Chapitre 9 : Apothéose [Alabama]
Apothéose [Alabama]
-Sortez d'ici ! Je ne vous autorise pas à entrer dans la chambre de mon mari !
-Mais enfin madame...
-Sortez ! Il a besoin de calme !
Auguste entendait deux voix s'affronter, l'une forte et terrible, et l'autre mal assurée. Finalement des bruits de pas achevèrent le combat inégal et l'endroit redevint calme.
Auguste ouvrit les yeux, encore fébrile, et fut ébloui par la lumière du soleil. Cependant du coin de l'oeil, le champion put voir s'approcher de lui une silhouette... familière.
Stéphanie de Milbroso lui imposait son affreux visage refait et son parfum lourd.
Auguste bouillonnait en lui-même. Néanmoins son réveil trop vacillant l'empêchait de faire quoi que ce soit. Les pensées éparses, et tandis que le combat d'hier (d'avant-hier ? De tout à l'heure ?) lui revenait en tête, son ex-femme se pencha vers lui et commença par dire :
-Ah, te voilà, dit-elle. Toi et moi, il est temps que nous parlions. Ca nous fera le plus grand bien, n'est-ce pas ?
Auguste ne disait rien mais n'en pensait pas moins.
Tout à coup un grand fracas se fit entendre au bout de l'endroit où était Auguste et un enchevêtrement de voix, de confusion et de bruits dissonant se rapprocha de lui. A en juger par le vif mouvement pour se redresser et la grimace de Stéphanie, ce qui arrivait là ne devait pas lui plaire.
-Que voulez-vous ? Aboya sèchement l'ex-femme d'Auguste. Vous n'avez pas le droit d'être ici !
-Oh, si, bien plus que vous ! Répliqua la bonne vieille voix d'Agatha. Allez, les trainées ne sont pas désirées dans l'enceinte de cette clinique. Veuillez sortir !
-Madame ! S'offusqua une troisième voix, soyez un peu plus respectueuse voyons ! Mme de Milbroso a beaucoup donné pour notre clinique et il est naturel qu'elle veuille veiller sur son mari ! Vous lui rendrez visite plus tard !
-Ah, je vois, madame faire gros chèques à Médor donc brave bête aboyer comme un chef si méchants amis d'Auguste menacer intimité au bon couple ? Dit-elle volontairement ridicule, d'un ton qui laissait entrevoir le grand cas qu'elle faisait de l'intelligence de son interlocuteur.
-Je veux juste dire...
-Je vois très bien ce que vous voulez dire ! Madame fait peut-être des dons mais moi je peux aussi bien vous faire virer dans l'heure qui vient donc vous allez me faire le plaisir de virer ce gros déchets qui traine dans la chambre de mon ami, que j'ai amené MOI dans votre foutue clinique de pourris !
-Mais...
-Et Mme De Milbroso et son cher mari vivent séparés depuis plus de dix ans ! Quel droit dispose-t-elle sur la chambre de son mari ? Virez-la tout de suite !
Long silence embarrassé. Auguste pouvait voir le visage de Stéphanie rougir un peu sous l'effet de la colère éprouvé par la passe d'armes.
-Eh bien, très bien, dit-elle. Je m'en vais !
Et là-dessus elle s'en alla en appuyant ses pas, claquant la porte comme si on allait la regretter.
Auguste commença à remettre en place les idées qui trottaient confuses dans sa tête. Il reprit ses souvenirs à partir de l'appel de Giovanni.
Il s'était réveillé dans un hôpital. Le lieutenant Werther était venu l'avertir successivement de la venue de Guillermo Brando, puis de Giovanni...
Il s'était battu contre Giovanni, il l'avait vaincu avec Dracolosse...
Il s'épouvanta lui-même quand il se souvint ce qu'il avait voulu faire lors de la Colère de son dragon. Même si tout cela était encore embrumé pour y voir trop clair, il se souvenait avec précision de sa tentative de se jeter dans la colossale attaque draconienne, mais aussi de l'intervention de Werther...
Et après cela, plus rien. Il se retrouvait ici, dans une « clinique ». Son ex-femme et Agatha se disputait le droit de visite...
Il bougea la tête. Agatha le regardait avec inquiétude, le Professeur Chen se tenait debout à ses côtés. Un médecin à la tête obtuse le regardait décontenancé.
-Je vois que Son Excellence s'est réveillée... commença le médecin.
Auguste grommela en constatant la différence entre ce médecin-là et Barclay, due en grande partie à une obésité commune. Il espéra que les compétences médicales n'étaient elles pas similaires.
Agatha eut un sourire éloquent et le professeur Chen renforça son air dubitatif.
-Que se passe-t-il, alors, à la fin ? Demanda le professeur.
Agatha soupira.
-Vieille face de pet, je t'ai déjà dit qu'Auguste était à l'hôpital !
-Mais pourquoi !? Et arrête de m'appeler comme ça, vieille truie !
-Connard !
-Vieille mégère !
-Du calme enfin ! Arrêtez un peu de troubler le rétablissement de Son Excellence ! Intervint à grand peine et à grands cris le médecin. Vous allez lui rendre visite chacun votre tour, d'accord ?
-Ca vaudra mieux ! Opina Agatha. Cet abruti va attendre dans le couloir, et pendant ce temps, je vais...
-Et pourquoi passerais-tu la première ?
-Parce que, crétin des...
-Nous allons tirer au sort ! Les calma une seconde fois le médecin. Vous allez tous les...
A ce moment la porte s'ouvrit en grand bruit une fois de plus, faisant taire les trois nuisances, à la grande joie d'Auguste. Germaine s'avança la mine sombre en écartant du simple regard les trois présents et s'avança jusqu'à Auguste.
Le visage rude, elle demanda ce que voulait Auguste. Rien de plus. Surpris, ce dernier déclara avec peine :
-Dans mon bureau... dans le tiroir, prenez tout et amenez-moi...
Germaine hocha gravement la tête et sortit sans un bruit. Pendant ce temps le médecin avait battu en retraite, laissant Agatha aux prises avec Chen.
-De toute façon, l'accusa ce dernier, tu m'en as toujours voulu d'être le seul garçon que t'aies connu à pas avoir couché avec toi !
-Quoi !? Tu crois que j'ai eu envie de coucher avec toi vieux débris ? Le vieil intello toujours dans ses livres !
-Pfff, moi au moins je valais quelque chose en combat !
-T'avais triché je te rappelle !
-NAN ! Tu m'avais pas dit qu'on n'avait pas le droit aux objets, j'ai pas triché !
Auguste sourit. Ils auraient pu continuer des heures, il le savait.
Le soleil commençait à sourire derrière la fenêtre. Les oiseaux mêlaient leur chants aux cris des enfants. Le spectacle arracha une larme à Auguste.
-Je vois pas pourquoi je te parle, t'es toujours aussi conne ! Conclut Chen en sortant de la salle en grand bruit.
-Ah, il va voir c'qu'il va voir l'autre abruti !
Et elle-même sortit en claquant la porte, laissant seul Auguste dans la grande pièce douillette, oubliant le pourquoi de sa joute avec Chen.
C'est alors qu'un médecin arriva, coupant le souffle d'Auguste. Il le connaissait.
-Toi ! Dit-il.
Le médecin s'assit sur le lit du patient en regardant Auguste de ses grands yeux bleus.
-Alors ? Demanda le nouveau venu.
Auguste peinait à reprendre ses esprits.
-Quoi ? Je t'avais dit que j'étais médecin !
-Sû... sûrement...
-Je n'ai pas le SIDA moi.
Toujours aussi direct. Auguste baissa la tête.
-Après ton départ j'ai beaucoup...
-Beaucoup traîné dans les bars, fait des folies, eu des aventures d'une nuit voire moins ?
Auguste hocha la tête.
-Ouaip. Moi aussi. Mais je me suis protégé !
-Mais ce... je vais encore vivre longtemps, s'assura Auguste. Une clinique au Bahamas me proposait...
-Mouais.
A ce moment, Agatha entra dans la pièce, interrompant la conversation.
-Docteur... dit-elle.
-Bonjour, Excellence, dit ce dernier dans un grand sourire. Je suis le Docteur Valentin Marchand, l'ancien amant d'Auguste.
Lequel soupira. Agatha se contenta de lever un sourcil.
-Ah, euh... enchantée...
-C'est par ma faute qu'Auguste s'est séparé de sa femme.
« Et depuis elle fait des donations à cette clinique... constata ironiquement Auguste »
-Je vois... dit Agatha. Je n'étais pas au courant... Euh, vous pourriez me laisser seul avec Auguste ?
-Mais bien sûr !
Valentin s'en alla, fixé par une Agatha ahurie. Elle se rapprocha d'Auguste, et tirant une chaise, porta un regard accusateur à son ami.
-Bon, tu n'es pas le premier champion à cacher sa bisexualité...
Auguste était déjà ailleurs.
« Je lui dis ? Se demanda Agatha »
Des années auparavant, alors que le mariage d'Auguste piquait du nez, une fête alcoolisée avait eu lieu à la Ligue d'Hoenn. Auguste et Agatha en était. Après avoir passé la soirée à danser sur les derniers tubes hard rock du moment, et à boire, chacun était parti complètement plein vers une destination qui pour la plupart était plus ou moins inconnue (ou oubliée).
Agatha ramenait Auguste dans sa luxueuse voiture.
A cause de l'alcool, Auguste oublia totalement ce qu'il s'était passé après être monté dans la voiture. Du moins jamais il ne le montra à Agatha. Mais Agatha s'en souvenait. Neuf mois après...
-Tu penses à quoi ? Demanda Auguste.
Les yeux mouillés de larme d'Agatha se redirigèrent vers son vieil ami.
-Oh, à rien. A un pauvre enfant déposé à l'orphelinat dès sa naissance...
-Hein !?
-Bon, je crois que... je dois y aller...
La conseillère sortit la démarche peu assurée sous le regard interrogateur d'Auguste. A ce moment le professeur Chen entra en évitant soigneusement de croiser le regard d'Agatha. Il sourit tristement à Auguste et s'assit sur la chaise occupée avant par Agatha.
Auguste sourit.
-Il paraît que tu as dit « Sulfura » pendant ton sommeil, commença Chen.
-Ah bon ?
-Ca ne t'a jamais lâché...
-Jamais.
Chen poussa un petit soupir.
-Je t'avoue que quand nous avons commencé à faire toutes ses recherches, je n'y croyais pas le moins du monde...
-Pourtant c'était vrai. Ca l'est toujours...
-Moui. Sulfura, l'oiseau légendaire de feu, qui guide les voyageurs perdus près des volcans... Au début ça m'a paru... invraisemblable. Mais tu étais tellement obstiné...
Auguste songea à sa vision sur le volcan. Jamais il n'avait pu oublier l'immense oiseau, qui était venu lui apporter son divin concours. Et il était persuadé qu'il n'était pas le seul à l'avoir vu, ni le premier ni le dernier.
Soudain, alors qu'il repensait à sa jeunesse, une idée s'imposa puissante à lui.
-Où est Sébastien !? S'exclama-t-il en se redressant si brusquement qu'il fit sursauter son interlocuteur.
-Qui ? Répondit ce dernier.
-Allez chercher Sébastien !
Chen crut qu'il délirait et resta anxieux. La porte s'ouvrit pile au bon moment.
Werther, plus fringant que jamais, était venu en tenue de policier. Le visage résolu, il s'apprêtait à faire une confrontation finale avec le champion.
-Lieutenant Werther, du commissariat central de Cramois'île. Veuillez sortir, je vous prie, dit-il à l'adresse de Chen, qui s'exécuta aussitôt.
Le policier prit à son tour la chaise qui s'offrait vide à lui.
-Votre Excellence Auguste, dit-il, je vous accuse des délits suivants : homicide, ...
Auguste fut chamboulé. Le crime abominable envers le docteur Barclay, qu'il avait commis presque inconsciemment... Que se passait-il si soudainement ? Et où était Sébastien ?
-... abus de pouvoir sur la personne de Bernie Fayaway, et... de tentative de suicide.
Auguste tenta de remettre ses esprits en place. Le policier s'assit tranquillement.
-Vous avez été gracié de toute forme de sanctions par le Maître de la Ligue lui-même. Néanmoins... j'aimerais savoir pourquoi vous avez tenté de foncer sur la Colère de votre Pokémon... Vous saviez pourtant que ce serait mortel pour vous ?
-Oui, fit gravement Auguste.
-... vous étiez désespéré au point de vous suicider !?
-Il faut croire, répondit Auguste visiblement gêné par les questions du policier.
-C'est lâche.
-Quoi donc ?
-De se suicider.
Auguste fit comme s'il allait éclater de rire, mais il n'y arriva pas et dut se contenter de pouffer.
-Vous me faîtes bien rire.
Le policier haussa les sourcils.
-Laissez-moi deviner, se suicider, c'est lâche, vous avez vu ça dans un dessin animé ?
-...
-Vous pensez plus courageux, quand on est vieux, qu'on a raté sa vie et qu'on va rester les dernières années de sa vie dans un lit d'hôpital à attendre la mort, de se raccrocher désespérément à la vie ? Vous pensez que j'aurais l'air moins lâche, si jusqu'à la fin je reste comme planqué, obligé d'être nourri par des machines pour être sûr que j'aurais le maximum de temps possible pour lire l'intégrale de Proust que j'ai volé à ma femme ?
-Non, mais...
-Oh, je sais ce que vous allez dire. Se suicider c'est une solution de facilité. Hop, on tire, et c'est fini, on ne souffre plus. Ou on se pend, ça dire deux-trois minutes si on se rompt pas la nuque immédiatement, et après, fini, plus de souffrances ? Eh bien je trouve ça un peu... idiot. Pour être euphémique. Déjà, qui vous dit qu'on ne souffrira pas plus après ? Et à quoi ça sert de continuer, si, comme moi, on n'a plus rien à vivre ? La seule emprise que j'aie sur ma vie, c'est de choisir le jour où elle s'arrêtera !
Le policier baissa la tête.
-Demandez-vous si vous seriez capable de marcher vers une attaque de Dracolosse surpuissante tranquillement, ou si vous seriez capable de vous tirer une balle dans la cervelle. Après on discutera du courage et de la lâcheté.
Le policier releva la tête, et se dirigea vers la sortie. Auguste le regarda partir et ferma ses yeux mélancoliques. Quand il les rouvrit, Valentin était dans la salle. Il tenait entre ses mains des documents qu'Auguste reconnut.
-Une vieille dame a apporté ça en nous demandant de le donner à « Monsieur Auguste » puis elle est partie en pleurant...
Auguste ne broncha pas. Il tendit la main. Valentin prit ça pour une manifestation d'irritation. Il posa le manuscrit et les feuilles volantes sur la table de chevet d'Auguste et partit mécontent.
Auguste tira une sonnette proche de son lit. Une infirmière accourut aussitôt.
-Votre Excellence désire quelque chose ?
-Je souhaite savoir... où est Sébastien Valencier.
-Qui donc ?
-Appelez... l'arène !
Ce disant, Auguste s'aperçut qu'il avait de plus en plus de mal à parler. Il était de plus en plus faible. Il avait l'impression que la vie s'échappait de lui...
L'infirmière s'en alla promptement. Auguste dut attendre un quart d'heure que la sage-femme revienne. Une fois qu'elle fut à nouveau dans la salle, Auguste l'interrogea vivement du regard, trop indisposé pour parler.
-Sébastien Valencier n'est pas à Cramois'île, dit-elle en s'efforçant de rester neutre.
Auguste vit bien que quelque chose n'allait pas.
-Il y a... quelque chose !
L'infirmière regarda Auguste avec ses yeux trop cernés de mascara.
-La Team Rocket a encerclé les Îles Ecumes. Si c'est là qu'est Benjamin...
-Sébastien...
-Sébastien, alors...
L'infirmière s'arrêta en écarquillant les yeux. Typique de la bécasse, elle avait commencé une phrase sans savoir comment la finir. Auguste la congédia d'un geste de main.
Il regarda l'horloge au plafond. Il était cinq heures. Il soupira profondément et les larmes aux yeux, prit un stylo et les documents posés sur sa table de chevet.
Werther venait de finir son service, avait mis un point final au dossier d'Auguste, et le pas léger, rentrait à son domicile.
Sa maison se situait non loin de l'arène d'Auguste. Alors que le soleil prodiguait ses derniers rayons de soleil, écarlates, sur le toit du vieux bâtiment, Werther eut une pensée émue pour le champion.
Il allait pouvoir rentrer, dire à sa femme en l'embrassant qu'il allait recevoir l'Ordre Indigo pour son combat contre la Team Rocket, il allait pouvoir raconter sa journée à sa petite fille qui devait déjà l'attendre... Sourire béat sur les lèvres, il marchait gaiement vers sa maison. La Team Rocket allait sans doute disparaître... Et c'était son oeuvre. Il était fier de lui.
Un homme alla à sa rencontre. Il était adossé contre un mur sur le même trottoir que lui, et à son approche, il s'était levé et avait approché en tenant entre ses mains un bout de papier qu'il lui apportait avec un grand sourire.
« Suis-je devenu célèbre au point qu'on me demande des autographes ? »
-Excusez-moi, monsieur ! Dit l'homme avec une grande joie moqueuse dans la voix.
Il lui tendit une enveloppe, avec écrit : « Au lieutenant Werther – titulaire de l'Ordre Indigo ». Werther, quoique étonné, remercia l'homme qui s'éclipsa après lui avoir donné le colis.
Il arrivait près de sa demeure. Il pouvait voir la porte, accessible après trois marches, et pouvait presque deviner la silhouette de sa fille qui le guettait derrière les rideaux de velours...
Il ouvrit l'enveloppe. Elle disait :
« De bonne guerre.
G. »
Werther, indécis, s'arrêta pour bien relire la lettre. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Qui était ce G. ?
La joie de revoir son foyer lui enleva ses tourments et il se rua presque jusqu'à l'entrée. Il ouvrit la porte joyeusement...
-C'est moi ! Lança-t-il à la cantonade.
Aucune réponse. Un silence glacial avait accueilli son exclamation. Werther sourit en se disant que sa famille l'attendait dans la cuisine, prête à lui faire une surprise – et un excellent repas.
Il alla jusqu'à son bureau et y déposa son sac. Puis il prit le chemin de la cuisine, et une fois dans la pièce...
Il s'arrêta net. Un haut-le-corps lui secoua tout son être et il fixa dans une horreur inexprimable les deux corps allongés par terre, qui baignaient dans une mare de sang. Il tomba par terre, haletant, sa vue se brouillait tandis que son cœur battait à l'assourdir...
Refusant de voir ce qu'il avait vu, le policier battit en retraite et revint en hurlant de douleur et de désespoir jusqu'à son bureau.
Son arme de service était posée en évidence sur son bureau. Le discours d'Auguste lui revint en mémoire...
« Demandez-vous si vous seriez capable de marcher vers une attaque de Dracolosse surpuissante tranquillement, ou si vous seriez capable de vous tirer une balle dans la cervelle. Après on discutera du courage et de la lâcheté. »
« Oh, oui, Auguste, se dit Werther malgré sa confusion proche de la folie, nous aurons tout le temps de parler, j'arrive tout de suite... »
Il avança en titubant vers l'arme tout en faisant non de la tête...
-Je suis pressé, 'faut faire vite hein ! Prévint Peter.
Il discutait avec Agatha et Olga sur le parking de l'aéroport, tout en se dirigeant comme les autres vers la voiture de sa consœur. La soirée avait été longue, très longue, et malgré son habitude, Peter n'était pas immunisé contre les effets secondaires de l'ingestion d'alcool et d'autres substances.
Agatha soupira en regardant le visage bouffi du conseiller et en écoutant sa remarque.
-Si ça peut te rassurer, asséna-t-elle d'un ton sec, il est en train de rédiger son testament, ce qui prouve qu'il a bien compris qu'il ne lui en reste plus pour longtemps.
Ils montèrent dans la voiture. Peter monta derrière.
-Et pour la succession ? Demanda-t-il à Agatha qui démarrait la voiture.
-Elle sera assurée... dès le retour de l'élève d'Auguste.
-L'élève d'Auguste ? S'étonna Olga.
-Auguste avait un élève... qu'il a formé quelques semaines avant de... enfin bref.
-Et c'est qui ? Demanda Peter. S'il avait accepté que Koga reprenne l'arène, ça nous aurait évité pas mal d'ennuis !
Coup de freins secs. Agatha se retourna vers Peter, le regard meurtrier.
-Si tu avais pris les bonnes décisions dès le début, maugréa-t-elle, la mafia n'aurait certainement pas fait pression sur un champion !
-Mais je...
-Il est temps que tu fasses preuve d'un minimum de maturité, Peter ! Vociféra la vieille conseillère. Tes conneries vont un peu trop loin à mon goût ! Heureusement qu'un bon lieutenant de police non-corrompu a pu assurer, sinon Auguste serait déjà mort ! J'en ai plus qu'assez que ton confort personnel et tes fêtes passent avant le bien de la nation et de ses représentants ! Tu deviens presque un parasite à force de profiter du laxisme de Régis ! C'est bien LA DERNIERE FOIS que je te reprends à faire des remarques aussi... de mauvaise foi, surtout qu'Auguste était l'un des derniers champions qui était investi par sa fonction ! Contrairement à toi !!
Peter se rengorgea. Derrière un conducteur impatient klaxonnait violemment à l'encontre de la conseillère. Laquelle enclencha une brusque marche arrière. Il y eut un choc et le klaxon se tut.
Agatha redémarra.
-... par contre c'est une très bonne idée de mettre à disposition des voitures blindées ! Concéda-t-elle tandis que le chauffeur derrière sortait pour contempler son pare-chocs dévasté.
Olga intervint :
-Pour ce qui est de la cérémonie ?
Agatha soupira.
-J'ai réussi d'obtenir de Régis qu'il soit présent demain ainsi qu'Aldo. La plupart des champions seront présents et Aragon devrait arriver ce soir...
Olga et Peter frémirent à la prononciation de cet illustre nom. Aragon ne vieillissait pas forcément très bien...
-J'ai invité quelques journalistes afin de couvrir un peu l'évènement, mais il n'y aura pas d'annonces... Hector d'Ecorcia viendra aussi, il est en vacances à Kanto... Et il y aura aussi ce lieutenant de police, Werther... on lui remettra l'Ordre Indigo juste après. La cérémonie sera faite demain à la première heure.
Olga et Peter hochèrent la tête.
La voiture s'arrêta devant l'hôpital. Il était vingt heures et demi et le ciel bleu commençait à se teinter de rouge...
Un docteur fonça vers le petit comité que formait les trois conseillers.
-Si Leurs Excellences veulent bien monter, Auguste n'en a plus pour longtemps...
Ils se pressèrent et arrivèrent à l'étage où Auguste séjournait et purent constater le triste spectacle qu'offraient Auguste immobile, la bouche ouverte, les yeux mi-clos, pale, avec un professeur Chen, des inconnus, des médecins, des journalistes autour. Agatha bouscula tout le monde et vint se placer à côté d'Auguste. En face, Stéphanie de Milbroso fronça les sourcils. Valentin et le professeur Chen était presque en train de pleurer. Valentin tripotait entre ses mains une liasse de papier dont il ne savait que faire.
Agatha serra la main d'Auguste qui rouvrit les yeux en la regardant. Il sourit imperceptiblement et murmura : « C'est donc ça... » mais la fin de sa phrase expira sur ses lèvres. Son regard se voilà et un des médecins présents eut un soupir significatif.
Agatha commença à sangloter silencieusement tandis qu'un silence gêné, mais respectueux, emplissait la salle. Il en fut ainsi jusqu'à ce que la voix timide de Peter interrompe le silence religieux :
-Bon... qui va mettre sa date de mort sur Wikipédia ?