Une âme de feu et un coeur de glace
Chapitre 1 : Une âme de feu et un coeur de glace ~
La neige tombait sans relâche et de grande rafale de vent balayait le paysage blanc en arrachant aux arbres les maigres réserves de feuilles qui leur restait. On ne voyait rien et si quelqu'un aurait tenté de mettre le bout nez dehors il aurait été gelé aussitôt. Habituellement, des pokémons de toutes sortes bravaient le blizzard mais bizarrement cette tempête les avait tous forcé à regagner un abri. La plupart des habitants de Frimapic regardait dehors en maudissant l'instant ou ils avaient décidé de bâtir leur foyer dans cette région hostile. Mais malgré leurs plaintes, ils avaient tous au moins une lumière, une cheminée, une famille ou des amis sympathiques pour les réconforter. Ce n'était pas le cas de Naïla qui tremblait et semblait sur le point de s'évanouir. Elle avait les lèvres violettes et essayait bravement de ne pas sombrer dans l'inconscience. Une larme coula puis tomba sur son pied nu et plusieurs autres suivirent jusqu'à devenir un torrent incessant. Naïla ne comprenait pas pourquoi elle n'était pas comme tout les autres enfants. Car contrairement à eux, elle n'avait jamais revu ses parents depuis ses cinq ans et n'avait pas une jolie maison dotée d'un feu. A cette pensée, Naïla sentit une grande rage afflué dans sa tête. Pourquoi est-ce qu'elle devait habiter dans une grotte sombre et humide ? Pourquoi est-ce qu'elle devait marcher des kilomètres pour pouvoir cueillir une baie et ne pas mourir de faim ? Pourquoi est-ce que la seule fois ou elle s'était approchée du village de Frimapic on l'avait fuie comme la peste ? Pourquoi lui avait-on lancé des cailloux dessus ? Qu'avait-elle fait pour mériter ça ? Naïla ne comprenait pas et elle se demandait même parfois si elle ne devait pas écourter sa vie pour échapper à ses souffrances perpétuelles. Mais malgré tous ses malheurs, Naïla avait une raison de vivre. Son petit Farfuret chéri, son Kio adoré. Si jamais elle venait à mourir, comment ferait-il pour survivre ? En pensant à lui ses larmes s'arrêtèrent et elle le regarda avec un air attendri. Qu'il était mignon, endormi et blotti contre elle. Elle ne put s'empêcher de penser à la merveilleuse équipe qu'ils formaient. Lorsque trois ans plus tôt, lors d'une de ses expéditions pour se nourrir, elle l'avait trouvé avec une flèche dans la cuisse, elle n'avait pu s'empêcher de l'amener dans sa caverne. Il semblait proche de l'agonie mais grâce aux soins qu'elle lui avait prodigué, il s'était lentement remis. A partir du moment ou après deux mois de coma le petit farfuret se réveilla, un lien puissant se forma entre lui et Naïla. Depuis lors, ils ne se quittèrent plus. L'hiver ils se soutenaient mutuellement pour ne pas mourir de froid et l'été ils vagabondaient en essayant de trouver un abri qui leur tiendrait chaud pour l'hiver à venir. Chaque été, Naïla se lamentait. Elle aurait voulu partir de cette contrée mais le Mont Couronné était trop imposant pour qu'elle essaie de le franchir. Elle se sentait faible et elle n'arrivait toujours pas à se réchauffer malgré la chaleur qui émanait du petit Kio. Soudain, une idée folle traversa la tête de Naïla. La fille ne voulait pas rester jusqu'à la fin de sa vie dans sa caverne. Elle ne voulait pas mourir de froid, elle avait envie de s'échapper et de bronzer au soleil. Un sourire se dessina sur ses lèvres gelées et elle serra son pokémon dans ses bras en essayant de trouver le sommeil. Bien sûr, elle était impatiente de mettre son plan à exécution mais elle n'allait ni sortir par cette tempête ni réveiller son farfuret qui semblait dormir profondément. Elle enfonça son visage dans la fourrure de Kio et elle ferma les yeux pour s'endormir presque aussitôt.
Non loin de là, un garçon qui, au premier regard, était tout sauf extraordinaire plissait les yeux pour mieux voir la page qui s'affichait sur son ordinateur. Il semblait jouer à un jeu. Ses doigts bougeaient comme animé par une conscience et il suait, sûrement la peur de perdre et de tout devoir recommencer pensa la femme de ménage qui passait à côté de sa chambre. Le garçon avait de long cheveux d'un brun foncé et les yeux marrons avec quelques tâches de vert, il avait les traits fins et un long nez légèrement pointu. A la vue de son visage, on pouvait le considérer comme un adolescent normal mais dès qu'on baissait les yeux, on ne pensait plus du tout la même chose. Il portait un smoking qui avait certainement dû être fait sur mesure car le jeune homme n'était pas de grande taille. Une cravate violette était attachée à son cou et il chaussait de grosse chaussure noire cirée. Soudain, il poussa un petit cri. Deux mots s'affichèrent à l'écran : GAME OVER. Il pesta quelques instants puis il décida de recommencer sa partie. Le jeu consistait à capturer les pokémon défilant à l'écran puis à la déposer dans un mixer. Une fois tous les pokémon mis K.O, une tâche rouge s'affichait et un autre niveau apparaissait. Quiconque aurait vu ce garçon jouer se serait douté de sa santé mentale. Pourtant, l'adolescent était tout sauf attardé. Il était même très intelligent. Mais malheureusement, personne ne s'en doutait car il n'avait jamais mis un pied dans une quelconque école. On l'avait également élevé dans la haine des pokémon. Son père lui répétait souvent qu'ils ne méritaient que de souffrir. Cela expliquait donc sa fascination pour un jeu si cruel. A l'instant ou il allait réussir le niveau ou il avait bloqué la dernière fois, trois coups légers furent frappé. Le garçon mit l'ordinateur en veille et partit ouvrir en bougonnant pour lui-même. Son père lui avait toujours dit d'ouvrir. Ne pas le faire pouvait coûter la vie qu'il disait. Le garçon n'avait jamais pris cette affirmation au sérieux mais il avait retenu la leçon et ouvrait toujours la porte. Il tourna la poignée et se retrouva nez-à-nez avec un grand personnage au cheveux rouges attaché en catogan. La ressemblance était saisissante. Même oreilles, même bouche et même yeux brillants. Le jeune homme reconnut son père et, pour une fois, il ne prononça pas les paroles rituelles avec lesquels débutaient toutes leurs conversations.
« Papa, grogna-t-il. J'allais décrocher le meilleur score. Qu'est-ce qu'il y a ? Dis, tu viens m'annoncer que je peux enlever cet horrible costume ? ajouta-t-il avec une lueur d'espoir.
« Non, Neil je ne viens pas te dire que tu peux enlever ton costume, répondit le père avec agacement. Il sera d'ailleurs très important. J'espère que tu ne l'as pas froissé.
Le géniteur scruta l'habit de son fille avec insistance pour y voir le moindre pli. L'adolescent leva les yeux au ciel. Une fois que la vérification fut terminé le père reprit la parole :
« Mon fils, dit-il avec gravité. Le moment est venu pour toi de rencontrer le boss. Il a demandé à te voir. Tu comprend ce que ça signifie ?
Neil le comprenait très bien. Son père lui avait déjà expliqué mille fois ce que voir le boss impliquait. Car le chef tenait à garder son identité secrète. Si le moindre sbire dévoilait une information il pouvait dire adieu à sa vie. Et Neil ne voulait pas faire partie de ses malheureux. Son père lui expliqua rapidement qu'il devait se doucher et se coiffer pour l'occasion. Il acquiesça et disparu dans sa salle de bain privée. Il ressortit quelques minutes plus tard, coiffé et habillé comme pour la cérémonie du sacrement du maître de la ligue. Neil ne se sentait pas du tout à l'aise, il pensait ressembler à un pingouin. Son père eut l'ait satisfait et il lui fit signe de le suivre. Le père et le fils sortirent de la chambre en marchant d'un pas militaire. Une expression de crainte s'affichait sur leur deux visages. Neil qui n'avait d'ordinaire peur de personne ne comprenait pas vraiment cette angoisse. Mais tout les gens qui avaient déjà fréquenté le boss ressentait cette même crainte. Ils disaient tous qu'il était cruel et dangereux. Et qu'il n'hésitait pas à poignarder ses fidèles amis dans le dos pour s'enrichir. Il devait être près de neuf heure du soir. Après une longue marche, le père s'arrêta devant une porte et toqua cinq coup répété puis trois puis enfin dix. Après deux minutes, la porte s'entrouvrit et on leur fit signe d'entrer. Ils entrèrent donc en refermant soigneusement la porte derrière eux. Neil sentait une boule dans son ventre et ses jambes ne le tenait presque plus. Derrière la porte il y avait un couloir et au bout de ce couloir une nouvelle porte. Celle-ci était équipée d'un haut-parleur. L'homme à la chevelure rouge s'avança et il appuya sur un petit bouton caché derrière pan de mur. Une voix métallique s'éleva du haut-parleur.
« Annoncez-vous. A l'attention de potentiels intrus, vous risquez gros, il vaut mieux pour vous de rebrousser chemin.
« Commandant Jupiter et son fils Neil. Nous avons audience.
La porte s'ouvrit en dévoilant un escalier. Neil commençait à en avoir marre, qui était ce chef pour se protéger ainsi de ses sbires ? Le garçon commença lentement l'ascension, en marchant tranquillement, un pied après l'autre. Son père lui donna un coup dans le dos, ce qui l'obligea à accélérer. Soudain, une porte sertie de turquoise apparut devant eux. Elle s'ouvrit d'elle-même et le duo entra. Il était dans une pièce ronde et faiblement éclairée. Un rideau pourpre était accroché, masquant ainsi la moitié de la pièce. Un drôle d'appareil trônait au milieu de la pièce. Un tuyau argenté dont l'extrémité était en entonnoir sortait du rideau. Il y avait deux grands fauteuils pourpres également. Une voix grave sortit du tuyau les invitant à s'asseoir. La voix avait des accents menaçants et Neil pensa que si c'était la voix du boss il préférait ne pas voir sa tête. Le père et le fils s'assirent donc. Deux bras métalliques apportèrent des sortes de radios devant les deux invités. La voix annonça qu'ils communiqueraient avec cet objet.
« Il faut simplement prendre le petit tuyau blanc que vous voyez là, et le portez à sa bouche. Dites ce qui vous passe par la tête. Soyez naturels. Enfin Jupiter, toi je te connais. C'est surtout à ton fils que j'aimerais parler.
Neil approcha timidement le tuyau de sa bouche. Il ne sut quoi dire mais la voix remédia au silence en posant une question.
« Quel âge as-tu, mon petit Neil ?
« 15 ans monsieur, dit-il avec une voix soumise.
« Mais je t'en prie, n'aie pas peur de moi. Montre ton autorité. C'est ça qui compte dans notre organisation.
« D'accord monsieur, répondit Neil avec la même voix.
Plusieurs questions suivirent, certaines indiscrètes d'autres moins, et puis vint la question clé de cet entretien.
« Aimes-tu les pokémons ? Demanda la voix avec cruauté.
« Non, je les déteste, répondit Neil avec une sincérité déroutante. Ils pourrissent la vie de tout le monde. Ils ne méritent pas de vivre.
« Je suis fier de toi Jupiter, dit la voix avec admiration. Moi-même je n'aurais pas mieux pu répondre à cette question.
« Une autre question. La dernière je pense. Penses-tu pouvoir me servir avec loyauté ? Ne réponds pas aujourd'hui car tu ne sais pas ce qui t'attend si tu réponds oui.
Et la voix leur dit qu'ils pouvaient se retirer. Neil sortit avec soulagement et courut jusqu'à sa chambre. Il détestait déjà cet homme. Mais il éprouvait également une admiration sans borne. Il ne savait que choisir. Le jeune homme s'assit sur son lit et arrêta de penser au chef de son père. Neil se dévêtit et se glissa dans son lit qui avait été soigneusement repassé par une femme de ménage. Il n'éprouvait aucune reconnaissance par rapport au travail qu'effectuait ces dames. Il savait qu'elles étaient simplement ses esclaves. Sur cette réjouissante pensée, il s'endormit.