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Destins liés ~Crépuscule~ de fan-à-tics



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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 04/05/2011 à 19:53
» Dernière mise à jour le 04/05/2011 à 19:53

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Film - Quand le Destin se mêle au sort des Hommes...
43 pages, en sachant que mon fichier total fait pour le moment 73 pages sans les moments d'action et que je suis une pauvre faible qui voulait ne poster qu'une fois toute la partie qui a cédé finalement…Combien de temps avant que mon cerveau n'explose ? =D



En tout cas, félicitations à Kanon qui a fini sa fic avant moi. Bon courage à Mixy qui doit finir la sienne…Et BANZAAAAI JE VAIS TE FINIR DL ! *part au combat*



FILM - Quand le Destin se mêle du sort des hommes-



« Il est bien vrai que nous devons penser au bonheur d'autrui ; mais on ne dit pas assez que ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est encore d'être heureux. »





Ceci est une autre histoire. Une autre époque, un autre temps, une autre dimension. Un au-delà des limites de l'espace et de la matière.



Deux univers si proches et si lointains. A jamais vouées à se côtoyer parallèlement. Deux droites unies l'une à l'autre, aux contours et reflets si semblables, si indissociables, et pourtant deux unités aux différences immuables. Tels les rails d'une voie, qui, si un jour se croisent, amenant la tragédie. Les acteurs de la sombre pièce, jeu des Destins, ignoraient encore tout des rôles qu'ils avaient à jouer. Encore piégés derrière le rideau, immaculé, vierge de sang pourpre, ils vivaient, installaient leurs futurs et le décor de leurs rêves avec insouciance.



Le drame n'était encore qu'esquisse, ébauche, encre de diluant dans l'eau, avant de se dessiner clairement sur le papier.



Il n'y avait rien, dans cette dimension. Juste des Destins encore neuf. Des Destins qui n'auraient jamais du se croiser, comme les dimensions. Des Destins liés, par inadvertance.



Un jeune garçon, tout encore adolescent, s'infiltra sous le ramage des bois de la forêt de Jade. Apaisant, le bosquet laissait tomber en rideaux de lumière dansant, une douce quiétude, la mouse grésillant sous ses pas, les fougères ondoyant sous la bise printanière, l'odeur même de toutes la diversité des plantes, ne formant qu'une seule et même entité, lui rappelèrent de tendres souvenirs. Il réajusta sa casquette sur sa tignasse rebelle, aussi noirs que la nuit, et sourit. D'un pas cadencé, il arriva devant une maisonnette, rongée par le lierre et la végétation. Elle paraissait ne faire qu'un avec le paysage, quelques touches de couleurs dans une aquarelle toute en nuance d'espoir.



Ses yeux effleurèrent les murs de bois, aux balustrades moulues, puis sur les vitres où des enfants avaient du peindre avec application quelques formes fantasques et colorées. Ses iris écarlate se posèrent sur les pourtours mal assurés d'un crépuscule se transformant lentement en nuit étoilée.



C'était lui qui l'avait esquissé celui-là. Et elle avait achevé chaque touche, de son pinceau habile, transformant le ciel sanglant en douce abysse argenté, en voie lactée, puis de nouveau en journée ensoleillée, entourant les personnages de la peinture, tel un gardien. Toutes les vitres de la maison avaient été peinte par les mains du groupe d'amis, puis corrigées par les siennes.



Elle avait toujours été douée pour ça. Pour l'art, pour rendre le sourire, pour protéger ceux qu'elle chérissait.



Un lampion crissa sous le vent. Il contourna la bâtisse sans frapper, et esquiva une sorte d'autel de pierre, à la forme d'une lampe, connue dans les légendes pour éloigner les mauvais esprits. Il sourit, songeant que la propriétaire n'avait nul besoin de charmes contre eux : elle en possédait déjà, elle l'incarnait.



-Tu es là ? Hasarda-t-il de sa voix pas tout à fait homme.



Le son sembla perdurer à jamais autour de lui.



Un vague mouvement ondula, dans la vaste étendue d'herbes hautes commençant à ronger tous les abords du jardin. Là, il dépassa un vague potager aux légumes bourgeonnant, puis s'égara quelques secondes entre les arbres fruitiers en fleurs. Il vérifia la rive de l'étang sous le peuplier, puis soupira, las :



-Tu es là ? Ou tu n'es pas là ?



A sa question, répondit quelques craquements. Il baissa aussitôt les yeux et vit un chapeau de paille se frayer un passage jusqu'à lui, rampant dans la terre fraîche et cultivable. Il arqua un sourcil et saisit le couvre-chef, dont le maillage, usé jusqu'à la corde, rèche, se trouvait couvert de brins d'herbes et de jacinthe sauvages, violacée.



Une pikachu apparut en dessous, la queue en forme de cœur, les cils longs, un regard espiègle, une légère fleur des champs au coin de l'oreille. Le garçon sourit.



-Chuchu !



Il attrapa une pokéball à sa ceinture et libéra un autre pikachu, plus conventionnel. Celui-ci s'étira, écarquilla des yeux et piailla de plaisir pour frotter son museau contre sa moitié. Le garçon les laissa savourer leurs retrouvailles, puis, une fois finit, il envoya :



-Pika t'a trouvé toi, mais moi je cherche Yellow, tu sais où elle est ?



Le Pokémon se dressa sur ses pattes antérieures, et hocha du chef avec sérieux, avant de s'enfuir à travers le paysage, glissant sur la boue humide, sautant entre les nœuds des racines, et s'enfouissant sous la verdure. L'adolescent la suivit, jusqu'à déboucher au cœur de la forêt. Là, entre les flaques et les mares, entre les collines de mousses et de bout, entre les troncs noueux et les insectes, un îlot bordé de lumière.

Là, une cascade luminescente descendait, aux formes changeantes au grès du feuillage qui les couvrait tous. Les raies jouaient tantôt sur les boutons d'or et sur les jacinthes violacées, qui se laissaient bercer tendrement par la brise, dans une mélodie sifflante, reposante. Les éclats brefs de leurs pétales miroitèrent au dessus de la mousse et des trous d'eau, avant d'aller se poser sur l'onde, paisiblement.



Le garçon mit ses mains en porte-voix :



-Yellow !



La bulle de silence et de sérénité éclata, et une tête émergea de l'océan ondulant composé de fleurs multicolores. Ses longs cheveux blonds retenus en queue de cheval haute eurent un éclat quand ils claquèrent sous l'œil solaire. Elle tourna la tête, aux alentour, scruta le paysage, cherchant qui l'avait interpellé, et ses prunelles vertes cerclé d'or vinrent alors à sa rencontre. Son visage pâle s'illumina, rosissant.



-Red ! Sourit-elle.



D'un bond, elle se redressa, épousseta ses vêtements, et se dirigea vers lui, tâchant de n'écraser aucune plante. Elle ne se soucia pas des flaques, et au lieu de sauter de pierre en racine, traversa la distance qui les séparait sans se soucier des obstacles. C'est avec son pantalon trempé, ses bottes plein d'eau, sous son ponchot, humide, qu'elle arriva devant lui. Ravie.



-Tu es là !



Red ricana devant l'évidence physique qu'elle soulignait.



-Et bah, oui !



Il pointa du doigt les deux pikachu batifolant dans les fleurs derrière lui :



-Pika et moi !



La dénommée Yellow sourit de plus belle, et s'approcha des créatures pour leur ouvrir ses bras, les deux souris vinrent se nicher au creux de son cou, jappant de bonheur.



-Moi aussi je suis ravie de te revoir Pika ! Rit-elle en les étreignant. Red derrière elle se détendit, attendri. Il se pencha vers la petite fille, un peu plus jeune que lui, mais tellement minuscule pour son âge. Il s'étonna encore de son corps si frêle et petit, et pourtant aussi robuste et assuré que celui d'un homme. D'ailleurs, aussi peu développé.



Sa main effleura les doux fils d'or ondulant sur le dos de la jeune fille. Elle sursauta immédiatement, et rouge, se retourna, pour le regarder, intimidée, retenant son souffle.



-Tu avais des fleurs dans les cheveux ! Expliqua Red en lui rendant un brin de lavande encore entouré de quelques cheveux.



Yellow sembla se détendre, toujours aussi rouge et la prit en baissant les yeux.



-Merci.



Red ne s'en offusqua pas, et il contempla le petit havre dans lequel il avait trouvé cet ange :



-C'est beau ici. Qu'est-ce que tu y faisais ?

-Je…Je dormais…



Elle sembla particulièrement intéressée par la boue recouvrant ses chaussures, écarlate. Mais le brun arqua un sourcil et ricana, amusé :



-Décidément, tu es impossible, pourtant Blue t'a dit d'y aller doucement, avec toute cette histoire, la Team et la pétrification, mieux vaut être prudent.



Si elle avait eu un tant soit peu de réparti, elle lui aurait sûrement répondu, qu'il était le moins prudent de tout le groupe. Mais elle se tût et joua avec une de ses mèches, du bout des doigts. Red se rendit alors compte qu'il avait encore le chapeau de paille à la main et lui remit sur le crâne avec douceur. Yellow se rengorgea, s'agrippant à son couvre chef, émue, plus confiante également. Ce chapeau, avait été sa protection, son bouclier pendant tant d'années, pour cacher son identité, son genre, qu'il lui était toujours difficile de s'en séparer.



-Hum, sinon, qu'est-ce que tu fais là ? L'interrogea-t-elle, doucement.



Red cilla quelques secondes, puis il brandit le poing, sûr de lui.



-M'entraîner bien entendu ! J'ai perdu mon titre à cause de ce contretemps hors de question de louper le tournoi de la ligue !



Il se reprit, et se retourna, embêté, se massant le cou, avec un sourire franc il envoya :



-Et Leaf m'a dit de venir ici !



Yellow aurait put le parier.



-C'est vrai que c'est malin, c'est juste à côté ta maison, la ligue et la route victoire, tout ça ! Je peux pas être en retard comme ça !



Il paniqua légèrement :



-Et tu vois, bah, je pourrais t'aider aussi comme ça, en attendant, avec…Tu sais les Pokémons que tu recueilles ! Et puis Gold va peut-être venir, il veut s'entrainer avec moi, et comme c'est un puériculteur, il pourra s'occuper des œufs et…



En gros, tout le monde s'invitait chez elle.



Yellow sourit, sincèrement, elle appréciait de ne pas être seule. Elle fit le premier pas en direction de sa demeure, et Red la suivit. Il l'observa d'un œil pendant leur marche silencieuse. Son esprit se calma, dériva. Il aimait bien la contempler marcher : tout un mouvement du bassin, la jambe qui se pose sur le sol du bout de talon, avec assurance, le corps qui se balance en avant et la tête qui se dodeline en rythme au grès du mouvement, un peu comme s'il elle chantait. Tout son être semblait chanter sur une musique inaudible, celle de la nature, celle que lui susurrait la forêt à l'oreille. Sa seule confidente.



Il se ressaisit. Et se demanda une seconde s'il la dévisageait déjà comme ça, quand il avait cru, qu'elle était un garçon, il y avait déjà longtemps.



-Tu m'aideras pour le potager ? Je l'ai délaissé trop longtemps…Et arroser toutes les plantes à moi toute seule c'est un peu long ! Demanda-t-elle.

-Evidemment !



Il détourna les yeux, un peu perdu, reléguant cette question dans un coin de son esprit, loin, bien loin. Juste à savourer ce moment.



-Tu as recueilli beaucoup de Pokémon ces derniers temps ?

-La plupart juste blessés à cause de combat entre eux, mais il n'y a pas longtemps j'ai vu un Pokémon abandonné par son dresseur. La ligue n'est pas loin, ils se débarrassent ici de ceux qui sont trop faibles.



Elle lui envoya une œillade désolée :



-Ils sont tous à la maison. Mais ne t'inquiète pas, ils n'ont pas le droit d'entrer dans d'autres chambres que la mienne !



Red ne sembla pas se soucier de ce détail. Il admira une seconde les buissons bordant la lisière, derrière lequel apparaissait un chemin.



-Ici, j'ai sauvé une fillette ! Se souvint-il avec un sourire.



Il pencha la tête sur le côté.



-Et après elle m'a sauvé la vie à son tour. Parce qu'après avoir vaincu le champion de Jadielle, j'étais tellement épuisé que je suis tombé dans les pommes.



Yellow eut un sourire mélancolique, douloureux, mais se tût.



-Je lui ai promis en partant, que je reviendrai, et que je deviendrai le champion de Jadielle. Pour apprendre aux villageois à se protéger, à faire confiance aux Pokémons. C'est vrai que la première fois que je suis venu, ils essayaient de capturer Pika avec un filet à papillon !



Le regard de Red s'obscurcit une seconde.



-Elle doit être bien déçue maintenant…Je ne suis pas devenu champion…Enfin je suppose que Blue s'en sort beaucoup mieux que moi dans ce rôle !



Yellow hocha du chef, enfonçant le clou sans le vouloir, puis, naturellement, elle constata :



-Mais tu es revenu. Comme tu l'avais promis. Et tu as essayé.



Elle ferma les paupières.



-Je suis sûre qu'elle le comprend et en est heureuse.



Red grimaça, puis sourit tristement.



-Je me demande ce qu'elle est devenue…

-Elle est sûrement grande à présent. Murmura Yellow, patiemment.



La blonde jeta un coup d'œil, et la maison de bois se distingua, à moitié dévorée sous les arbres. Elle courut jusqu'à l'entrée, monta sur l'estrade d'un pas léger et tourna la poignée, avant de pénétrer chez elle. Red la vit s'afférer, derrière les vitres peintes, ouvrir les rideaux, et faire sortir les Pokémons, qui se ruèrent vers l'extérieur en piaillant. Peu à peu, les lumières extérieurs, aux ampoules multicolores, illuminèrent la véranda et la treille de feuille formant le préau. Yellow revint sur ses pas et accueillit son ami avec son habituel sourire :



-Tu veux manger quoi ce soir ?



Red haussa des épaules, et l'espace d'un instant, il se fit la remarque, que sa vraie maison, plus que celle du bourg Palette, était devant ses yeux.



Bientôt, qu'ils le veuillent ou non, le potager se flétrirait, l'îlot de fleurs s'assombriraient, les arbres se courberaient dans une position de lamentation éternelle, le bois pourrirait, et surtout, les Pokémons et Yellow habitants vivant au cœur de la forêt de Jade, perdraient leurs sourires. Bientôt, l'âme de ce bosquet qu'ils aimaient tant, disparaitraient, purement, et simplement.



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Régis inspira profondément, ses paupières pesaient lourdement, et elles avaient tendance à entraîner le reste de la tête dans leur chute dernièrement. Traitresse, pendant qu'il se faisait cette réflexion, ses yeux osèrent se reposer une demi-seconde. Ils se prirent un coup de table en guise de représailles. En vérité, c'était son crâne qui était allé se poser violemment contre la table, et était donc la plus fautive, mais dans la brume du manque de sommeil qui hantait le petit-fils Chen, cela ne pouvait décemment pas être de sa faute.



Donc voilà, c'était la faute de la table. Elle l'avait agressé. Quelle traitresse !



-Ou là là là ! Toi ça s'arrange pas !



La voix de Duplica le fit à peine sursauter, il tourna la tête en sa direction et il lui sembla presque que l'articulation de son cou crissait tant elle lui était douloureuse et courbaturée.



La dresseuse de métamorph, et imitatrice (presque) professionnelle, adulée par (un) des millions de fan, plaça ses mains sur ses hanches pour lui envoyer une moue attendrie, faussement accusatrice, plus amusée que le reste.



-Je dois rester éveilléééé. Grommela Régis, récitant cette phrase, tel un cantique.

-Nan tu dois dormir. Répliqua aussitôt Duplica sans même une hésitation.

-Nooon, Eléa vient faire des tests dans une heure…

-Elle est là depuis dix minutes.



L'information mit un temps incroyable à monter au cerveau du savant épuisé. Enfin, il écarquilla des yeux et sans demander quoique ce soit, Duplica claqua des doigts. Un premier métamorph sortit de sa pokéball se métamorphosa en table, puis un autre vint pour devenir une chaise, et en un clin d'œil, l'imitatrice enleva ses vêtements.



Régis cette fois mit très peu de temps à rougir.



Malheureusement cette fille possédait le super pouvoir de porter des tenues invraisemblables sous ses habits habituelles faisant fi des lois de la vision ou même physique.



L'idée incongru lui traversa l'esprit : elle devait crever de chaud en été.



Quoiqu'il en soit, Duplica apparut avec une blouse blanche, en tout point semblable à celle du savant Chen, et non toute nue.



Régis ne savait pas réellement s'il regrettait.



Duplica, alias Régis en cet instant, s'assit alors sur une chaise, et avec une mine de zombie à peine sorti de sa tombe, elle marmonna, un filet de bave lui coulant sur le menton :



-Jedouapouadromir…



ET PAF. Sa tête heurta violemment la table avant que la bave n'atteigne le bois. Elle resta donc dans cette position ronflante comme une bien heureuse, pendant…plusieurs secondes. Puis d'un coup elle se redressa vivement et hurla :



-ELEA VIENT !



PAF. La tête rejoignit sa place précédente. Puis, encore quelques secondes plus tard, elle releva le torse, fixa Régis avec une tête de bienheureuse pour sourire béatement :



-Et je sais que tu diras le contraire mais…



PAF !



Régis commençait à ne même plus sursauter. Une dizaine de secondes plus tard alors que Chen s'apprêtait à vérifier sa montre, Duplica refit semblant d'émerger du potage :



-Si tu étais comme ça. Oui tu as commencé une phrase, dormi 10 minutes, puis tu l'as terminé au réveil.

-Je ! Protesta le savant, mauvais perdant.

-Si tu l'as fait ! Sourit Duplica.



Le brun vacilla devant son sourire lumineux et il détourna les yeux, rouge, beaucoup plus éveillé. La dresseuse de métamorph bondit alors de nouveau sur ses pieds, et dans une pirouette récupéra vêtements habituels et Pokémon. Il fit une moue dépitée, quand elle se tourna vers lui et annonça :



-J'vais m'occuper d'Eléa, tu n'es pas en état.

-Je !



Elle le stoppa d'un signe de main et asséna, franche :



-Et tu n'es pas drôle Régis.



Quel rapport… ? Duplica croisa les bras et ses yeux noirs se fendirent pour lancer des éclairs, un méchant pli barrant son nez. Il signifiait : « Tu as de la jugeote aussi fournie que ma tignasse mais tu es aussi con que mes pieds des fois » clairement.



-Sincèrement, la gamine elle va faire une dizaine de tests, parfois douloureux, tu crois vraiment qu'elle a envie de sérieux ? Expliqua-t-elle finalement, en se pinçant l'arête du nez.



Régis leva les yeux vers le ciel, renfrogné. Mais elle lui claqua la porte au nez. Et le verrou claqua derrière la cloison. Abandonné. Et le cerveau vicieux, ne lui laissa pas protester plus longtemps.



PAF.



Sa tête heurta le bois de la table et il se retourna auprès de Morphée, qu'il avait trop souvent trahi ces dernières nuits. Deux heures plus tard, il ignorait encore qu'il se réveillerait en sursaut en hurlant « OUVRE CETTE PORTE DUPLICA » à retardement. Il lui faudra encore des mois, pour avouer qu'effectivement, il avait une petite tendance à commencer une phrase, puis la finir au réveil. Mais cela est un autre sujet.



Pendant ce temps, Duplica accueillait une Eléanore, légèrement morose dans la salle d'attente vide, à cette heure tardive. Elle lui offrit un sourire.



-Tu as de la chance, tu as tout l'hôpital pour toi cette nuit ! Régis a aligné les billets.



Eléanore arqua un sourcil, étonnée.



-Ouais, moi aussi j'pensais pas que ça payait aussi bien être savant. Mais j'crois que c'est surtout ses relations. Tu sais ce que c'est, toutes ces grosses têtes se connaissent entre elles, comme ce sont les seules à rire à leurs blagues et comprendre ce qu'ils disent !



Duplica ricana, Eléanore ne la suivit pas, elle observa, fatiguée. L'imitatrice se sentit con.



Bon, c'est pas grave, il faut la comprendre ! Se répéta mentalement l'artiste – Ce n'est pas drôle ce qui lui arrive.



Eléa se laissa guider jusqu'à la salle d'auscultation, et s'allongea sans un mot sur la table, indifférente.



-Hey, tu sais quoi ? Lança alors soudainement Duplica.



Eléa haussa des épaules et la regarda.



-JE ne suis pas médecin ni même savant ! Et je crois que j'ai enfermé le seul capable de te faire faire tes examens !



Elle ricana nerveusement.



Oups, elle n'avait pas pensé aussi loin, lorsqu'elle avait agit tout à l'heure.



Alors, bizarrement, un petit rire répondit au sien. Eléanore pouffa, et secoua la tête, comme soulagée.



-C'est pas grave, je déteste ça, plus ça attend, mieux c'est.



Revigorée par cet état de fait, Duplica enchaîna alors les blagues, pour redonner un tant soit peu le sourire à la patiente, joua de ses métamorph pour lui afficher les pires grimaces.



-Regarde ça pourrait être pire, ta maladie : tu pourrais ressembler à…CA !



Elle se retourna, et son fidèle métamorph, collé à elle, donnait l'impression que sa frimousse entière fondait. Eléanore rit de nouveau, toujours faiblement, mais elle ne le cacha pas.



-Je suis la meilleure imitatrice et dresseuse au métamorph de tout le continent tu sais ! Se vanta-t-elle, levant le nez.

-Et qu'est-ce que tu fais ici dans un hôpital alors ?



Duplica se pencha vers la petite, faisant mine de partager un secret hautement confidentiel :



-Tu vois, Régis est craquant, et les métamorph ça aide bien les cultures apparemment. Une histoire de reproduction des cellules qui s'accélère et tousssaaa des trucs compliqués quoi !



Elle battit des mains l'air de dire qu'elle n'en avait rien à faire, ce qui était probablement vrai : mais si elle continuait ce mouvement, elle risquait de s'envoler comme un oiseau !



-Puis aussi…



Elle fit un tour sur elle-même, et réapparut affublée de lunette, ses longs cheveux touffus et verts, attachés en un chignon aussi bien tenu et contrôlé qu'une obèse portant un jean taille 36.



-Je m'amuse à imiter les médecins. Hier j'ai réussi à observer toute une opération pendant une heure !

-Et comment t'ont-ils découvert ?



Duplica fit la moue et rougit, embarrassée :



-Ca c'est un peu mis à saigner de par tous les trous et j'ai fait une mauvaise blague avant de vomir sur les chaussures de l'infirmière !



Oups.



Eléanore rit de nouveau, de bon cœur cette fois.



-Tu seras là quand je serai opérée ? Demanda-t-elle, comme une petite gamine.



Duplica lui sourit.



-Evidemment ! Et même si tu t'en sors, je te promets des places VIP à mon spectacle ! Et crois-moi comme je suis la meilleure, elles valent chère !

-Dans ce cas je vais m'arranger pour crever sur la table. Répliqua la gamine.



Cette réplique fut le premier coup. L'imitatrice ripa sur le carrelage et manqua de se faire très mal, en basculant contre les bancs, et en se cognant la tête contre le mur.



-Ouach ! Gémit-elle.

-Tu feras ça aussi dans la salle d'opération ?

-Tu pourrais au moins avoir l'air inquiet ! Grommela la jeune femme en se frottant sa future bosse.



Eléa l'observa blasée.



-Tu vomiras sur les chaussures de Régis pendant l'opération ?



D'accord, Duplica avait compris, Régis aimait une peste. D'ailleurs, celui-ci ne tarda pas à se réveiller, et à envoyer, à travers les haut-parleurs :



-Duplica, vient m'ouvrir, que j'aille faire les tests à Eléanore !



Aussitôt dit, aussitôt fait. Régis revint auprès de son amie d'enfance, de grosses cernes sous les yeux, mais souriant. D'un geste il présenta Duplica à ses côtés.



-Et voici mais tu la connais déjà…

-La seule l'unique, la merveilleuse Duplica ! La plus grande des imitatrices et dresseuses de métamorph ! Fit la concernée à nouveau, sortant un projecteur d'on ne savait où.

-Et radoteuse. Murmura Eléa si bas que seule la jeune femme put l'entendre.



Elle lui envoya une œillade noire et l'héritière Sarl contempla le mur blanc cassé hideux comme la chose la plus fascinante qu'elle ait jamais vu. Toujours avec cette petite mine de fille fatiguée et blasée. Duplica était furieuse. Et quand Duplica était furieuse, elle imitait.



Malheureusement elle constata vite, que si Eléanore était très forte pour faire la petite gamine traumatisée devant Régis, ce genre de scène ne marchait pas avec elle. Surtout quand, en la posant sur le tapis roulant du scanner, la petite lui servit avec une moue de chiot abandonné :



-Tu restes avec moi hein Régis ?



Le savant Chen vira à l'écarlate, et manqua l'apoplexie. En revanche quand, elle, Duplica, lui servit le fameux, tu restes avec moi hein Régis ? Il la contempla avec consternation et ahurissement pour lui relancer un très abrupte :



-Pourquoi ?



Ce garçon était d'un romantisme à tuer un écrémeuh. (Cristal eut un frisson dans son sommeil cette nuit là, son sixième sens lui soufflant qu'une autre qu'elle haïssait ces bestioles en cet instant). Enfin, le calvaire prit bientôt fin, après des examens tous plus longs les uns que les autres, et sur les alentours des trois heures et demi, la gamine fut enfin libérée. Elle se rhabilla patiemment, sans même un mot avant de partir de l'hôpital, via téléportation d'un gallame.



Duplica attendit patiemment qu'elle soit loin, pour marmonner :



-C'pas la politesse qui l'étouffe celle-là.


Ce à quoi Régis lui répondit par une expression courroucée.



-Okay, okay je dis pas de mal sur ton bébé ! Temporisa l'imitatrice, n'en pensant pas moins pour autant.



Elle était sûre qu'en vérité, la gamine avait passé son temps à jouer la comédie, parce qu'elle avait osé lui dire que Régis lui plaisait. Jalousie de l'amie d'enfance peut-être ! Les yeux de Duplica brillèrent, une furieuse envie d'adapter l'histoire en sketch. C'est alors qu'elle remarqua la très légère inclinaison soucieuse de Régis, face à ses ordinateurs.



-Un problème ? S'enquit-elle, soucieuse.



Le petit-fils Chen hocha du chef, mais ne prononça pas un mot, les lèvres serrées. Il pointa simplement ce qui paraissait être une radio. Duplica se pencha vers les résultats, mais elle ne tarda pas à lui envoyer, amusée :



-Tu sais, ce n'est pas parce que je t'imite bien que je comprends ce que tu vois. Je sais que je suis la meilleure mais quand même !



Régis ne rit pas face à la plaisanterie. Décidemment ce n'était pas sa soirée.



-Je crois qu'il y a de vraies tumeurs au milieu des masses. Avoua alors le jeune homme, grave.



Duplica laissa la tension dramatique s'installer avant de la briser :



-Et alors ? Si y-a des tumeurs, enlève-les, c'est tout !



Régis soupira, mais un rictus étira ses lèvres pourtant crispées.



-Merci. Souffla-t-il simplement.



Duplica rougit brutalement, et elle posa ses mains sur ses joues, gênée, confuse, ne sachant toujours pas pourquoi ce simple sourire en coin lui arrachait tant d'émotion.



Derrière son dos, Régis composa un numéro sur le visiophone. A une heure aussi tardive, il aurait été normal de tomber sur le répondeur, mais au bout d'à peine trois sonneries, un visage se présenta à l'écran. Guère surpris qui plus est.



-On attendait votre appel.



L'homme était assez beau, les traits fins, doux, compatissants. Les cheveux blonds presque blancs en bataille, les yeux noisettes, la peau extrêmement pâle, la seule tare au tableau était une cicatrice aux teintes violacée qui partait de son arcade sourcilière droite, pour tailler une raie jusqu'à la mi du crâne.



-Monsieur Joshua. Salua platoniquement Régis.



Celui-ci sourit. Vint alors s'interposer une autre tête, une blonde, aux cheveux bouclés, magnifiques. De grands yeux noirs, cerclés de cils, ce qui accentuait en cet instant son regard sévère.



-Chuis là aussi ! Aria !



Apparemment pour elle, il était important de le préciser. Elle afficha une mine emplie de défi. Et Joshua ricana derrière elle.



-Je vous envoie les résultats des examens, pour que vous vous prépariez à l'opération. Vous avez réussi à former une équipe qui réussira à garder secret tout ça ? Demanda Régis.

-Mes sœurs infirmières seront là, et moi aussi, je peux aider. Informa Joshua.

-Mes parents aussi seront là, et ils ramèneront quelques collègues sur qui on peut compter, ça va être moche ! Sourit Aria.



Régis hocha négligemment du chef.



-Il y aura le gamin qui m'a sauvé la vie ce jour là ? Demanda alors l'homme.



Il faisait référence au jour affreux, où le PDG Sarl avait été attaqué en pleine conférence de presse. Il avait survécu –par miracle- à un trou dans la poitrine. Et lui, Joshua, sauvé par un gamin errant, avait eu la chance de ne récolter que l'hideuse cicatrice.



Régis hocha la tête :



-Surement dans la foule d'amis attendant dans la salle d'attente.



Aria et Joshua sourirent.



A vrai dire, Duplica avait longtemps vu Régis hésiter quant aux choix des médecins, pour opérer. Problèmes de budget, entre autres. Mais apparemment, cette femme médecin, la blonde, avait refusé tout paiement, le premier jour, quand le savant lui avait expliqué le « secret », elle avait souri de toutes ses dents, tel un carnivore.



-Cette fois, elle ne me clamsera pas entre les doigts ! Et pour de vrai ! S'était-elle exclamée.



Duplica ignorait ce que signifiait tout ça, mais cette femme prenait très à cœur la guérison d'Eléanore Sarl –et le coup de pied au cul qui suivrait, car même si je n'aime pas maltraiter mes patients affaiblis, elle en mérite un bien pointu !- ajoutait-elle souvent. Personne n'osait lui répliquer, qu'en tant qu'handicapée, elle aurait bien du mal à envoyer un coup de pied à qui que ce soit, personne ne voulait finir sur la table, avce une Aria furieuse tenant le bistouri.



-Alors, cette opération de « OMG » 24 heures, je crois que certains vont regretter de pas être en fauteuil roulant comme moi ! On la fait quand ? Que je dorme jusqu'à en crever avant ! S'enthousiasma d'ailleurs, cette Aria, gaie comme un paon.



Régis eut un demi sourire :



-On commence le 14 Mai à 18 heures.



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« Mademoiselle Joëlle, savez-vous ce que cause une attaque cage-éclair ? »



La voix sévère sonna autour d'elle, et fit vibrer l'air tout autour d'elle. Là, coincée sur une chaise, perdue au milieu d'une salle de classe vide de tout autre étudiante. Elle avait l'impression d'être minuscule. Ses petites mains s'emberlificotaient dans sa chemise blanche sale, beaucoup trop grande, et la jupe de son uniforme lui descendait jusqu'au cheville. Elle désira faire un pas en avant, mais ses pieds butèrent dans ses chaussures immenses, elle glissa sur une flaque maronnât, malodorante, infectant son sac, qui gisait un peu plus loin.



Samantha se sentit minuscule, sur sa chaise, si petite que ses pieds ne touchaient pas le sol, et ses mains n'atteignaient pas le bureau. L'ombre du professeur la toisa, la surplombant de toute sa hauteur.



-Vous ne savez pas Mademoiselle Joëlle ?



Samantha essaya de proférer un mot, une réponse. C'était évident qu'elle connaissait la réponse. Une attaque cage-éclair était une onde de choc qui s'immisçait dans le système nerveux, à la suite d'un contact prolongé. Les chocs revenaient par vague, soubresaut, et irradiait chaque nerf, ce qui empêchait tout mouvement. C'était pour cette raison que la paralysie n'était pas forcément immédiate et durable, constante.



Hélas les mots stagnèrent au fond de son gosier et lui donnèrent la nausée.



-Mademoiselle Joëlle !

-Elle ne peut pas vous répondre monsieur : Elle vient de la LUNE ! Ricanèrent des voix, se répercutant en écho, alors qu'elles ne provenaient que d'une masse indistincte dans les ténèbres autour d'elle.



Samantha porta la main à son cou, instinctivement. Des sifflements et des murmures moqueurs jaillirent à chaque recoin de la salle.



« Quoi ? Nous sommes trop dur ? Tu fais ta victime Sam ? ce n'est pas notre faute à nous, donc ça doit être de ta faute à toi , Quoi, tu vas te droguer ? Tu as mal ? Tu veux finir comme ton père ? La drogue va te tuer ! Tu veux finir comme Silver ? »



Elle se crispa. Et de nouveau, l'ombre se pencha vers elle pour lui murmurer, doucereux :



-Alors, Mademoiselle Joëlle, vous pouvez répondre à ma question ? Qu'est-ce que fera une cage-éclair, sur ce garçon ?



Dans les épaisseurs indéfinissables de son paysage, s'écartèrent gracieusement quelques volutes fines, dans une danse lancinante, elles s'ouvrirent sur une silhouette allongée au sol. Inerte. Son sang se glaça. Dans le bruissement inaudible de ses craintes, elle découvrit Daniel, blême, les yeux clos. Sa bile claqua contre sa langue, lourde comme du plomb.



-Vous ne savez pas ? Tonna le timbre moqueur.



« Elle ne sait pas. Elle n'a pas assez étudié. Elle n'est pas assez forte pour savoir ce qui arrive à ses amis. Elle ne peut rien faire pour eux. » Reprirent en écho, en ton saccadés, les ombres invisibles de ses cauchemars.



Leurs fins contours s'étiolèrent à ses pieds, comme pris dans du béton. Grinçantes, elles rampèrent jusqu'au corps de Daniel, et le contemplèrent, avec curiosité, presque compassion.



« Il n'a pas de chance. Cage-Eclair n'est pas fait pour les humains. Ca peut paralyser totalement un être vivant une fois sur 100. Causer une mort cérébrale. Une paralysie partielle. Il n'a pas de chance. Il n'a pas de chance. Il ne se réveillera pas. Elle ne savait pas ce que causait la cage-éclair. Elle n'a pas fait attention, elle faisait plus attention à Eléa. Elle n'a pas fait attention. »



Samantha sentit son cœur se gonfler dans sa poitrine, compressé de toutes parts, et elle se recroquevilla, ployant sous la culpabilité.



« Il ne se réveillera pas. »



Une autre forme aux contours incertains s'écroula sous le regard des spectres. Puis une à une, tel une série de domino, ils tombèrent tour à tour, dans un tumulte assourdissant, faits de hurlements de sanglots :



« Arcéus, tu saignes ! Il n'a pas put supporter une telle perte… Ne me laisse pas ! Reste avec moi ! Je t'en prie, je t'en prie je ne veux plus perdre personne ! Je suis désolé, elle est partie. Vous êtes arrivés trop tard. LÂCHE-MOI ! LAISSE-MOI ! C'est mon esprit ! Dès la première concession tu as scellé ton Destin. »



Les masses l'écrasèrent de tout son poids, et malgré leur caractère brumeux, ses membres qui le traversaient craquaient pourtant sous la force qu'ils exerçaient. Immatérielles, mais présente, suffocante. La fumée pénétra ses bronches, lui coupèrent le souffle, et elle eut beau se débattre, ils la clouaient un peu plus, contre le sol. Jusqu'à ce qu'une simple lumière, perce les nuages, l'orage grondant. Tel un éclair.



Le visage d'Eléa lui apparut baigné de larmes.



-Je suis désolée ! Gémit-elle en portant les mains à sa bouche, comme regrettant immédiatement ses paroles.



Samantha ne comprit pas. Le soulagement inonda plutôt son être et elle tendit la main dans sa direction :



-Eléanore ! Aide-moi !



De nouveau, l'adolescente leva les yeux vers elle, ternes, résignés. De nouveau, les mots coulèrent de ses lèvres, brisés :



-Vraiment désolée.



Un choc, d'abord, douloureux, implacable, tel un poing en plein cœur. Samantha se sentit projetée en arrière avec violence, puis tout se voila, tout disparut sous la douleur, et elle chût. Elle ne toucha jamais le sol.



Samantha se redressa sur son lit, réveillée en sursaut par son mauvais rêve, encore en nage, les membres tremblants, comme si elle venait de subir une décharge électrique, ses yeux scrutèrent frénétiquement sa chambre, plongée dans l'obscurité. La respiration saccadée, elle tâcha, dans un mouvement de tatonnement paniqué, d'allumer la lumière.



L'éclat jaillit et lui piqua affreusement les prunelles, elle émit un gémissement de douleur, mais son poul cessa sa mélodie chaotique. Autour d'elle, elle ne voyait rien, juste les meubles habituels, son sac, toujours prêt pour une urgence.



Alors, elle laissa les secondes s'écouler, s'égrainer. En silence. Quand elle fut sûre que rien ne se camouflait dans un recoin de la pièce, son souffle se calma, et elle reposa sa tête sur l'oreiller. Du bout des doigts, elle effleura toutes ses pokéball, reposant sereinement, tels ses trésors, entre les draps. Elle ne dormait plus sans eux, impossible pour tous ses Pokémons de tenir dans une seule pièce, ils étaient bien trop gros à présent, mais leur présence, même sous cette coque de métal, l'empêchait de cauchemarder. Du moins d'habitude.



Samantha soupira, elle ferma les yeux, mais les rouvrit aussitôt, tremblant comme une feuille sous la masse de couettes. La lumière toujours allumée, elle recommença à paniquer, des images de son songe revenant par flash impromptus.



Elle plissa les yeux jusqu'à s'en fendre les paupières et remonta les draps jusqu'à son nez, se répétant en boucle :



« Calme-toi, ce n'était qu'un mauvais rêve. Pas un rêve prémonitoire, ça n'y ressemblait pas. Daniel et Eléa vont bien. Toi aussi. »



Mais l'angoisse demeura. Les moindres angles se voyaient exacerbés par les peurs irraisonnées, les lignes se déformaient lentement sous la brume des craintes, et bientôt, même son reflet improbable dans le miroir de la commode sembla se redresser, pour se tourner vers elle et lui sourire machiavéliquement.



Samantha se précipita hors de sa chambre, son oreiller dans les bras, ses pokéballs dans la tais, et le moral dans les chaussettes. Elle parcourut hagarde le couloir, longeant les murs sans vraiment savoir où aller. Hésita devant la salle de bain, puis devant la chambre de Silver, fermée, la chambre d'Eléa, vide…Et le salon, où somnolait Daniel qui attendait le retour de sa petite amie, partie à l'hôpital pour la soirée, effectuer quelques examens.



La jeune dresseuse s'approcha à pas de loup vers lui, et se pencha lentement par-dessus le canapé. Sa chevelure, pourtant attachée, roula en cascade sur ses épaules et effleura le visage de l'endormi. Danny tordit le bout de son nez, incommodé, et s'affala un peu plus contre les coussins. Serein.



Par acquis de conscience, Samantha plaça sa main près de la bouche du garçon et le souffle régulier venant chatouiller sa paume confirma la réalité. Elle soupira de soulagement.



Par mesure de sécurité – et par taquinerie- elle pinça la joue du gamin également. La peau s'étira comme un élastique, sans réveiller son propriétaire. Sam lâcha sa prise qui revint en position dans un « poing » jouissif et un « Hmbl » du dormeur.



Il avait le sommeil aussi lourd que Yuki celui-là.



Mais étrangement, cela la rassura.



« C'était stupide aussi. Quel stupide cauchemar, et quelle stupide réaction j'ai, on dirait une gamine ! » se morigéna-t-elle intérieurement.



Elle fit demi-tour et s'apprêtait à retourner dans sa chambre quand une voix s'éleva dans son dos :



-Qu'est-ce que vous faites là ?



La tête encore à moitié endormie de Daniel se démarqua du dos du sofa. Il l'observa, sans animosité, peut-être encore trop dans son monde pour réaliser pleinement la situation. Samantha avait pris l'habitude de l'entendre la vouvoyer, ses amis lui avaient expliqué après son kidnapping les raisons de ces « trous de mémoire ». Peut-être était-ce une des raisons pour lesquelles elle en voulait après Silver, son frère, qui savait depuis le début que les gens autour d'elle l'oublieraient, petit à petit, inévitablement. Il s'était tût, comme si le silence allait changer la donne.



Mais Daniel, malgré les aveux oubliés, paraissait occulter chaque évènement dont elle avait fait partie.



En un sens, ce fait là, la peinait plus que le vouvoiement.



-J'J'ai fait un cauchemar ! J'erre juste en espérant trouver le sommeil ! Balbutia-t-elle précipitamment.



Daniel arqua un sourcil et Samantha grimaça :



-Je suis de Twilight aussi !



Le Kazamatsuri ouvrit la bouche, puis la referma, avant d'hocher la tête.



-Ah d'accord.



Il n'y avait vraiment que lui pour accepter si facilement qu'une inconnue –à ses yeux- puisse se faufiler dans leur chalet. Le shiney hunter en convalescence, se remit en position assise sur le canapé, puis il entreprit de reprendre son occupation première et favorite : contempler le vide. Arcéus seul savait ce qui occupait son esprit, et Sam espérait ne jamais avoir un aperçu de ce qui bouillonnait là-dessous.



-Ma sœur…



Elle se retourna.



-Quand elle fait un cauchemar, ma sœur, Fred…Elle va toujours dormir avec l'un de nous…

Marmonna évasivement Daniel.



Pis, il sursauta, et sourit avant de montrer ses paumes ouvertes, avec quelques doigts tendus :



-On est treize dans la famille, elle a l'embarras du choix.



Puis sur ce, il s'en retourna à ses pensées, après s'être étiré et avoir baillé timidement. Il piqua du nez très vite, et Samantha après avoir jeté un coup d'œil à l'horloge murale, le comprit : 4h30 du matin. Son cœur se serra à la pensée d'Eléa, qui devait encore subir des examens puis elle secoua la tête avec véhémence.



-M-Merci pour le conseil.



Elle serra son oreiller contre elle et se mordit les lèvres en retournant dans sa chambre. La main sur la poignée, cependant, elle s'arrêta. Le cœur gros, le cerveau brouillé par les images peuplant cette chambre, où elle avait si souvent été confinée lors de ses crises de manque.



Sans même le réaliser, elle tourna des talons et frappa à la porte d'à côté. Personne ne répondit. Elle entra, les gonds grincèrent, réticents. L'ombre lumineuse se dessina sur le bois, crevant l'obscurité reposante. Les contours d'un lit, et d'un dormeur, se formèrent, non loin, tandis que la silhouette de Samantha auréolée par l'éclat du couloir, lécha les draps.



-Monsieur Yuki ?



Son timbre lui arriva, plus suppliant et inquiet qu'elle ne le désirait. Un ronflement lui répondit. Elle fit un pas en avant.



-J'ai fait un cauchemar…Expliqua-t-elle pauvrement.



Elle s'en voulut, de le réveiller pour si peu, elle n'avait que rarement agit ainsi dans son enfance, avec sa mère adoptive, et c'était, maintenant à presque 18 ans, qu'elle cédait à ses instincts puérils. Bien entendu, elle avait déjà agi de la sorte, pendant sa convalescence, le professeur avait dormi avec elle, chaque soir, la serrant dans ses bras, la protégeant des fantômes de l'addiction naissante. Mais ce temps là était révolu.



Samantha effleura du bout des doigts sa cicatrice sur son cou, lacérée, de larges sillons, jamais totalement refermée, toujours recouvert d'une sorte de croûte perpétuelle : la marque de sa faiblesse. Elle gardait la mauvaise manie d'y plonger ses ongles, en pleine chaire, au moindre moment de panique. Un rappel constant, de ce qu'elle encourait, en cas d'échec, du cauchemar devenu réalité, qui la menaçait toujours dans son dos.



-Je peux…Dormir avec vous ? Gémit-elle.



La forme sous les draps bougea imperceptiblement, et pendant une très courte seconde, Samantha se demanda si elle n'allait pas avoir besoin des cymbales, histoire de les lui enfoncer sur le crâne dans un « BONG » si abrupte que cela le tirerait aussitôt des bras de Morphée. Il était vrai que le professeur n'était jamais facile à réveiller.



Pourtant, ce dernier souleva l'oreiller dans lequel il avait enfui sa tête. Elle ignorait que sa seule voix pouvait tirer Akira du plus profond des sommeils. Il lui adressa une œillade. Noire, lasse, fatiguée. Bref, qui signifiait « Tu sais quelle heure il est bordel ? ». Si le diable avait une expression, cela devait être celle-là, sans aucun doute.



Samantha vacilla, recula, et balbutia :



-Hum. Oui je vous dérange, j'aurais du m'en douter. Désolée. Je m'en vais. C'était bête comme idée !



Elle fit volte-face, le cœur au bord des lèvres, à cause du rejet, à cause des mauvais songes patientant pour elle dans sa chambre, à cause de l'épuisement…Quand une masse lui heurta le dos. Elle trébucha, et avisa le traversin qu'on venait de lui lancer.



Elle le ramassa et regarda Akira. Celui-ci s'était recroquevillé dans son lit, la tête dans les draps et maugréa quelque chose comme :



-Prendçametleentrenousetdoroùtutveuxmaislaissemoidormir.



Samantha sentit l'air inonder ses poumons, elle s'approcha doucement du lit double, avec un sourire ravi, et plaça ses affaires, son oreiller, et la séparation duveteuse. Elle se glissa sous les draps, rougissante, et la couverture montée jusqu'au nez, elle murmura, émue :



-Merci.



Akira maugréa, et il lui jeta à nouveau un coup d'œil, les prunelles cernées, le visage râleur, puis il s'attendrit. Il passa simplement sa main sous la séparation et la lui tendit. Samantha sourit, et la serra entre les siennes. Puis, elle ferma les yeux. Sereine. Yuki grimaça de l'autre côté, le cœur battant la chamade, et sa conscience assaillant son crâne. Néanmoins, la chaleur de la minuscule main de Sam dans la sienne, son souffle régulier caressant sa peau, la certitude de la voir en paix, le doux chatouillis de ces cheveux, son odeur de propreté…Tout cela, hanta ses rêves, sans le moindre remord.



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Daniel somnolait. Luttait plus exactement, contre le spectre du sommeil. Il piquait du nez, et le relevait aussitôt, un peu plus épuisé à chaque échec. Pourtant il s'imposait cette garde. Eléanore ne rentrerait pas toute seule. Il savait que c'était bête, comme idée, mais, Lucas lui avait souvent répété combien il appréciait ce fait chez lui : la solidarité : l'accueil, même en pleine tempête. L'étreinte de bienvenue.

Ramoloss bougea à ses pieds, et Riolu grogna contre Flobio, il les caressa, absent, pour calmer leur songe, quand enfin, la porte d'entrée s'ouvrit. Eléanore entra, sans un bruit, enleva son manteau d'un geste las, pour le balancer quelque part dans l'entrée. Elle posa la pokéball du Gallame que lui avait prêté Lucas pour le voyage, sur la soucoupe du comptoir de la cuisine, là où trainait un peu de tout, à un peu tout le monde.



L'adolescente se dirigeait vers le canapé quand elle le remarqua. Elle s'arrêta une seconde, plissa les yeux, se les frotta, puis arqua finalement un sourcil.



-Danny ? Bafouilla-t-elle, peu sûre d'elle.



Daniel se leva, et se gratta la joue, mal assuré :



-J'voulais t'attendre. Justifia-t-il.



La frimousse fatiguée d'Eléa s'illumina une brève seconde et elle lui envoya un sourire mélancolique, empli de tendresse et de tristesse à la fois.



-Merci. Murmura-t-elle.



Elle fit les quelques pas qui les séparait encore, et se laissa choir contre lui, la tête au creux de son cou. Un soupir las lui échappa. Daniel passa un bras autour de sa taille, et la serra contre lui.



-Je te ramène dans ta chambre ? Proposa-t-il doucement.



Eléanore hocha simplement de la tête, et l'étreignit à son tour, comme un koala. Tranquillement, le garçon la soutint, mit une couverture sur ses Pokémon endormis dans le salon, loin du couffin des autres –près de la cheminée- et se retira.



Elle était plus lourde que dans son souvenir ; ou alors il était plus fatigué qu'il ne l'estimait, en tout cas, titubant à moitié sous son poids, il l'emmena dans sa chambre, et ouvrit la porte du bout de son pied faible.

Le chemin jusqu'au lit se fit plus rapidement, il s'y affala avec elle sans ménagement, emporté, totalement déséquilibré à cause de son articulation fragile.



Eléanore ricana, roula sur le côté, et toucha son oreiller, pour caresser –il le savait- du bout des doigts, les pokéball cachées dans la taie. Puis, elle se retourna mollement, juste la tête vers lui, comme si le reste de son corps, était trop épuisé pour suivre le mouvement. Daniel souffla un peu, puis rougit.



-Bon, je vais te laisser alors, bonne nuit.



Il prit appuie, et se releva, mais une main agrippa sa manche. Eléanore le contemplait, gravement, et telle une gamine, elle lui demanda timidement :



-Tu peux rester avec moi cette nuit ?



Daniel tressaillit, mais la prise de sa petite amie s'affermit sur son habit, alors qu'elle murmurait, le timbre étranglé :



-S'il te plait.



Il l'admira une seconde, juste là, les cheveux défaits, allongée sur le matelas, et le regard brillant. Ses pensées s'emmêlèrent. Il balbutia :



-Tu as peur de faire des cauchemars ?



Le souvenir fugace d'une ombre dans son attente, lui avouant ces problèmes nocturnes, lui revint, et il hocha gravement du chef. Il se mit à quatre patte et inspecta le dessous du lit, avant de remonter, de croiser les bras sur la couverture et de regarder Eléa au même niveau :



-Il n'y a pas de monstre en dessous, ne t'inquiète pas.



Il sourit. Eléanore lui envoya une œillade blasée. Il se mordit la lèvre. D'un mouvement lourd, il s'allongea sur le lit à côté d'elle et elle lui enserra la taille, pour poser sa tête sur ses genoux, piteusement. Il lui caressa les cheveux.



-Tu es triste ? Souffla-t-il. –Il y a eu un problème avec les tests ?



Eléanore se tût, mais elle leva la tête vers lui, puis se plaça sur ses coudes, avant de venir poser un rapide baiser sur ses lèvres. Daniel se laissa chavirer en arrière ; simplement, tendrement. Il contempla Eléanore au dessus de lui, qui lui souriait leur deux nez se frôlant, se cherchant encore, dans une éternelle caresse.



Il ne pouvait pas dire véritablement qu'elle était belle, sa frimousse était bien trop rond, mutin, son nez rond, aplati, se voyait sans cesse froissé sous une petite ride moqueuse, quand il passait ses doigts dans sa chevelure, irrémédiablement, il y rencontrait des nœuds et quelques obstacles rêches. Pourtant…Pourtant…



Il plongea son regard dans celui d'espérance d'Eléa, comme il l'avait aimé à leur première rencontre, deux émeraudes, profondes, dans lesquelles il aimait se perdre. De nouveau il se laissa emporter. Elle lui sourit avant de presser leurs lèvres. Et bien plus encore.



Leurs mains se joignirent dans une étreinte. Les draps s'étirèrent.



Daniel la repoussa doucement, écarlate, réalisant ce qui viendrait par la suite. Il se releva et s'assit sur le bord du lit. Eléanore posa sa tête sur son dos, et son poing se crispa sur un pli du t-shit de son petit ami.



-Je te l'ai déjà dit, Danny, on peut aller plus loin. Tu peux avoir les mains baladeuses, tu peux…Tu peux.



Les battements de cœurs de Daniel s'accélèrent, trop précipitamment. Il l'entendit pouffer, l'oreille pressée contre son omoplate, elle percevait son trouble. Il n'y avait qu'elle pour lui causer de telles sensations, réalisa-t-i, hagard, dans une lueur objective. De cette même illumination naquit un autre embarras, et il serra mordit les lèvres, honteux.



-Qu'est-ce qu'il y a ? Souffla Eléa.

-Je vais te faire du mal.



Danny détourna les yeux, et admira ses mains, tremblantes malgré lui. Il serra les poings et plissa les yeux, écarlate. Les idées confuses. Il songeait à son rêve, à celui où elle mourrait par sa faute il pensait à son père, à sa relation avec sa mère, chaotique, vaine, aux pleurs de Lyndis, à son envie de sangloter avec elle ce jour là. Il songeait à ce qu'il savait sur les premières fois, à ce qu'ils disaient tous sur lui. Un psychopathe.



Que ferait-il, si jamais il ne ressentait rien, finalement ? Si jamais Eléanore souffrait par sa faute ?



Il secoua la tête, mal à l'aise. Toutes les interrogations qui envahissaient son esprit dès qu'il s'agissait de franchir le moindre seuil, de s'impliquer avec un autre.



Non, tout était mieux comme cela. Que tout reste tel quel.



Il s'apprêtait à se retirer, quand deux bras lui enserrèrent le cou, désespérément.



-Tu ne me feras jamais mal Daniel.



Deux mains lui encadrèrent le visage et l'obligèrent à faire face à la frimousse d'Eléanore. Elle lui envoya une expression sévère :



-Et ne me crois pas si faible, je suis plus forte que ça.



Daniel se crispa, et sa prise se serra les plis de son pantalon.

Il savait. Des deux, la plus forte, avait toujours été elle.



-J'ai peut-être peur finalement... Avoua-t-il, la voix serrée.



Il attrapa la main d'Eléa.



-Peur de ce que je pourrais te faire, peur de ce que…



Il ne prononça plus un mot. Eléanore se détacha de lui, et son souffle effleura ses joues écarlates.



-J'ai peur aussi Danny.



Elle lui remit une mèche en place, et lui sourit :



-Peur de faire une bêtise, peur de ce que cela changera entre nous, peur de le faire jusque parce que je suis fatiguée, inquiète…Peur de ta réaction…Peur de pleins de choses. Mais…A deux, la peur est moins forte.



Lentement, elle lui saisit le poigné et le guida jusqu'à sa poitrine, jusqu'à son sein, sans pudeur, sans hésitation.



-Sent, mon cœur aussi il bat fort ! Ricana-t-elle. –On va peut-être faire une grosse bêtise.



Daniel arqua un sourcil, et encore une fois ses joues s'empourprèrent. Eléanore lui sourit timidement.



-C'est avec toi que je veux faire cette bêtise Danny. C'est avec toi que je veux avoir peur. Laissons-nous une chance, laisse-toi une chance, avant de te juger.



Elle haussa les épaules.



-On dit bien, innocent jusqu'à preuve du contraire, n'est-ce pas ?



Elle rit devant l'embarras de son petit ami.



-Bon d'accord, innocent c'est pas vraiment le terme adapté ici. Mais tu vois ce que je veux dire !



Mal assuré, il posa ses mains sur les épaules d'Eléanore, et lui accorda un regard inquiet, aussi rouge qu'une tomate.



-…Je…veux bien rester avec toi cette nuit. Bredouilla-t-il finalement, les mots raclant sa gorge tant il craignait en l'avenir, comme si pressentant les évènements, ils ne sortaient que réticents, désolés.



Eléa lui sourit, et elle l'étreignit tendrement pour lui murmurer compatissante, rassurante :



-Tu ne peux pas me faire plus mal que je ne me le fais déjà Danny.



Elle l'embrassa de nouveau, et cette fois, Daniel la laissa faire quand ils basculèrent en arrière.



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Samantha se réveilla d'un sommeil dépourvu de rêve, de cauchemar, ou même d'émotion. Juste un sommeil de plomb, révélateur, ou rien n'avait put l'atteindre. Pourtant, contrairement aux dernières années, où elle se relevait, s'habillait mécaniquement, pour partir s'entraîner, elle resta, pensive, allongée dans les draps.



La main de Yuki, à la prise lâche, tenait toujours la sienne sous le traversin. Elle l'observa longuement, ce lien entre eux, chaud et doux, discret. Puis elle contempla sa silhouette, par delà le mur de coton, le mouvement de son flanc serein, allant et venant, de bas en haut, dans les brumes de l'inconscience. Dans un mouvement curieux, elle se redressa et jeta un coup d'œil par delà l'interdiction.



Elle sentit l'émotion poindre face à cette frimousse sereine, indifférente à sa présence. Elle adorait le regarder dormir, et heureusement pour elle, il le faisait souvent. C'était peut-être stupide, mais elle avait l'impression, quelques fois, que cette vision n'était qu'à elle. Ce qui était particulièrement faux car le professeur pouvait s'endormir n'importe où, elle faisait bien évidemment un rappel de l'évènement mémorable où il avait pioncé sur un balai. Néanmoins…Se rassurait-elle comme elle le pouvait :



Personne ne pouvait voir Yuki avec ses yeux à elle.



Elle esquissa un mouvement, espérant caresser le pourtour des yeux de son enseignant, marqué par le déclin, puis se ravisa. Rouge.



D'un bond, elle sauta du lit, récupéra ses affaires, et pokéball, et se dirigea vers le salon. Lucas se trouvait déjà là, il préparait le petit-déjeuner, une omelette. Il lui offrit un sourire auquel elle répondit d'un hochement de tête. Elle permit à son équipe de sortir, et ouvrit la porte vitrée donnant sur le balcon, pour relâcher les plus gros. Léviathor alla directement nager dans le lac. Comme à son habitude. Et comme d'habitude, dès qu'elle rentra, le Capumain de Gold lui sauta sur la tête et entreprit copieusement de lui chercher des poux, littéralement.



- Lui aussi il a le droit de déjeuner ! Plaisanta Lucas en l'entendant grogner, alors qu'elle tentait de le faire descendre.

-Dit tout de suite que j'ai des poux ! Maugréa-t-elle en prenant le petit singe par la taille et en le posant sur la table basse. La créature violette ne l'entendit pas de cette oreille et il s'accrocha à sa taille, en ricanant, enroulant sa troisième fermement sur ses hanches.



Sam roula des yeux aux ciels et décida de l'ignorer : il finirait bien par se lasser, et sinon, Poussi, ou plutôt Brasergali, finirait bien par l'en déloger.



Elle commença donc à mettre la table, et Lucas lui posa la première assiette.



-C'est marrant de te voir la première levée.

-Ouais, mais c'est normal, c'est soit moi, soit Daniel qui portions Eléa quand elle pouvait plus marcher, donc fallait bien se lever en même temps qu'elle, sinon…Puis c'était plus souvent moi que Daniel, comme il était pas souvent là et que j'ai pris l'habitude de m'entrainer le matin comme Eléa....



Lucas sourit de nouveau.



-Ca fait du bien de la voir marcher à nouveau. Constata-t-il.



Samantha sourit. C'était peut-être, la millième fois qu'ils abordaient le sujet, et pourtant l'émotion continuait à poindre puis à exploser tel un feu d'artifice dans son ventre. Admirer leur ami dépérir pendant trois longues années, la voir peiner pour respirer, s'effondrer en plein milieu d'une phrase, n'être même plus capable d'être autonome, avait été plus pénible que n'importe quel match. Voir ce calvaire disparaitre, Eléa reprendre du souffle, de la vie, valait bien quelques répétitions.



-D'ailleurs, elle est pas levée ? Demanda-t-il, d'un coup.



Sam sursauta, et déglutit.



Oups. Elle avait oublié d'aller vérifier.



-Bah, en même temps, hier, je me suis réveillée vers les 3-4 heures, et elle était toujours pas rentrée, Daniel l'attendait toujours dans le salon…Elle doit être fatiguée. Bafouilla-t-elle.

-Daniel s'est couché à plus de 4 heures du matin ? Répéta tremblant Lucas.



Il y eut un silence tendu entre eux, et leurs sourires figés s'effacèrent brusquement.



Lucas éteignit le gaz, et partit en toute hâte vers la chambre de Daniel, et Sam abandonna son repas pour se ruer vers celle d'Eléanore. Parce qu'ils savaient tout deux ce qu'impliquait une overdose de sommeil chez l'un et chez l'autre. Pour Eléa, cela signifiait une mauvaise humeur harassante qui s'accompagnait de « j'ai gâché toute une demi-journée ! ». Pour Daniel, attitude toute aussi impressionnante, entraînait un mode légume pendant plus de douze heures.



Ce ne fut que quelques minutes plus tard, une fois les deux pieds plantés sur le parquet de la pièce attribuée à Eléa, que Samantha se fit la réflexion qu'elle aurait du toquer. Elle écarquilla des yeux une seconde, et sa bouche émit un son, semblable à un couinement.



Elle en sortit précipitamment et ferma la porte derrière elle, écarlate.



Elle aurait vraiment du toquer.



Ce qu'elle avait vu devait rester secret. Ce qui se passait dans la chambre, restait dans la chambre. Elle était l'amie d'Eléa, sa confidente et en tant que telle, elle garderait vaillamment ses secrets.



Samantha trépigna, peu remise du choc, se répétant mentalement ses propres promesses.



Elle ne dirait rien. Rien du tout.



Lucas passa dans le couloir et lui adressa :



-Daniel n'est pas dans sa chambre, je vais voir dans celle de Gabriel.



Elle ne dirait rien. Que dalle, Niet, Nada.



-C'est bizarre d'habitude Gabriel va dans sa chambre pas l'inverse.



Rien du tout. RIEN. Elle était l'amie d'Eléanore. La Confidente. Pas une petite cafteuse commère. On pouvait compter sur elle pour garder des secrets.



-Peut-être qu'il est dans la chambre d'Eléa aussi ! Ils dorment souvent tous les deux. S'exclama Lucas, dans une illumination.



Ri…Oh et puis flût !



-DanieletEléasontdanslamêmechambreetilsn'ontpasfaitquedormir. Débita-t-elle d'un trait.



Voilà, elle était une commère, c'était moche, c'était bas et mesquin. Mais ça faisait du bien. Garder ce secret une seconde de plus l'aurait étranglée. Elle n'était pas forte pour conserver les secrets des autres, les siens déjà pesaient bien trop sur ses épaules. Tant pis, elle était l'amie, pas la confidente.



Lucas s'arrêta une seconde. Plus d'une seconde en fait. Il resta là, ahuri, les yeux grands ouverts, et ce ne fut que quand il pencha la tête sur le côté, sans émettre le moindre son, que Sam envisagea la possibilité –infime- qu'il ait un bug.



Compatissante, elle passa son bras autour de lui et l'emmena plus loin, avec patience. C'est bon, ça lui passerait. Elle ne réalisa l'absence de Capumain, qu'une fois de retour dans le salon. Et ne prit conscience de son erreur que quand le hurlement strident -d'Eléanore- Réveilla la moitié du chalet, quelques minutes plus tard.



Ainsi, débuta cette journée, à 7h45 seulement. Cela s'annonçait merveilleux.



Etonnamment ; tout le groupe ne fut pas mis au courant immédiatement, merci Morphée, dieu capable de lobotomiser l'être le plus intelligent, chaque matin avant de lui rendre sa matière grise, une fois le café passé.



Néanmoins, l'état des deux concernés laissaient perplexes. Si Eléa agit presque normalement –si on oubliait le fait qu'elle était sortie de sa chambre en trainant capumain par la queue, avait ouvert la porte fenêtre, et avait joué au lancer de poids en l'éjectant littéralement loin d'ici.



SI on omettait aussi les cernes qui saillaient sous ses prunelles, et qu'on jugeait plutôt sur la façon dont elle s'était assise à table et avait attendu à manger – elle était parfaitement normale. Daniel beaucoup moins, il s'était levé, habillé, et s'était dirigé vers le canapé, des valises sous les yeux. Il s'était simplement assis, et n'avait plus bougé, en pleine réflexion.



Samantha se fit la simple remarque, qu'il était plus que probable, que s'il continuait comme ça, comme dans son cauchemar, il se mangerait une attaque électrique de Pilou, ordonnée par une Eléa furieuse.



Elle commençait sincèrement à s'inquiéter, quand Lucas finit par abandonner les fourneaux, et à venir s'asseoir près de son ami d'enfance, pour discuter – ou plutôt monologuer parce que le Kaza se contentait d'hocher la tête, et encore, rarement-.



Alors, pendant que un à un, les occupants de la demeure trainaient leurs carcasses disloqués par la fatigue, elle se fit une étrange réflexion en voyant Lucas et Daniel se confier l'un à l'autre, alors qu'Eléa leur tournait le dos.



L'amour ne surpasserait jamais l'amitié. Il s'agissait de deux sentiments totalement différents, aux enjeux et qualités distincts. La passion empêchait certaines confessions franches, qui recouvraient de sable le feu que l'on peinait à entretenir. L'amour pouvait être éphémère, comme éternel, l'amitié de même. Mais là où le désir et l'émotion s'éteignait, les liens perduraient.



Samantha ignorait véritablement lequel surclassait l'autre, mais dans son cœur, elle préférait se voir entourer, de compagnons tels que Lucas, Eléa, ou Danny, plutôt que de voir son monde restreint à une seule relation amoureuse.



Encore une fois, peut-être suffisait-il de savoir doser, trouver l'équilibre. Comprendre comment à la fois gérer les confidences entre amis, et les échanges entre amants.



Elle réalisa alors pleinement le chemin parcourut depuis le début de son voyage, où sson seul rêve d'avenir était de devenir madame Yuki, la grande championne d'arène.



-Hey…Saaam….grommela Eléa devant elle.



Cette dernière sursauta, et se remémora les évènements de la veille.



-Coucou ! Alors ça s'est bien passé hier ?



Cette dernière fit la moue, puis, un minuscule sourire apparut au coin de ses lèvres,



Samantha comprit, qu'elle désirait garder pour elle, et elle seule, ce souvenir. Et elle se tût. Lui déposant une assiette devant elle.



-Encore des oeuuufs ? Mais j'en ai marre des œufs !



Samantha tiqua et se retourna pour planter son regard dans celui d'Eléa :



-Si t'es pas contente retourne te coucher !



Et là Daniel devint écarlate et planta sa tête dans ses genoux, sous les regards interrogateurs de toutes les personnes présentes.



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Il y avait un membre du groupe qui n'avait pas été réveillé par le hurlement d'Eléanore. Gabriel. A la suite d'une petite incommodité que chaque gamin doit subir un jour, un cauchemar. Et donc, en bon enfant de treize ans, un nouveau cri secoua le chalet, précisément à neuf heure trente.



-DANNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNYYYYYY !



Et à la suite de cette explosion de décibels, Silver dans la cuisine devant sa tasse de café, maugréa un :



-Putaiiiin.



Avant de se planter la tête dans un coussin. Comme la plupart des gamins tirés de leur sommeil réparateurs bien trop tôt à leur gout. Beaucoup de grognements le reprirent en concert, dont la plupart provenait de…De Gold. Apparemment Yuki était toujours bien dans les bras de Morphée, malgré le bruit. Ce type était trop fort.



Et il y en avait un autre qui était trop fort, c'était Danny qui n'avait même pas cillé après le hurlement de son frère cadet. Lucas était déjà étonné de ce fait là, parce qu'il avait eu tellement la trouille sur le coup, qu'il avait mis un peu trop de force dans la main qui tenait la poële…Et que la crêpe qu'il préparait –pour la princesse Eléa qui n'aimait pas les œufs- avait volé dans les airs pour se faire dévorer par un…Emolga ?!



Qui avait un Emolga ici déjà ?



L'écureuil repartit par la fenêtre ouverte.

Ah. Il faudrait penser à la refermer celle-là, déjà deux Pokémons défenestrés en moins de deux heures, ça commençait à faire beaucoup…



Bref, tout ça pour revenir au fait, que quelques secondes après, le hurlement –insérez ici le bruit de tonnerre en arrière fond sonore- Non il n'avait pas glapit en imaginant seulement le son de la foudre pour donner un effet dramatique au mot !- L'incroyable se produisit.



Gabriel déboula dans la pièce, le pyjama à moitié défait, la chemise déboutonné et une pantoufle, disparut, gisant sur son champ de course, mais surtout, surtout, décoiffé.



C'était une mèche rebelle qui pointait vers le plafond ? Une mèche, comme celle qu'avait Daniel ? Toute tordue et alambiquée ?



Lucas ouvrit la bouche et la referma, coi.



Gabriel de toute évidence avait oublié qu'il se tenait dans le chalet, devant des gens, ce qui arrive, après les cauchemars, et déboussolé il bafouilla devant son frère aîné :



-J'ai…je…



Il devait être vraiment déboussolé car il ne parvenait vraiment pas à faire une phrase correcte et communiquait par grands gestes précipités et décousus.



Puis là, Gabriel se remémora qu'il se donnait en spectacle. Peut-être grâce à son Nosferapti qui lui ramena gentiment sa pantoufle, ou peut-être parce que Cristal venait d'éclater de rire dans son dos…En tout cas il piqua un fard, et marmonna, faiblement :



-J'ai fait un cauchemar.



Avec une moue penaude qui aurait fait kyatiser sa mère. Mais c'est à cet instant, que l'horreur se produisit, l'impensable, la fin du monde : L'APOCALYPSE. Daniel leva les yeux vers son frère, le toisa de son regard vide et halluciné du matin –et plus encore de CE matin- et rétorqua :



-Ca doit être la nuit des cauchemars vous vous y mettez tous.



Daniel venait d'user de réparti ! LUI ! LUI !



Une nouvelle crêpe vola dans les airs et s'écrasa sur la table basse du salon devant les mines ébahis de tous les adolescents réveillés.



Un long silence s'imposa, tendu, on aurait presque pu entendre une mouche volée, jusqu'au moment où Nathaniel s'invita dans le séjour et s'écria, taquin –et surtout au courant comme par magie de tous les évènements- :



-Gabrielle tu viens de te faire baiser comme on dit !



Daniel remit sa tête entre ses genoux écarlate. La réparti n'avait pas duré longtemps. Et Nathaniel trouva un nouveau jeu, qu'il jugea trèèèèèèèèèèèès amusant si on se fiait à son sourire mesquin du moment.



-Bisous ! Calins ! Crac-Crac ! Hurla-t-il alternativement.



Daniel devint au fur et à mesure plus efficace que la guirlande de Noël toujours accrochée à la poutre principale. (Seul Chris avait réussi à l'accrocher et personne ne savait, ni ne voulait, savoir comment il avait réussi à aller jusqu'en haut dans une soirée beuverie).



Gabriel admira son frère se transformer en guirlande, et il perdit peu à peu de sa patience. Les spectateurs un peu dubitatifs face à cette matinée qui décidément commençait comme un cirque, le virent virer du rouge de frustrations, les larmes aux yeux, à la tête du gamin furieux. Puis l'explosion, la troisième, se produisit :



-PUISQUE C'EST CA J'VAIS VOIR QUELQU'UN D'AUTRE DE PLUS COMPREHENSIF QUE TOI !



Puis il tourna des talons, toujours en pyjama, ses Pokémons le suivant essayant de récupérer les affaires que laissait tomber leur dresseur sur son chemin, quand Nathaniel commenta :



-Elle doit avoir ses ragnagna !



Daniel tomba au trente-sixième dessous et Gabriel piqua un fard avant de partir en courant. Après un moment de silence, où Eléa admira très perplexe le bazar, il y eut deux conclusions.



-C'est pas ma faute.



Et Eléa s'en retourna à manger ses œufs aux plats en attendant une crêpe qui ne passerait pas par la fenêtre –ce n'était pas gagné-.



-J'ai mal à la tête de plus en plus tôt en ce moment moi.



Inutile de préciser que cette remarque provenait de Silver, accablé. Samantha passa une main dans sa chevelure et soupira de fatigue : elle aussi, si ça continuait, elle allait souffrir de maux de crâne. Comme pour lui donner raison, une porte claqua dans le couloir et la voix de Yuki rugit :



-C'EST PAS BIENTOT FINI CE BORDEL ? RESPECTEZ LE SOMMEIL DES AUTRES J'VEUX PAS DEVENIR INSOMNIAQUE A CAUSE DE MORPIONS MAL LUNES !



Daniel remit sa tête dans ses genoux.



Cette fois Sam ne vit pas le rapport. Mais ça y est : elle avait mal au crâne.



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Gabriel traversa tout le Qg à pied, sans se soucier de la boue ou du froid, voire même de ses Pokémons essayant de le rattraper. Il fulminait. Plus encore, quand une fois devant le « repaire Rose » de Chris et Angie il trouva le mot « On est allé voir notre fifille rousse ! On revient ! ».



La fifille rousse ne pouvant être que Silver ou Makanie…Gabriel fit demi-tour encore plus rageur. Mais plus il avançait, plus la colère s'estompait, et la bise glaciale de l'aurore lui piquait les yeux. Il finit par s'arrêter en plein milieu du chemin, réalisant sa tenue, frigorifié, et surtout secoué de hoquets.



D'habitude Daniel le prenait toujours dans ses bras quand il cauchemardait. Ou sa mère était là, ou ses frères et sœurs…Même cette idiote et maladroite de Fred –la seule de la fratrie à dormir dans uen chambre individuelle tant tout le monde redoutait sa poisse légendaire- lui manquait dans ces instants là. N'importe qui aurait put faire l'affaire, il avait juste besoin d'une personne plus compatissante que son censuré de père biologique.



Il ralentissait déjà énormément et s'apprêtait à rebrousser chemin, quand une main se posa sur son épaule.



Gabriel sursauta et renifla –à sa grande honte- au contact, le visage inquiet d'Aaron le maître du conseil des 4 de Sinnoh apparut par-dessus son épaule. Il fronça les sourcils, soucieux, et lui envoya gentiment :



-Un problème petit… ?



Gabriel eut un moment de blanc, une ridiculement petite hésitation, puis les mauvaises habitudes revinrent au galop.



-Oui, un pédophile aux cheveux verts vient de m'accoster.



Seulement Aaron ne cilla pas –il devait faire parti des gens capable de tout prendre du bon côté, les bonnes poires selon le vocabulaire de Gabriel. Au contraire le champion des insectes s'agenouilla légèrement pour être à son niveau et lui rétorqua la pire des bêtises que Gabriel ait entendu depuis…La veille –et oui il habitait avec quand même pas mal d'adolescents et jeunes adultes assez farfelus :



-Tu veux des fraises ?



Aurait-il touché en plein cœur en le traitant de pédophile ?



-Tu vois, Makanie –ma future femmemamantropmimi, ajouta-t-il dans un sourire niais- m'en a demandé mais je crois que j'en ai trop pris.



Il lui proposa son panier rempli de fraises –allez savoir jusqu'où il était allé pour en avoir en cette saison-

Et soudain il écarquilla des yeux.



-Mais j'y pense ! Vient avec moi ! SI tu pleures il te faut une maman ! Et j'en ai une future maman !



Gabriel n'eut même pas le temps de dire ouf, et son nosferapti vert ne put même pas se poser sur le haut de son crâne, qu'ils étaient déjà tous les deux entraînés par le maître. Ils déambulèrent, dansant d'un pied sur l'autre pour suivre –d'une aile à une autre pour le Pokémon- jusqu'à arriver à un autre chalet. Celui-là était beaucoup plus proche du centre du QG, et donc du bureau de Peter.



Sans préavis, Aaron l'emmena dans le vestibule puis ils montèrent les escaliers.



Sûrement, voir le célèbre Lucio, réputé pour son calme, sa patience, son sang-froid, se taper la tête contre une poutre, aurait du leur mettre la puce à l'oreille. Mais Aaron passa devant son collègue en lui envoyant un joyeux « Saluuut je suis revenu » très naturel. Seul le « PONG » présageant une belle bosse, répondit à son salut.



Aaron était-il aveugle ou stupide ? Se demanda Gabriel.



Arrivé au deuxième étage, ce furent les applaudissements et les rires, entrecoupés de cris à moitié chantonnés –et faux- qui écrasèrent l'ambiance.



-Oulàlà c'est joyeux ici ! S'enthousiasma le champion.



D'accord, il était également sourd ou stupide.

Non juste stupide, décida Gabriel de mauvaise humeur.



Enfin ils posèrent un pied dans le salon du troisième étage. Gabriel, aussi jeune fût-il, croyait avoir déjà vu beaucoup en matière de « Bordel ». Après tout il venait d'une famille trop nombreuse, qui en plus se plaisait à faire garderie pour Azuria, mais également parce qu'il vivait avec le groupe comprenant Eléanore Sarl et Samantha Joëlle. Il avait été présomptueux.



Sur la table basse Makanie et Marion se tenaient, bras dessus bras dessous, faisant tournoyer leurs manteaux, toutes deux en habits plutôt courts –haut débardeur et mini-jupe- ce qui chez l'une d'elle, avec un ventre assez lourd portant un bébé après tout, rendait le tout assez laid. Mais qu'à cela ne tienne, elles s'en fichaient toutes deux et tournoyaient en hurlant.



A côté Christopher scandait, tel un supporter dans un pokéathlon, accompagné par une Angèle, en pompomgirl rose et surtout, surtout, un Marc –le champion de la ligue Hoenn- dans exactement le même costume.



Gabriel croyait être traumatisé à vie, quand il vit Pierre Steven Rochard, l'héritier de la devon, en caleçon sur un banc, en train d'examiner un appareil électrique tout en lorgnant sur une pile de bonbons, faisant la moue…A côté d'un Adrien aux cheveux attachés en deux couettes, ce qui avec sa tignasses bouclés, naturellement en boule disco…



Le cadet des Kazamatsuri frissonna, et attrapa son nosferapti comme un doudou, blême : il avait besoin de soutien avant de s'aventurer dans cette antre démoniaque !



-Y-EN A MARRE DES MECS ! S'écrièrent Marion et Makanie d'une même voix. Bientôt approuvée par Angèle.



Le plus effrayant fut de voir Aaron, Christopher approuver d'un « OUAIIIIS » zombiphique.



Quoique voir Marc et l'héritier Devon faire un « Ooooh noooon ! » piteux atteignait presque le niveau.



Adrien se mit à se taper la tête contre la table, comme son collègue Lucio, deux étages plus bas, et une Cynthia sortie de nulle part- en pyjama aux motifs de millobelus- et bailla un « Fascinant ». Savait-elle seulement ce qui se jouait ?



Remarque Gabriel non plus ignorait ce qui se jouait ici.



-Y-EN A MARRE DE FAIRE DES EFFORTS POUR CES BULBIZARRES ! Continuèrent les filles.

-OH ELLE EST MOCHE LA COMPARAISOOON ! Gémit Marc.

-Y-EN A MARRE DE PAYER DES MILLES ET DES CENTS POUR DE LA LINGERIES JOLIES ALORS QU'EUX PAYENT SEULEMENT POUR UN CALECON MOCHE PAS CHER EN PLUS QU ILS NE LAVENT MEME PAS EUX MEME ! Commença Makanie.

-OUAIIIIS ! Approuvèrent Marion, Chris, Angie, Aaron, et Cynthia.

-Vous exagérez quand même…Protesta Adrien, légèrement –mais très légèrement- apeuré.

-Tu sais combien m'a couté mon soutif, plus ma culotte ? 113 pokédollars dans une boutique même pas de marque !



Gabriel hésita à partir se cacher sous la table, ou dans une armoire, comme le fameux soir où tous avait fini saouls. Cela lui semblait être une bonne option.



-Y-EN A MARRE DE DEVOIR PAYER ENCORE PLUS CHER POUR UNE SALOPERIE DE PILULE CHAQUE MOIS ET SURTOUT DE CES IMBECILES DE PHARMACIENS QUI NOUS DONNENT RIEN SANS ORDONNANCE ALORS QUE VOUS VOUS AVEZ DES PRESERVATIFS POUR QUE DALLE ! HOP ENCORE 30 POKEDOLLAR TOUS LES MOIS POUR NOTRE GUEULE ! S'exaspéra Marion.



Steven camoufla un rire, répétant un « queue dalle » ignoble.



-Y-EN A MARRE DES REGLES !



Alors là, cette fois, le commentaire fit l'unanimité, apparemment cela gênait autant les garçons que les filles, l'un pour l'abstinence, l'autre pour les incommodités. Gabriel manqua de s'étrangler sous ses propres constatations. Cette conversation dépassait le rating autorisé là !



-Y-EN A MARRE DES NEUFS MOIS DE GALERE POUR AVOIR UN GOSSE !

-POUR l'ACCOUCHEMENT !

-POUR LES NAUSEES !

-POUR LA GÊNE !

-LES KILOS !



Là était donc le nœud du problème.



-TOUT CA PARCE QUE LES MECS PEUVENT PAS ETRE RAISONNABLES ET METTRE CE QUI LEUR COUTE QUE DALLE !



Steven continua à rigoler et Marc se pencha vers lui avec une œillade inquiète, avant de le priver de ses bonbons. L'héritier Rochard fit une moue de gamin boudeur.



-Y-EN A MARRE DES MECS QUI ENCADRENT PAS L'AVORTEMENT ! QUI JUGENT SANS SAVOIR ! Eclata Makanie.

-Y-EN A MARRE QUE CE SOIT NOUS QUI DEVIONS FAIRE ATTENTION ! Enchaîna Marion.



Et là, Gabriel commit la pire erreur de sa vie, il eut le mauvais réflexe d'étaler sa science :



-Dans certains pays, il y a une pilule pour les mecs, mais notre pays refuse de la commercialiser.



D'abord, ce fut le silence, pesant, abasourdi, de voir un gamin prendre part à leur délire, frôlant le X –surtout du côté de Rochard- Puis brusquement, un cri libérateur, voire révolutionnaire :



-A MORT SOCIETE PATRIARCALE ! VOUS CRAIGNEZ POUR VOS COUILLES MAIS NOS UTERUS VOUS EN AVEZ RIEN A FOUTRE ! HEY VOUS POUVEZ PAS SURVIVRE SANS NOUS ABRUTIS ! DU RESPECT DU RESPECT !



Et hop, Gabriel se retrouva, attrapé par les aisselles, sur la table des filles, comme porter en symbole de leur cause. Tandis que les filles continuaient de hurler leur rage, dans leur élan de féminisme.



C'est à ce moment là, que Peter Lance pénétra dans le salon. D'un seul coup d'un seul, tous bondirent vers leurs places attitrés, les sofas et autres sièges –dont plusieurs se renversèrent sous la surprise. Ainsi le chef de Twilight arriva dans une paix toute mensongère, avec pour seule trace du complot se trafiquant un peu plus tôt : un Gabriel étalé sur la table basse, se demandant encore ce qui venait de se passer.



-Ah…ça va tout le monde ? Balbutia-t-il fatigué.



Sourires crispés chez les filles. Salut compatissant, solidaire chez les mecs. Steven seul lança un :



« Félicitations mon pote ! Enfin une bonne nouvelle ! »



Qui fit arquer un sourcil au concerné. Marion dut envoyer un coup de pied dans le genou du gaffeur –tout héritier qu'il fut- car ce dernier ravala un « OURF » à la suite de sa remarque.



Peter devait être sérieusement épuisé pour ne pas voir les expressions tendues de toutes les personnes dans la pièce. En tout cas, il envoya simplement :



- Je viens de voir Lucio se taper la tête contre le mur quelqu'un devrait l'arrêter…Sinon, Vous pouvez venir, j'aimerai encore faire une réunion…Je veux vraiment envisager toutes les options avant de faire un choix aussi radical…



Les mines conspiratrices devinrent soucieuses, et presque tous se levèrent de leurs sièges –sans se rougir de leurs tenues- pour suivre le « patron ». Peter écarquilla à peine les yeux devant sa petite amie.



-Tu peux m'expli…

-J'avais envie d'être de nouveau mon ancien moi pendant une heure ou deux. Est-ce qu'on pourra se parler après la réunion, j'ai quelque chose à te dire…



Peter dut se voir déjà célibataire à la suite de cette demande car il grimaça, avant d'approuver, morose. Puis ils s'en allèrent. Même Steven en caleçon, Cynthia en pyjama, et Adrien avec ses couettes.



Imperceptiblement, Angie et Christopher encadrèrent Gabriel, chacun observant le drôle de cortège quitter le chalet, traverser l'avenue –provocant quelques sursauts chez des membres matinaux- pour entrer dans le bâtiment principal…



Un long silence suivit cette scène irréaliste, jusqu'à ce que Chris retrouve son cerveau d'homme, et ne demande, babillant :



-Qu'est-ce que vous faites ici monsieur Gabriel ?



Il lui sourit innocemment, trop. Le cadet Kazamatsuri admirait parfois le génie de ces deux énergumènes en informatiques, mais leurs personnalités trop candides et surtout trop lumineuses avaient tendance à pulvériser ses démons noirs de mauvaise humeur. Et ce n'était pas bien ça, quoi qu'on en dise : au moins les gens antipathiques ne se faisaient pas emmerder. Du moins, la plupart du temps, parce que là sa théorie venait d'en prendre un coup.



-Vous êtes réveillé bien tôt ! Vous vouliez qu'on travaille sur la surprise ? hasarda Angèle.



La raison de sa venue revint alors à Gabriel, en même temps qu'un frisson. Oui, c'est vrai, son frère qui l'avait ignoré, son père qui s'était moqué…Et…



-j'aifaituncauchemar.



Avoua-t-il dans un murmure inaudible.



Les deux ex-voleurs restèrent inertes avec leurs sourires patients. Ils le faisaient exprès en plus de ne pas entendre ? Juste pour l'énerver ou le ridiculiser davantage !



-J'ai fait un cauchemar.



Grave erreur. Deuxième de la journée.



-Pauvreee booubooou ! Pépia Angie, avec la voix aussi niaise que celle d'un adulte s'adressant à un bébé.

-Venez-là ! Notre pauvre Bébé ! Maman Angie qu'est-ce qu'on va faiiire ? Enchaîna Chris en prenant Gabby dans ses bras pour une étreinte étouffante.



D'accord, définitivement, ils le prenaient pour un bambin portant encore des couches : comment faisait Silver pour supporter ça ? (Remarque, Gabriel n'avait jamais vu le roux dans sa position actuelle, nul doute qu'il faisait bien trop peur aux deux ex-brigands).



-Dis-nous tooout on est là ! Continuèrent les deux idiots avec compassion.



Gabriel se serait tué plutôt que de l'avouer à haute voix, mais c'était exactement ce dont il avait besoin : des bras pour le réconforter, et des personnes qui se souciaient de cet horrible songe. Est-ce qu'au moins, ils se rendaient compte, qu'instinctivement, ils agissaient au mieux pour réconforter ? Quel étrange et inutile pouvoir. Et pourtant, qui lui gonflait tant le cœur.



-J'ai…J'ai rêvé que j'allais à l'hôpital…



On le transporta jusqu'au sofa, Angie ayant Chris sur les genoux, et Chris portant Gabriel. Ils ignoraient comment tout cela tenait en équilibre, mais cela marchait, puisque le duo envoya au petit des regards encourageant, le poussant à se confier encore.



-J'étais à l'hôpital et…hum…



Gabriel devint tout rouge.



-Il y avait un médecin qui me disait que j'avais mes règles. Que j'étais en fait un androgyne, et qu'on m'avait élevé en garçon par erreur…Que…J'étais aussi une fille. J'ai REVE QUE J'AVAIS DES RAGNAGNA ET QUE NATHANIEL AVAIT RAISON !



Nosferapti tressaillit sous les décibels du cri de son dresseur, et il tourna en rond affolé au dessus de leurs têtes.



Angie et Christopher échangèrent une œillade étonnée.



-Puis ensuite y-avait des couteaux partout et mais c'était des Pokémons qui les tenaient, et ils allaient opérer le chapeau d'Elza !



Il y eut un blanc.



Gabriel sembla réaliser l'absurdité de ses propos car il se mordit la lèvre, et se tourna vers les deux autres pour marmonner :



-Si vous parler à qui que ce soit de tout ça, je vous jure que je fais de vos vies un enfer, plus d'assurance maladie, plus d'identité, le pays vous prendra pour des immigrés et vous renverra dans un continent quelconque emplis de misère.



Angie et Chris ne bougèrent pas, toujours souriants, et pris d'un doute, Gabriel ajouta :



-Et ça vaut, pour le cauchemar, comme pour le délire des filles de toute à l'heure.



Et à la moue de gamins déçus Gabriel sut qu'il l'avait échappé belle. D'un seul coup, il allait mieux : finalement rien ne valait les menaces pour se défouler.



-Donc…Pour votre rêve…A cause de toutes les remarques de votre père ces derniers temps…Vous avez cru et peur d'être comme Chris ? Proposa Angie.



Gabriel tiqua nerveusement et considéra sous un nouveau jour le voleur aux cheveux blancs, aux traits efféminés qui lui souriait.



Quelle foutue journée.



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Eléanore s'étira devant Samantha et celle-ci sourit. Son amie avait l'air d'une humeur tout à fait acceptable compte tenu des évènements.



-Encore des crêpes ! Demanda-t-elle en tendant son assiette à Lucas.

-Encore ?! S'exaspéra ce dernier, occupé à apporter la portion à chaque personne du salon.

-Ouais ! Allez vite mon temps est compté !



Samantha tiqua, mais le sourire d'Eléanore sema le doute dans ses craintes.



-Ca ne marche plus cette excuse ! Ricana Lucas.

-Bouh ! c'est nul ça ! grommela la dresseuse.



Samantha se rasséréna, légèrement. Elle ne remarqua pas que Silver, lui aussi, à la suite de la remarque de la gamine, avait tourné la tête.



-Tu veux qu'on parle toutes les deux ? Proposa-t-elle à son amie.



Elle la vit hésiter.



-Hum. Toi tu as parlé avec tu-sais-qui ?



Samantha pouffa, mais fit non de la tête. Eléanore se balança sur son tabouret, manquant de tomber à la renverse.



-Bon, et bien alors non ! je veux pas qu'on en parle ! Je vais flâner dehors ! Envoya-t-elle avec un rictus taquin. –Fait gaffe, j'serai pas patiente trop longtemps !



Sur ce, elle bondit et se retira vers le hall.



-J'vais m'allongeeeer dans l'herbe sur la colline devant les terraaaaiiins ! Vous savez où me trouvez ! Chantonna-t-elle.



La porte claqua, Daniel rougit de nouveau, et Nathaniel ricana, amusé.



Samantha ravala sa salive, les mots d'Eléa tournoyant en elle, cacophonique. Du temps, elle parlait de manque de temps…Ses doigts se serrèrent convulsivement, et une détermination monta en elle.



« Elle a besoin de temps, alors je vais lui en offrir. »



Forte de sa nouvelle résolution, elle abandonna son assiette sale dans l'évier, et partit au plus profond du chalet. Alors que dans le salon, quelques uns émergeaient enfin du sommeil (cette remarque ne contient pas Yuki qui n'émerge qu'à midi minimum, l'écrivain n'est en rien responsable à son manque d'apparition en cette heure matinale).



-HAN JE VEUUUUUX MOURIR !



Cristal, après son bol de jus de pomme –dans lequel elle trempait ses tartines – beurk-) et son assiette d'omelette, venait d'avoir le choc de sa vie.



Le pain grillé dans le jus de pomme c'est infâme.



Non, plus sérieusement : en contemplant Daniel rougir à chaque fois que son père lui soufflait « Coucher, embrasser » et tout le vocabulaire de la passion, miracle : elle avait compris.



Le livre d'anatomie Pokémon qu'elle traînait partout avec elle depuis qu'elle savait qu'elle était admis dans le programme, chuta sur le sol dans un bruit mât. Bon, cet ouvrage était là plus pour le style que par véritable utilité, elle faisait semblant de le lire pour paraître studieuse, mais quand même, cela montrait bien son état de choc.



-Elle l'a fait avant moi ! J'le crois pas !



Silver recracha sa gorgée dans sa tasse de jus d'orange, écarlate, et Gold fit volte-face vers sa sœur.



-Qu-Quoi ? Bafouilla le rouquin.

-Bah oui c'est évident ! Lança Cristal en ouvrant les bras vers Daniel.



C'est à ce moment là que Nathaniel, jamais las de son nouveau jeu, murmura à son fils rebaptisé en guirlande un autre mot grivois. Silver eut un frisson, ses cheveux se dressant sur sa nuque, et par réflexe, il boucha les oreilles du ptiravi, Celeste, qui flânait sur le canapé.



-Dit pas ça devant la petite !



Ce qui ne manqua pas d'imposer le silence dans le trio. Silver jugea préférable d'abandonner l'innocence du Pokémon pour reconquérir son honneur. Il se redressa et toussota avec embarras, puis croisa les bras avant de marmonner, de mauvaise foi :



-Ca peut très bien être autre chose ! Daniel est un type compliqué.

-Dit le mec le plus compliqué de tous. Rétorqua Cristal, blasé, son frère affichant le même air signifiant « tu te fout de notre gueule là ».



Mais devant la frimousse butée de Silver, Cristal décida de passer aux grands moyens. Avisant Nathaniel elle s'invita dans la conversation à sens unique père-fils.



-Allonger – Au lit – -chantonnait Nath- A poil !

-A POIL COMME ELEA HIER SOIR !



La réponse fut immédiate. Daniel se leva dans un saut, écarlate, et il marcha d'un pas raide loin du salon, trébuchant sur la table basse, pour finalement se prendre la porte d'entrée. Il finit par partir dehors honteux. Nathaniel perdit son nouveau jouet. Et Cristal envoya un sourire victorieux à Silver.



-HuuuH…



Il fut difficile pour Gold d'interpréter le son qui échappa à Silver déchût. De même pour sa mine dégoûtée. Heureusement son adorable sœur le sauva de toutes les tergiversations mentales qui en découlaient.



-L'Ecrémeeeuuh ! Ils sonnnt vachement plus jeunes que nous en plus ! Et moi j'ai jamais embrassé de mec ! A 19 ans c'est trop la honte ! J'vais finir par croiiiire que je suis lesbienneeee ! Et j'aime le yaoi mais pas le yuriiii c'est contre tous mes principes féministes ! Ca sert qu'à exposeeer les nichooons des filleeees !

-Franchement, si tu penses qu'à ça, au lieu d'étudier tu vas te vautrer. Commenta platoniquement Silver.



L'ouvrage de morphologie retrouva sa place dans les mains de Cristal, qui l'envoya aussi sec sur le rouquin. –Qui l'évita avec facilité-



-Toi ta bouche le presque-puceau-pas-volontaire t'as rien à me dire. En plus je peux pas savoir tant que j'ai pas essayé le deux bords !



Silver blêmit, Gold ricana dans son coin, nerveusement. Ce qui ne manqua pas d'attirer les foudres de Cristal sur lui.



-Et toi tu es pire que moi…GRAND Frere de deux ans de plus que moi !

-C'est faux moi j'ai déjà embrassé des filles ! S'offusqua le jeune homme, écarlate.

-Bah alors qu'est-ce que t'attends pour embrasser ta nouvelle cible hein ?

-Tu peux parler toi ! Madame j'encastre les gens dans les murs MEME Quand il y en a pas !

-T'AS PAS LE DROIT DE DIRE CA ALORS QUE T'ES PAS CAPABLE DE CONCLURE !



C'en fut trop pour Silver qui se leva d'un bond en abandonnant la famille querelleuse. Il partit d'un pas furieux vers la salle de bain. Il avait besoin d'une bonne douche, pour se changer les idées, pour être isolé, seul avec ses pensées, sans pour autant se sentir trop solitaire. La cascade perpétuelle des gouttelettes offraient ce genre de sensation.



Une bête rageuse grognait en lui depuis la conversation de Cristal –et par moment Gold. Non, en fait surtout de Gold et de sa « cible ». Lui rappelant sans cesse combien il songeait de manière différente d'eux. Puis il y avait aussi cette histoire entre Eléa et Daniel, qui le titillait. La nuit, franchir le pas. Il n'était pas jaloux, juste…déçu peut-être. Déçu de voir qu'une fille comme Eléanore avait finalement des besoins, des envies, qui le dépassait, et le répugnait même quand il y songeait.



Donc il lui fallait une douche. Absolument. Et réfléchir à ce qu'il allait bien pouvoir faire de sa vie : question obsédante, vrombissant sous son crâne lui causant les pires maux de tête, depuis la fête. Donc au moins un mois.



« Il faudrait que je parte quand même…trouver ma voie. Gold a les Pokémons, il les aime et il est doué avec eux, il peut devenir maître. Quand Twilight le réhabilitera comme être bien vivant… »



L'âpreté de sa défaite sur la route victoire il y avait des années, ou peut-être l'option de se séparer de son ancien lui rival, lui compressa l'estomac.



« Moi je n'aime pas les Pokémons. Je reconnais leurs forces respectives, j'apprécie leur aide, et j'apprécie mon équipe…mais je n'aime pas ces bestioles en général. » Reconnut-il à contre-cœur.



Il se mordit la lèvre inférieure tout en continuant son chemin.



« En fait, je n'aime pas non plus la compagnie des gens, sauf de certains…Comme cette troupe d'abrutis. »



Il s'arrêta et fit face à la réalité, toute nue :



« En fait je n'aime pas grand-chose… »



Il croisa les bras, perdu.



« C'est faux tu aimes bien Gold » Murmura une voix dans sa tête, que sa mauvaise foi envoya valser au loin.



Bon, il était antipathique donc. Dans ce cas, que pouvait-il bien devenir ? Tout ce qu'il savait faire c'était voler, comprendre comment fonctionnait le marché noir, le monde du crime, du dessous. Il n'était même pas certain de savoir aussi bien lire et compter que Gold. Toute son éducation, c'était sa mère et les Sbires de « l'académie » Rocket qui le lui avait prodigué. Tous des personnes mésestimés voire même trop longtemps coupés de la société. Certes, il pouvait vivre parfaitement avec le peu de connaissance qu'il possédait. Mais pouvait-il entrer dans une école sans jamais avoir lu de grande littérature ? Sans savoir résoudre une équation ?



« Je pourrais demander à Chris et Angie de m'apprendre quelques trucs… »



L'image d'un lui compressé, étranglé sous l'étreinte « parentale attendrie » des deux énergumènes s'imposa à lui et lui arracha un frisson d'effroi. Non en agissant de la sorte il ne courrait qu'à mort certaine, que ce soit les ex-voleurs qui la lui donnent par suffocation, ou lui qui ne supporterait pas autant d'amour et d'attention niaises.



« Puis, qu'est-ce que je veux faire d'abord ? Parce qu'avant d'entrer dans une école…Il faut… »



Les maux de crânes reprirent.



« Que je me fasse un passeport…Que l'état me reconnaisse, et pour ça je suis mal barré : soit je passe pour un immigré…Soit j'avoue être le fils d'un grand criminel… »



Des démarches toutes deux longues et humiliantes, mais surtout dangereuses.



« Et il faut déjà aussi que je sache dans quelle école je veux entrer ! Je ne sais même pas ce que je veux. Pourtant il faudra bien que je rentre dans le rang pour mener une vie normale… »



Parfois il se demandait si le quotidien d'un criminel n'était pas plus simple : il comprenait aisément tous les enfants rêvant de devenir maître : c'était une voie facile pour autant qu'on y mettait de la volonté et qu'on appréciait les Pokémon.



Brusquement, une idée germa dans son esprit. Il se remémorait des gamins étudiant sur les routes, des gamins de dix ans, inscrits dans des programmes d'étude par correspondance. Certes, sauf en cas de génie, ce programme durait très longtemps et impliquait que l'enfant parte en voyage initiatique, et prouve tous les mois, qu'il suivait bien toutes les étapes du processus…Mais il se souvenait que cette organisation ne demandait qu'une carte de Dresseur pour s'y inscrire. Il en possédait une : ces petits documents ne contenaient que le prénom, même pas le nom, ainsi qu'un numéro…Bon il l'avait volé à un enfant à son arrivée à Jotho, et l'avait légèrement modifié…Mais sa victime semblait avoir les moyens, elle avait du en recommander une. Lui n'aurait jamais pu l'acquérir autrement.





Silver ne parvint pas à sourire. S'il prenait cette route, cela signifiait qu'il devait véritablement quitter le groupe, Gold…Tous ceux qu'il considérait –bien que réticent- ses amis. Pour recommencer de nouvelles années d'errances, dont il gardait quelques très mauvais souvenirs.



« Mais cette fois, je le fais pour moi, pas pour maman…Et cette fois, je sais beaucoup mieux parler, je saurai me faire comprendre… »



Quand bien même, le goût amer lui restait en travers de la gorge. Agacé, il secoua la tête, et décida de reporter la décision à après sa douche. Après tout, restait encore à déterminer quel genre d'étude il désirait mener. Il arriva finalement devant la salle de bain principale, et tourna la poignée.



Il y a des jours où il vaut mieux rester coucher, comme le dit si souvent Yuki –même si celui-ci risquait de passer sa vie au lit s'il suivait son propre conseil- Cette matinée en était définitivement une.



Quand Silver arriva dans la salle de bain, il y trouva Samantha, agenouillée devant la baignoire, la main plongée dans l'eau, où dansaient lentement de longues volutes sanguines. Un couteau encore écarlate gisait sur le carrelage.



Son cœur s'arrêta.



D'un bond il se précipita vers la baignoire manquant d'y tomber presque tout entier. Il y saisit le bras de sa sœur et l'extirpa du liquide aussi vite qu'il put. Ce ne fut qu'une fois la prise bien en main, qu'il remarqua que la plaie ne striait pas le poignet de la victime mais sa paume ouverte. Ce ne fut que quand Sam se redressa dans un sursaut et le regarda halluciné, pour lui lancer :



-Mais qu'est-ce qui te prends ?



Qu'il remit en doute la thèse du suicide.



En même temps la scène était ambigüe qu'est-ce qu'elle voulait qu'il croie au juste ?



Trempé, les cheveux collants sa peau, ses vêtements alourdissant ses membres, il essaya de balbutier une réponse, puis ravala sa salive et remit en place une mèche gorgée d'eau. Incapable de donner une explication. Voilà, il était ridicule, définitivement.



Samantha fronça les sourcils, le dévisageant, toujours aussi ébahie, puis un éclair de lucidité passa dans ses prunelles, si semblable à celles de son frère.



-Oh.



Oui, oh. Il avait craint le pire. Samantha porta une main à sa bouche, catastrophée, puis, contre toute attente, elle ricana.



-Pourquoi je me serai suicidée au juste ? Bon j'ai quelques baisses de régime, mais quand même pas à ce point ! Puis Eléanore m'en voudrait jusqu'à la fin des temps si j'osais lui faire ça !



Silver se tassa un peu plus, rouge écrevisse.



-Mais alors qu'est-ce que tu foutais comme ça ! Franchement c'est difficile de ne pas imaginer le pire ! Rétorqua-t-il vexé par cette humiliation gratuite.



Samantha parut déstabilisée par la remarque véridique, et elle fit une moue, tout aussi irritée.



-J'avais fermé la porte pour justement qu'on ne me dérange pas !



Silver tiqua : avait-il instinctivement forcé le passage, perdu dans ses songes comme il l'était ? Mauvaise habitude du voleur…Ou Oubli de la part de sa sœur, personne ne saurait jamais la vérité. En tout cas, Samantha se reprit, comme entendant sa propre voix, forte agressive et accusatrice. Elle posa pour la deuxième fois une main sur ses lèvres.



S'en voulait-elle de son ton abrupt ? Il s'y était accoutumé pourtant depuis le temps…



-D-Désolée. Se reprit-elle timidement.



Cette fois, l'ex-voleur n'en crut pas ses oreilles. Pourtant Samantha continua, elle remit une mèche en place –trempée elle aussi, comme celles de son frère- et baissa les yeux.



-Vraiment désolée. Je…



Elle s'interrompit, plissa le nez, comme hésitante, puis releva les yeux pour faire face à son aîné, pour la première fois depuis bien longtemps.



-Je vais te montrer ce que je faisais.



Elle ouvrit la paume, celle dont Silver tenait toujours fermement le bras, pour lui dévoiler une magnifique balafre suitante partant du pouce pour rejoindre la première phalange du petit doigt.



Un bon aîné aurait sûrement demandé comment elle s'était fait une telle entaille, mais Silver était loin d'être le grand frère modèle, et il avait eu tellement de plaie dans son enfance, qu'il se fichait bien de la provenance de quelques unes. Il y avait une balafre, et puis voilà tout, il fallait la soigner, pas besoin de savoir le comment du pourquoi.



Cependant Samantha paraissait affubler cette blessure d'une certaine valeur, car elle lui envoya un rictus embarrassé, tout en ramassant le couteau à ses pieds.



-Regarde…



Elle appuya la lame contre les lèvres de la coupure, et à nouveau, les tissus abîmés versèrent une larme de sang en guise de protestation. Samantha plongea alors sa main blessée dans l'eau, et admira la fine volute danser dans un remous invisible.



Le rouquin lui envoya une œillade interloquée, et elle hocha gravement du chef avant de froncer les sourcils. Un pic de douleur traversa la crâne de Silver, qui sursauta.



Alors, lentement le nuage pourpre oscillant dans les marbrures de lumières, rejoua sa course. D'abord il se rétracta sur lui-même, puis entama une pirouette langoureuse, avant de revenir vers la paume ouverte de Samantha. Celle-ci souleva progressivement son membre, pour l'extirper de l'eau, et Silver sentit son souffle se glacer.



Le sang jaillit tel une fontaine, et dans un arc de cercle tortueux, gracieux et morbide à la fois, il suivit sa propriétaire. Celle-ci écrivit son nom en lettre écarlate dans les airs, puis s'apaisa, elle permit à la source de vie de revenir en elle. Le sang décrivit une dernière alambique, puis revint de nicher au cœur de la plaie, qui se referma bientôt complètement. La main redevint vierge, plus une seule trace ne demeurait de la balafre.



Samantha se tourna alors vers son frère, avec un sourire mal assuré. Silver resta coi, les prunelles écarquillées, blême.



-Depuis quand arrives-tu à faire ça ? Murmura-t-il, estomaqué.

-Depuis…Peut-être la mort de Yoann…Je m'entraînais déjà, à arrêter la course d'une balle…Après Lavanville…Mais je n'y étais jamais arrivé…Mais…Après la drogue, l'enlèvement…Il y a eu comme un déclic, peut-être que je parviens plus facilement à me concentrer...



Elle grimaça, ses ongles se crispant sur la marque de son cou.



-Mais je n'y arrive que quand je pense à Eléanore ou à Toi. Quand je me dis, aller, il faut que tu y arrives, il faut que tu saches faire ça, pour…les protéger…pour pouvoir intervenir si ça tourne mal…



Silver eut du mal à refréner sa propre habitude de serrer son coude.

-Après j'ai assez mal à la tête, mais je ne perds presque plus connaissance…Je m'entraine au moins une fois par jour sans rien dire…Peut-être plus depuis que Eléa va avoir son opération.



Son regard s'illumina.



-J'aimerai pouvoir venir dans le bloc. Comme ça, si elle fait une hémorragie, si j'arrive à faire ce tour là pendant l'opération…Ca peut lui donner plus de chances, tu comprends ? Peut-être, au lieu de 60% de chances, 80% ! C'est immense !



Elle s'arrêta, et détourna de nouveau le regard une seconde, avant de lancer, enthousiaste :



-Si tu veux, tu peux t'entraîner avec moi ! A deux, on pourra peut-être aider encore plus Eléanore ! Je te montrerai un peu, tu vas voir c'est dur au début de supporter la douleur au crâne, mais après ça vient tout seul…En fait…il suffit de penser…Comme dans une situation critique ! Le cœur qui s'accélère, la peur qui monte, l'adrénaline, et après tout vient naturellement !



Silver tressaillit, reculant légèrement, surtout devant l'attitude suspecte de sa sœur. A quoi jouait-elle tout d'un coup ? N'était-ce pas elle, qui avait tout fait pour l'ignorer, pour éviter de lui parler, et ce, depuis le dit enlèvement ? Ils venaient peut-être d'entretenir la plus longue conversation depuis lors !



Samantha sembla percevoir son malaise, et elle se mordit la lèvre.



-J…j'en ai un peu marre de cette dispute…Entre nous.



Une dispute ? Une dispute ? Cela n'avait jamais été cela, elle avait décidé seule, de le bannir de son existence. Elle avait refusé de le considérer comme son frère, comme sa famille, sans même lui demander son avis. Une dispute se démarre à plusieurs, cette bataille, elle l'avait engagée seule.



Silver se renfrogna. Il se redressa et s'apprêtait à la planter là, quand elle lui retint le bras, la mine irritée :



-Hey, je te parle Silver. Lui rappela-t-elle sévèrement.



Cette fois, l'autorité réveilla sa rébellion. D'Un mouvement sec il l'obligea à le lâcher, et la toisa avec autant de sévérité qu'elle un peu plus tôt.



-Tiens, ça m'étonnait aussi ! Que tu me parles ! J'avais presque oublié le son de ta voix.

-Tu exagères.



Certes. Mais à peine. Silver plissa le nez, mécontent.



-Que veux-tu que je te dise d'autre ? C'est étonnant ? Pourquoi maintenant, tu veux bien de moi pour frère ? Pourquoi d'un coup ?



Samantha ouvrit la bouche, mais la referma presque aussitôt.



-Tout ce qui t'intéresse, c'est que j'aide Eléanore. Constata-t-il, froidement, plus déçu qu'il ne le croyait.

-NON !



Son cri paraissait presque sincère.



-Je…je veux vraiment arrêter ce jeu... Ajouta-t-elle tremblante.

-Ce n'est pas un jeu. En tout cas si c'est un jeu il n'était pas drôle.



Silver entrevit son regard dur dans un éclat de miroir, accroché au mur derrière Sam, et il fut surprit des échardes argentés pétillantes, tranchant le bleu outremer de ses prunelles, tel un orage. Sa colère devait surpasser bien plus qu'il ne l'estimait. Il avait beau la sentir bouillonner au creux de son ventre, elle lui apparaissait si distante en cet instant…Comme si la personne se querellant ainsi avec Samantha, n'était qu'un étranger. Une personne dont il n'avait que faire.



-Mais qu'est-ce que tu veux à la fin ! J'essaye de faire la paix avec toi ça ne te suffit pas ?! S'exaspéra sa cadette, rouge.

-Je veux des excuses.



Voilà. L'inconnu venait d'imposer ses conditions, explosives. Et la bête grondant dans le ventre de Silver se calma, dans un doux ronronnement de contentement.



Sam tituba d'abord sous la demande, observant ahuri, l'être se dressant devant elle. Puis son visage se ferma, buté.



-Je ne vois pas pourquoi je t'en ferai.



Tous deux tiquèrent, restant sur leurs positions.



-Pourquoi ? Répéta Silver, les dents grinçantes.



Sa sœur ne cilla même pas.



Ne comprenait-elle-même pas, à quel point il l'enviait de tout son être ? Elle avait eu la chance de vivre loin de l'horreur, de Giovanni ! Sa mère l'avait sauvée elle, non pas lui. Elle l'avait choisie, pour vivre dans la lumière et l'amour, alors que lui n'avait eut le droit qu'aux ténèbres et à la douleur ! Et il l'avait entendu, se plaindre –même à petite dose- de sa chance ! De sa mère trop sévère, de sa vie trop dure à l'école. Savait-elle seulement ce qu'il aurait donné pour vivre tout cela ? Il aurait volontiers échangé ! Elle avait grandi entourée d'amour, elle avait eu une meilleure amie…Réalisait-elle seulement sa propre chance ?



L'idée qu'elle avait pu vivre à quelques mètres de lui, dans le bonheur relatif, dans la normalité, durant toute son enfance, le scandalisait déjà…



Mais qu'elle le lui reproche…Qu'elle lui reproche qu'il ait souhaité la protéger de l'ombre de leur père…Qu'il ait voulu lui cacher sa morbide généalogie…Il ne lui avait rien dit, pour empêcher qu'elle ne souffre, pour qu'elle continue à croire qu'un père attentionné et une mère aimante la regrettait comme l'enfant qu'ils avaient du abandonner par nécessité. Qu'y pouvait-il, si la vérité n'était pas celle-ci ! Rien, il en était tout autant la victime, lui aussi regrettait sa condition. Il n'y avait pas une seconde qui s'écoulait sans qu'il ne craigne retrouver une trace malsaine de son père en lui.



Il avait été brisé, piétiné, maltraité et pire encore…Devait-on le blâmer parce qu'il se refusait de l'avouer, à la fille qu'il considérait comme sa seule famille ? Devait-on le punir, parce qu'il ne désirait pas qu'elle soit entachée par le drame à son tour ?



Silver rencontrait d'énormes difficultés dans sa jeunesse à discerner la morale, le bien et le mal. Encore aujourd'hui, il hésitait parfois. Mais, sur ce point là, il en était certain, il n'avait rien à se reprocher. Il avait été prêt à vivre chaque jour en simple ami plutôt que frère pour être certain de ne jamais voir le sourire de Sam ne se flétrir. Il avait fait de son mieux pour empêcher son père de la retrouver…Et même si en premier lieu il avait échoué, après coup, il avait fini par braver le bourreau de ses cauchemars pour la secourir. Il en était conscient. Conscient de son sacrifice et de l'injuste jugement qu'elle avait porté sur lui. Il désirait simplement qu'elle s'en rende compte également.



Peut-être était-ce l'orgueil qui parlait. Peut-être, aurait-il du accepter la brimade, comme appartenant au passé, oublier le fait qu'elle lui avait pratiquement craché à la figure, rejeté en tout point. Cela était probablement plus facile. De faire semblant, de feindre le pardon. Mais il ne pouvait pas. Il ne voulait pas.



Il désirait une sœur, sa sœur cadette, la retrouver, mais pas ainsi. Pas sans mise au poing. Il ne désirait que trois mots.



Ce qu'il oubliait, c'est que ces mots, ce simple « Je suis désolée » qu'il attendait, c'était que lui-même, n'avait appris à le murmurer que très tardivement.



Et malheureusement, personne ne pouvait nier que Silver et Samantha étaient frère et sœur. Aussi borné l'un que l'autre.



-Tu m'as mentie. J'ai tout appris d'un bloc, ce que tu savais depuis des lustres. Dans les pires conditions possibles. Je n'ai pas à te dire pardon.

-Bien. Je me suis passé de sœur pendant trois ans, cela peut continuer.



La phrase tomba, trancha l'air, d'une lame glaciale.



Samantha et Silver se contemplèrent avec flegme, placides.



-Bien. Dans ce cas, que fais-tu encore ici ?



La phrase de Samantha résonna douloureusement en lui. Il eut presque l'impression de retrouver son reflet, dans les prunelles d'argent, impitoyables, que posa sa cadette sur lui.



-Moi, je suis ici pour aider mes amis. Je sais pourquoi je suis là, je sais pourquoi je suis fâchée. Je sais ce que je dois à qui et ce que je ne dois pas. Mais toi alors ? Que fais-tu encore à Twilight ? Si ma vue t'insupporte à ce point, si tu n'as pas besoin de ta sœur…Que fais-tu encore ici ?



L'image fugace de Gold lui traversa l'esprit, mais il fut incapable de la prononcer à haute voix.



-Notre mère est morte non ? Tu n'as plus besoin de te cacher de notre père il est mort également ! Tu ne veux pas savourer ta liberté maintenant ? Si ce n'est pas pour moi…

-Tu te prends vraiment pour le centre du monde ou quoi ? J'ai mes raisons, tu n'as pas à les savoir. Après tout, je ne suis pas ton frère…Ce n'est pas non plus ta mère, ni ton père, ce sont les miens. Siffla Silver rudement.



Samantha vacilla, puis rétorqua aussitôt, sur le même ton furieux.



-Qu'est-ce que tu racontes comme…

-C'est pourtant toi qui me l'a dit ! Dit et répété ces dernières années ! Et tu sais quoi ? C'est mieux comme ça ! Reste dans ton monde de fleurs et de Pokémons. Garde ta mère encore vivante et aimante, laisse moi le chef de bandits et la femme trop naïve qui a cru en lui ! Prend tout le bien et laisse-moi tout le reste ! Ca a toujours marché comme ça ! Je commence à m'habituer à prendre les coups à ta place. Puis, même quand tu prends un coup, toi tu sais…te soigner, retourner dans le temps, empêcher que ça arrive ! Décidemment, nos gênes ont bien merdés !



Samantha se tût, blême, les lèvres pincées. Silver déglutit, la gorge serrée, puis tourna des talons. La porte claqua sur son passage.



Ainsi, la cadette se retrouva seule, seule face à la vérité purulente de pus, que son frère n'avait jamais voulu lui montrer.



Et cette vérité lui fit l'effet d'un poignard acéré.



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Eléanore se tenait allongée sur la colline faisant face aux terrains d'entraînement. Elle semblait rêveuse, voire même dormir. Les bras croisés sous sa tête, elle savourait la légère brise matinale. Daniel ne savait pas trop quoi dire, devant elle. Embarrassé, il avait fait tout ce chemin, surtout pour suivre tous les regards inquisiteurs, curieux, des gens du chalet. Même ceux de Lucas, une première.



Il faut dire que celui-ci lui avait envoyé en guise de bonjour : « Bah pourquoi tu m'as rien dit ? » Il avait hésité à lui répondre « Parce que je viens de me réveiller et que j'avais rien prévu de tout ça » ou un « Parce que tu ne m'as jamais demandé ce genre de chose »…Pour finalement rougir comme un écrapince dans de l'eau bouillante.



Daniel soupira, fatigué, hagard, il ne savait vraiment pas quoi dire, ni comment réagir après tout ça. Devaient-ils se comporter comme à l'habitude, s'allonger, parler de tout et de rien…. ? Ou justement aborder le sujet ? Il allait passer pour un pervers, depuis son réveil, il n'arrêtait pas d'avoir comme des flash-back, tout son cerveau c'était presque ligué contre lui, pas de pensées parasites, justes les souvenirs de la nuit. Il était devenu un pervers. Génial, psychopathe et pervers, un autre adjectif péjoratif en P à ajouter ?



Eléanore ne lui en laissa pas le temps, elle lui envoya :



-Tu veux t'asseoir ?



Daniel obéit sans se poser de question, ce n'est qu'une fois en place qu'il se fit la remarque que maintenant, il ne pouvait plus fuir.



Un silence embarrassé s'instaura entre eux. Ses pensées cacophoniques s'entrechoquaient entre elles dans un micmac insondable, incompréhensible également. Mais il savait d'ores et déjà qu'il était écarlate.



Eléa à côté le regarda quelques secondes, puis sûrement fatiguée par l'absence de conversation, ouvrit la bouche. Mais chose incroyable, elle la referma aussitôt, embêtée, rougissante.



Daniel l'avait rarement vu rouge, du moins, plus après leur déclaration. Elle était beaucoup plus assurée que lui. « Assurée… » Surement la nature de Pokémon qui lui convenait le mieux. Elle ne doutait jamais. Sauf là.



Une main se glissa dans la sienne, et il la serra instinctivement, sans un mot. Mais le silence protecteur ne dura guère. Daniel eut bientôt l'impression de revenir des années en arrière, quand petit, il écoutait les adultes parler, sans oser intervenir, trop lent, attendant d'être seul dans sa chambre pour refaire la conversation et s'y immiscer, sans danger, sans risque.



-Hum…Je ne veux pas commencer la journée sur un silence ou un malentendu...Tu n'as pas aimé ?

-N-Nnon.



Eléa afficha une mine catastrophée. Daniel réalisa l'ampleur de sa gaffe :



-J-j-je veux dire, ce non, ce n'est p-pas que je n'ai pas aimé c'est juste que, que moi non plus je ne veux pas te commencer la journée c-comme ça, sans rien dire. M-mais…



Oh non, c'était juste pathétique. Il ne savait pas quoi dire. Il désirait juste parler de tout et de rien, des examens de la veille, ou pas. De miyu des Pokémons, ou pas. De tout ce qu'elle voulait, mais sans cette nouvelle gêne qui s'invitait entre eux.



Eléa lui sourit tristement.



-Ca change beaucoup de choses entre nous hein ? Bafouilla-t-il finalement, penaud.



Sa petite amie haussa des épaules et contempla le ciel :



-C'est à toi de me le dire.





Daniel baissa la tête. Il ne savait pas, sûrement, même si ce n'était pas volontaire. Mais à sa plus grande surprise, il perçut un ricanement faible à ses côtés.



- Enfin j'vais quand même éviter de sortir Ash et Pilou, ils seraient capables de te tuer là tout de suite maintenant !



Et là, le court-circuit, pire qu'un fatal-foudre en plein ventre :



-ils ont tout vu ?! S'étrangla Daniel.



Eléa devait trouver ça très amusant de le plonger dans un état aussi paniqué, un exploit dirait certains, aussi continua-t-elle avec sa petite moue taquine, son adorable pli barrant son nez :



-Bah oui et Miyu aussi, c'est moi et eux ou rien du tout !



Cette fois Daniel touchait le fond, lui qui haissait s'exhiber, se montrer devant qui que ce soit, venait d'être poignarder en pleine intimité. Il était littéralement mort de honte, en tout cas ça allait venir : il l'espérait parce que s'il devait survivre avec une telle réputation, sa vie serait un enfer.



-M-Miyu…Répéta-t-il, catastrophé.



Eléa rigola, et enchaîna, ravie :

- Oui oui, d'ailleurs là, il essaye de te filer un crochet de droit, et ça l' énerve parce que son poing passe au travers !



Daniel recula, comme pour esquiver un coup de poing, et il scruta l'atmosphère autour de lui, comme redoutant les mauvaises ondes, avant de marmonner :



-Heu…Désolé Miyu…



Eléa ricana, et posa sa tête sur son épaule.



-T'es trop mignon. T'inquiète, il faut bien que Papa Miyu accepte de voir sa fifille grandir. Toute façon, il a pas le choix.



Aussi moqueur que cela pouvait être, cette phrase rassura un peu Daniel. Plus encore quand elle l'embrassa gentiment du bout des lèvres. Sans même se poser de question, naturellement, ils se laissèrent tomber sur l'herbe. Pour finalement se figer, rouges.



-Ouah. Commenta Eléa, les yeux ronds, comme une mère devant un gamin venant de marcher seul pour la première fois.



Danny ressongea à ses envies de s'enterrer à l'autre bout du monde.



-Tu sais, ça ne me dérange pas. Je l'ai voulu aussi. Puis franchement si c'est ça, le truc dont les adultes font tout un cirque…C'est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Sans parler de la supposée douleur de la première fois. Pf ! Soit c'est exagéré, soit je suis super résistante à la douleur !



Quelque chose soufflait à Daniel que c'était plutôt la deuxième option. Il soupira, devant les rires, un peu forcés d'Eléa, et souffla :



-Je sais, tu ne regrettes jamais rien toi. Mais tu sais aussi que moi…bah…

-J'essaye de ne rien regretter, mais je n'y arrive pas toujours. Rectifia-t-elle. –Mais ce qui est fait est fait, je me dis, en un sens.



Son regard se perdit dans le vide, et voyant sa silhouette esseulée se détacher dans l'horizon, baignant dans un rayon mélancolique, Danny eut la subite envie de la serrer tout contre elle pour la rassurer. Il esquissa le mouvement, mais s'arrêta à mi-chemin, toujours embarrassé. Eléa remarqua son manège et son sourire se fit encore plus peinée.



Le Kazamatsuri, touché, sentit alors les mots couler au fond de sa gorge…Naturellement, et pourtant si effrayant pour lui :



-Je suppose, qu'il va falloir reconstruire un quotidien. En plus devant Miyu et tes Pokémons…



Eléa sursauta ; fit volte-face et le dévisagea, ébahie. Il lui étira ses lèvres, tâchant de paraître confiant, et pria de toutes ses forces pour que son rictus ne soit pas affreux. La frimousse de sa petite amie s'éclaira faiblement, reprenant un peu de couleur.



-On dirait déjà un vieux couple. Constata-t-elle dans un éclat de rire, assez timide encore.



Elle posa sa tête sur ses genoux, et regarda l'herbe osciller sous la caresse du vent, alors, doucement, elle ferma les yeux. Dans un tendre frémissement, elle détourna la tête, de façon à ne pas le regarder dans les yeux, et murmura, la voix étreinte d'émotion :



-Ca me convient.



Et bizarrement, ça lui convenait également.



Cela lui conviendrait beaucoup moins, deux heures plus tard, quand Eléa sortirait Pilou et Ash en même temps et qu'il passerait le reste de la journée à essayer de leur échapper, avant que Sam ne lui sauve la vie en ordonnant à Libegon de détourner une attaque Cage-éclair lui étant bien réservée. Mais pour le moment, cette anecdote n'était qu'une esquisse future, dans ce qu'il croyait, un tout encore bien long.



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La dernière semaine qui les séparait de l'opération passa affreusement vite. Eléanore se levait aux aurores, pour partir des heures, errer dans le village de Twilight. On la retrouvait immanquablement sur cette même colline, entourée de ses Pokémons, à observer le ciel, allongée, pensive. Elle ne s'entraînait pas, ne combattait pas ceux qui la défiait, et parlait à peine. Des heures durant. Samantha c'était à un moment, si elle ne couvait pas une autre maladie, pour que la pile électrique ce soit éteinte.



Cependant, elle arborait toujours le sourire face à elle, gardait son ton moqueur, et la rembarrait immanquablement d'un :



-Tut TUT TUT ! Je sens l'approche d'une fille qui ne tient pas ses promesses et n'a parlé ni à Silver ni à Yuki !



Son obstination en était exaspérante. Surtout qu'elle n'avait pas la tête à faire une confession : elle s'entraînait à lui sauver peut-être la vie qu'est-ce qu'elle croyait !? Elle avait déjà parlé à Régis, qui avait accepté avec joie un peu plus de main d'œuvre dans un bloc, surtout, de la part de la fille d'un médecin (bon une infirmière Joëlle, mais c'était pareil ! Non ?).



Elle ne savait pas quoi dire non plus, elle désirait réellement ne pas louper cet aveu. Elle avait décidé, de se lancer, le jour de ses 18 ans, alors là, elle pourrait. Elle trouverait les bons mots. Parce que quoi qu'en disait Eléa, les mots choisis étaient importants. Tout devait être parfait, pour ne pas échouer lamentablement comme lors de sa conversation avec Silver.



A chaque fois qu'elle y songeait, une boule lui écrasait l'estomac. Elle réalisait un peu mieux, la tension, la douleur suintante derrière les mots. Et elle s'en voulait, affreusement. Elle n'avait jamais vu la situation sous cet angle là. Et plus elle s'y attelait, plus elle se sentait comme un monstre.



Parfois, elle se demandait, si Eléanore, là-bas, sur sa colline, ne trouvait pas ce dont elle rêvait de plus en plus : le calme, l'accalmie. Plus de questions, plus de problèmes, de devoirs, de responsabilités, de regrets. Rien, juste le ciel, le vent, l'herbe ; le temps qui passe.



-Dans ce cas, laisse-la tranquille, c'est bien ! Lui avait dit Lucas, deux jours avant l'opération. –Je vais aller lui parler moi !



Il était donc parti tout fier, comme un sauveur : il avait vite déchanté. Revenu penaud il avait simplement déclaré : « Elle passe trop de temps avec Daniel » puis il était allé directement aider Cristal dans ses révisions.



Mais Eléanore ne gagnait pas la palme du plus amorphe. Yuki semblait bien décidé à rattraper son sommeil en retard –s'il était seulement possible qu'il en manque- car son frère, et Lily lui envoyait presque toutes les heures les photos de son neveu. Silver n'était pas en reste, il prétextait une migraine dès qu'on l'approchait, à présent même Cristal n'arrivait plus à échanger plus de quatre mots avec lui. Samantha l'avait souvent vu traîner sur les terrains à s'entraîner avec son équipe de Pokémon.



Elle essayait de se convaincre que c'était bon signe. Après tout, il se prenait en main.



Néanmoins, Samantha, entre ses séances secrètes dans la salle de bain –ce qui poussait tous les membres du chalet à dire qu'elle était « incommodée »- avait tout de même réussi à organiser une petite surprise. Ainsi, la veille du départ, Sam comptait bien offrir le cadeau sur lequel avait travaillé Gabriel toute la semaine. Puis le lendemain, alors qu'Eléa partirait vers les 17 heures, elle, elle ferait mine d'avoir une mission, et la rejoindrait ni vue ni connue, au bloc. Quelle tête elle allait faire !



Sam était particulièrement fier de son excuse, car Twilight avait demandé à tous ses membres de se tenir prêt à intervenir. Ils n'avaient pas dit où et quand, mais depuis, chaque dresseur sortait avec son sac de voyage sur le dos, et son abra dans la poche. Pour une fois l'organisation avait un bon timing, en phase avec elle.



Cependant Sam ne s'attendait pas à trouver un intrus la fameuse veille, et au final, ce fut elle qui eut une surprise.



Trax, le dresseur de serpent, toujours affublée de son manteau blanc à col de fourrure noir –malgré la chaleur de mai- était arrivé au chalet avant elle, et avait surtout, trouvé Eléa avant elle.



Impardonnable.



-Hey, Salut ! Je suis venu passer le bonsoir à Eléa, j'ai compris que c'était le grand jour ! C'est cool ! Lui lança-t-il joyeusement.



Nananana. Faux-cul.



Trax dut sentir les mauvaises ondes et surtout pensées néfastes qu'elle envoyait consciencieusement, car il déglutit, et se tourna vers une Eléanore, qui s'amusait avec les Pokémons sur le tapis du salon.



-Hey, ça te dirait un combat d'adieu ? Allez ! Juste un petit combat quoi ! Qu'on voit qui est le plus fort.



Eléanore ne leva même pas les yeux vers lui, elle caressait le museau d'Ash quand elle envoya, indifférente :



-Bah, j'vois pas à quoi ça nous avancerait un autre combat, tu sais très bien que je me fais toujours battre par tes Pokémons serpents !



Samantha écarquilla des yeux, et mit cette remarque sur le compte de la fatigue, ou l'appréhension. Bien qu'Eléa semblait extrêmement vivace et détendue là, à cajoler les créatures de tout le groupe. Trax pourtant, bien qu'il maugréa quelques mots comme « toujours partant pour un match moi », prit ça avec un sourire, et afficha une mine de monsieur-je-m-en-doutais-et-j'ai-tout-prévu.



-J'm'en doutais un peu que tu dirais ça, et c'est pas grave j'ai tout prévu ! Claironna-t-il.



Voilà, qu'est-ce qu'elle disait ! Et sa surprise à elle qu'elle réservait à sa meilleure amie alors ? Si Trax osait la défier, il pouvait être sûre que Sam prendrait un malin plaisir à l'écraser. Mais le dresseur spécialisé n'en avait cure, et tel un dieu, il sortit de sa poche une pokéball tout neuve :



-Tadaaa !



Eléa se détacha de son occupation première, environ une demi-seconde, pour envoyer moqueuse :



-Bravo tu as une pokéball ! Tu vas devenir dresseur !



Pour retourner étreindre Pilou.



Ha-AH ! Dans les dents Trax ! Jubila Sam.



En effet, celui-ci tomba de haut, mais n'en démordit pas, le borné.



-Ce n'est pas une pokéball comme les autres, expliqua-t-il en bombant le torse. –Je l'ai spécialement demandé à ma demi-sœur, Iris, elle vient de la région Unys !

-Iris…Comme la Iris qui a accompagné Sacha lors de son voyage ? LA Iris championne de Pokémon dragon ?



Oh-Oh. Il avait réussi à captiver Eléanore, elle le regardait à présent avec des yeux brillants. Trax ricana, très fier.



-Exactement, tient ! Il contient un Pokémon, il est pour toi ! J'ai cru comprendre que tu n'avais pas six Pokémons encore…Alors voilà !!



Samantha sentit sa mâchoire se décrocher. Oh merde !



Eléanore écarquilla des yeux, et prit le présent avec prudence. Elle appuya sur le bouton de fer, et le clapet s'ouvrit dans un tintement. Le Pokémon vint se nicher dans ses bras, et apparut dans un rayon rouge. Bientôt, elle vit une sorte de quadrupède tout vert et beige, au long nez pointu, avec un petit air snob et de grands yeux rouges.



-Il est trop mignon ! S'exclama Eléa avec une immense sourire.



Trax se dandelina, ravi, à tel point qu'il ne remarqua même pas le sourire d'Eléa disparaître presque aussi vite qu'il lui était venue.



-C'est un Vipelierre !

-Serpillère ?

-Vi-PE-Lierre !

-Ca lui va mieux Serpillère…je suis pas douée pour les prénoms anglais des végétaux, je sais pas dire heidelveis en anglais et c'est ur à prononcer en français…Y-a leaf et Wild mais c'est moche aussi…

-Tu peux l'appeler RAF : Rien A Foutre. Proposa Sam.

-Non, j'aime bien Serpillère, la première pensée est toujours la meilleure !



De toute évidence, Eléa avait déjà choisi le surnom. Samantha, néanmoins, ne put contenir un rictus, et elle se pencha vers son amie :



-Tu sais quel Pokémon c'est ?



Trax sursauta, et elle crut le voir suer d'effroi.



-Bah un vipelierre ! Répondit naïvement Eléa.

-Oui. Vipelierre comme ? Insista Sam.

-Lierre ! Intervint Trax, précipitamment.



Eléa fronça les sourcils, suspicieuse.



-Non, comme vipère, c'est un serpent.



Le dit Pokémon serpent bailla dans les bras de sa nouvelle propriétaire, qui le regarda, lui, puis sa meilleure amie, dubitative.



-C'pas possible, il a quatre pattes. Un serpent ça a pas de pattes !



Quelques minutes plus tard Samantha revenait avec un livre, et pointait l'image de l'évolution finale : Majaspic. Trax avait jugé bon de filer à Jotho, pour éviter l'orage. Il avait raison, car à peine Eléa avisa la bête qu'allait devenir l'adorable petit bébé qu'elle tenait dans ses bras, qu'elle devint blanche comme neige.



-Ah…Ah…Serpillère est…un serpent ?



Sa voix s'étrangla.



-Tu veux pas le prendre Sam ?



Rival évincé ! Samantha se soucia à peine de la pokéball qu'elle empochait, l'important, c'était l'échec cuisant de Trax.



-Tu restes là, d'accord ? Ordonna-t-elle à Eléa.



Eléa l'observa, blasée : comme si elle pouvait aller quelque part ! Samantha se précipita vers l'extérieur du chalet, et fit signe aux autres d'entrer. Lucas trainait un Daniel qui demandait qui avait préparé tout ça, et Chris et Angie encadraient un Silver réticent. Bientôt, ils entourèrent tous la malade, qui arqua un sourcil :



-D'accord, si vous avez des bombes à eau cachées dans votre dos et que vous vous préparez à me bombarder, je vous préviens…Je demande à mes Pokémons de charger.



Il y eut quelques rires nerveux. Mais au final Gabriel croassa :



-Si un type bombarde une seule goutte d'eau sur mon boulot, il est mort.



Tous sourirent, complices, et Chris et Angie passèrent à Sam : le précieux présent. Le médaillon Régis. De la taille de la paume, dans un ovale digne de l'allégorie ridicules des œufs de pâques, il arborait une petite chaine de fer, sans prétention, blanc, lisse, tout en plastique, il n'avait pour seul motif, qu'une bande bleu longeant ses bords et un rond de la même teinte, en son centre.



Eléa avisa le cadeau avec circonspection.



-Super, merci. Lança-t-elle en haussant les épaules sans vraiment y croire.



Elle allait le ranger dans sa poche, quand Samantha l'arrêta dans son geste.



-Attends ! Gabriel l'a un peu modifié ! Avec l'aide de Chris et Angie bien entendu !



Ces derniers firent une révérence. Samantha prit donc le médaillon, et appuya sur le bouton azuré. Dans un « shlack » un embout de métal en sorti, et l'objet se révéla : une clef USB. Eléa ouvrit la bouche :



-CA faisait pas ça avant quand c'était autour du cou de Régis ! Constata-t-elle.

-Ouais. Siffla amèrement Gabriel.

-Attendez, Attendez c'est pas tout ! Envoyèrent Chris et Angie.



Eléa se redressa, étonnée, et interrogea Sam du regard, mais celle-ci tint bon et parvint à ne pas vendre la mèche. Bientôt, les deux ex-voleurs revinrent, mains dans le dos.



-Attention, ça c'est nous qui l'avons fait ! Chantonnèrent-ils. –Bon Gabriel nous a un peu aidés. Ajoutèrent-ils après coup – après le regard noir du petit surtout.



Alors, dans un « TADA ! » ravi, ils lui offrirent un petit ordinateur portable. Tout noir, fin comme un livre d'à peine cent pages, le Logo, une pokéball ouverte trônait.



-S'il est bien j'envisage de le commercialiser. Commenta Gabriel ; le nez en l'air.



Eléa attrapa fébrilement le cadeau, et étonnée, elle scruta les visages de ses amis.



-Bon, on avait pas les sous pour tous les composants…Donc Yuki et Silver nous ont aidés…Yuki a demandé à son frère de payer…Et Silver…Bah…Hum, tu vois !



Samantha hésita. Silver détourna le regard, rouge. Gold grinça des dents.



Néanmoins, la cadette du rouquin ne pouvait s'empêcher de s'attendrir, malgré les mots durs qu'ils avaient échangés, il avait accepté d'aider un peu pour le cadeau. Eléa, la bouche grande ouverte, ne trouvait pas de mot. Aussi, Lucas lui envoya, enthousiaste :



-Bah vas-y qu'est-ce que tu attends, essaye !



La dresseuse sursauta, et doucement, elle alluma la machine. L'engin émit un doux grésillement, et bientôt le message d'accueil apparut : « Yosh à Eléa de la part de tout le monde ! ». L'ordinateur chargea les paramètres, et enfin, à l'écran bleu de bienvenue se succéda un autre fond d'écran. La photo du pacte : celle du soir du concours Au Mont Sélénite. Maintenant qu'elle y songeait ; c'était la dernière photo, où ils n'y avait eu que Lucas, Daniel, Samantha, Yuki et Elle, de manière consciente et surtout désirée. L'unique photo de leur amitié, avant que Daniel ne perde leur amie de sa mémoire…L'intact innocence de leur débuts, si naïfs.



Elle ne voyait que quelques icônes, dont un qui lui était inconnu, mais cela ne tarda pas, Cristal pointa du doigt une petite vignette :



-Ca c'était MON idée ! j'ai demandé pourquoi on fait pas un truc comme dans les téléphone portable, tu sais envoyer des messages et réponse immédiate en vraie direct quoi : Et gabby il m'a dit et pourquoi un serveur perso tant que t'y es et voilà ! Un serveur perso rien que pour nous !

-Et la clef USb fait office de Clef 3G pour se connecter dessus. Informa Yuki, avant de se faire ensevelir sous les regards furieux de Chris, Angie et Gabby pour leur avoir volé LEUR réplique à eux parce que c'était eux qui en avaient bavé pour le faire.

-Ils ont tout branché, pour que nospokénav, pokématos et pokémontre puisse t'envoyer des messages, enchaîna platoniquement Silver en montrant son poignet.

-Comme ça tu ne te sentiras pas seule à l'hôpital ! Rigola Lucas.



Eléa déglutit, et Samantha perçut quelques lueurs émues, dénonçant quelques larmes difficilement contenues. Elle sourit et lui tapota le dos :



-Allez, maintenant, essaye de brancher la clef USb.



La gamine s'exécuta. Après quelques clics, elle ouvrit le dossier, et le mit en mode diaporama. Des centaines de photos défilèrent les unes après les autres : datant de ces trois dernières années, de leur vie commune à tous, mais aussi, parfois, de beaucoup plus loin.



-Régis nous a donné la plupart des photos de ton enfance, et celles sur ton frère…Mais il nous a dit que tu en avais détruit pas mal pour ta fugue…Comme je savais que tu adorais les photos, je me suis dit que tu avais du les emporter avec toi plutôt…Alors j'ai fouillé. Expliqua simplement Daniel.

-Les autres photos et les vidéos sont presque toutes de lui évidemment ! Lança Gold. –Tu le connais…Y-a aussi des dessins mais moins. Mosieur veut pas les donner !



Daniel sembla se crisper et serrer fort son sac à dos où se trouvait certainement son carnet à dessin fétiche, x ème du nom.



Mais Eléa ne les écoutait plus, elle fixait le défilement continuel d'images, et sursautait quand d'un coup d'un seul, une vidéo démarrait sans prévenir.



-Regarde Ash ! C'est toi le jour où tu as essayé de faire la course avec le Libegon de Sam ! S'exclama-t-elle en pointant le petit point noir envoyant des lance-flammes sur le trait vert loin devant lui.



Le Pokémon dragon dressa le coup, et renifla bruyamment, à l'évocation de sa cuisante défaite…



-Oh…Et là ! C'est le jour…C'est la vidéo où vous étiez tous Saouls ! Comment vous avez fait pour la récupérer je croyais que vous l'aviez jeté…

-Chris. Marmonnèrent-ils d'une même voix.



Oh. Finalement, elle ne voulait pas savoir comment ils avaient fait.



-C'est Aussi Chris qui a trouvé le moyen d'envoyer Nathaniel ailleurs juste le temps d'une nuit ! Sourit Gold.

-Si seulement il pouvait l'envoyer voir ailleurs pour toujours ! Ricana Gabby – Daniel esquissa un mouvement de confirmation avant de s'arrêter avec une moue coupable.



Samantha sourit, appréhendant sa réaction, et ce fut un peu étonné, qu'elle se fit étreindre fortement.



-Merci…Merci…C'est trop gentil. Bafouilla Eléa dans son cou, émue.



Sam l'enlaça à son tour et ricana :



-Comme ça, ça te donne plein de bonnes raisons pour te battre sur la table !



Eléa se pressa un peu plus contre elle, sans ajouter un mot. Après avoir remercié tout le monde et pincer les joues de Gabriel jusqu'à ce qu'il demande grâce en récompense, ils passèrent la soirée à discuter des dernières années. De leurs joies, de leurs peines…De tout et de rien, sauf de l'avenir. Comme pour se prouver, se remémorer, tout ce qu'ils avaient accomplis jusque là.



Le passé était une valeur sûre, une certitude, tellement plus rassurante en cette nuit du 13 mai.



Durant toute la nuit, Eléa afficha un même sourire, constant, silencieuse, savourant juste les éclats de vies, de rires, se répercutant autour d'elle, caressant son cadeau avec ferveur. Sous le regard suspicieux de Silver.