Chapitre 21 : Sire Djosan
Ils marchaient depuis trois jours quand ils descendirent enfin de cette frontière montagneuse et constamment nuageuse. L'immense pleine qu'ils pouvaient voir d'en haut était le commencement de la région d'Elebla. N'étant pas spécialement un expert de la région, Mercutio s'était un peu renseigné à son sujet dans la grande base de données de la Team Rocket avant de partir en mission. Elle était grande, peut-être plus que Kanto, mais très peu développée. Elle était exclusivement composée des deux pays rivaux selon le général Tender, mais Mercutio avait appris qu'elle contenait aussi deux autres pays, si petits et de si peu d'importance qu'on les oubliait souvent.
Cette région vivait au rythme des guerres incessantes entre l'Empire de Vriff et le Royaume de Duttel. C'était pour cela aussi qu'elle était largement délaissée par la communauté internationale : du fait de son état de guerre quasi-permanent, elle attirait peu les touristes et encore moins les dresseurs, vu que cette région n'avait que très peu de Pokemon, aucun dresseur du coté Vriffien et très peu chez les Dutteliens. Puis après avoir appris que les Vriffiens chassaient et mangeaient les Pokemon, Mercutio comprenait qu'aucun dresseur n'avait vraiment envie de s'aventurer dans le coin.
Mercutio avait parlé à ses sœurs du régime alimentaire des Vriffiens. Siena n'avait fait aucun commentaire, si ce n'était un haussement de sourcil, en disant que les traditions de l'Empire ne les regardaient pas. Galatea, elle, semblait trouver cela marrant et n'arrêtait pas depuis de faire des blagues à Solaris et Fukio, du genre : « C'est quoi le nom du digestif que vous utilisez pour votre transit intestinal après avoir mangé un Limagma ? », ou encore : « Est-ce que votre caca change de forme si vous avez mangé un Métamorph avant ? » Fukio commençait à se lasser de ce genre de remarque, mais heureusement, Solaris n'en prenait pas ombrage et rigolait parfois avec Galatea. Elle lui apprit deux trois trucs sur la façon de cuisiner les divers Pokemon et Mercutio craignait qu'en rentrant, sa sœur n'expérimente cette gastronomie insensée.
Si ce n'était ce sujet qui troublait quelque peu Mercutio, ses rapports avec Solaris avaient formidablement évolués durant ces trois jours de marche. Mercutio n'était plus du tout gêné quand il lui parlait. Plus encore, il était ravi d'avoir enfin trouvé quelqu'un avec qui il pouvait parler sans réserve de tout et n'importe quoi. Il pouvait parler facilement avec Galatea, qui était très loquace, mais cette dernière était d'un naturel si enfantin qu'elle ramenait la conversation à un niveau si bébête que Mercutio en avait vite marre. Siena n'était pas quelqu'un de très causant, et Zeff... enfin, c'était Zeff quoi. Il parlait souvent avec Mortali aussi, mais il ne pouvait pas s'attendre à avoir une discussion très philosophique avec un Pokemon.
Solaris elle était très intelligente et très accessible. Sa compréhension sur des sujets auxquels elle était peu habituée car provenant d'une région qu'elle ne connaissait que peu était surprenante. Mercutio ne se lassait pas de parler avec elle. Pas seulement pour le niveau de la conversation bien sûr, mais aussi parce qu'il pouvait être près d'elle pendant longtemps et entendre le son divin de sa voix. Zeff lui, ne semblait plus trop s'intéresser à la princesse depuis leur discussion sur les Pokemon. Peut-être avait-il sérieusement envisagé de lui faire la cour pour l'épouser et devenir empereur ? Enfin, Mercutio n'avait jamais réellement envisagé le fait d'avoir Solaris comme petite amie, hormis quand il dormait. Il ne demandait rien de plus que de pouvoir continuer à être son ami et cette mission de garde du corps qu'il avait tant méprisé était devenue un pur moment de bonheur.
Ils mirent un jour entier à descendre totalement les montagnes nordiques de Kanto pour arriver dans la vaste plaine d'Elebla. C'était là apparemment que les choses sérieuses pouvaient commencer ; en premier lieu, une attaque des Dutteliens. Mercutio n'aimait pas trop ce terrain plat car ils seraient facilement repérables. Mais d'un autre coté, à moins que les Dutteliens ne soient invisibles, s'ils comptaient les attaquer, Mercutio et les autres les verraient arriver de loin. Aussi, les tours de garde pour la nuit s'en trouvèrent renforcés.
Quand il se réveilla après son tour de garde, le soleil s'était déjà levé. D'habitude, Solaris, qui semblait apprécier sa compagnie, le réveillait pour qu'il l'accompagne observer le lever de soleil. Mais vu qu'ils n'étaient plus en montagne et en contre sens de l'aurore, ils n'avaient pas besoin de bouger pour le voir maintenant. Les autres étaient levés depuis longtemps et Solaris et Galatea, qui étaient devenues très bonnes amies en ces quelques jours, s'adonnaient à un combat d'entraînement au corps à corps. Il était évident que Solaris était loin d'être une novice en ce domaine. Elle maîtrisait des coups et des techniques qui surprirent bien souvent Galatea, et possédait une force impressionnante pour sa stature. Décidément, cette fille était parfaite dans tous les domaines !
Elle montra aussi l'utilité de son animal bizarre en forme de gelée, son Publo. Il pouvait se lier à elle, recouvrir tout son corps et devenir ainsi une seconde peau aussi dure et impénétrable que la plus lourde des armures. Publo laissait tout de même une partie du corps de Solaris non recouverte : son nez, histoire de respirer un peu. En dehors de ça, il pouvait prendre la forme de toute sorte de chose : une épée, un arc, un bouclier. Solaris demanda même à Mercutio qu'il lui prête un moment son pistolet, pour voir si Publo pouvait le recopier.
Fukio revint un peu plus tard avec un Miradar embroché sur son épée, et Mercutio jugea le moment venu d'aller faire un tour pour voir s'il ne trouvait pas plutôt des myrtilles. Il ne se ferait jamais à ça, même si les autres semblaient manger les Pokemon sans trop de répugnance. Hélas, il ne semblait y avoir strictement aucun arbre ni buisson dans cette plaine sans fin. Mercutio allait devoir se résigner à manger ce que Fukio leur rapportait, ou bien alors être privé de repas pendant une semaine. Soudain, il eut un frisson le long de sa colonne vertébrale, comme un mauvais pressentiment qui se présentait à lui. Quelqu'un, ou quelque chose, était tout prêt. Mercutio s'écarta à temps avant qu'un énorme Bouldeneu, surgi de nulle part le s'écrase sur lui. Il y avait quelque chose de bizarre chez ce Pokemon : il portait une armure et un pagne, ce qui le rendait assez ridicule.
- D'où tu sors toi ? s'exclama Mercutio.
- Ahah, manant ! rugit une voix forte et théâtrale. Ainsi, voilà que tu m'eusses fait l'affront d'esquiver l'attaque de mon compagnon ?
Un homme tout aussi ridicule que le Pokemon atterrit devant lui. Apparemment, il provenait du ciel. Si absurde que fut cette pensée, Mercutio leva les yeux en haut et en effet, cinq Gueriaigle, des solides Pokemon Vol, dont quatre étaient chevauchés, tournaient autour de lui quelques mètres plus haut. Mercutio se maudit pour sa négligence. Trop concentré sur la plaine, il n'avait pas pensé à observer les cieux. L'homme qui venait d'atterrir était un véritable géant. Mercutio était très petit par rapport à Zeff, qui était déjà bien grand, mais ce dernier était un nain comparé à ce mec là. Il devait bien mesurer deux mètres vingt facile. Loin d'être fin pour sa taille, c'était une véritable montagne de muscles, habillée en armure de guerre. Il possédait une immense moustache en guidon de vélo, honteusement rose, comme la couleur de ses courts cheveux.
- Je me présente, jeune homme, s'écria-t-il. Je suis Sire Djosan Palsambec, Chevalier de Son Altesse le Prince de Duttel !
Mercutio s'était douté que ces assaillants étaient des Dutteliens, mais il était surpris que ce type le lui confirme en grande pompe. Ce n'était pas vraiment ce qu'il appelait agir discrètement. Mercutio sortit sa Pokeball. Le grand Duttelien cligna de ses petits yeux porcins.
- Oserais-tu commettre l'affront de me défier sans m'avoir révélé ton identité ? Est-ce que, par le plus grand des hasards, ta mère aurait eu une aventure avec un bouc de passage pour que fasses preuve d'une telle impolitesse, palsambleu ?!
Le Duttelien avait encore crié pour parler, mais Mercutio comprit qu'il s'agissait là de son timbre de voix habituel. Mais si tous les Dutteliens parlaient d'une façon aussi archaïque et pompeuse que ce Djosan, Mercutio allait vite craquer s'il devait les affronter souvent.
- Pour autant que je sache, répliqua le jeune Rocket, vous ne vous êtes pas présenté avant de m'envoyer à la figure votre Bouldeneu.
- Que diable ! protesta le chevalier. Là était-ce ma formidable entrée. La honte aurait été sur moi et mes ancêtres si j'eusse dû te prévenir avant de te surprendre.
- Vous inquiétez pas, pour moi, vous vous êtes déjà ramassé. Et je m'appelle Mercutio Crust, membre de la Team Rocket, actuellement en mission pour défendre la princesse Solaris des tarés de votre espèce.
Les quatre autres Dutteliens en haut sifflèrent de rage, mais Djosan leur fit signe de se calmer.
- Mercutio Crust, de la Team Rocket, tonna le chevalier avec des gestes grandiloquents. Pourquoi as-tu fait la tienne mission de protéger cette femme dont je crache sur la tombe de ses ancêtres ? Les Vriffiens sont le mal et elle encore plus que les autres !
- Pourquoi je la protège ? Parce qu'elle me paie pour ça.
- Je vois. Mercutio Crust, aurais-tu donc pour tienne prétention d'appartenir à ces racailles de mercenaires ?
- Si vous voulez. En tous cas, sachez que je n'ai rien contre vous ni contre votre royaume, et que je me fiche un peu de votre guerre avec l'Empire de Vriff. Mais on m'a engagé pour ramener Solaris chez elle saine et sauve et je compte bien accomplir ma mission. Il n'y a rien de personnel contre vous là dedans.
Djosan le regarda intensément, avant d'éclater de rire. Ce n'était pas un rire maléfique ou fou comme ceux de Trutos, mais un rire sincèrement amusé et qui trahissait un peu de respect.
- Mercutio Crust, tu es donc un mercenaire, mais un mercenaire d'honneur, à ce que j'eusse constaté. Qu'il en soit ainsi, parbleu ! Je ne poserai point la main sur cette princesse démoniaque, ni lancerai mes hommes à ses trousses, tant que je ne t'aurai point vaincu.
- Vous risquez d'attendre longtemps alors. Mortali, en avant !
Djosan écarquilla les yeux en voyant Mortali apparaître, mais ce n'était pas du Pokemon dont il était surpris.
- Je constate que j'eusse commis une regrettable erreur en saluant ton honneur, Mercutio Crust.
- Quoi encore ? soupira Mercutio. Je n'ai pas respecté les règles d'engagement ? Je devais vous présenter mon Pokemon avant de l'envoyer ? J'en ai assez de vos règles d'honneur. Battons-nous et puis voilà !
- Tu es un dresseur ! Comment peux-tu accepter de travailler pour la famille impériale de Vriff ?! Ignores-tu ce que sont ces gens là, Mercutio Crust ? As-tu une infime parcelle d'honneur de dresseur Pokemon ?!
Mercutio se doutait de ce que Djosan voulait dire.
- Pour moi, enlever quelqu'un, qui plus est une jeune femme, est bien plus grave que le fait de manger des Pokemon, riposta-t-il. Et je ne suis pas là pour vous juger ; ni vous les Dutteliens, ni les Vriffiens. Je fais mon boulot et c'est tout.
- Il est vrai qu'en temps normal, enlever une demoiselle aurait été une mission contraire à mon code d'honneur, acquiesça le chevalier. Toutefois, je me refuse à qualifier cette princesse de femme. Monstre serait plus juste.
- Mortali, attaque Ball-Ombre !
Bouldeneu recula pour donner de l'élan à ses longs bras, puis renvoya la Ball-Ombre avec une puissance décuplée. Mortali sauta pour l'esquiver.
- Quel déshonneur, soupira Djosan. Attaquer alors que le combat n'a pas encore commencé...
- C'était pour défendre l'honneur de Solaris, se justifia Mercutio, toujours en colère. Je vous interdis de la traiter de monstre. C'est la plus merveilleuse fille que j'ai jamais rencontrée !
- C'est une démone dans un corps d'ange, insista Djosan. La seule chose qui la distingue de ses ancêtres maudits, c'est le corps d'ange, qu'eux n'avaient assurément pas. C'est la mienne mission de la ramener à mon prince, pour qu'il la fasse avouer tous les méfaits qu'elle a accomplis ou qu'elle comptait accomplir contre le peuple de Duttel. Puis ensuite, notre suzerain la jugera pour ses crimes. N'ayant aucun autre héritier, ce sera la fin de l'Empire de Vriff !
- Désolé, ça n'arrivera pas. Du moins pas tant que je serai là. Pourquoi ne pas attendre qu'on ait fini notre mission et qu'on parte pour s'en prendre à Solaris ?
- Cesse d'insulter notre honneur, Mercutio Crust. En garde, vil manant !
Le véritable combat commença. Il ne faisait aucun doute que Djosan était un bon dresseur, mais il n'avait aucune chance contre Mercutio avec un Pokemon comme Bouldeneu, qui avait certes une bonne défense mais était assez vulnérable aux attaques spéciales. Ajoutez à cela que Bouldeneu était d'une vitesse lamentable et sa lourde armure n'arrangeait rien. Après que Bouldeneu eut reculé, gravement blessé par la dernière Ball'Ombre de Mortali, Mercutio dit à son dresseur :
- Vous comptez toujours tenir votre promesse de ne pas vous en prendre à Solaris tant que vous ne m'aurez pas battu ? Parce que là, je pense que c'est l'occasion de démontrer la valeur de votre parole.
- Je n'ai qu'une seule parole, Mercutio Crust, confirma Djosan. Cela étant, le devoir est souvent plus important que l'honneur. À moi, mes hommes !
Les quatre autres Dutteliens à dos de leur Gueriaigle fondirent sur Mercutio. Il les esquiva in extremis, mais seulement pour se trouver ensuite entouré de plusieurs autres Pokemon que les Dutteliens venaient d'appeler, à savoir un Kicklee, un Elektek, un Flobio et un Scobolide. Sans compter les cinq Gueriaigle qui le toisaient de haut, ainsi que les Dutteliens qui venaient de tirer leurs longues épées. Mercutio se permit d'afficher une confiance solide.
- Tout ça pour un seul ennemi ? Votre notion de l'honneur doit être un peu différente de la mienne, Sire Djosan.
- Mille excuses, Mercutio Crust, répondit le chevalier. Mais comme je l'ai dit, je n'ai qu'une parole, et je me dois de te battre par tous les moyens pour ensuite pouvoir poursuivre la mienne mission.
- Hum... alors je devrais peut-être vous apprendre que je ne suis pas seul à protéger Solaris.
Galatea, Siena, Zeff et Fukio, avec Solaris un peu en retrait derrière, venaient d'arriver, avec leur sept Pokemon dehors. Les Dutteliens semblèrent un peu pris au dépourvu devant ces renforts non prévus.
- Vous en avez mis un temps, râla Mercutio.
- Désolé, on devant absolument finir ce délicieux Miradar, ironisa Galatea.
Djosan dévisagea la princesse, bien encadrée derrière ses gardes du corps. Le chevalier semblait à cran d'avoir sa cible devant lui et de ne pouvoir rien faire, mais il était intelligent et savait que démarrer un combat contre tout ce monde aurait été suicidaire.
- Je vois, soupira-t-il. Notre mission va être quelque peu retardée. Mercutio Crust, dis-toi que ce n'est que partie remise. Nous nous reverrons assurément. Jamais nous ne laisserons la princesse de Vriff accéder à son trône. Il en va de la survie de notre pays et sans doute du monde entier !
- Vous dramatisez, vieux, lui dit Mercutio. Les Vriffiens mangent des Pokemon depuis des lustres apparemment, et le monde tourne toujours rond. Ce n'est pas l'arrivée de Solaris qui changera ça.
- C'est que tu ne la connais point, Mercutio Crust.
Il remonta sur son Gueriaigle et ses hommes firent de même.
- Peut-être devriez-vous vous renseigner sur la femme que vous protégez, mercenaires de la Team Rocket. Jusque là, je te souhaites un bon revoir, Mercutio Crust.
Les Dutteliens s'envolèrent, mais Fukio n'escomptait pas les laisser partir ainsi. Il bouscula Siena à coté de lui pour s'emparer de son pistolet à sa ceinture et tira sur les Gueriaigle qui commençaient à disparaître dans les cieux. Heureusement, aucune balle n'arriva à but.
- Arrêtez ça, cria Siena en reprenant son arme. Ils s'enfuient, voyons !
- Ils reviendront, répliqua Fukio d'un air sombre. Vous auriez du les empêcher de filer et nous en débarrasser une fois pour toute !
Mercutio rappela son Mortali et parla calmement au chevalier de Solaris.
- Notre mission est de protéger la princesse. Rien d'autre. Nous ne sommes pas payés pour tuer vos ennemis, ni pour prendre part à votre guerre avec eux d'aucune façon que ce soit.
- Mais...
- S'ils reviennent, coupa Mercutio, nous les battrons à nouveau avec nos Pokemon. Nous n'userons de violence envers eux que s'ils font pareil. Mais il n'y aura qu'un sang qui va couler si on peut l'éviter.
Zeff ne dit rien, mais Mercutio voyait bien qu'il devait être d'accord avec Fukio. Laisser partir des ennemis en vie était pour lui un sacrilège.
- Dîtes plutôt que vous avez peur de tuer, grogna Fukio.
- Ça suffit, Fukio, intervint Solaris.
- Mais... Votre Altesse...
- Mercutio a raison. Sa mission est de me protéger et il l'a fait. C'est à lui de décider comment et avec quel moyen. La violence n'est pas la solution à tous nos problèmes.
Fukio fut surpris que sa maîtresse prenne le parti opposé, mais s'inclina tout de même.
- Oui, Votre Altesse. Pardonnez-moi. Laissez-moi me transpercer le cœur pour vous avoir contredit !
- Ça ira, Fukio. Mais je dois dire que je ne m'attendais pas à ce que les Dutteliens s'en prennent à nous si tôt alors que nous sommes à peine arrivés à Elebla.
- Ils m'ont l'air assez déterminés, dit Mercutio. Mais celui qui les commande, ce Djosan, ne m'inquiète pas trop. Il est trop attaché à son honneur personnel. Ce genre de personne est assez prévisible.
- Djosan... marmonna Fukio. Je connais ce nom. C'est le chevalier personnel du prince de Duttel !
- Ouais, il a dit un truc du genre, confirma Mercutio.
Solaris sembla réfléchir.
- Je doute que le roi Antyos ait les tripes pour s'en prendre directement à moi comme ça, en envoyant ses hommes d'une façon si peu discrète. Il craint trop les représailles pour son peuple. Son fils est moins regardant sur les conséquences.
- Vous pensez que le prince tente de vous enlever sans en avoir informé son père ? résuma Galatea.
- Peut-être. Il compte sans doute m'offrir en cadeau à son père. Si Antyos est un roi assez mollasson dans la guerre qui nous divise, il en est autrement du prince Octave. C'est lui notre réel ennemi.
Mercutio se rappelait que Solaris elle-même avait dit que son propre empereur de père avait privilégié la discussion et la négociation plutôt que les armes avec le royaume de Duttel. Et apparemment, Solaris n'avait pas été d'accord, et comptait elle combattre Duttel avec toute l'ardeur dont elle était capable. Si l'héritier du trône du camp d'en face était comme elle, Mercutio se dit que la région d'Elebla allait beaucoup souffrir avec ces deux là aux commandes de leurs pays. Enfin, ce n'était pas son problème.
Cela dit, il avait fait preuve d'une nonchalance assez feinte face à Djosan concernant son statut de mercenaire. Il était vrai qu'il n'avait aucun préjugé d'un pays à un autre et n'était pour personne en particulier dans cette guerre, pourtant, si le royaume de Duttel l'engageait ensuite pour kidnapper Solaris, ou pire, Mercutio n'aurait pas été sûr de pouvoir mener à bien cette mission. Quoi qu'il en disait, il s'était attaché à Solaris et donc, par conséquent, à l'Empire de Vriff.
***
Sire Djosan Palsambec et ses hommes volèrent jusqu'à Duttelia, la capitale du royaume, berceau de la Pokemonologie de ce continent. Il ordonna à son Gueriaigle de se poser sur la tour sud du palais royal et les autres derrière l'imitèrent. Un écuyer vint l'accueillir une fois atterri.
- Bon retour parmi nous, Sire. Dois-je m'occuper de votre Gueriaigle ?
- Je t'en serai gré, mon bon. Il a fait un long voyage.
- C'est un honneur de vous servir, Sire.
Tandis qu'il descendait la tour, tous ceux qu'il croisait s'inclinèrent à son passage. Djosan inspirait le respect partout où il allait. Avant de servir le prince Octave comme chevalier-lige, il avait été celui de son père, le roi Antyos. Sa Majesté avait insisté auprès de lui pour qu'il devienne le chevalier de son fils quand celui-ci avait atteint sa majorité. Il était certain que Son Altesse le prince était bien mieux à l'abri de tentative d'enlèvement ou d'assassinat avec lui comme premier protecteur. De fait, Sire Djosan était le plus puissant guerrier de tout Duttel. Sa maîtrise des armes égalait sa maîtrise des Pokemon et en dépit des apparences, son esprit était aussi affûté que son épée. Il se rendit jusqu'aux appartements privés de son maître, où les gardes s'inclinèrent avant de lui ouvrir la porte. Personne n'osait faire attendre Sire Djosan, même pour un membre de la famille royale. Djosan entra de son pas de géant et posa un genoux à terre en s'inclinant.
- Votre Altesse ! Votre Chevalier Djosan au rapport !
Ce ne fut pas le prince qui l'accueillit en premier, mais son Pokemon. Son inséparable petit félin noir et blanc, à la queue touffue et longe, et au regard glacial. Ce Pokemon était la terreur de tout ceux qui se présentaient pour voir le prince, mais Djosan avait appris à se faire accepter du Pokemon. Il devait être d'ailleurs le seul. Même Sa Majesté le Roi évitait de trop s'approcher de ce Pokemon.
- Djosan, fit le prince Octave en sortant de sa chambre. Tu m'as rapporté la chienne de Vriff ?
- Je vous présente mes plus plates excuses, mon prince, mais j'ai échoué.
Octave, un jeune homme d'une vingtaine d'années aux cheveux blonds noués en queue de cheval, fronça les sourcils, plus surpris qu'en colère. Il était très rare quand Djosan évoquait le mot échec en parlant de lui.
- Que s'est-il passé ?
- Elle était protégée, mon prince, et pas seulement par son Chevalier. Elle a engagé des mercenaires de l'autre région. Ils sont forts, mon prince, et utilisent des Pokemon.
- Des dresseurs ? Pourquoi travaillent-ils pour Vriff ?
- Ce ne sont que des mécréants sans honneur opérant pour l'appât du gain, mon prince. Mais que je les soupçonnasse de ne pas tout savoir sur la princesse Vriffienne.
Octave soupira et s'assit sur son large canapé. Son Pokemon vint se lover sur ses genoux, et il le caressa distraitement.
- Djosan, nous n'avons plus de temps à perdre. Quand Solaris traversa les frontières de son empire, nous ne pourrons plus espérer l'attraper.
- J'en suis conscient, mon prince. Permettez que je rassemble plus d'hommes et je vaincrai ces jeunes blancs-becs qui servent de garde du corps à la princesse.
- Fais donc. Je meurs d'envie de pouvoir enfin rencontrer mon égale de l'Empire de Vriff. Est-elle aussi belle qu'on le dit ?
- Je l'ai vu de loin, mais elle semble assurément d'une beauté qui ne saurait s'apparenter à de simples mots pour la décrire.
- Parfait. Alors je m'amuserai un peu avec elle, avant de lui administrer moi-même la vengeance du peuple de Duttel sur son empire maudit ! Notre royaume gouvernera Elebla entièrement. Je gouvernerai Elebla sans aucun partage !
- Il en sera ainsi, mon Prince.