Prologue:Stupide carnassier! (by MollyGrue)
- Enfin, enfin ! Le hurlement retentit dans tout le laboratoire, faisant trembler les cobayes dans leurs cages.
- Enfin, après tant d'années de recherche, un poil de la crinière de Suicune !
Le scientifique danse dans son laboratoire, tandis que les Évoli tremblent dans leurs clapiers minuscules.
Les murs sont froids et gris.
Des machines étranges clignotent sur tous les murs et un appareil bizarre trône au centre de la pièce.
Cet appareil a été visiblement conçu par le scientifique en question : un amas de fils s'échappe d'un caisson trop plein pour être fermé.
Des composants électroniques sont trop gros pour rentrer dedans et pendent lamentablement à l'extérieur.
Toutes sortes de produits chimiques, dans des bouteilles dépareillées, sont reliés à un mélangeur par des tuyaux.
Les bras articulés sont de tailles et de longueurs différentes.
La cage, au centre, est faite de grilles découpées au petit bonheur la chance et fixées entre elles par des attaches de natures variées, allant du fil de fer tortillé au clip à papier.
Mais elle tient ensemble et ne laissera pas s'échapper le cobaye, c'est le plus important. Avec moult précautions – lunettes de protection, gants de vinyle, blouse en coton, charlotte sur la tête, gant de chirurgien – le scientifique extrait le long cheveu violet de son sachet de conservation à l'aide d'une longue pince à épiler.
Il continue de glousser nerveusement.
- Toutes ces années de recherches…
Il lève le poil à hauteur de son visage.
- Te voilà enfin, Suicune.
Il ne me manque plus que tes deux frères, mais ça viendra, ça viendra.
Il place la racine du cheveu, qui contient l'ADN de Suicune, dans une éprouvette.
Il rajoute des produits chimiques, touille le mélange, place le résultat dans une machine.
- Dans trois jours, je vais pouvoir commencer mes expériences.
***
Une substance étrange flotte dans les tubes à essai.
Le vieux scientifique à moitié fou est satisfait.
Il agite ses tubes sous le nez des Évolis, toujours enfermés dans leurs clapiers, et toujours terrorisés.
- Vous savez ce que c'est, mes mignons ?
Il éclate d'un rire dément tout en versant le liquide suspect sur des boîtes de Petri.
- C'est ce qui va me permettre d'obtenir enfin Suicune !
Doucement le mélange étrange est réparti sur les cultures de bactéries et de virus.
- Va, mon petit ADN de Suicune, va, rentre dans les cellules ! Petites cellules, multipliez-vous !
Il danse autour de ses cultures, et les met à incuber.
- Encore quelques jours à attendre, et je pourrai commencer les injections.
Ah, pourquoi l'Institut de Recherche Pokémon n'a-t-il pas accepté de finacer mon travail ?
Il s'adosse aux clapiers contenant les Évolis et les regarde tristement.
- Ah mes petits, la vie est bien injuste des fois, vous ne trouvez pas ?
Pour toute réponse, l'un des petits renards à douce fourrure essaye de le mordre à-travers les barreaux, mais il ne le peut pas car ils sont trop serrés.
Le scientifique retire ses lunettes de protection.
Il a de petits yeux bleus, des sourcils broussailleux, un visage ravagé par les ans.
Il a l'air d'avoir dans les cinquante ou cinquante-cinq ans, mais les soucis le vieillissent sans doute.
Ses cheveux sont un peu trop longs, poivre et sel, mais plus sel que poivre.
Il gratte sa barbe de trois jours.
Il faudra penser à la raser, pour éviter que des poils tombent dans ses échantillons et les contaminent.
Doucement il grogne ; à force de travailler nuit et jour tout seul, il a attrapé mal au dos.
- Je réussirai, continue-t-il a marmonner.
Je réussirai, où je ne m'appelle pas Docteur Aéor !
***
Les cultures de bactéries et de virus vont bon train.
Déjà il en a plus qu'il n'a besoin.
Par mesures de prudence, il conserve des souches dans l'incubateur, « au cas où », ainsi que dans de l'azote liquide, toujours « au cas où ».
Il prépare les injections. Il faut récupérer les cultures dans les boîtes de Pétri, les mettre dans un milieu liquide, bien mélanger, remettre à l'incubateur pendant quelques jours.
Dans un clapier, un Évoli gémit, tentant de s'enfuir.
Mais il est trop faible pour ouvrir la porte.
- Alors, on essaye de prendre la poudre d'escampette ?
L'Évoli tremble alors que le docteur Aéor s'approche, sourire carnassier aux lèvres.
- Je pensais utiliser un autre cobaye pour cette première expérience, mais puisque tu as tellement l'air de vouloir participer, je vais te choisir toi !
Le petit Pokémon tremble de tous ses membres.
Il fixe l'humain de ses grands yeux noirs un peu humides.
- Pas la peine de me faire ces yeux-là. Ça ne marchera pas avec moi.
***
Aéor secoue une dernière fois ses tubes à essai. Le jour est arrivé.
- Alors mon petit, impatient de savoir ce qui va t'arriver ?
L'Évoli recule dans son clapier.
Tous les autres Pokémon gémissent, aboient, rugissent, en signe de protestation.
Certains se jettent sur les portes de leurs cages, mais c'est peine perdue.
Impossible d'ouvrir les portes.
Elles sont trop bien fermées.
La main humaine s'engouffre par l'ouverture béante, et saisit l'Évoli par la peau du cou.
- Allez, c'est mon jour de bonté, je vais te donner un nom !
Le Pokémon est placé dans la cage au centre de la machine bizarre.
- Suiscensci. C'est ton nom à présent. Suiscensci. Qu'en penses-tu ?
Le Pokémon ne répond rien.
Debout sur ses pattes de derrière, appuyé contre les barreaux avec celles de devant, il cherche désespérément un point faible, une ouverture, n'importe quoi.
- Sais-tu à quoi sert cette machine ?
Le scientifique se rengorge de fierté.
- C'est moi qui l'ai inventée.
Elle va procéder aux injections qui vont te transformer en Suicune.
En même temps, à l'aide de ceci… et ceci… Le scientifique montre des capteurs attachés à des bras mécaniques.
- …je vais pouvoir suivre l'évolution de ta transformation.
Comme il s'agit de l'ADN d'un Pokémon légendaire – Suicune en l'occurence – la transformation risque d'être très rapide.
Je ne veux pas en rater une seule miette !
À nouveau, le Pokémon gémit dans la cage.
Il gratte le sol à présent, cherche à s'échapper.
Les seringues d'injections sont remplies du bouillon de bactéries et de virus phages, et la machine se met à bourdonner.
- Allez, c'est mon jour de bonté.
Je vais t'expliquer ce qui va t'arriver.
L'Évoli abandonne le combat contre la cage, réservant ses forces pour ce qui va bientôt lui arriver.
- Les bactéries et les virus que j'ai soigneusement cultivés contiennent de l'ADN de Suicune, mais ne peuvent pas l'utiliser.
Par contre, ils sont programmés pour t'injecter cet ADN directement dans tes cellules, et te transformer peu à peu en une réplique de Suicune.
La méthode n'est pas encore au point, et la transformation ne sera sans doute pas complète. Mais j'ai des échantillons au frigo, et je pourrai toujours améliorer ma technique, petit à petit, jusqu'à pouvoir entièrement transformer un Évoli en Suicune !
Les mains sur les hanches, Aéor est fier de lui.
C'est le travail de toute une vie qui est en train de se jouer.
- Prépare-toi pour les injections !
Les seringues s'approchent dangereusement du petit Évoli.
Des pinces plongent dans la cage et le maintiennent immobile, tandis que plusieurs seringues injectent leurs micro-organismes à l'intérieur du petit Pokémon recouvert de fourrure.
Sous le choc, il tremble de tous ses membres, et ne se débat plus.
Le scientifique sourit, et commence les observations.
***
Deux jours seulement ont passé, et déjà, l'Évoli a bien réagi aux injections.
Il ne dément pas son surnom de « Pokémon évolutif ».
Malgré une fièvre élevée la première heure, réaction bien normal face à l'agression microbienne, les modifications génétiques ont eu lieu, et déjà, la racine des poils laisse voir la couleur caractéristique de Suicune, bleu tacheté de blanc.
La crinière, autour du cou de l'Évoli, a les racines violettes, couleur des cheveux de Suicune. De part et d'autre de la queue, des rubans blancs sont en train de pousser.
Sur le front, une excroissance osseuse prouve que le diadème de Suicune est en train de pousser.
Tout se passe parfaitement bien.
Excepté le fait que l'Évoli ne s'est toujours pas réveillé.
***
Aéor s'arrache les cheveux.
Suiscensci a achevé sa transformation : il a toujours la silhouette d'un Évoli, mais il a la couleur de Suicune, les rubans de Suicune, le diadème de Suicune.
Le type Eau de Suicune aussi, si on en croit les capteurs.
Mais il ne bouge pas. Il reste évanoui au fond de la cage, et le scientifique a été obligé de le placer sous perfusion pour le réhydrater et le nourrir.
- Pourtant, grogne l'homme en blouse blanche, pourtant tous les capteurs indiquent que son corps est en train d'absorber l'eau pour la stocker, comme le font tous les Pokémon Eau qui se respectent.
Pourquoi ne se réveille-t-il pas ?
Il grogne, tripote ses papiers.
- Hum, injections mieux réparties dans le temps… Diminution des réactions du système immunitaire… Il y a sans doute un moyen…
Curieux néanmoins d'observer sa création de plus près, il éteint la machine et ouvre la cage. Alors qu'il tend les bras pour saisir Suiscensci, ce dernier soudain se relève, le regard féroce.
L'homme est repoussé d'une Tornade couplée à une attaque Bulle d'O.
Vivement, l'Évoli génétiquement modifié échappe à son poursuivant.
Une Bulle d'O supplémentaire, et les clapiers des autres Évoli sont ouverts.
En vain Aéor lui crie de revenir : trop tard. Suiscensci vient de disparaître avec toutes la vitesse de Suicune, éventrant la porte.
Aéor n'a plus qu'à rassembler ses Évoli de laboratoire avant qu'ils n'aient eux aussi le temps de s'échapper.