Chapitre 6 : Roigada VII (Le Roi)
Un grand être entouré d'une magnifique cape noire s'avança en direction d'un balcon qui donnait sur une grande plaine. En contrebas s'affairait une véritable horde de Machocs, parés à la guerre. Alakazam était satisfait, car il avait évolué la nuit précédente. Hier encore il n'était qu'un petit Kadabra aux pouvoirs limités. Maintenant il pourrait par sa seule volonté provoquer des vagues psychiques si puissantes que plus rien ne pourrait l'arrêter. Cette évolution est un bon présage, car elle était tombée exactement la veille du jour de l'attaque. Ce sera donc son tremplin vers un avenir plein de conquêtes et de pouvoir ! Il goûtait à l'exaltation si bien qu'il décida de la partager avec son armée.
-Mes chers amis ! Entonna-t-il d'une puissante voix. Sachez tout d'abord que je suis très fier de vous !
Alakazam pouvait les voir s'agiter comme de petites fermites, se rapprocher du balcon, pour pouvoir entendre leur Empereur.
-Aujourd'hui est un grand jour ! Poursuivit-il en accentuant sur les voyelles. Nos terres vont s'agrandir ! Nous allons marcher en direction du village des Ramoloss !
La masse grouillante hurla son accord.
-Et après notre future victoire, nous envahirons une ville après l'autre ! Répandant le sang et les entrailles de nous ennemis !
La foule exultait toute sa soif de sang.
-Préparez-vous armes ! Suivez-moi ! Et vous n'aurez plus jamais faim !!!!!! Promit-il en brandissant son épée.
Voilà, maintenant ils sont prêts, pensa Alakazam en les voyant hurler de joie. Ils me suivront jusqu'aux portes de la mort à présent. Septième du nom, Ce n'est plus qu'une question de temps !
***
La porte se ferma avec fracas derrière Roigada. Son cœur battait la chamade. Sans attendre une seconde de plus il recommença à courir. Après ce qui semblait être une éternité dans cet immense couloir sombre, la porte derrière lui partit en morceaux. Un gigantesque Roigada se mit à lui courir après. Celui-ci lui était bien dix fois supérieur en taille. La course poursuite semblait durer une deuxième éternité. Devant lui, un immense sablier se retourna et le sol se déroba à ses pieds. Puis une longue chute débuta. Le gros Roigada n'était plus là. A présent il semblait tomber du ciel, si vite qu'il en eut la respiration coupée. Puis il tomba violemment dans une dune de sable la tête la première. Il s'en extirpa et vit un Ramoloss entouré de dix Machocs. Les assaillants pointaient de terrifiantes épées dentées en direction du pauvre Ramoloss avec pour seule arme un gros poisson. A cet instant, un Gardevoir avec des ailes blanches dans le dos descendit du ciel et se posta en face de Roigada. Et d'une voix angélique et douce, elle chanta :
Roi des Pokémon, le ciel devient gris.
Seigneur Roigada, il est temps aujourd'hui.
Ton âme Tourbillonne, du son de ta voix.
Seigneur Roigada, quel est ton choix ?
Dans chaque main que Gardevoir lui tendait, apparut un objet. A gauche une épée à la lame verte et à droite une grande plume de Dodrio. Alors que Roigada réfléchissait sous le regard bienveillant de Gardevoir, un cri de douleur retentit. L'un mes Machocs avait planté son épée dans le ventre du Ramoloss sans défense. L'ange venu du ciel enchaîna de sa voix mélodieuse sur un nouveau couplet.
Roi des pokémon, le ciel devient noir.
Seigneur Roigada, n'attend pas le soir.
Ton âme bouillonne, chasse tes peurs
Seigneur Roigada, et écoute ton cœur.
Des flammes embrasèrent le regard de Roigada. Sans l'ombre d'une hésitation, il attrapa le manche de l'épée et se tourna vers les Machocs. Une magnifique cape couleur vermillon aux reflets multicolore apparut sur son dos. De bout de son sabre, il désigna le Mal et cria dans élan d'exaltation…
-Je vais me battre !
Mais il ne portait plus d'épée, ni de cape. Il n'y avait plus de ramoloss, ni de Machocs et ni de Gardevoir. Et sur tout, il n'était plus sur une plage de sable au bord de l'océan. Il était dans son lit, assis dans ses couvertures le poing levé. Un rêve, se dit-il. Ce n'était qu'un rêve, l'aventure et le danger me manquent-ils à ce point ? Légèrement déphasé, il tenta de se lever.
Si on devait jouer à estimer la classe sociale de Roigada en fonction de sa chambre, personne ne devinerait que cette pièce austère était celle d'un Roi. En effet, Roigada à toujours exécré l'opulence bourgeoise de ces prédécesseurs, il ne voyait pas le rapport entre le fait d'être un homme de pouvoir et posséder des richesses futiles et avoir droit à des luxes onéreux et ridiculement inutiles. Il portait la Roche Royale à son cou, cela suffisait amplement à démontrer qu'il était le Roi.
D'ailleurs, alors qu'il se préparait à quitter sa chambre, il se mit à rire de sa propre situation. Il portait la couronne, mais il n'avait aucune autorité. En effet, à chaque fois qu'il proposait quelque chose pour son pays, le Conseil des politiciens lui riait au nez. Toutefois, il savait qu'un claquement de doigts suffirait à les faire pendre, tous. Mais lui, Roigada VII, n'était pas comme son père. Roigada VI était un véritable tyran, tous ceux qui n'étaient pas avec lui, étaient contre lui. C'est ce qu'il disait toujours. Et il n'hésitait pas à pendre au bout d'une corde tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui.
Mais tout cela était du passé. Roigada ne voulait pas être craint comme l'a été son père, il voulait que son peuple l'aime pour ce qu'il fait de bien. Malgré son jeune âge, il avait déjà accomplit de grandes choses, et le peuple croyait en lui. Mais tout le château se moquait du bien-être de ses sujets. Tant qu'ils conservaient leur train de vie opulent, oisif et gras, cela leur était bien égal que la population meurt de faim.
Roigada, tout en réfléchissant, avançait vers la salle du trône. Il ne devait surtout pas être en retard.
C'était le jour des doléances, le jour où le peuple avait la possibilité de se faire écouter du château. Ils pouvaient exposer leurs difficultés et leurs plaintes. Comme d'habitude, Roigada prolongea la durée de la séance, car il estimait que chaque personne qui se déplaçait pour venir lui parler méritait d'être écoutée. Evidemment, son conseiller, un vieux et gras Castorno, n'hésitait pas à exprimer son mécontentement.
-Votre altesse, cela fait maintenant plus de deux heures que la séance de doléance devrait être levée. J'en ai plus qu'assez d'écouter toute ces inepties. Ces paysans ne savent que se plaindre !
Roigada adressa un chaleureux sourire à son conseiller.
-Je ne vous empêche pas de disposer, chez ami. Il est vrai que sans votre septième repas de la matinée, votre confort est perturbé. Allez donc vous restaurer, il est vrai que vous en avez bien besoin.
L'ironie était presque palpable, et l'intéressé devint rouge de colère, mais finit par céder et resta auprès du roi.
Un garde Ecrapince et inclina la tête en face du trône.
-Une paysanne à moitié folle souhaite s'entretenir avec vous. Dois-je la congédier sire ?
-La congédier ? Pourquoi donc ?
-Elle prétend avoir eu une vision, et elle réclame l'aide du Royaume.
Le Castorno prit un air méprisant.
-Garde, faites sortir cet insecte de ce château. Le roi n'a pas de temps à perdre avec de pareilles futilités. Il est évident que cette fermière est folle.
Alors que le soldat s'apprêtait à obéir, la voix de Roigada retentit dans toute la pièce. Il en avait trop entendu, une intense colère bouillonnait en lui et elle éclata à ce moment précis.
-Je n'ai pas besoin de vous pour savoir ce que j'ai à faire conseiller ! Garde, faites entrer cette demoiselle.
-Mais sire…
Roigada attrapa les grosses incisives jaunâtres et rapprocha la tête de son conseiller tout près de la sienne. Il a toujours étai gentil avec tout le monde, car il ne voulait pas ressembler à son père. Mais il en avait assez de se laisser marcher sur les pieds par des êtres aussi abjects. Désormais, il écoutera que son cœur.
-Ecoute-moi bien, espèce de rongeur graisseux ! Si je t'entends encore une fois ouvrir ta gueule puante. Je te fais avaler tes grosses dents ! Suis-je clair ?!
Le conseiller acquiesça sans dire mot, pétrifié par le peur.
-Garde, faites entrer notre invitée.
Une jeune Psykokwak entra dans la salle du trône. Elle était manifestement épuisée, elle ne parvenait pas à reprendre son souffle.
-Conseiller ! Etes-vous aveugle ? Apportez-lui de l'eau !
Alors que l'intéressé s'exécuta, Roigada s'empressa d'aller à la rencontre de la jeune fille et de la mener jusqu'à son propre trône et l'invita à s'y asseoir. Aucun villageois ne s'était jamais épuisé de cette façon pour une séance de doléance. Elle a dû marcher jour et nuit, sans prendre le temps de manger ni de boire. Il s'occupa d'elle durant une bonne demi-heure, négligeant son propre estomac.
Une fois qu'elle semblait avoir récupéré une respiration normale, Roigada lui demanda d'une voix douce.
-Quel est votre nom ?
-Je m'appelle Ecorcia, votre majesté.
-Très bien jeune Ecorcia, je vous écoute.
-Ce soir, au lever de la pleine lune, une armée de Machocs envahira mon village. Je l'ai rêvée, il y a trois jours.
La vérité sonna en lui plus fort qu'un Archéodong en colère. Tous les détails de son propre songe refirent surface d'un coup, lui envoyant une vague de vertige. Plusieurs minutes plus tard, le conseiller revint avec un verre d'eau.
Roigada plongea son regard azur dans celui de la jeune femme, il allait prendre la plus grande décision de sa vie.
-Ecorcia. Vos paroles sont entendues, et je vous fais le Serment d'Honneur Royal de protéger votre village. Je le défendrais au péril de ma vie.
Sur ces mots solennels, il détacha le collier qu'il portait à son cou et posa le pendentif royal dans le creux de la main d'Ecorcia.
-Si je ne reviens pas, ou si j'ai échoué. Cela voudra dire que ne suis pas digne de porter la couronne. Je vous confie donc la preuve de ma royauté, et si je dois devenir le souverain légitime de notre monde, je tiens à ce que ce soit vous qui me couronniez. Vous qui m'avez montré la voie.
Roigada se tourna ensuite vers son conseiller.
-Que cette jeune fille ne manque de rien. SI j'apprends à mon retour qu'elle a subi un mauvais traitement, je vous couperais moi-même la tête !
Déterminé, le sang bouillant et tourbillonnant, il quitta la pièce après avoir adressé un dernier regard à la personne a qui il avait prêté serment.
-Ecorcia. Merci pour tout.
Il était le roi de son pays, et même sans aucun signe distinctif, sans couronne, sans sceptre et sans trône, il allait accomplir ce que seuls les plus grands rois savaient faire.
Briser les codes au nom de la justice !