Chapitre 9 : L'ambition de Trutos
Dans la noirceur étoilée de cette nuit fraiche, Eryl tremblait, et ce n'était pas à cause du froid. Elle se tenait sur la place du village avec tous les autres habitants, et regardait, horrifiée, les dizaines d'hélicoptères et autres engins volants aux emblèmes de la Team Cisaille qui se dirigeaient vers eux. Le pire était le nombre impressionnant de Pokemon qui encadraient les appareils Cisailles. Il devait y en avoir une bonne centaine, tous volants, et la grande majorité étaient des insectes.
Cela faisait quatre jours que les habitants de Surocal s'étaient mis à se battre contre l'envahisseur, malgré le sous-nombre évident. Et pourtant, ils avaient tenu. Grâce à Eryl et aux autres dresseurs, et aussi à la volonté des villageois, qui, armés de fourches, pouvaient flanquer une peur bleue aux sbires de la Team Cisaille. L'ennemi avait commencé à faiblir. Mais ce que tout le monde redoutait était en train d'arriver : le chef des Cisailles avait perdu patience et avait décidé de récupérer Ea avec toute la force dont il était capable. Cette fois, contre cette petite armée qui approchait, Eryl et les villageois ne pourraient rien faire.
- C'est fini, murmura Eryl. Il nous faut fuir. Amener Ea et fuir.
- Eryl a raison, approuva le maire. Nous nous sommes bien battus. L'honneur de notre village est sauf. Mais maintenant, il nous faut faire échapper Ea à ces odieux personnages !
Les autres eurent des murmures d'assentiment et de soulagement. Mais qui se transformèrent bien vite en cris de peur quand une voix rauque et terrifiante s'éleva dans la nuit.
- Habitants de Surocal, je suis le dirigeant de la Team Cisaille. Au lieu de coopérer gentiment avec nous et de gagner l'amitié de la future plus grande Team du monde, vous avez décidé de nous défier. Vos efforts sont vains. Le Pokemon Ea ne nous échappera pas. Et vous non plus, désormais.
D'un coup, plusieurs faisceaux de lumières rouges qui provenaient de quatre appareils volants entourèrent le village. Les faisceaux se rejoignirent entre eux, en cernant totalement d'une immense prison rouge le village entier à des kilomètres à la ronde.
- Ceci est une barrière synergique de notre invention, poursuivit la voix désincarnée du boss. Elle n'empêchera pas mes troupes de pénétrer votre pitoyable village, mais empêchera quiconque d'en sortir. En punition de votre effronterie, votre village entier sera rasé. Si vous voulez éviter des blessés ou des morts inutiles, je vous conseille de nous livrer la fille qui protège Ea sur le champ ! Si vous le faites, je vous promets que nul n'aura à souffrir dans cette histoire. Vous avez jusqu'au lever du soleil, après quoi nous viendront à votre rencontre. Tâchez d'avoir pris une décision d'ici là, et veillez à ce que ce soit la bonne...
Une grande clameur horrifiée envahit l'enceinte de la place communale. David, l'oncle d'Eryl, mis une main sur l'épaule de sa nièce, autant pour la rassurer que pour défier tous ceux qui oseraient la livrer aux Cisailles. Et si personne ne le clama à voix haute, il y en avait beaucoup qui le pensaient, à en juger par les regards que nombre de villageois lançaient à la jeune fille. Eryl ne pouvait pas leur en vouloir, et si elle avait la certitude que de se rendre aux Cisailles permettrait d'épargner les habitants, elle irait se livrer à Pince Rouge elle-même. Le problème, c'était qu'elle doutait réellement que ça suffise pour éviter les représailles qui auraient inévitablement lieu. Le maire intervint lui-même quand plusieurs villageois murmuraient qu'il fallait leur livrer Eryl.
- Vous trahiriez la Protectrice d'Ea, celle sans qui nous n'aurions pu résister efficacement contre les sbires Cisailles ? demanda-t-il. Je comprends votre peur, mes amis, car je partage la même. Mais la peur ne doit pas nous laisser agir en misérables sans honneur. Si nous devons être vaincus, nous le serons tous ensemble. Et puis, vous fier à la parole de cet homme serait bien la dernière des sottises !
- Mais nous ne pouvons plus fuir, gémit une femme. Et nous sommes même séparés de notre protecteur le grand Ea. Qu'allons-nous faire ?
Eryl soupira et laissa les villageois à leurs jérémiades. Elle se rendit jusqu'à la limite démarquée par le dôme rouge qui entourait le village. Pour tester, elle jeta un caillou dessus. Elle dut se baisser pour éviter de se le recevoir en pleine figure tandis qu'il fut propulsé dans la direction inverse dès qu'il toucha la matière rouge. Après ça, elle n'osait même plus essayer de percer ce dôme avec les attaques de ses Pokemon. Ils étaient bel et bien coincés.
Mais quoi qu'il en soit, Eryl s'était promise de ne jamais permettre aux Cisailles de mettre la main sur Ea. Ces gredins ignoraient que seul le gant que portait Eryl pouvait ouvrir la grotte dans laquelle se cachait Ea. Et tous les villageois l'ignoraient aussi, hormis le maire qui lui était clairement du côté d'Eryl. Son oncle David vint la retrouver. Eryl se blottit contre lui, sa présence rassurante ne faiblissant jamais quel que soit la situation. Eryl avait dû éprouver la même sensation avec ses parents. Elle ne s'en rappelait plus trop, hormis quelque vagues souvenirs de son enfance.
- Oncle David... Tu penses que l'on va mourir ?
Eryl était triste de mourir avant d'avoir eu des nouvelles de ses parents disparus depuis près de dix ans. Elle aurait tant voulu les revoir.
- Je pense qu'on ne doit pas s'attendre à l'indulgence de nos ennemis si nous n'accédons pas à leurs requêtes, dit son oncle. Mais je pense aussi que l'espoir est une lueur qui ne s'éteint jamais. Tant que tu pourras espérer, tu auras toujours une chance de t'en tirer.
- Je ne sais pas quoi espérer, avoua la jeune fille. Mais je sais quoi faire. Quand le moment sera venu, je me battrai jusqu'au bout, quel que soit le nombre de mes ennemis.
David approuva d'un sourire.
- Tu es vraiment la fille de mon frère. Où qu'il soit en ce moment, jamais il n'aurait pu être aussi fier de toi.
- J'ai toujours espéré les revoir un jour, lui et maman...
- Eh bien voilà un espoir. Et un bon. Demain, garde leur image dans ton esprit, et tu deviendras la peur des Cisailles !
***
Une chose était certaine ; la médecine Rocket faisait des miracles. Mercutio, qui après son combat contre le Boss Cisaille s'était trouvé dans un état similaire à quelqu'un qui se serait trouvé devant un troupeau de Tauros déchaînés, avait retrouvé toute sa vitalité en moins de douze heures. Il en était de même pour Zeff et pour le lieutenant Fay, qui elle avait eu pourtant le bras droit cassé. Dès que le Boss Cisaille était parti avec Apogée et plusieurs de ses sbires, il avait été facile pour le groupe de Siena de prendre totalement possession de la base ennemie. Les sbires survivants s'étaient rendus, déboussolés par l'abandon de leur patron. Quelques-uns avaient pris la fuite.
De retour à la base, la Team Rocket n'avait même pas eu besoin d'un interrogatoire en règle pour que les prisonniers crachent tout ce qu'ils savaient sur leur boss et ses plans ; ce qui se résumait à pas grand-chose. On connaissait juste le lieu où il s'était rendu avec une grande partie de ses forces : un village paumé du nord de Kanto nommé Surocal. Et pour abandonner sa base et plusieurs de ses sbires, cette saleté de Pince Rouge devait avoir une sacrée bonne raison.
Mercutio et Zeff avaient été débriefés par le commandant Tuno sur le Boss Cisaille et ce qu'ils avaient entendu de lui. Le commandant s'était empressé d'aller faire un rapport au général Tender, le chef de leur base. Mercutio, ses sœurs, Zeff et plusieurs hauts gradés de la base attendaient maintenant dans la grande salle d'audience la venue du général qui allait leur faire part de leur plan concernant cette nouvelle menace qu'était la Team Cisaille. Et quel que soit le plan que Tender leur avait pondu, Mercutio voulait en être. Il avait un compte à régler avec Pince Rouge. Le général Tender sorti enfin de son bureau, accompagné du commandant Tuno. Tout le monde se mit au garde à vous, même les autres généraux présents. Tender était décidément un homme très respecté.
- Repos, fit le général en s'approchant de l'estrade. Au vu des récents évènements, et par la lumière que nous a apporté le témoignage des membres de l'unité X-Squad, nous sommes désormais en mesure de connaître l'identité de notre adversaire.
Tender appuya sur un bouton, et une image s'alluma derrière lui. Mercutio sursauta de surprise et de colère quand il reconnut le visage du Boss Cisaille, mais bien plus jeune.
- L'ancien colonel Trutos, dit Tender. Il fut il y a quelques années l'un des meilleurs éléments militaires de la Team Rocket. Mais il en fut exilé à cause de son extrême violence et de ses actes d'insubordinations répétés. Nous l'avons découvert grâce à la description qu'en a fait la X-Squad. En effet, Trutos a perdu son bras droit lors d'une mission pour la Team Rocket. Il lui fut arraché par un Cisayox qu'il devait capturer. N'ayant jamais accepté cela, il se mit en quête pendant des mois de ce même Cisayox. Quand il le retrouva, il le tua à main nues et lui arracha lui-même un bras, qu'il s'implanta plus tard en guise de trophée.
Mercutio secoua la tête en silence tandis que des murmures de dégoût résonnaient dans la salle. Il ne s'était décidément pas trompé sur ce Trutos. C'était bien un grand malade. Mercutio ne fut pas surpris de découvrir un sourire intéressé sur le visage de Zeff, comme si ce dernier trouvait le Boss des Cisailles cool.
- Concernant ses projets, reprit le général, nous sommes en mesure de les déterminer. Je vous rappelle qu'il a volé notre Aflamanoir qui produisait du Feudoux synthétique. Le jeune Mercutio de la X-Squad, ici présent, a dit dans son rapport que ce qui intéressait vraiment Trutos était de retrouver, grâce à ce Feudoux synthétique, le Pokemon qui en produisait naturellement et qui appartenait à la Team Rocket auparavant. Je veux parler du Pokemon unique Eï.
Une autre image s'afficha sur l'écran : celle d'un Pokemon étrange, tout rouge, qui semblait fait de magma refroidi, qui ne devait pas dépasser les trente centimètres, et qui possédait un œil unique fait de feu.
- Ce Pokemon est selon toute vraisemblance le seul et unique de son espèce. Mais je doute que Trutos le veuille uniquement pour produire du Feudoux et s'accaparer une nouvelle forme d'énergie illimitée. L'interrogatoire des prisonniers Cisailles nous a révélé que Trutos était parti à Surocal, un village tellement petit et commun que rien ne vaut qu'il s'y intéresse. Hormis ceci : selon les sources de la Team Rocket, ce village est le refuge sanctuaire depuis des centaines d'années d'un autre Pokemon unique du même genre qu'Eï. Le Pokemon plante Ea.
L'image d'Ea apparut. De la même taille qu'Eï, on aurait dit un écureuil vert.
- Nous savions que ce Pokemon se trouvait là-bas depuis un moment, souligna Tender, mais nous ne nous y sommes jamais intéressés car son seul pouvoir tangible serait de faire pousser la végétation à vitesse grand V. Mais si Trutos s'y intéresse en plus d'Eï, c'est pour une bonne raison que nous n'avons pas encore déterminée. Mais on peut être certain que s'il désire Eï et Ea, il doit vouloir aussi le troisième Pokemon de cette fratrie. Nous ne possédons pas d'images de lui, et nous ignorons où il se trouve. Mais nous connaissons son nom, Eü, et nous pouvons nous douter qu'il doit être de type eau.
- Sans doute que si on possède les trois réunis, quelque chose se passe, proposa Galatea.
- C'est une possibilité, en effet, approuva le général. Mais ce sera à nous de le découvrir, car il est hors de question de laisser Trutos s'emparer d'Ea. Nous irons à Surocal, nous l'arrêterons, et si jamais, nous capturerons Ea pour notre compte. Voilà la prochaine mission, qui sera commune à beaucoup d'entre vous. Je commanderai le détachement.
- Vous-même, mon général ? s'étonna un major.
- Moi-même. Trutos était un frère d'arme quand nous étions tous les deux colonels, puis plus tard mon second. J'ai un compte à régler avec lui. M'accompagneront à Surocal les équipes A à F, avec tous leurs membres.
Mercutio cligna des yeux. Ça devait faire en tout au moins deux cents hommes, dont six colonels.
- Et bien entendu, l'unité X-Squad, dirigée par le commandant Tuno, sera de la partie. Leur mission à eux sera de maîtriser Trutos avec leur Pokemon tandis que nous nous occuperons de ses forces.
- Et les civils de Surocal ? questionna le major Orphas.
- Il faudra essayer dans la mesure du possible d'éviter les dommages collatéraux. Que les villageois nous prennent pour des héros venus les délivrer des Cisailles nous arrangera si on veut prendre possession par la suite d'Ea.
- J'aimerais soulever un autre point, intervint Siena en levant la main.
Le Général Tender haussa les sourcils, mais lui laissa la parole.
- Beladonis, l'agent de la Police Internationale qui était avec nous lors du siège de la base Cisaille, a réussi à s'enfuir pendant la bataille avec au moins un prisonnier. C'est suffisant pour penser que le gouvernement en sait déjà autant que nous sur Trutos et ses plans. Il est probable qu'une force de l'armée gouvernementale de Kanto, voire même des FPI, se rende aussi à Surocal pour arrêter la Team Cisaille.
- Il serait embêtant que ce soit les autorités qui récoltent les lauriers de cette histoire, approuva Tuno.
- En effet, ça serait inacceptable, en convint le général. Trutos est un ancien membre de la Team Rocket. Il nous a trahi, et notre organisation a un code très précis concernant le sort des traîtres. C'est à la Team Rocket de l'arrêter, et à personne d'autre. Nous ne chercherons pas la bataille contre le gouvernement s'il se trouve à Surocal, mais si il se met au travers de notre chemin pour atteindre Trutos, il faudra s'en débarrasser.
Mercutio se retint de rire. Tender dut remarquer son air sceptique, car il fit :
- L'agent Mercutio Crust a peut-être quelque chose à dire. Nous l'écoutons.
Le commandant Tuno lui lança un regard à la fois fier et réprobateur, mais Mercutio ne se laissa pas démonter. Il dit ce qu'il pensait au général.
- Affronter à la fois la Team Cisaille et le gouvernement serait une sottise. Déjà, nous ignorons tout des forces en présence de Trutos là-bas ; je doute qu'il aurait sacrifié sa base s'il courait un risque par la suite. Et vu qu'il nous a épargné alors qu'il nous avait sous la main, cela veut dire qu'il se fiche que nous sachions où il va. Ce qui signifie en outre qu'il est certain de sa victoire.
- Sa confiance excessive en lui a toujours été son plus grand défaut, répliqua le général. Puis quelque soient ses forces, je doute moi qu'elles dépassent celles que nous lui enverrons à la figure.
- Si vous le dîtes, mon général, dit Mercutio, guère convaincu. Mais il n'en reste pas moins que se mettre le gouvernement à dos alors qu'on doit combattre Trutos serait contre-productif, surtout si ils réussissent à s'attirer le soutien de la population.
- Je suis d'accord avec le gamin, fit un haut gradé dont Mercutio ne connaissait pas le nom. Je ne rechigne jamais à taper sur les Dignitaires en temps normal, mais aller sur deux fronts à la fois, c'est aller à deux défaites.
- Que proposez-vous alors ? voulut savoir le général.
- On pourrait proposer une sorte d'alliance temporaire à Interpol, dit Siena. Ce type là, ce Beladonis, il était exclusivement concentré sur la Team Cisaille, même lorsqu'une nouvelle branche de la Team Rocket se trouvait devant lui. Le gouvernement nous connait, à nous la Team Rocket. Ce qu'il ne connait pas, c'est la Team Cisaille, et ça, ça lui fait peur. Au pire, nous pouvons nous battre séparément contre Trutos, mais sans essayer de se mettre des bâtons dans les roues l'un l'autre.
- Mais nous devons atteindre Trutos les premiers, répéta Tender.
- On le fera, si c'est à la X-Squad de s'en charger, sourit le commandant Tuno.
- Même la X-Squad a échoué contre Trutos dans sa base, leur rappela le général.
Mercutio voulut protester, mais le regard de Tuno l'enjoignit de serrer les dents et de se taire. Même un agent privilégié comme lui ne devait pas abuser de l'insubordination.
- Ils n'étaient que deux face à lui, expliqua Tuno, et totalement ignorants de ce dont il était capable. Ce sera différent cette fois, d'autant que je dirigerai moi-même mon équipe lors de cette mission.
Adieu la liberté, songea Mercutio. Le talent de Tuno en combat Pokemon leur serait sans doute très favorable, mais Mercutio tenait à être celui qui battrait Trutos. Il avait un compte personnel à régler avec lui.
***
Après le briefing, Tuno leur accorda un instant de paix avant la mission qui allait débuter dans une heure. Les triplés Crust en profitèrent pour rendre visite à leur père adoptif. Le commandant Penan possédait depuis vingt ans la même petite maison qui tombait en ruine à côté de son terrain d'entraînement, et refusait d'y partir. Il accueillit ses protégés avec un soulagement palpable malgré son air sévère. Il réprimanda particulièrement Mercutio de s'être fait capturé par l'ennemi si facilement.
- Ce n'était pas ma faute, protesta Mercutio. C'est l'autre idiot qui...
Il s'arrêta devant le regard du commandant, le seul au monde qui pouvait encore lui inspirer la crainte.
- Rejeter la faute d'un échec sur les autres n'est pas ce que je t'ai enseigné, fils. Se faire capturer ou non dépend entièrement de toi. Heureusement que tes sœurs étaient là pour te sortir de ce guêpier.
- Nous y serions arrivés sans elles, protesta Mercutio. Nous avions un plan de prévu.
Galatea eut un rire moqueur.
- Admettons que vous ayez réussi à sortir de votre cellule. Et qu'est-ce que vous auriez fait après ? Vous auriez neutralisé la centaine de sbires armés et possédant des Pokemon qui se trouvaient entre vous et Trutos ? Vous l'auriez battu pour récupérer vos Pokemon et ensuite vous auriez volé un appareil pour vous échapper tout en esquivant tous les tirs de canons de la base ?
- Quelque chose dans ce gout là, ouais... maugréa Mercutio.
- Feurning commence à avoir une mauvaise influence sur toi, observa Siena.
- Feurning ? demanda Penan.
- Un abruti sociopathe que le commandant nous a collé, expliqua Mercutio. Zeff Feurning.
Le commandant Penan fronça les sourcils, comme s'il réfléchissait à quelque chose.
- Tu le connais ? demanda Mercutio.
- C'est possible, admit Penan. C'est un orphelin, comme vous. Mais lui n'a pas eu la chance que vous avez d'avoir eu quelqu'un pour remplacer ses parents jusqu'à l'âge où il pouvait s'occuper de lui tout seul. Pourtant, il a bien dû. C'est un gosse qui a connu la solitude la plus grande partie de sa vie.
- Comment a-t-il atterri dans la Team ? demanda Galatea.
- Il y avait une femme qui travaillait pour la Team Rocket qui l'avait recueilli un temps. Quand elle est morte, il devait avoir huit ans. Il a grandi auprès d'autres soldats, et a beaucoup voyagé dans des endroits pas très fréquentables.
- Ce qui pourrait expliquer son caractère assez asocial, remarqua Mercutio.
- Ce type-là est un bon, leur dit Penan. J'ai vu ce qu'il valait à certains entrainements. C'est un dur, c'est vrai, mais le mieux pour lui comme pour vous serait que vous deveniez amis, surtout si vous devez travailler longtemps ensemble.
Mercutio haussa les épaules.
- Je n'ai aucun problème avec le fait de devenir son ami, si tant est qu'il veuille devenir le mien. Et je doute qu'on travaille longtemps ensemble, non. Vu comment il agit en mission, on se fera tuer par sa faute bien avant qu'on trinque ensemble.
- D'ailleurs, on devrait aller se préparer, fit Siena. La mission à Surocal ne va pas tarder à débuter.
- Vous n'êtes ici que depuis dix minutes, protesta Penan. Tender et Tuno attendront encore un peu le temps que je boive un verre avec mes enfants !
Mercutio cacha son sourire. Oui... lui et ses sœurs avaient vraiment de la chance de l'avoir eu comme père. Sans Penan, Mercutio ne savait où il serait actuellement, mais il doutait de s'en être aussi bien sorti que Zeff. Beaucoup éprouvaient de la pitié pour eux qui n'avaient ni mère ni père depuis qu'ils étaient bébés. Pourtant, Mercutio ne s'était jamais plaint une seule fois de son sort. Grâce à Penan, il avait eu une belle vie. Il ne pourrait jamais lui rembourser ce qu'il lui devait, il pouvait seulement faire en sorte qu'il soit fier de lui. Et ça commençait par rapporter à la Team Rocket la pince de Trutos. Il n'allait pas laisser ce demeuré psychopathe briser sa famille ou l'organisation où il avait grandi et qu'il servait. Il n'allait pas le laisser briser une seule autre famille !
***
Après de longs au revoir assez émouvants, car sur ce genre de mission, ils avaient pas mal de chances de ne pas revenir tous les trois, les triplés Crust rejoignirent Zeff et le commandant Tuno au milieu des hommes qui se préparaient à embarquer pour Surocal. Tuno les avisa et leur dit :
- Le général Tender a contacté le Boss en personne sur notre situation. Il nous envoie à tous sa gratitude et sa fierté pour notre travail, et nous indique sa totale confiance sur le fait qu'on arrête les agissements de Trutos.
- On devrait en être honoré, je pense, dit Mercutio. Mais personnellement, je le serai vraiment quand il me remettra lui-même une médaille ou un truc du genre.
- Ça ne serait pas impossible, sourit Tuno. La X-Squad sera aux premières loges de cette mission. Ça sera à nous de neutraliser Trutos. Un fait d'arme de ce genre ne passera pas inaperçu.
Le général Tender choisit ce moment pour sortir de la caserne, sous les acclamations de ses hommes. Il grimpa dans le transporteur en saluant d'un vague geste de la main. Le commandant Tuno prit l'air pensif.
- On dit que quand il s'engage dans une bataille, le général fait toujours remporter la victoire à la Team Rocket.
- Ce genre de parole forge plus les légendes que la réalité, répliqua Siena.
Pour une raison inconnue, cette phrase arracha un sourire à Tuno. Mercutio se fraya un chemin parmi la foule, saluant au passage le major Orphas et le lieutenant Fay qui allaient encore être des leurs sur ce coup là. La force d'intervention Rocket comprenait un transporteur principal puissamment armé dans lequel se trouvait Tender, et cinq transporteurs plus légers d'escortes. Mais la X-Squad avait leur propre appareil ; un petit aéronef aux courbes gracieuses, avec le symbole de la X-Squad peint dessus.
- La classe ! s'exclama Galatea. On le gardera après, hein ?
- Si nous réussissons, le général me l'a promis, acquiesça Tuno.
Mercutio rentra et s'assit sur un siège près d'une vitre, tandis que Galatea et Tuno s'installaient aux commandes. Mercutio fit sortir son Mortali de sa Pokeball. Ce dernier lova sa tête fantomatique contre les genoux du jeune homme.
- Ça y est, vieux frère, lui dit Mercutio. On est parti pour Surocal. Et on va faire sa fête à cet enfoiré de Pince Rouge !