Chapitre 2 : Le test [Alabama]
Le test [Alabama]
Auguste attendit quelques sonneries avant d'entendre une voix à l'autre bout du fil :
-Qui est à l'appareil ?
Nul doute que s'il avait été près de lui, le champion aurait été gêné par l'alcool. Mais il n'avait de signe de sa gueule de bois que l'air ahuri et l'intonation endormie.
-Sébastien Valencier ?
-Moui.
Auguste poussa un soupir.
-Je me présente : je suis Auguste de l'arène de Cramois'île. Votre match la veille lors du tournoi m'a fait prendre une décision. Vous êtes au courant de mon âge avancé et compte tenu des récents événements...
« Et de cet abruti d'ivrogne puant la pisse d'incapable de Barclay... »
-Poursuivez.
-J'ai décidé de prendre ma retraite. Mais voyez vous, je ne puis me résoudre à léguer mon arène et mon échelon à des incapables tel que Koga ou Morgane.
« Sauf si... »
-Et qu'ai-je à voir avec ça ?
-J'y viens, j'y viens. Comme je le disais, l'idée de laisser l'arène à un champion de seconde zone me répugne. Vous ne l'avez peut être pas remarqué mais j'ai observer votre match d'hier et là, le destin m'a posé une question : serait-ce celui que je cherche ?
-Je ne vois toujours pas le rapport avec moi.
« Mon Dieu, il est idiot ou quoi ? »
-Rhha, maudite jeunesse impatiente et impertinente. Je vais être bref. Je vous ai choisis pour me succéder au titre de champion de Cramois'îles. Hâtez vous de venir à Cramois'îles ou bien je viendrai vous chercher moi-même !
-J'a... j'a... j'arrive tout... tout de suite votre Excellence !
« Bon, songea Auguste alors qu'il remettait son téléphone à sa place, il n'a pas l'air trop réticent... Mais a-t-il un véritable handicap ou était-ce juste l'alcool ? »
Son portable sonna. Il le sortit de sa poche et répondit à Peter.
-Allo Peter ?
-Auguste, il fallait que je t'appelle de toute urgence ! Tu te rends compte que je suis en présence de... de... quoi encore ? Attendez...
Auguste entendit des bruits de pas.
« En présence de... parrains de la Team Rocket ? Membres de la Jet-Set ? Prostituées russes ? »
-Oui, voilà, posez-le ici. Non, plutôt vers là, c'est plus lumineux... Voilà !
-Peter, vous vous encore fait faire votre portrait ?
-C'est un artiste hoennais qui me l'a fait, cette fois... Il travaille uniquement avec...
-Venez-en au fait ! Pourquoi m'avez-vous appelé ?
-Ah oui... euh... Je faisais du golf avec De Mergan, ...
Auguste poussa un long soupir. Le Maréchal De Mergan, non content d'être le directeur de la Police Kantoise, était aussi un milliardaire corrompu de la Jet-Set.
-Et après quelques scotchs, on a commencé à parler affaire !
« Traduction : tu lui as passé la liste 2010 des fraudeurs fiscaux à blanchir... »
-... et il m'a avoué que ses enquêteurs pensaient sérieusement à toi pour l'affaire Barclay !
-Et ?
-Je lui ai dit d'arranger ça... Seulement il m'a dit qu'il voulait une compensation de ta part...
-Je n'ai pas tué Barclay, je ne vais pas payer pour m'innocenter !
-Hein ? Mais...
Nouveaux bruits de pas. Visiblement, des amis très bruyants venaient rendre visite à Peter.
-Entrez, c'est par là !
-Bon, Peter, vous me rappellerez !
Auguste raccrocha vivement.
« Lui peut encore faire la fête et s'amuser... »
Puis il tapa, la mort dans l'âme, le deuxième numéro qu'il avait enregistré.
Il regarda la table de sa cuisine où le bottin était resté ouvert à côté.
Obsèques – Organisation d'obsèques.
Le ferry s'avança doucement jusqu'à s'arrêter à son emplacement, au quai le plus proche d'Auguste, n°6. Le champion se leva de son banc, s'aidant de sa canne et traversa l'endroit sans tenir compte des regards insistants et des « bonjour » admiratifs. Il se plaça devant le flot de passagers descendant et attendit son élève.
Il fut l'un des premiers à descendre. L'air ahuri, perdu, Auguste eut un léger sourire en l'apercevant. Sébastien le trouva finalement, et Auguste préféra perdre tout de suite son sourire.
-Sébastien Valencier ?
-Oui.
« Soyons ferme... »
-Suis-moi.
Il s'en retourna avec désinvolture, ne regardant pas derrière lui si Sébastien le suivait.
Auguste aurait pu demander son chauffeur personnel pour amener Sébastien chez lui, mais il ne vouait que personne ne soit au courant de ce qu'il préparait, pas même son chauffeur qui aurait pu le répéter à n'importe qui.
Ils arrivèrent vite à sa demeure, pas loin du port. Auguste le mena à la chambre d'ami qui allait être la sienne pour la durée du séjour.
-Voici ta nouvelle chambre. Installe-toi et rejoins-moi à l'entrée de l'arène.
Il s'en alla aussi sèchement, peu content de devoir autant jouer le professeur grincheux, mais se demandant en lui-même s'il ne devait pas tout de suite demander à Sébastien de repartir faire la tournée des tournois. Il avait trop appris à ses dépends que le rôle de champion était sujet à de cruelles désillusions après l'accès à ce titre...
Mais il ne voulut pas trop penser à ses erreurs et marcha rapidement jusqu'à l'arène.
A l'intérieur, ses apprentis l'attendaient déjà. Les plus anciens d'entre eux le secondaient depuis déjà vingt ans et avaient mal pris l'envie de leur mentor de donner son titre à un novice total quand il le leur avait annoncé, hier, les faisant jurer de n'en toucher mot à personne.
Son secrétaire, le jeune Clément, l'attendait dans l'entrée. Il suivit Auguste tandis que ce dernier avançait dans les couloirs jusqu'à la salle d'entraînement, tout en lui parlant affaire comme tous les jours.
-Morgane vous a appelé deux fois aujourd'hui, elle a demandé à ce que vous la rappeliez dès que vous serez présent à l'arène... Vous avez reçu un faire-part de la part de Marc d'Anatalopolis, qui se marie dans six mois, vous êtes invité...
Auguste sourit tristement.
-Nous verrons cela après. Peter a-t-il appelé ?
-Non, mais nous avons reçu un mail du Plateau Indigo qui propose des entrées gratuites en première classe pour le dernier opéra de...
-D'accord.
Auguste ouvrit la salle d'entraînement. Il constata que les apprentis, moroses, mettaient peu d'entrain à faire leurs exercices quotidiens. Soupirant, il les pria de le suivre dehors près du terrain vague.
-Si Peter appelle, dit Auguste à Clément, dîtes-lui de m'appeler directement sur mon portable... Ai-je reçu une dispense pour Safrania ?
-Oui, le juge l'a envoyée ce matin, votre avocat a appelé.
-Lui aussi peut tout le temps m'appeler sur mon portable. Ca ne me dérange pas même si ce n'est pas important. Vous lui direz dès qu'il rappellera.
-Bien, Excellence.
Clément se dirigea vers son bureau et Auguste sortit, précédant de ses acolytes.
-Que fait-on aujourd'hui ? Demanda froidement le gros Jean-Marie.
-Vous allez rencontrer mon successeur.
Ils arrivèrent au terrain vague près de l'arène.
-Montez-moi le parcours d'obstacle n°2, ordonna Auguste. Les malles sont toujours à leur place, inutile d'aller chercher n'importe où.
Sans se presser, les apprentis montèrent le parcours d'obstacles. Il fut néanmoins prêt avant que Sébastien n'arrive.
Le jeune dresseur commençait à arriver vers l'arène. Auguste entendit des chuchotements entre plusieurs de ses apprentis, qui devinrent des ricanements. Le champion se tourna vers eux et les réprimanda du regard.
-Je vous préviens, dit-il, aucune mauvaise plaisanterie ne sera tolérée. J'attends de vous un comportement digne et correct !
Quand Sébastien s'apprêta à entrer dans l'arène, Auguste l'interpella :
-Sébastien, viens voir par là. Tu vois ce parcours d'obstacle ? Arrive à le finir et tu pourras suivre mon entraînement. Tu auras besoin de deux de tes Pokémons. Je veux également mettre à l'épreuve le lien qui t'unit à eux.
Les apprentis et Sébastien se mirent en place.
« Ferme. Il faut qu'il sache si c'est vraiment ce qu'il veut. Sois ferme... »
-C'est parti !
Alors que les plus rapides avaient déjà franchis quelques obstacles, le portable d'Auguste se mit à sonner. Il décrocha rapidement.
-Allo ?
-Votre Excellence, c'est Morgane !
-Je ne me souviens pas vous avoir donné mon numéro.
-Mais j'ai dit à votre secrétaire que c'était urgent pour moi de vous appeler !
-J'ai du mal à croire que votre plan de carrière soir urgent.
-Enfin, Excellence, j'ai besoin de ce titre ! Vous ne savez pas que mon niveau ne correspond plus du tout à mon échelon !
« Tu parles... »
-Vous êtes pourtant l'une des championnes qui enregistre le taux de victoire le plus faible de tout Indigo. C'est peut-être une bonne chose, mais au cinquième échelon...
-Mais qui allez-vous nommer pour vous remplacer ? Vous allez bientôt partir en retraite, non !? Vous avez quand même plus que soixante ans !!
-Un peu de retenue ! Ce ne sont pas des remarques désobligeantes sur mon âge qui vont vous aider à obtenir ce que vous voulez de moi. De plus je n'ai jamais dit que je partais en retraite. Et si c'était le cas...
Il regarda Sébastien qui faisait ce qu'il pouvait pour triompher des apprentis.
-... l'idée ne me viendrait pas à l'esprit UNE SEULE SECONDE de vous nommer à ma place. C'est déjà un grand déshonneur pour Kanto que de vous compter parmi ses champions, alors je ne participerais certainement pas à votre ascension. Vous avez gagné votre arène en passant devant le nez du dojo qui lui au moins était une véritable arène rempli de dresseurs compétents et non par une adolescente attardée qui passe plus de temps sur son iPhone qu'à remplir sa tâche. Alors merci de ne plus appeler et d'aller vous faire voir.
Il raccrocha directement, énervé, et regarda la fin du parcours de Sébastien. Finalement ce dernier se présenta devant le champion en sueur.
« Aucune pitié. Il faut qu'il se sente abandonné... »
-Tu as réussi. Tu es apte à commencer l'entraînement intensif. Nous verrons demain pour la suite. Va visiter l'île ou bien repose-toi dans tes appartements.
-C'est un honneur que d'être votre élève...
Auguste retint une larme.
-C'est un honneur que d'être votre élève.
Le jeune Auguste, tout juste vingt-et-un ans, peinait à rester debout avec toutes ses courbatures. Ses vêtements étaient tout déchirés, son visage dégoulinant de sueur. Son Goupix sur l'épaule, ses yeux fatigués ne pouvaient pas se détacher du visage d'Aragon, qui le regardait d'un air indifférent, la pipe à la bouche.
-J'aime pas les fayots. Tu feras deux heures supplémentaires demain.
Il congédia les apprentis et retourna dans sa villa, le coeur trop lourd pour pouvoir assurer des heures aujourd'hui.