tremblait à la fois de choc, et de menace invisibles. Il se redressa légèrement, les muscles tressaillant, non plus sous l'effort, mais sous la colère.

-Laisse-moi tranquille, qu'ils aillent au diable tous les deux ! C'est pas assez clair ?! Explosa Gold, rouge.

Gabriel recula, mais l'intimidation n'eut d'effet qu'une seconde. A la peur, l'étonnement, la stupéfaction, se substitua le dégoût, virulent.

-T'ES QU'UN CON !

Et Gabriel s'élança, passa à quelques centimètres de Gold pour reprendre sa course. Il le poussa sans ménagement hors de son chemin, les yeux baissés, rivés sur le chemin à parcourir, les plissant de toutes ses forces pour contenir les larmes d'incompréhension. Mais cette fois au moins, il maudissait une autre personne qu'un architecte inconnu.

Gold resta quelques minutes à le voir s'éloigner, avec la force du désespoir, et il baissa les yeux. L'insulte se répercutant familièrement en lui. Douloureusement.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Eléanore patientait, assise tout contre le mur de pierre, suintant d'humidité, des restes d'une époque aussi flous et insaisissable que l'eau. Elle ne savait pas trop ce qu'elle attendait, ou ce à quoi elle pensait. A vrai dire, elle essayait plutôt, de ne songer, à rien.

Il était étrange, de revenir à ces moments de longue agonie, nonchalante, où le temps s'écoule trop lentement, amer. Elle avait oublié la douleur que causait l'attente. Depuis, sa rencontre avec Ash, avec Sam, jamais plu elle n'avait permis à l'insidieux poison de couler en elle. Jamais elle ne s'était lentement sombrer dans la mélancolie, comme en ces jours de son enfances, passée sur le balcon à regarder les autres vivre ce qu'elle ne connaitrait jamais.

Qu'est-ce qu'ils ressentiraient, ces gamins insouciants, si du jour au lendemain, on leur apprenait qu'ils ne vivraient jamais aussi longtemps que leurs parents ? Qu'ils ne connaitraient jamais l'intriguant âge adulte auquel chaque enfant aspire ? Jamais la moindre indépendance, jamais la moindre liberté ? Leur sourire s'effaceraient-ils ? Ou bien alors, riraient-ils nerveusement, voyant leurs espoirs, leurs croyances les plus fondamentales se briser, choir à leurs pieds.

Les fillettes ne feraient jamais que jouer à la maman. Les garçons ne seraient jamais autrement qu'en rêve un héros. En un sens, on ne leur permettait même pas la chance, d'échouer, de s'effondrer sur le chemin de leur ambition. On leur expliquait simplement, qu'ils n'étaient pas invincibles.

Dur concept pour un enfant.

Eléanore n'aurait jamais souhaité à personne de subir ce qu'elle avait vécu. Pas même à la pire ordure de la planète. Parce qu'elle avait été une gamine, qui avait grandie trop vite, parce qu'elle avait pris la main de ses parents et les avait consolés, alors que son cœur avait été aussi creux que les leurs. Ce n'était pas un châtiment, un châtiment, ça se mérite, ça s'explique. Sa maladie, n'avait aucune explication. C'était juste insupportablement cruel.

Mais ça allait enfin s'achever, là, maintenant. Et de la manière qu'elle désirait. Eléanore ferma les yeux, paisiblement, plaquant sa joue contre le marbre froid. Essayant d'imaginer, si son propre corps, serait aussi glacé dans quelques heures.

« Eléa… »

Miyu essaya de la prendre dans ses bras, mais ses membres lui passèrent au travers, fantômes, spectre consolateur, qui n'avait jamais réussi à l'étreindre, à la cacher du mal, de la réalité. Finalement, maintenant qu'il y songeait, personne ne l'avait jamais fait. Personne n'avait jamais pris la petite dans une étreinte, et ne l'avait laissé expulser sa peine, cette injustice qui la paralysait. On l'avait consolé, pour la mort des autres, pour un adieu, pour une déception…Mais jamais, on ne l'avait embrassé en aparté. Elle avait consolé les autres pour sa propre mort, plus qu'elle ne l'avait pleuré elle-même. Ses bras ouverts avaient connus bien plus souvent l'âpreté des larmes que ses joues.

-Je vais mourir, c'est tout, Miyu, on y était préparé depuis longtemps. Murmura Eléa, sans le regarder.

Cela ne changeait rien à l'épuisement, à la tristesse, à la douleur du renoncement, à l'effrayante inconnue qu'était cette mort, qui ô combien ironique, parviendrait, elle, à saisir cette fillette, cette gamine qui incarnait tout son monde, à la prendre dans une dernière embrassade avant de la lui enlever.

-Quoi qu'on fasse, rien ne changera.

Sa décision, sa fatalité ? Miyu n'était même pas certain qu'Eléanore connaissait la réponse. Elle se contentait de glisser dans les affres de l'abandon, un gouffre vide, qu'elle avait toujours toisé de haut, oscillante. Elle avait toujours longé la falaise, un pied devant l'autre, tanguant dangereusement, et aujourd'hui, elle baissait simplement les bras, elle oubliait son équilibre, et patientait pour qu'un simple coup de vent ne la fasse basculer.

Soudain, un bruit mât se répercuta dans leur dos, tel un glas. Et Miyu sut, sut que s'en était terminé. Eléanore se leva, sa main longea les murs, effleura les aspérités de la réalité, sans s'y accrocher. Elle tourna la tête en direction de son bourreau, sans émotion.

Peter se tenait là, Salomée, bien plus en retrait dans son dos, gardait la tête basse, silencieuse. Il eut une expression tiraillée, une moue coupable, et simplement, dans un murmure il lui envoya :

-Je me doutais que tu serais là…

Eléanore ne répondit rien, tournant le dos à la grotte de cristal où reposait son homonyme passé, ainsi que ses boucles d'oreilles, ses trésors. Ses poings se serrèrent sur la lanière de son sac, qu'elle n'avait pas eu le courage d'ôter, comme pour maintenir l'illusion, faire persister le mensonge, que tout cela n'était qu'un long voyage dont elle reviendrait bien un jour, quelques minutes de plus. Quelques minutes de subsistance alors que déjà, un de ses pieds reposaient sur les marches menant aux ruines, à l'air libre, à la réalité.

-Il est temps. Souffla Peter, le visage triste.

Paradoxal, de rappeler l'heure dans un lieu où elle n'était plus. Dans cet ilot atemporel, cette prison qui la maintenait dans une chimère immortalité. Eléa retint un ricanement sarcastique, mais elle n'en eut pas la force. Ni l'envie. Finalement, à quoi bon, lui servait sa réparti en une situation pareille.

-Je te préviens, je…je ne changerai pas d'avis. Tu peux dire tout ce que tu veux…

Elle se mordit la lèvre inférieure.

-J'ai pas envie de chercher les mots pour te convaincre, de répéter ce que j'ai déjà dit mille fois. Je le ferai c'est tout. Que tu approuves, ou non.
-Je sais.

Elle sursauta devant cet état de fait, étonnée qu'il ne se batte pas, qu'il ne jette pas ses dernières forces, dans cette bataille futile. Car c'était Peter, le Peter à la fois faible et fort qu'elle connaissait, celui qui luttait jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la perte total de ses espoirs, pour une cause bien vaine. Un homme, dont la volonté et les principes, tuaient à petit feu, sans répit, sans merci. Elle l'admirait en un sens pour ça. Parce que brisé, il continuait à ramper, tout comme elle.

Mais cette fois, ils se livraient tous les deux, apparemment, ils rendaient les armes.

-Invoquer Arcéus est la seule solution, n'est-ce pas ? Souffla Eléa, désemparée, comme pour se rassurer, se répéter, combien la voie s'était fermée à ses pieds, combien elle pouvait finalement ployer.
-Je le crains…Ils ont tous les moyens de l'appeler, et ils le feront un jour ou l'autre…Et quand ils le feront…
-Ce sera la fin.

Peter ne répondit pas. Eléanore sentit ses phalanges blanchir sous la pression, son cœur beaucoup plus meurtri, à l'idée que, plus que sa vie, mais celles de ceux qui comptaient à ses yeux, puissent s'achever. Sans raison, sans excuse, de la même injustice qui l'avait emprisonnée dans son enfance. Celle d'un dieu, sadique, indifférent à leurs tourments.

-Eléanore…

La jeune fille fit volte-face, lentement, vers Peter, et ses yeux s'écarquillèrent légèrement de surprise, quand elle le vit lui tendre les bras, les lui ouvrir, dans une invitation malheureuse. Leurs visages se tordirent d'une même souffrance, d'une même incompréhension.

-Je sais…Que je ne peux rien y faire. Je ne peux pas changer les choses, je ne peux pas te sauver…C'est tout ce que je peux t'offrir. Balbutia Peter.

Eléanore tressaillit imperceptiblement.

-Tu n'as pas pu faire tes adieux à tes amis, je me trompe, tu n'as pas pu…pu les enlacer, au grand jour, comme la dernière fois. Et je suis désolé Eléanore. Je suis désolé de t'imposer ça. Je suis désolé que la vie soit injuste. Je suis désolé que ce soit tout ce que je puisse faire pour toi. J'aurais aimé, j'aurais aimé être d'une plus grande aide, j'aurais aimé pouvoir donner ma vie à la place de la tienne, j'aurais aimé que tu n'ais pas à souffrir, à mourir pour les autres…

Salomée fronça les sourcils et Peter trembla, vacilla, sans pour autant se refermer.

-Je suis désolé de tout ce qui t'es arrivée Eléanore…Mes épaules sont peut-être faibles, mais tu peux pleurer dessus.

Et alors, les barrières s'effondrèrent. Eléa fit un pas, tremblants, hésitants, puis d'un bond, elle se jeta dans les bras de Peter.

Alors pour la première fois, Eléanore s'abandonna dans une étreinte, dans une embrassade, qui ne la concernait qu'elle, qui ne cherchait qu'à la réconforter, et effacer ses larmes et ses blessures. Une toute première étreinte, et une dernière. Celle qu'elle n'avait jamais eu, qu'elle avait toujours refusé, et qu'elle n'aurait plus jamais.

Et elle pleura. Elle pleura toutes les larmes qu'elle n'avait pas pu verser face à Daniel, à Samantha, à ses amis. Elle pleura parce que ce n'était pas les bras de Peter qu'elle désirait, mais ceux de ses amis. Elle pleura parce qu'elle était égoïste, parce qu'elle avait voulu partir avec les visages souriants de ses amis. Elle pleura, parce qu'elle avait refusé de dire la vérité, pour ne pas consoler, pour ne pas compatir à la peine des autres, parce que la sienne lui embrasait déjà le cœur. Elle pleura pour ses mensonges, ses plans délaissés. Elle pleura pour l'injustice, pour la cruauté.. Elle pleura pour la vie, aux vicissitudes plus éreintantes les unes que les autres, et pour la mort aux attraits éternels si désespérants. Elle pleura, pour elle, et uniquement pour elle.


Parce qu'elle souhaitait vivre, elle ne désirait pas voir son existence s'achever purement et simplement pour disparaître à jamais. N'avoir été qu'une fugace silhouette dans les brumes du temps, sans pouvoir ni influence, sans visage et sans reconnaissance. Juste une enfant maudite, une parmi des milliards d'autres. Un nom gravé dans le marbre et la roche, comme tous les autres. Un nom, qui s'estomperait sous l'usure des époques.

Un nom qui bientôt, ne signifierait plus rien, à l'instant même où son cœur cesserait de pulser dans sa poitrine. Un nom, qui malgré ses actes, malgré ses paroles, s'évaporeraient en même temps qu'elle, pour ne se parer plus que du voile du Passé au goût désuet de la défaite.

Aussi fortes que se révélaient ses convictions, ses sentiments, ses rêves, la mort les faucheraient. Alors, quitte à emporter dans un tourbillon de lamentations une personne, alors, qu'elle en soit l'unique victime. Personne ne devait savoir le tourment de ses dernières heures. Personne ne devait souffrir. Personne ne devait se souvenir.

Chaque larme, chaque hoquet, chaque sanglot, seul Peter les recueillit, seul Peter en fut témoin. De sa faiblesse, de son courage pour certain. Et c'était mieux comme ça. Personne, personne n'aurait du voir sa déchéance. Personne ne devait voir ses traits déformés pour une souffrance qui ne lui appartenait qu'à elle, personne ne devait voir ses regrets qu'elle niait. Personne ne devait souffrir de ses propres échecs. Personne ne devait contempler sa panique. Personne ne devait savoir qu'elle avait eu besoin d'une étreinte. Personne ne devait savoir qu'elle avait eu besoin d'une épaule sur qui pleurer, au point de renoncer à sa fierté. Personne. Personne. Personne.

C'était mieux comme ça.

Miyu contempla l'homme qui avait put donner à sa protégée, ce qu'il n'avait jamais pu lui offrir, ce réconfort qu'il était incapable de lui procurer, et il le remercia mentalement. Le remercia mentalement de compatir, d'accompagner leurs derniers instants. Parce qu'il voulait disparaître avec elle. Il l'accompagnerait dans cette traversée qu'il avait refusé il y avait de cela des années. Parce qu'il ne souhaitait pas l'abandonner seule.

Alors, juste le temps que leurs fantômes se retrouvent, qu'ils ne soient plus que deux spectres irréels, aux sourires impalpables. Que quelqu'un la prenne dans les bras, que quelqu'un sèche ses larmes. Car il ne pouvait pas supporter de la voir tant en verser.

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Le pied de Gabriel ripa sur une roche à découverte, humide, et il s'effondra de tout son long sur un des parvis de la place. Ses muscles criants à l'agonie. Il ne pouvait plus faire un seul pas, il le savait. Ses genoux ne pourraient pas supporter le poids de son corps une seconde de plus : il connaissait les limites de son propre organisme !

Alors qu'il essayait vainement de ne pas mourir asphyxié, une ombre se pencha au dessus de lui. Mais sa vue était si trouble qu'il fut incapable de l'identifier.

-Bah alors, qu'est-ce qui te prends gamin ?

L'ombre pencha la tête sur le côté, et ricana :

-C'est à croire qu'ils ont tous décidé de participer au marathon après Steven au bord de l'apoplexie…

Gabriel leva la tête difficilement, et il reconnut vaguement les traits de Trax, ou plutôt, il reconnut son immonde manteau blanc à fourrure noire. Comment faisait-il pour porter une telle veste alors que lui crevait de chaud en cet instant ?

Mais il n'était pas seul, il aperçut vaguement Adrien et Lucio à ses côtés, il devina leurs expressions soucieuses quand ils lui demandèrent :
-Hey ça va petit ?

Gabriel ne parvint pas à articuler une réponse, il peinait déjà à inspirer, sa tête lui tournait et ses poumons ne lui paraissaient plus fait que d'un brasier consumant dont l'infâme fumée noire lui encombrait nez et gosier.

-Hey, je te reconnais, t'es la gamine de Nathaniel toi ! S'exclama soudain Adrien.

Et pour le coup, Gabriel n'eut même pas la force de protester. Mais il se promit de se venger de cet affront plus tard.

-Tu cherches ton frère ? Vient on t'accompagne. Je l'ai vu sur la place.

Deux bras lui enserrèrent les aisselles et le soulevèrent comme s'il n'avait pas pesé plus lourd que l'air. Et en cet instant, ses membres lui en rappelaient la consistance. Alors pendant une seconde, il se laissa transporter .Pendant ce court répit, il tâcha de récupérer ses forces, son souffle. Parce que Gabriel savait que ce n'était bien qu'un répit, et que bientôt la course reprendraient.

Une course, contre la montre, contre le temps, contre la mort. Une course, que nul ne peut gagner mais que tous tentent un jour.

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-Hey…Peter…

Lorsque les pleurs se tarirent, et qu'il n'y eut plus que l'affreuse, hideuse fatalité, et les décomptes des secondes qui leurs restaient avant le crépuscule de son existence, Eléanora leva les yeux vers cet homme. Cet homme, qui empêchaient ses jambes de flancher, ses genoux de ployer, pour chasser tristesse et ne laisser plus que sa volonté inébranlable. Sa dernière.

Le champion baissa les yeux en sa direction, et son étreinte se relâcha tendrement, comprenant que le temps de la séparation approchait. Il eut un rictus désespéré.

-Peter…Je n'ai aucun doute à ton égard. Mes yeux me trompent rarement. Je sais que tu es quelqu'un de bien.

Le maître détourna les yeux, comme n'adhérant pas à cette vision de lui-même, et elle lui saisit les mains, ses mains glacées dans les siennes, ironiquement chaudes. Elle aurait voulu lui transmettre, toute la confiance qu'elle avait en ses capacités, lui signifier, ses erreurs, ces morts dont il s'attribuait le malheur, d'autres les auraient commises. Elle aurait voulu, lui faire comprendre, comme Yoann, elle croyait en lui et au bonheur qu'il désirait construire. Mais elle ne parvint pas à articuler, à trouver des mots, assez puissants, assez emplis d'émotion pour le convaincre, pour l'atteindre.

Personne ne le pouvait. Ses mains glacées, il les imaginait déjà rouge de sang, et son cœur, ne palpitait plus que sous une épaisse couche de givre. Il était déjà plus mort qu'elle ne l'était.

Eléa se mordit la lèvre, et détourna les yeux, incapable de balayer cette détresse qu'elle lisait en leur chef, comme il avait fait avec la sienne. Alors, dans un recul, dans un pas en arrière, elle se détacha de lui. Elle abandonna. Et elle sourit tristement, dans un dernier conseil. Dans une dernière recommandation. Car si, elle devait gaspiller son dernier vœu, sa dernière volonté pour le sauver, alors elle la donnait sans hésitation, comme il lui avait ouvert les bras, un refuge alors que personne ne le pouvait.

-Ne te fie pas à Salomée s'il te plait.

Cette dernière arqua un sourcil, et Peter de même. Mais alors que la gijinka souriait étrangement dans le dos du chef de Twilight, celui-ci d'une mine soucieuse, docile, et triste, hocha simplement de la tête.
Et Eléanore se laissa duper. Parce qu'elle n'avait pas confiance en Salomée, mais elle avait confiance en lui.

Et la confiance, est une arme à double tranchant, propre à la raison et à la déraison, propre à l'amitié et à la trahison. Et en cet instant, l'un comme l'autre, l'avait déjà abandonné sur le seuil de cette grotte.

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Ses deux pieds touchèrent terre, et il tituba, aussi faible qu'un nouveau né. Adrien l'empêcha de chuter à nouveau et lui adressa un sourire.

-Allez, courage bonhomme. Ils sont juste là !

Lucio, comme prolongement du corps d'Adrien, pointa du doigt un petit attroupement à quelques mètres, tout occupés à papoter, et jouer, avec un Capumain virevoltant d'une tête à l'autre.

-Je vais voir si Steven va bien, il m'inquiète un peu. Annonça le champion de feu au champion de type psy. Trax lui emboita le pas mais il changea de direction pour aller voir Makanie et Aaron, sans mot dire, et bientôt, Gabriel se retrouva seul, les bras ballants et les jambes grelottantes.

Dans un dernier effort, le petit génie inspira profondément, une grande goulée d'air, et se précipita vers son frère. Il passa devant une Cristal, discutant avec Chris et Angie, sans même la remarquer.

Daniel, Lucas, Samantha et Yuki se tournèrent vers lui quand il déboula en plein milieu de leur cercle. Et à leurs prunelles écarquillées, il sut, qu'il n'avait pas l'air en bon état. Mais c'était le cadet de ses soucis en cet instant.

-C'est grave ! Articula-t-il à grande peine.

Peut-être que s'il avait fait du sport dans son enfance, il serait arrivé plus tôt, et tout aurait put être arrêté à temps. S'il avait parlé plus vite, s'il avait parut plus convaincant, s'il n'avait pas eu besoin de reprendre son souffle à chaque phrase. Si. Si. Si. Le monde en est si débordant, de ces « si », qui paraissent sur l'instant, si insignifiants. Qui sommes nous pour saisir toute leur ampleur ?

-C'est Eléanore ! Je…Je crois qu'elle va faire une bêtise ! Elle est toujours là, dans le Qg. Avec papa et Silver on l'a suivie dans un chemin derrière la cascade, puis dans une grotte…

Il ne réalisa même pas qu'il venait de nommer Nathaniel comme son « papa ». Samantha blêmit imperceptiblement, et Gabriel sentit la main de son frère lui saisir l'épaule et la lui serrer, comme pour le soutenir, l'empêcher de défaillir, l'obliger d'aller jusqu'au bout de son histoire.

-Une espèce de folle nous est tombé dessus ! Je ne sais pas ce qui est arrivé à Silver, mais papa a été touché, vraiment…vraiment…Et…Et je crois que la fille a parlé d'Einvoquer Arcéus…Mais c'est impossible la flûte temporelle a été volée ! Il n'y a aucun moyen de le faire venir autrement et…A par le chant d'Eléanora…le truc qui a donné la flûte temporelle…mais….

Il toussa et avala de travers sa salive, pour balbutier, le timbre écrasé par ses déductions sur le tas, des réflexions, des constatations qui avaient coulé sur sa langue plus facilement que les mots eux-même pour les partager :

-Je crois qu'elle va se servir de ses pouvoirs pour appeler Arcéus comme Eléanora… !

Et là tout bascula.

Samantha recula, livide. Les prunelles écarquillées, elle scruta la foule, et un haut le cœur s'empara d'elle. Ce vêtement, cette tenue que portait Daniel en cet instant, alors qu'il serrait son frère, lui demandant patiemment plus d'informations, plus de détails.

C'était…c'était celui qu'il portait dans sa vision. Elle n'y avait jamais prêté attention, car le gamin la portait souvent, c'était sa favorite, presque. Mais, maintenant qu'elle y regardait de plus près…Gabriel aussi, ils portaient tous la veste officielle de Twilight, avec le logo, ainsi que leurs sacs, comme d'habitude quand ils partaient en mission. Au fur et à mesure, elle réalisait avec horreur combien les visages, les attitudes corroboraient le cauchemar qui la hantait depuis des années.

Elle plaqua une main sur sa bouche, les jambes en côton, sentant comme un immense gouffre s'ouvrir sous ses pieds.

Ce n'était pas possible. Pas comme ça ! Pas maintenant ! Rien, Rien ne lui avait laissé croire que cela pouvait se produire maintenant : Eléanore était censée être à l'hôpital ! A l'hôpital !

Et alors, humainement, Samantha s'accrocha à la seule incohérence, à la seule différence qui subsistait. Les cheveux de Gabriel, défaits en bataille. Loin d'être lissés et peignés comme lors de ses songes. Et quand elle le vit passer une main hâtive sur ses mèches pour les remettre en ordre, avec succès, le monde de Samantha s'effondra.

-C'est pas possible ! Bégaya-t-elle.

Ses poings se crispèrent et dans un mouvement de recul elle heurta Akira Yuki. Mais elle sentit à peine le contact.

-C'est pas possible ! Répéta-t-elle plus fortement.

Daniel fronça les sourcils devant sa réaction, et Lucas se précipita vers elle, mais elle perçut à peine leurs mouvements. Les paroles confuses d'Eléa pleines d'étrangetés, remontaient lentement à la surface comme le plus venimeux des poisons.

-Calme-toi Sam, si ça se trouve, c'est rien… ! Balbutia Lucas, si peu rassuré lui-même que ses mots n'eurent aucun effet.
-Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Cristal encadrée par Chris et Angie, naïvement.
-Eléa est toujours là. Expliqua Lucas, dont la crainte perçait.

Avant que la nouvelle atteigne leurs cerveaux, avant que la peine de les saisisse, Sam refusa cette option.

L'attendre des années, patienter pour sa rééducation, l'encourager, au plus noir de la maladie, ce n'était pas la même chose, la souffrance aurait bon la ronger, la noyer jusqu'à ce qu'elle n'ait plus conscience de la réalité, elle avait une chance de la revoir. Elle pouvait surmonter, le quotidien, la voir s'effondrer, se laisser vaincre. Elle savait gérer, les vomissements, la fièvre, les évanouissements, les crises. Elle savait gérer leur quotidien actuel. Elle pouvait imaginer, que même si l'opération n'atteignait pas son but premier, elle saurait encaisser.

Elle pouvait espérer son retour, revoir son sourire, ses yeux, combattre ensemble, rire ensemble.

Cette nouvelle, cette trahison lui avait fait l'effet d'un bain glacé suivit d'une longue chute inéluctable. Pourquoi lui avait-elle menti au juste ? Eléanore pouvait-elle seulement la tromper et revenir ici dans son dos, alors qu'ils plaçaient tous tant d'espoir dans l'opération ? Elle le savait, elle l'avait constaté, ils avaient fêté cet évènement, encore et encore en sa présence !

L'idée même, qu'elle puisse avoir ri, plaisanté, prévu des projets avec eux, au beau milieu de leur hilarité, tout en revenant ici après coup, séchant son unique espoir, la rendait malade. Elle ne voulait même pas y songer tant cela lui fendait le cœur.

Le spectre de sa vision, menaçante, se resserrait pourtant comme un étau cruel, la comprimant, elle et ses pensées, elle et sa panique, elle et ses doutes. Elle et les preuves qu'Eléanore lui avait menti.

Et alors que tous autour d'elle débattaient, essayaient de tirer au clair les informations que bredouillaient Gabriel, elle secouait la tête.

Elle avait encore l'impression de perdre pied, et à chacun de ses déni, elle battait la main de l'air pour espérer remonter la pente, s'agripper à quelque chose d'inconsistant, une aide qui ne viendrait pas. A une preuve que tout cela se révélait erroné, une immense erreur, une incompréhension entre eux.

Plus de peur que de mal comme on dit.

Samantha sentit les larmes perler aux coins de ses yeux, sans pour autant se déverser. Et elle secoua la tête avec véhémence, les points serrés. S'accrochant désespérément à ce qui ne collait pas avec sa vision. Et à chaque fois qu'elle croisait une similitude : elle sentait, voyait la réalité s'éloigner d'elle, glisser tel de l'eau sous ses doigts, sous sa mauvaise foi. De plus en plus tandis qu'elle était happée vers le fond de l'abysse.

Mais toutes ses années passées à la protéger, à la surveiller pour ne pas voir poindre cette scène maudite.

Si elle mourrait, tout était fini, tout se brisait. Ses efforts, ses espoirs, ses peines, son bonheur, sa confiance…

Tout son être tremblait de terreur devant cette vérité. Elle ne pouvait pas accepter une telle chose, c'était impossible. Ce n'était qu'une farce de mauvais goût, elle allait bientôt s'éveiller de ce cauchemar.

Elle n'avait pas passé toutes ces années à la protéger pour être l'instrument même de la mort de son amie !

Allez Sam ! Debout, réveille toi bon sang… Se répéta-t-elle intérieurement de plus en plus fortement. Tout cela n'était qu'une mauvaise farce, un cauchemar, bientôt, elle se réveillerait, et Eléanore serait dans un lit d'hôpital, à attendre son opération. L'opération qui lui permettrait de vivre.

Soudain, un mouvement extérieur la tira de ses réflexions confuses. Daniel saisissait Gabriel et le prenait dans ses bras, comme on porte un bébé.

-Montre-moi le chemin, on y va.

Non, non, il n'y avait rien à vérifier. Parce qu'Eléanore était dans un lit d'hôpital. Un lit d'hôpital, la preuve, elle n'entendait pas l'horrible mélodie qui accompagnait habituellement son hideuse vision. Pas de musique, pas de drame. C'était aussi simple que ça.

De toute façon, comment aurait-elle put louper ça ? Comment aurait-elle put ne pas réaliser… ? Ne pas réaliser qu'un évènement aussi horrible se tramait dans son dos ? Elle aurait vu, perçu des indices, des rumeurs, si Eléa avait tenté de leur mentir, de les trahir. Les mains se Sam effleurèrent les pokéball à sa ceinture, comme pour se rassurer, et plus particulièrement celle de Hope. Et là, le choc sembla se répercuter en elle, tel un écho. Son esprit se vida totalement sous l'évidence.

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Eléanore observa platoniquement ce qui l'entourait, ce qui avait du être il y avait ça, bien trop longtemps, une magnifique mausolée. L'entrée qui menait à la grotte, cachée sous les fougères et le lierre, passait presque totalement inaperçue entre les ruines.

Les larges voûtes s'affaissaient sous le poids d'une végétation et des années, écrasant les colonnes parcourues de marbrures écarlates et de fissures craquelant. Des monceaux entiers de terre rouge et d'herbe rousse aux racines d'ocre descendaient en une cascade de lumière, entre les sculptures aux visages émoussés. Tout semblait avoir été taillé avec soin, fut un temps, mais aujourd'hui, de ces œuvres qui avaient passionnées, fourbues les mains de quelques milliers d'artisans, il ne restait pratiquement rien. Autrefois, il devait y avoir eut un splendide jardin suspendu sur des plateformes ouvragés, montant, s'enroulant autour de l'édifice. Un endroit verdoyant emplis de fontaines, huttes camouflés sous les feuillages, aux statues pleines et voluptueuses, à présent, il n'y avait plus qu'ombres, la nature ravageait les dernières traces de vie humaine, dévorante, impitoyable. Ce qui avait du être une gloriette aux vitraux colorés, une aire de paix, au loin, attendait patiemment son heure, s'effondrant un peu plus chaque heure.

Eléa avait du mal à imaginer la beauté, la sérénité qu'avait du apporter ce lieu à la reine déchue, à celle qui avait perdu sa sœur, son mari, ses enfants dans la guerre. Peut-être, était-il la seule image à l'ampleur de son chagrin. Gigantesque, écrasant, et pourtant d'une splendeur aux embruns inaccessibles. A tous les prix, à tous les couts, sans se soucier de la misère de son peuple sortant de la guerre, la reine s'était entêtée à le construire, s'endettant, s'enfonçant dans son malheur, dans son deuil. Une oasis, où Sahara, le cœur déserté, asséché par les pertes, pouvaient se remémorer, se souvenir sans souffrir, s'y enfermer et croire désespérément en une illusion passée.

Peter posa une main réconfortante sur son épaule, et Eléanora se pinça les lèvres.

Comme il est triste, de voir que parfois, certains lieux, certaines personnes, n'attirent que les larmes.

D'un pas le plus digne qu'elle pouvait, Eléa s'avança vers la place, dégarnie, et fixa les pavés qui laissaient dépasser quelques brins d'herbes de ci de là. Elle plissa les yeux, croyant reconnaître un dessin aux couleurs délavées, sous ses pieds, mais elle ne parvint pas à reconnaître véritablement les traits, les carreaux de mosaïques avaient depuis longtemps éclatés, s'étaient éparpillés sous les vents contraires des siècles. La bise de la nouveauté, intransigeante avait balayé d'un simple revers de mains, en même temps que les conservateurs aigris, les beautés et enseignements acquis à grandes peines dans le sang et les larmes.

Une tragédie, qu'elle allait rejouer.

Elle avait eu le trac, elle avait paniqué, mais c'était fini à présent. Le doute, la peur, n'était plus permis, tel une actrice, elle devait avancer fièrement sur sa scène, s'éclaircir la gorge, et s'effacer derrière son dernier personnage. Elle avait toujours été ainsi, fière. Son côté princesse, disait son père, Charles Sarl.

Eléanore l'ignorait, mais à l'endroit exacte où elle se trouvait, au milieu d'une fresque représentant les Pokémons légendaires aimant venir jouer et bénir ces terres avant le conflit, là, avait entamé sa mélopée éternelle, la martyr Eléanora.

Soudain, elle sentit le sac dans son dos, osciller, et se débattre, et elle se tourna pour en ouvrir la fermeture éclair. Deux pokéball trônaient au milieu des vêtements. Et elle en caressa, estomaquée, la coque de métal.

-Daniel…Tu n'es qu'un idiot…Devina-t-elle, le cœur gros.

De ses doigts tremblants, elle saisit les sphères, et les porta, les serra contre son cœur.

-Ash…Et Bravery ?

Elle retint un ricanement ironique, laissant affluer les sentiments des petites créatures piégées dans leurs balles, fermant les yeux pour s'y plonger, les savourer comme les siens. De la bravoure, avant de ne devenir que cendres, décidément, le sort se moquait ouvertement d'elle. Mais elle n'était pas comme Ash, pas comme le magnifique dracaufeu noir, elle ne renaîtrait pas tel le phénix, créature chimérique, immortelle, dont elle avait souhaité prêté les pouvoirs, même dans une illusion stupide, son premier Pokémon. Parce que lui, au moins, il devait vivre.

-Vous n'êtiez pas supposés être là. Murmura-t-elle.-Je devais partir toute seule.

Les objets se secouèrent entre ses paumes, et elle posa sa joue contre le métal glacé. Miyu l'observa, une seconde, et avec un sourire triste, il avoua.

« Laisse-les être avec toi. Jusqu'à la fin. »

Eléanore sentit ses phalanges se serrer. Elle ne pouvait pas. Ash…Ash était son bébé, celui qu'elle n'aurait jamais. Elle ne souhaitait pas lui infliger une telle épreuve. Son aventure, avait débuté avec lui. Il avait été son utopie, la concrétisation de douze années à rêver. Et que ce rêve avait eu un goût de merveille !

« Tu ne comprends pas ! »

Le timbre de Miyu la surprit dans son étroitesse, son éraillement.

Ash avait peut-être été les premiers pas de son aventure, mais, elle avait été les premiers pas de sa vie également. Parce qu'il n'était qu'un clone, une vague simili, né dans un but précis, dans une expérimentation qui n'était que l'esquisse de tant d'autres. Bravery et Lui, n'avaient été qu'objets durant les premières heures de leurs existences. Ils n'avaient été qu'outils. Jamais, on n'avait considéré leurs sentiments, jamais on les avait évalué comme des êtres à part entières. Parce qu'ils n'étaient que reproduction attirant les convoitises, mais jamais affection. Mais, lorsque Chris et Angie avaient arraché Ash de cet univers froid et glacé…Lorsque les enfants étaient venus dans la prison souterraine des Rocket pour les emmener avec eux…

Ils leur avaient souri. Eléanore avait sourit à Ash. Elle l'avait enlacé, adoré. Elle avait apporté couleur et lumière dans son monde gris, et surtout, elle avait réchauffé son existence, paradoxe pour le petit Pokémon feu. Mais il n'avait jamais perçu sa flamme intérieure, avant sa rencontre avec Eléa, celle-ci c'était alors embrasée, avait grossie, grossie, à tel point qu'elle l'avait submergé tout entier, allant jusqu'à le transformer. Pour elle, pour lui. Pour la remercier, pour se prouver, peut-être, comme elle le considérait, qu'il était un être vivant. Son ami, son Pokémon.

Un clone, un double, une illusion, aux yeux d'Eléanore, aux creux des bras d'Eléanore, bercés par les mots d'Eléanore…Quelle importance ? Son cœur palpitait, vibrait d'émotions, de sentiments débordant. Tellement siens, tellement leurs. Alors…Si sa dresseuse tant aimée, si celle qui l'avait embrassé comme elle ne le ferait jamais avec un autre, original ou non, devait disparaître…Ash souhaitait se retirer avec elle.

« Tu ne comprends pas, que c'est justement parce que c'est lui. Parce que nous tenons à toi, que nous voulons être là, jusqu'à la fin ! Nous étions là. Il était là, pour le début. Laisse-le être présent…pour la fin. On ne laisse pas un spectateur voir le premier acte d'une pièce, sans lui accorder le dénouement.»

Eléa se tût, et observa Peter, impassible que ne paraissait même pas comprendre ce qui se déroulait devant lui, les yeux dans le vague. Ses doigts se crispèrent sur la coquille contenant Ash.

-C'est ce que tu veux, Ash ? Bredouilla-t-elle, difficilement.

N'être qu'un spectateur, au cœur tourmenté par une tragédie, dont il ne connaissait que ce qu'on voulait bien lui conter… ?

La balle, arrêta de remuer, et Eléanore sentit son souffle s'éteindre dans sa poitrine. Une brisure, et à la fois, une chaleur incandescente. Et son sourire s'effaça.

Ses doigts se crispèrent.

Alors, soit. Que les clones, que les vagues imposteurs, se retirent, ensemble, tels qu'ils avaient débuté cette grande aventure.

« Nous ne te laisserons pas toute seule Eléa. Tu te souviens, ce que je te disais quand tu étais petite ? Si tu disparais…Je resterai avec toi ? Tu ne seras jamais toute seule. Tu nous auras. Nous. Traversons cette épreuve ensemble. » Murmura Miyu.

Alors, elle posa simplement son sac au sol, sur la mosaïque aux couleurs délavées. Elle prit les balles et les plaça dans sa poche. Puis, elle avança simplement vers a dernière scène. Mais elle n'était, pas vraiment seule, maintenant qu'elle y songeait. Et cette constatation lui gonflait le cœur d'une émotion qu'elle ne parvenait pas à analyser. Et elle songea, songea aux premiers chapitres de son histoire, la sienne, celle de Samantha, leurs rencontre. Ses doigts s'égarèrent sur la pokéball des deux Pokémons, et elle sentit la présence de Miyu au fond d'elle. Trois. Toujours trois, Akira, Sam, et Elle. Daniel, Gabriel, Lucas. Tout avait toujours été par trois.

Trois coups. Et il était temps, de clore cette pièce, de trois autres coups. Trois coups, puis, ils tireraient le rideau. Mais il n'y aurait, ni ovation, ni révérence.

Alors, comme un millénaire avant elle, Eléanore ferma les yeux, se résigna, ouvrit les bras, et se concentra sur les paroles priant, hurlant à la vie, à la survie, mais n'apportant à quiconque l'entendant que le vent mortel de la Fatalité.

Elle se sentit, simplement ouvrir la bouche, et fredonner, d'abord, le son qui encensait ses oreilles, puis, les paroles timides, de plus en plus claires.

In the moonlight I felt your heart

Et comme le jour de la mort de Yoann, les timides murmures devinrent des mots, tragiquement puissants. S'extirpant de sa gorge faible sans aucun effort, pour venir se fondre dans les airs, résonnant dans l'infini, dans le vent, dans le silence paradoxalement. Reprit en chœur par elle ne savait quelle nature avide de sa débauche, assoiffé de son sang, vénal de son sacrifice. Et le chant était beau, comme si la terre entière le suivait d'un même écho. Et le cœur d'Eléa se serra une dernière fois.

Quiver like a bowstring's pulse

Petite, elle avait toujours imaginé, sa mort de manière atroce, dans une ultime suffocation, paroxysme de ces crises qui la terrifiaient et avait jalonnées son enfance. Mais là, il n'y avait rien, juste, le froid. Une bise glacée montant progressivement en elle, telle une mélopée, une berceuse, bien plus forte que celle franchissant ses lèvres. Désagréable sensation, que de sentir son propre corps s'endolorir, son propre esprit dériver de nos gestes, s'en écarter, laissant alors sa chaire agir telle une poupée, sans que l'on ne puisse rien y changer.
Eléanore, réalisa, que peut-être, elle aurait préféré sentir la vie se retirer d'elle, aurait préféré la douleur, à la simple somnolence. Peut-être, pour avoir l'illusion, qu'elle s'était battue contre le spectre noir de la mort. Peut-être, aussi, pour ne pas ignorer, son pas, qui lui ferait franchir cette limite absurde entre réel et irréel, entre concret et abstrait, entre elle et son fantôme. Mais elle ne savait pas. Elle ne savait plus, est-ce que cela avait véritablement de l'importance, à présent que son choix était fait ?

In the moon's pure light, you looked at me

Elle leva les yeux, vers le ciel, mais elle ne sentit pas sa tête la suivre, aussi lourde que du plomb. Elle ne sentait même plus le poids des pokéball, d'Ash et Bravery. Pourtant, le ciel, elle le vit, tout comme elle vit cette silhouette immaculée se dessiner à travers les nuages. Majestueux. Arcéus. Deux grands yeux se posèrent sur elle, et une voix, grave, lui souffla, avec mélancolie :

« Cela fait bien longtemps que je n'ai plus entendu ce chant. J'avais espéré qu'il disparaisse des mémoires. »

Et bien si tel était son souhait, pourquoi avait-il si mal fait son boulot, alors ? Eut envie de lui hurler Eléa. Mais sa voix était prise, son corps était pris, il chantait toujours, alors qu'elle, elle s'évaporait.

« Je suppose, que tu m'invoques, pour que je prenne place en ton corps, au nom de quelconque cause ? Vous n'apprenez donc jamais humains… »

C'était pourtant lui, qui les avait crée, quel stupide auteur se plaignait-il donc de ses propres créations… ?

« Soit, je t'accorde, pour un temps, mes pouvoirs. Héritière d'Eléanora et Sahara.»

Il darda une œillade hautaine sur elle, et si Eléa avait été en possession de tous ses moyens, sûrement, la lui aurait-elle renvoyé, dans toute sa hargne et ce pouvoir qu'il daignait lui confier.

« Je lis en toi tes raisons. Je les accepte. »

Oh, que non, il ne les lisait pas. Non il ne les comprenait pas.

Fatalité ou Destin, finalement ? Qu'était-ce ? N'appelaient-ils pas à la même définition ? Certains hommes avaient juste regrettés l'injustice de leur sort, et avaient refusé la douleur et la peine qu'incombe à l'existence, pour scier cette même signification, pour couper en deux ce même tout. Un côté blanc, un côté noir. Le bien, le mal. Le bonheur et la douleur.

Mais peut-on réellement départager si aisément la vie et les actions d'autrui ? Peut-on réellement dire aux sommets de ses années, toiser les autres, et les pointer du doigt pour leur annoncer : « Ceci, était mal. » Sans savoir, sans comprendre même le contexte, sans apprendre même les motivations, l'étau qui enserrait cette personne en cet instant ? Non. Parce que le monde n'était ni blanc ni noir, il était gris, comme le ciel gorgé de pluie, menaçant d'orage, et qui passe pourtant déverser sa colère ailleurs. Il était gris d'humidité, et à la fois empli de senteurs aux effluves apaisantes. Il était juste, gris.

Moralité, toute relative, Bien et Mal aux limites floues, Destin et Fatalité aux mêmes tourments.

Uniquement des tares si stupidement humaines. Décidément, Eléanore préférait de loin la simplicité du monde des Pokémons. Et elle ne saisissait pas, non elle ne saisissait pas, comment les êtres abjectes, mêlant de manière si chaotique ces deux êtres si antithétiques avaient put voir le jour. Elle ne comprenait pas que le monde, reposent à la fois sur la société tordue humaines et le naturel instinct de ces créatures enchanteresses.
Il aurait été tellement plus pur de le leur laisser.

Malheureusement, il était trop tard pour en décider autrement. Il était trop tard pour changer, le cours des univers.

Une pensée fugace, et le visage de Sam s'imposa à son esprit, lui arrachant un sourire.

Peut-être, peut-être qu'elle, elle pourrait remédier à tout cela. Eléanore n'avait plus de temps, mais Samantha, avait encore tout son compte d'années. Un compte, qu'elle espérait, si long, si long, aussi longtemps qu'elle le méritait. Même si Eléanore, savait que même une éternité n'aurait jamais suffi, à ses yeux, pour remercier Sam du précieux cadeau dont elle lui avait fait cadeau. Sa présence à ses côtés.

Eléanore, savait, qu'elle ne travaillerait jamais, qu'elle n'aurait jamais son premier appartement d'étudiant, ni ne serait maître de la Ligue, ou PDG de l'entreprise Sarl, autant qu'elle ne deviendrait jamais mère, grand-mère, et vieille femme contemplant son existence avec le regard et la sagesse qu'apporte des années, et des années d'expérience. Mais, ce qu'elle avait vécu…jusqu'à présent, ce bonheur chaque jour ressenti auprès d'eux, avait-il pour autant moins de valeur que ce qu'elle ne vivrait jamais ? Un bonheur déjà passé, était-il si pâle comparé au bonheur rêvé ? Elle espérait que non. Au moins, le sien, avait le mérite d'avoir été, si ce n'est bref, intense et véritable. Il ne l'avait pas paralysé tel un idéal inaccessible, il n'avait été que réalité indubitable.

« Dis-moi donc le nom du ou des gardiens, qui me commanderont une fois ton esprit écrasé par le mien. Choisit-bien car une fois le pacte scellé, je leur serai totalement soumis, et je ne retournerai dans ma dimension, qu'une fois qu'ils auront tous péri.»

Eléanore s'arrêta une seconde, et quatre noms lui vinrent en tête. Et elle sourit. Elle sentait poindre la douleur cette fois, celle des adieux, où l'on se fond dans une étreinte jusqu'à en étouffer, où les doigts se crispent dans le dos de nos êtres chers, avec l'infime espoir, qu'ils suffiront, qu'ils suffiront à les garder auprès d'eux, ou tout du moins, à laisser la trace indélébile de leurs liens rompus.

« Je vois. »

Non, il ne voyait pas. Il ne savait pas, il n'était pas encore elle, et il ne le saurait jamais. Parce que personne ne serait de nouveau, tout à fait elle. Elle allait disparaître, définitivement, tout ce qui faisait d'elle, ce qu'elle avait été, souvenirs, sentiments, histoire, amis, même les plus pâles étrangers qui avaient un jour croisé son chemin. C'était ainsi. Une dernière pensée la traversa, alors qu'elle se sentait définitivement, et plus que jamais ne devenir qu'une essence aussi insaisissable que le vent. Et elle ricana, de sa propre bêtise.

« Dans ta face Arcéus, récupère un corps sale, j'ai pas pris de bain ce matin. »

Et ma fois, si c'était-cela ses derniers mots envers son bourreau, alors elle ne le regrettait pas. Ils étaient dignes d'elle.

Nobody knows your heart



« Les sirènes ont leurs chants les plus doux quand elles attirent sur les écueils. »