...De mensonges!
On est allongé l'un à côté de l'autre, chacun souriant alors qu'une infirmière soigne nos plaies en grognant.
-Comme si j'avais besoin de boulot en plus! Elle secoua la tête en fermant ses pupilles caramels. C'est une infirmerie clandestine, ici! Pas un refuge pour gosse qui jouent avec un Kréature! Qu'est-ce qui vous a pris de jouer avec ce monstre sauvage sans Pocket Ball?
-Mes parents pouvaient pas en acheter... Soupira l'indien en baissant la tête.
-Et la récolte de l'Aaron-days? Chacun a droit a une pocket ball gratuite, sauf si on en a déjà une ou qu'on a un casier judiciaire!
-Et bien... Ses lèvres se firent mordre par des dents blanches et droites. On m'a suspecté pour un vol, et on l'a laissé sur mon casier mal grès que le coupable se soit dénoncé!
Sous la pression, il fondit en larme.
Oubliant mes blessures, je me lève et vient lui frotter le dos, sous les yeux désormais radoucit de l'infirmière Esmeralda.
-Tss... Aller, tenez. Elle sortit d'une bourse spéciale deux balls vertes avec un A rouge et flamboyant. Lorsqu'elle passa devant la fenêtre, un éclair aveuglant passa sur le luisant objet, avant de se refléter dans nos yeux émerveillés.
-Tenez. Celle du Peau Rouge, elle fut interrompit par un « Hé! » de l'indien en question. Celle de l'indien donc est vide, pour sa femelle Léviator, mais l'autre est pleine, pour le brun.
Mon regard flamboyant tout comme mes pommettes rougeâtres perdirent en couleur.
-C'est que j'en ai déjà un...
-Ouaip. Et alors? Elle me scruta de ses prunelles vertes, qui possédaient quelques traces d'un rouge illuminant ses pupilles noires comme la nuit, et qui contrastaient parfaitement avec son vêtement blanc serré autour de son corps replet et rondelet.
-Je ne peux pas accepter! M'exclamais-je avec désormais les larmes aux yeux. Pourquoi en aurais-je deux alors que beaucoup n'en ont pas?
Son visage devint soudain sérieux, et c'est en s'allumant une cigarette et en tirant la première bouffée qu'elle m'annonça:
-Parce que ton premier, tu l'as perdu.
Boum. Crac. Je reviens à des années lumières en arrière. Je rentre dans un état second. Je regarde autour de moi. Ce ne sont plus les murs archaïques faits à la va-vite pour accueillir quelques blessés qui n'auraient ni le temps ni les blessures suffisamment graves pour avoir accès à l'hôpital. Non. Ce n'était autre que les planches striées de veines vertes, de ramures se plongeant dans l'écorce naturelle et futile mais qui n'en est pas moins majestueuse du bois de ma cabane. En face de moi, la même petite ball, luisante et sereine dans le crépuscule, dernière défense du soleil, alors que la nuit entoure peu à peu le monde dans son linceul, le plongeant doucement dans le silence mortifère des ténèbres. Je m'approche, tend la main, mais je sens mon corps retenue par quelque chose. Pas par quelque chose de physique, non, mais de puissant. Terriblement puissant. Pourtant, je sens une douleur. Un trou, une absence au milieu de cette fantasque puissance, comme si cette chose avait été trahi, encore et encore, et que ce vide était les relents de la douleur qui perçait son âme.
« Tu ne peux. Peu importe la douleur, tu ne peux. Revenir en arrière, se prolonger dans l'avenir, le futur. Tu ne peux. Tu restes plonger dans cette souffrance, bloqué dans la douleur qui restera omniprésente pour le reste et le restant de tes jours. Le passé et le futur? Dès que tu y entres, ils deviennent présent. Tu ne les connaîtras jamais. Et c'est ainsi que le cycle du monde et du temps est fait. »
Douleur, physique cette fois. Je ressors peu à peu des méandres de l'évanouissement, et de mon léthargique sommeil, et c'est avec stupeur que je vois Enrique et Esmeralda m'en sortir avec des claques pour l'une et coup de pied pour l'autre.
-Mais... Mais tu n'étais pas MORT?!
Je serre ce petit être tout contre mon cœur, et son odeur tout particulière m'enivre de bonheur en même temps que sont petit cri. Le tissu chaud de son âme m'enveloppe non-pas dans l'euphorie, mais dans le non-être lui-même: Je ne vis que pour cette petite créature que j'aime, j'adore, je vénère. C'est mon jour, ma nuit, mon Soleil, ma Lune, mon frère, mon ami, mon amant, mon père, mon fils. C'est moi. Ce n'est rien. D'autre que mon tout.
-Désolé... Dit Esmeralda en se retenant d'éclater de rire, c'était une blague pour voir si t'y tenais! Aller, tiens prends ton nouvel ami! Je me suis pas décarcasser pour que dalle, tu le prends et tu la boucles!
Elle appuie sur le bouton de nacre, et un joyeux petit nuage apparaît, ayant tout du nimbus si ce n'est une petite boule bleue qui dépasse de la boule de coton.
Il semble bien s'entendre avec Enrique, et c'est en larme que je l'accepte et le serre dans mes bras.
***
Nous agitons la main une dernière fois, encore heureux de nos trouvailles.
-Elle est trop sympa! S'exclame Sha' pendant que je hoche la tête. Grâce à elle j'ai pu garder Thiglia!
Pour reproduire ce qu'il m'a dit lors de sa première rencontre avec Enrique, je dis:
-Thiglia? Qui c'est et d'où il peut battre Noob? Il rigole, avant de m'expliquer:
-C'est la reine des dragons dans le seul livre que j'ai jamais eu, celui que nous a offert le mec de Poképolis en plus du billet pour les études de mon frère...
-Hey! On a tout les deux eus un dragon, maintenant que j'y pense! Moi j'ai eu Anaximandre, et toi Thiglia!
-Anaximandre?
-Ouais,je t'expliquerais plus tard, j'ai la flemme pour l'instant. Bon, ben à demain!
-Ouais!
Et avant de nous séparer, l'on se promet de remercier Esmeralda dès le lendemain, à la levée du jour.
***
7 Ans plus tard
-Ciao, maman! Je sors dans l'aube frais du matin, aspirant une grande bouffée d'air en même temps que les moineaux piaillent joyeusement devant leurs œufs qui se fendent peu à peu, promesse d'une nouvelle vie. Je marche quelques instants pour finalement retrouver Shaameck à un carrefour, au milieu de la route à parcourir pour atteindre l'ancienne infirmerie clandestine. Lui aussi est emmitouflé dans un chaud manteau, sans doute pour lutter contre le froid mordant, mordant comme la douleur que nous avons ressentis tout deux ce jour fatidique.
7 ans avant, le Lendemain de la rencontre avec l'infirmière
Nous arrivons devant l'infirmerie clandestine, les mains chaudes des cookies de remerciements envers Esmeralda préparés par nos mères respectives. Nous toquons. Pas de réponse. D'un bref coup d'épaule combiné, nous en venons à bout. Et là, devant nos yeux ébahis, les murs faits à la va-vite d'habitude si blancs sont tâchés de rouge. Des corps gisent çà et là. Nous entendons un léger gémissement rauque dans une pièce proche, nous y entrons, inquiets, terrifiés et ébahis. Nous apercevons Esmeralda. Elle est rouge, les bras et les jambes en charpie, et un mince filet de sang s'échappe de sa bouche pour aller rejoindre la mare qui évolue autour d'elle. Avec une immense douleur, elle relève la tête vers nous et nous fait signe du mieux qu'elle peut de nous approcher. Nous hésitons tout les deux. Aurions-nous la force de supporter cette douleur? Je ne pense pas que moi, au minimum, puisse. Mais avec un grand courage, mon meilleur ami s'avance lentement vers cet amas de chaire rougeâtre et sanguinolent. Il approche son oreille pour entendre quelque chose. Il écarquille yeux quelques instants, pendant que je reste paralysé de peur. Avant d'hocher lentement la tête. Il sort dans le jour désormais trop clair pour nos esprits embrumés en ne me soufflant qu'un minuscule « Maintenant, c'est à toi. » Je m'avance vers l'infirmière. Je la regarde agoniser sans rien dire.
Je voulais la remercier mille fois et je l'ai laissé mourir seule et sans rien dire.