Chapitre 2 : Une nuit mouvementée
Je n'ai pas pleuré longtemps, juste quelques secondes. En fait, c'était plus un cri, un cri de tristesse. Un cri…puissant : il avait réveillé tous les occupants des grottes voisines !
Mon père me pris dans ses bras et me tapota doucement sur l'épaule pour me réconforter. Je fermais les yeux, pas perce que j'étais fatiguée, perce que j'avais besoin de réfléchir un petit moment. Réfléchir sur la cruauté de la famine. Je croyais qu'elle ne prendrait que les plus vieux, ceux qui avaient eu le temps de vivre leurs vies. Mais non. J'avais eu tort. Elle peut tuer tout le monde, sans pitié, même les tout jeunes. Tout le monde. Même moi. Un frisson glacé parcouru mon échine. Pour l'instant, je n'allais pas trop mal, mais qu'est ce qu'il en sera dans trois jours ? Une semaine ? Un mois ? Aurai-je toujours la force de survivre à ce fléau ?
Je me sentais impuissante. Je ne pouvais ni me défendre, ni défendre les autres. J'avais bien mon couteau d'os, mais à quoi me servirait-il contre la famine ? Pendant que ces questions tourbillonnaient dans mon esprit, Lumière, Menthe et Nénuphar me regardaient. La mère en deuil me lançait un regard reconnaissant mêlé à la douleur. Elle devait me remercier de pleurer ainsi avec elle sa fille, cela devait lui mettre du baume au cœur. J'étais heureuse de lui faire plaisir, mais un peu gênée, car ce n'était pas vraiment sa fille (que je ne connaissait à peine) que je pleurait, mais c'était son sort. Sa mort si précoce. Un décès à cause de la pénurie ne m'avait jamais autant touché, sauf celui…de Flocon…J'avais envie de faire quelque chose, quelque chose qui changerais notre situation…Mais quoi ? Totalement impuissante, je vous dit. Peut être fallait il attendre l'humain annoncé dans la prophétie que Nuage avait entendue à ma naissance ? Peut être est ce de ce malheur qu'il nous sauverai ? Mais, au fond de moi, j'étais presque sûr que ça n'arriverait pas. Les humains ne savent que nous enfermer dans des balles blanche et rouge et nous traîner de force à nous battre jusqu'à ce que nous n'en n'ayons plus la force. Les humains sont aussi cruels que la famine, alors cela m'étonnerait que cet humain « miracle » nous sauve. Il ne nous enfoncerait que plus dans notre malheur…Soudain, la voix fluette de Nénuphar me sortit de mes pensées sordides.
-Désastre ?! Mais que fais tu ici ! Crâne, tu ne l'as tout de même pas amenée ici, quand même?!
-Désastre est assez grande pour voir ce genre de choses. La vie dans une tribu est rude, il y a souvent des drames, elle doit s'y habituer, répondit mon père à ma place.
- Mais enfin, elle n'a que cinq ans ! Le sermonna Menthe.
-Et toi six, Menthe. Tu n'as qu'un an de plus qu'elle, je te rappelle, ce n'est pas pour ça que tu es plus mûr!
Ça n'a pas plu du tout à Menthe. Il a fait une grimace très bizarre à papa, et moi j'ai éclaté de rire en voyant la tête qu'il faisait. Les deux autres petits de Lumière se sont réveillés en sursaut en m'entendant glousser. Tout le monde me regardait, les yeux grands comme des soucoupes. Menthe me fixait en faisant les gros yeux. Il n'avait pas l'air content du tout mais je n'arrivais plus à m'arrêter de rire. C'est Arc-en-ciel qui m'a arrêté en m'aboyant dessus. Elle était rouge de colère et me toisait avec des yeux brillants. Je ne l'avais jamais vu s'énerver comme ça :
« Ça suffit, Désastre ! Non seulement tu as enfreint le couvre-feu, mais en plus tu viens te mêler aux histoires des adultes en réveillant toute la tribu !Et,qui plus est, tu te met à rire alors que nous sommes tous en train de pleurer la mort de la Ciel ! Je ne te félicite pas, mais pas du tout ! »
Elle s'est tournée vers Nénuphar, Menthe et mon père :
« Crâne, ramène là dans sa grotte. Vous deux, venez avec moi, a-t-elle lancé sèchement.
Sa voix s'adoucit lorsqu'elle s'adressa à Lumière, qui berçait ses deux bébés pour les rendormir :
« Lumière, encore toutes mes condoléances. Demain, nous procéderons à l'enterrement et je te jure qu'il sera aussi grandiose que l'était ta merveilleuse petite fille. J'espère également que les ricanements insensés de Désastre ne t'ont pas trop offensée. »
A mon grand soulagement, Lumière n'a rien dit. Elle m'a même sourit, d'ailleurs. Je crois qu'elle avait compris que ce n'était pas entièrement ma faute si j'avais ri. C'était les nerfs, je crois. J'avais du rigolé pour essayer de me détendre, sans trop le savoir, en profitant de la grimace de Menthe. Mais j'ai quand même présenté mes excuses à la jeune mère, au cas ou...
Et puis, Menthe, Nénuphar et Arc-en-ciel ont quittés les lieux, suivis de papa et moi, laissant seule Lumière avec ses deux derniers petits.
En chemin, j'ai confié à mon père le choc que m'avait fait la mort de Ciel. Il m'a répondu que c'était normal, que c'était mon esprit de guerrière qui se développait. Le mot « guerrière »
m'as alors rappelé ce qu'avait dit Arc-en-ciel…
« Papa, tu crois qu'Arc-en-ciel va quand même me faire jeune guerrière malgré ce qui c'est passé, dit-je d'une toute petite voix.
-Ma chérie, s'empressa-t-il de répondre, tu sais ce n'est pas la faute d'Arc-en-ciel. Ce décès a du lui rappeler un douloureux événement qu'il s'est passé il y a sept ans de cela. C'était une histoire de famille qui a mal tournée. Elle garde toujours en elle ce souvenir difficile. Elle as du revivre cela malgré elle et quand tu as ris, elle était tellement bouleversée qu'elle as du prendre cela comme une moquerie à elle-même. Ne t'en fais pas, elle fais souvent des crises et en est consciente.
Alors il n'y a aucunes raisons pour qu'elle ne te fasse pas jeune guerrière !
-Génial ! Je…
-Mais, me coupa-t-il, il va falloir patienter encore plusieurs mois, ne t'emballe pas trop ! Ce n'est pas beaucoup tu sais, en temps normal, tu aurais du attendre trois ans, au moins.
Je lui fis la moue. Il me frotta le haut du crâne en riant, comme quand j'avais ri en voyant la tête de Menthe tout à l'heure. Après quoi il me fit un gros baiser sur la joue et me souhaita une bonne nuit (du moins, une bonne fin de nuit).En prenant garde de ne pas réveiller une deuxième fois mes compagnons, je pris place à côté de Pomme, ma meilleure amie, et m'endormit. Mais je ne dormi pas longtemps, car une pensée désagréable me torturait l'esprit : je ne voulais pas attendre plusieurs mois pour devenir guerrière. Je voulais agir, maintenant ! Je ne pourrais pas faire de miracle contre la famine, ni y remédier, mais en devenant guerrière, je pourrais tenter d'éviter d'autres cas tragique comme celui-ci ! Oui, devenir guerrière, c'est la seule solution. De plus, depuis quelque temps, je sens en moi une énergie qui me pousse à protéger les autres, à agir pour ne pas nous laisser dépasser par les évènements. Je crois que ce n'est pas par hasard que j'ai appris la nouvelle du décès comme ça, j'ai l'impression que c'est un signe du Destin, qui a fait cela pour me pousser à suivre cette voie. Je ferme les yeux et j'adresse une prière silencieuse aux Ancêtres en les remerciant de m'avoir apporté ce message. J'en profite pour envoyer une pensée à Ciel et à Flocon. Et puis, je me rendors, pour de bon cette fois. Demain, ce sera un grand jour. Demain, je demanderai à Arc-en-ciel de me faire guerrière. Je suis peut être petite, mais ma volonté, elle, est immense.