Chapitre 22 : Production mystérieuse
Le colonel Tuno en était à sa onzième tasse de café en six heures, sa tête posée sur sa main, ses yeux vitreux parcourant des dossiers sans que les mots qui y étaient écrits ne pénètrent la masse brumeuse de son esprit. Il maudit une fois de plus Tender de l'avoir laissé sur la touche pendant que son unité était en pleine mission. Entre la paperasse et une princesse à protéger, il préférait largement la princesse. Même si un type comme Trutos venait à faire son apparition, Tuno serait content, du moment qu'il puisse un peu sortir de son bureau pour de l'action.
Le pire, c'était que Tender l'avait doublement accablé en lui refilant comme aides pour classer et étudier ces dossiers infinis trois agents de terrains quelque peu attardés. Ces trois là formaient une équipe assez bizarre, car elle comprenait une femme avec une coupe impressionnante de cheveux rouges-roses, un type aux cheveux bleus clair coupé au bol et qui avait toujours une rose à porté de main et enfin un Miaouss qui comprenait et même parlait le langage humain.
Ces trois là étaient arrivés avec le Boss. D'après ce que Tuno en avait appris, c'était des artistes de l'incompétence, où une seule action couronnée de succès serait une insulte à leurs carrières vouées à la médiocrité et au ridicule. Ils avaient été mutés de postes en postes, jusqu'à ce que Tender, ne sachant plus quoi en faire, ne les donne à Tuno comme assistants. Ce dernier s'en serait très bien passé, même si la femme, Jessie, était assez séduisante, bien que trop superficielle au goût de Tuno. Ils avaient déjà fait tomber plusieurs étagères remplies de dossiers, et s'adonnaient maintenant à leur rangement par ordre alphabétique ; un exercice de toute évidence assez difficile pour leurs cerveaux limités. Enfin... regarder leurs bourdes et être spectateur de leur idiotie chronique faisait passer le temps à Tuno.
- Dites colonel, fit le dénommé James. Le « P » est bien après le « N » non ?
- Vous avez oublié le « O » entre, soupira Tuno en se frottant les yeux.
- Vraiment ? s'étonna James.
- Répétez-moi, colonel Tuno, s'il vous plait, ce que nous sommes censés chercher dans ces tonnes de papiers ? demanda le Miaouss parlant.
Tuno l'avait trouvé marrant celui-là... pendant les dix premières secondes. Mais ensuite, sa voix nasillarde était vite devenue douloureuse aux oreilles du colonel. Tuno se disait que leur répéter encore ne servirait à rien, car ils ne comprenaient pas ce vocabulaire compliqué, mais il était dans un tel état de dépravation morale que même parler pour rien dire lui semblait être de quoi s'occuper un peu.
- Ces dossiers représentent la situation de chaque entreprises liées à la Team Rocket. Elles nous versent des bénéfices en échange de notre protection, car leurs activités ne sont toujours pas trop légales. Ce que le Général Tender veut que nous cherchions, ce sont des irrégularités dans leur comptabilité qui pourraient prouver qu'elles ne nous ont pas versé ce qu'elles nous devaient, ou qu'elles nous cachent des choses sur leur production.
Jessie, saisissant toujours une occasion de tenter de séduire le jeune colonel qu'elle trouvait charmant, dit :
- Comme vous êtes intelligent, colonel ! Vous employez tellement de mots savants dans une même phrase !
Tuno secoua la tête, dépité, et s'étira les bras. Tender lui avait promis qu'il pouvait aller enquêter si jamais il trouvait une entreprise récalcitrante. Le hic, c'était qu'il pouvait fouiller tous les dossiers qu'il voulait, il y avait très peu de chance d'en dénicher une de la sorte. De nos jours, il faillait vraiment être timbré pour essayer d'arnaquer la Team Rocket. Non, Tuno allait devoir se résigner à rester pendant toute une semaine dans ce bureau sombre et poussiéreux, à éplucher des dossiers tout en sachant qu'il n'allait rien trouver d'anormal, avec pour seule compagnie ces trois zigotos qui allaient bien vite avoir raison de sa patience, pourtant assez solide. Mais une heure plus tard, alors que Tuno s'apprêtait à se lever pour aller chercher son douzième café, James, les yeux dans un dossier, fit d'une voix hésitante :
- Euh... colonel. J'ai quelque chose de bizarre là.
- Est-ce assez bizarre pour m'éviter une mort lente et douloureuse pour cause d'ennui mortel ?
- Eh bien... d'après vous, combien une entreprise spécialisée dans le matériel pour éleveurs de Pokemon gagne-t-elle de bénéfice par an ?
Tuno se redressa sur son siège, essayant de refaire fonctionner son esprit un peu à l'arrêt.
- Bah... je ne sais pas trop. L'élevage rapporte toujours moins que le dressage en chiffre d'affaire. Pas plus de deux millions par an, en tout cas.
- Alors je crois avoir trouvé quelque chose, conclut James, ravi.
Il donna le dossier qu'il était en train d'étudier au colonel. Tuno vit le nom de l'entreprise : Pokami S.A. Ça ne lui disait pas grand-chose, mais le dossier précisait bien qu'il s'agissait d'une entreprise spécialisée dans l'équipement pour éleveurs et plus particulièrement pour les pensions Pokemon. Elle était liée à la Team Rocket depuis six ans et en échange de dix pour cent de ses bénéfices, cette dernière s'engageait à lui fournir des œufs récents de Pokemon qui ont été volé pour qu'elle les revende à ses clients. Jusque là, rien d'anormal, si ce n'était le chiffre d'affaire fait par Pokami cette année.
- Douze millions sept cent mille ! s'exclama Tuno. C'est une blague ? Ce n'est pas la Sylphe SARL pourtant !
- Alors, j'ai déniché le gros lot, hein colonel ? se félicita James.
Tuno était un peu vexé que ce soit un abruti pareil qui ait trouvé ce genre de perle rare. Il lui en fit la remarque, un peu plus poliment que ses pensées.
- Nous, question argent et arnaques, on s'y connaît, se contenta de répondre Miaouss.
Tuno éplucha le dossier, puis dit :
- Trouvez-moi le montant de la somme que nous a versé Pokami S.A. l'an dernier.
Les trois Rocket ne se le firent pas répéter et allèrent éplucher les relevés de comptes de la Team Rocket. Tuno se ressentait vivre. Peut-être allait-il se passer quelque chose qui lui éviterait la plus grosse dépression du siècle, même si ce n'était qu'une fraude d'une de leurs entreprises. Jessie, James et Miaouss revinrent une demi-heure plus tard, avec les résultats. Tuno se permis un sourire en les regardant. La différence entre leur bénéfice et la somme versée était trop importante pour paraître une erreur de comptabilité. Pokami se faisait des bénéfices en plus sans les avoir averti et ne leur versait pas la différence. Soit Pokami les arnaquait délibérément, soit elle ne tenait pas à ce que la Team Rocket découvre leur soudain regain d'activité. Dans les deux cas, ça signifiait que Tuno allait pouvoir quitter ce bureau pour se dégourdir les jambes.
- Venez avec moi, vous trois, dit-il. Nous allons rendre une petite visite à Pokami.
***
L'entreprise se trouvait à Johto, plus précisément dans sa capitale, Doublonville. Tuno avait emprunté un appareil pour s'y rendre. Il aurait certes pu aller à Safrania, non loin de la base, et prendre le Train Magnet pour se rendre à Doublonville en à peine une heure, mais il n'était pas du tout pressé, loin de là. Chaque heure qu'il passerait loin de son bureau serait une bénédiction. Quand ils atterrirent non loin de la grande ville, il faisait encore jour, et Tuno était partant d'une visite improviste le soir, pour bien voir ce qui se tramait dans cette usine, sans éveiller les soupçons en demandant une visite officielle. Ils attendirent donc la nuit.
Le problème avec Doublonville, c'est que c'était ce genre de ville qui ne dormait jamais. Même à minuit passé, elle brillait de mille feux et plein de gens étaient encore dans les rues ou dans les casinos. Et les gens seraient quelque peu perturbés de voir passer devant eux trois Team Rocket en uniforme. Les habitants de Doublonville avaient une peur bleue de la Team Rocket depuis que leur Tour Radio avait été prise d'assaut il y a de cela quelques années. C'était la Neo Team Rocket, une branche occulte dirigée par un traître et un malade qui se faisait appeler le Masque de Glace, qui avait attaqué la Tour Radio, et pas la vraie Team Rocket. Mais Tuno doutait que les habitants de Doublonville ne saisissent la différence. Et puis, si jamais ils se faisaient prendre dans l'usine, la Team Rocket serait découverte.
- Vous deux, enlevez vos uniformes, ordonna Tuno à Jessie et James tout en enlevant la sienne.
- Euh... mais colonel..., commença Jessie.
- On a rien en dessous, finit James.
- Je m'en serais douté, soupira Tuno. Bon, attendez ici.
Tuno se plongea entre les grands immeubles de la ville. Dans une ruelle plus sombre que d'autre, il avisa un jeune couple qui marchait seul.
- Excusez-moi bonnes gens, leur fit Tuno.
- Oui ?
- Non, c'était juste pour vous présenter mes excuses.
Sur ce, il les assomma avec la crosse de son arme et les dépouilla de leurs hauts. Il revint avec ces habits qu'il donna à Jessie et James.
- Bon, allons-y, ordonna-t-il une fois qu'ils se furent habillés. Ah au fait, vous avez des Pokemon avec vous ? Sans compter Miaouss, j'entends.
Les deux Rocket lui montrèrent leurs Pokeball à leur ceinture.
- Très bien. Il se pourrait qu'on en ait besoin pour entrer ou pour sortir.
- Nous allons entrer par effraction, colonel ? demanda James.
- C'est votre truc ça non, à ce que j'ai cru comprendre, dit Tuno tandis qu'ils pénétraient dans la ville.
- C'est l'une de nos nombreuses spécialités, en effet, acquiesça Jessie. Nous sommes des voleurs professionnels !
- Enfin, quand le morveux n'est pas dans les parages, ajouta Miaouss.
Tuno se demandait de qui il parlait, mais tout compte fait, il s'en fichait. La spécialité de ces trois là, selon leur dossier, c'était les échecs à répétition. Le Boss devait vraiment les avoir à la bonne pour ne pas les avoir viré ou exécuté pour incompétence depuis tout ce temps. Le siège de Pokami se situait en bordure nord de la ville et le petit groupe de Rockets dut utiliser les souterrains pour s'y rendre plus vite. Si Doublonville était une ville très épargnée par le crime et la saleté, les sous-sols étaient le rassemblement de tous les pires individus de cette ville. On y trouvait les commerces habituels de drogue, de contrefaçon, de prostitution. Les caïds des sous-sols y régnaient par la terreur et la menace. Aucun maire de Doublonville n'avait eu le courage de purger cette vermine des souterrains de leur ville.
Tuno dut refuser poliment à plusieurs dealers qui étaient venus les appâter avec leur marchandise et quelques filles de joie qui avaient vite remarqué la jeunesse et le charme de Tuno. Le colonel s'était vite débarrassé des deux. La drogue, il n'y avait jamais touché, et ne comptait pas le faire. Quant aux prostituées... il les connaissait assez pour avoir lui-même grandi dans un bordel. Et peut-être à cause de ça, il n'était pas un adepte des putes. S'il aimait les femmes, il aimait encore plus le fait de les courtiser. C'était la chasse qui l'intéressait. Payer une fille pour qu'elle fasse tout ce qu'on désirait n'était pas aussi glorifiant. Ceux qui se servaient de l'argent dans l'amour étaient souvent ceux qui n'avaient pas les moyens nécessaires d'en obtenir autrement.
Au bout des souterrains, il y avait une bande de jeunes délinquants, le crâne rasé avec des symboles violents dessus grâce au millimètre de cheveux qui leur restait, qui observaient Tuno et les trois autres d'un œil mauvais. Ils devaient sans doute se demander si c'était des proies faciles pour voler quelques Pokedollars. En voyant Jessie et James, ils décidèrent que oui, et se levèrent de leurs escaliers pour aller les entourer. Tuno ne se départit pas de son calme naturel, tandis que derrière lui, Jessie, James et Miaouss commencèrent à trembler.
- Bien le bonsoir messieurs, fit Tuno. Que puis-je pour vous ?
Les badauds se mirent à ricaner.
- Qu'est-ce qu'il peut faire pour nous, qu'il demande ? ricana l'un d'entre eux qui semblait être le chef. J'vais t'le dire, m'sieur. Tu peux nous refiler tout ton blé et tes Pokemon, si t'en as.
- Je vois. Je crains de devoir refuser.
Les badauds clignèrent de leurs yeux stupides. Apparemment, ils ne devaient pas avoir l'habitude d'essuyer un refus, surtout dit d'une façon aussi calme. Tous regardèrent leur chef, attendant ses ordres.
- Mec, j'crois qu't'as pas très bien saisi l'affaire, là...
- Au contraire, c'est très clair, riposta Tuno. Limpide même. Mais nous sommes assez pressés et nous avons besoin de nos Pokemon. Mais si c'est de l'argent que vous voulez...
Tuno fit mine de fouiller dans sa poche, et en sortit une pièce de deux Pokedollar.
- Ah voilà. Tiens, va t'acheter des cheveux.
Le type agit comme Tuno l'avait prédit ; en beuglant comme un crétin et en envoyant son poing vers Tuno. Le colonel n'eut aucun mal à lui dévier le bras et à le mettre à terre en moins de deux. Les sbires du voyou allèrent à la rescousse de leur chef en sortant tous leurs Pokemon. Toute une belle panoplie des Pokemon les plus laids et effrayants qu'on puisse trouver : Grotadmorv, Nidoking, Grandbull, Branette, Carmache et Crocorible pour le chef.
- Tu vas regretter de t'être foutu de nous, mon gars ! s'exclama ce dernier.
Tuno s'installa tranquillement en s'adossant contre le mur, sous le regard sidéré des jeunes voyous. Le colonel se tourna ensuite vers Jessie et James.
- Vous êtes dresseurs alors ? Montrez-moi ce que vous valez ?
Dès qu'ils eurent sortis leurs Pokemon, les deux Rocket subirent une transformation qui étonna Tuno. Ils ne tremblaient plus, ne bafouillaient plus ; ils étaient confiants et motivés. Et ils savaient se battre. Oh bien sûr, ce n'était pas du même niveau que Tuno, mais il était indéniable qu'ils avaient du talent. On voyait immédiatement qu'ils aimaient leurs Pokemon, qu'ils les considéraient comme des partenaires et pas comme des outils. C'était ça qui faisait la force d'un dresseur, rien de plus.
Le Rhinolove de Jessie était rapide et très puissant et ses attaques psychiques vinrent facilement à bout des deux Pokemon Poisons adverses. Quant au Tutenkafer de James, il battit sans trop de mal le Grandbull et le Branette. Le Carmache dura un peu plus longtemps, mais finit par céder. Il restait le Crocorible, un Pokemon Ténèbres qu'un Pokemon Psy comme Rhinolove et un Pokemon Spectre comme Tutenkafer auraient du mal à battre. Tuno s'obligea à entrer en jeu.
- C'était pas mal, leur dit-il. Votre cas n'est pas totalement désespéré finalement. Bon, je prends le reste.
Il appela son Lakmécygne. D'ordinaire, il évitait de se servir d'un type de Pokemon qui était avantagé dans le combat, mais appeler son puissant Crimenombre pour ce looser aurait été une insulte. En un seul Pistolet à O de Lakmécygne, le Crocorible adverse rejoignit ses amis Pokemon dans le monde des rêves. Sans demander leur reste, les six voyous rappelèrent leurs Pokemon et prirent la fuite en beuglant des promesses de vengeance de façon incohérente.
Le groupe sortit des souterrains et parvint jusqu'à l'usine de Pokemi S.A. sans autre incident. Le bâtiment correspondait bien à l'idée qu'on se faisait d'une petite entreprise de vente de matériel d'élevage Pokemon ; petit, miteux, sale. Pourtant, l'œil aguerri de Tuno remarqua quelque chose qui n'y aurait dû pas être. Une caméra de sécurité à l'entrée du hangar de stockage. Qui aurait besoin de placer des caméras dans ce genre d'usine ? Le voleur qui aurait idée de dévaliser une entreprise comme Pokami aurait tout intérêt à se reconvertir.
- Laissez-nous faire, colonel, dit Jessie.
- Nous sommes des pros de l'infiltration, confirma Miaouss. Le trio aux mille vols !
- Dont pas le quart ont réussi, finit piteusement James.
- On ne parle pas de vol de Pokemon là, lui rappela Jessie. Il s'agit de pénétrer en douce dans cette baraque !
- Ah, et c'est quoi qu'on doit voler ?
- On ne doit rien voler, répliqua Tuno qui commençait à perdre patience. Nous sommes juste venu vérifier leur production et voir pourquoi leurs bénéfices annuels sont aussi élevés, vous vous souvenez ?
- Oh, comme vous êtes intelligent, colonel, s'exclama Jessie. Vous arrivez à vous souvenir de trucs aussi rasoirs !
- Mais c'est la mission, pauvres clowns, bien sûr que je m'en souviens... gémit Tuno en se couvrant le visage de sa main.
- Ah, on est en mission là ? s'étonna James, comme s'il pensait se trouver en pleine balade dans la campagne.
- Faites nous entrer là-dedans, c'est tout, coupa Tuno.
Les trois pseudos-Rocket s'activèrent pour s'approcher en douce de l'entrée, sans pénétrer dans l'angle de vision de la caméra. Ils marchaient sur la pointe des pieds d'une façon grotesque qu'ils pensaient sans doute discrète et qui était des plus ridicules selon Tuno. Et alors qu'ils approchaient de l'entrée, James trébucha et s'écrasa par terre en poussant un cri, et en plein dans la vision de la caméra. Evidemment, l'alarme s'activa aussitôt. Tuno maudit ces nuls et se maudit lui-même de les avoir amenés.
Quoi que... La porte du hangar s'était ouverte et plusieurs gardes de l'usine sortirent avec des matraques pour se lancer à la poursuite de Jessie, James et Miaouss, qui venaient de prendre la fuite. Tuno avait maintenant le champ libre. Il longea le mur pour échapper à la caméra et pénétra dans le hangar. Il était rempli de caisses, de cartons et de conteneurs ; rien de bien anormal pour un entrepôt de marchandise. Il y avait une autre salle au bout, mais Tuno dut se cacher derrière une grande caisse quand des bruits de pas se firent entendre.
- C'était quoi cette alarme ? fit une voix.
- Deux crétins qui ont tenté de pénétrer ici, répondit une autre. Les gardes sont en train de les poursuivre.
- Vaut mieux qu'ils les attrapent. Il faut savoir pourquoi quelqu'un a tenté de s'introduire chez nous. Si notre production supplémentaire était découverte...
Il ne finit pas sa phrase, mais son silence était éloquent. Quand les bruits de pas se furent éloignés, Tuno sortit de sa cachette et pénétra dans la salle arrière. Elle était remplie d'étagères sur lesquelles étaient posés des centaines et des centaines de bocaux de préservation pour œufs Pokemon. Les œufs de Pokemon, quand ils étaient fécondés et si on les enlevait à leur mère, devaient rester quelques mois dans un bocal spécial qui régulait la chaleur dont l'œuf avait besoin pour éclore, ainsi que l'atmosphère nécessaire à son bon développement. Sans ça, l'œuf n'avait aucune chance d'éclore.
Qu'une entreprise spécialisée dans la vente de matériel d'élevage Pokemon en possède n'avait rien de suspect en soi. Mais qu'elle en possède autant, ça c'était bizarre. Aucune pension au monde n'avait besoin de tant de bocaux à œuf. Il y avait là de quoi faire naître toute une colonie de nouveaux Pokemon. Qu'est-ce que Pokami manigançait avec tous ces bocaux ? Et plus important, qui était son fameux client qui lui achetait tout ça et grâce à qui le chiffre d'affaire de l'entreprise était monté en flèche ces dernières années ?
Tuno avança un peu dans la salle et constata qu'il y avait bien plus d'étagères remplies de bocaux à œuf qu'il ne l'avait cru de premier abord. Il y avait aussi des bocaux rangés dans différentes caisses, qui portaient toutes l'inscription : « À destination de la région d'Elebla ». La région d'Elebla... Ce n'était pas là qu'était actuellement le reste de son équipe ? La région des deux pays toujours en guerre ? Et où Mercutio, Siena, Galatea et Zeff devaient protéger la princesse d'un de ces deux pays ? Cette région n'était pas vraiment connue pour le nombre de ses Pokemon. Alors pourquoi tous ces bocaux à œuf ? À quoi donc allaient-ils servir là-bas ? Et à qui ?
Tuno sentit en lui le frisson de l'aventure revenir. Avec un peu de chance, sa petite enquête le mènerait jusqu'à ses hommes et il pourrait enfin rencontrer cette sacrée princesse ! Il quitta l'entrepôt aussi discrètement qu'il était entré, et retraversa la ville pour revenir à son hélicoptère posée en dehors de Doublonville. Puis avant de rentrer dans le cockpit, il soupira.
- Mince. J'ai oublié les trois autres paumés...