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La Faucheuse. de T-Tylon



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» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 14/04/2011 à 01:40
» Dernière mise à jour le 14/04/2011 à 01:40

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

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Irreflexion.
Sinnoh. Voilaroc. Ambassade du Consortium, bureau du gouverneur Matis.

Jeudi 20 Mai, 11 heures 52 minutes.



Un nouveau «lu et approuvé» signé en bas de page, et voilà qu'un énième document allait rejoindre tant d'autres semblables sur la pile des documents traités sur son bureau. Pourtant, même après déjà l'équivalent de presque cinq heures non-stop à traiter sans cesse chaque dossier présentés devant elle, la somme de son travail abattu n'arrivait même pas au quart de ce qui lui restait encore sur l'autre pile représentant celle des dossiers à traiter. Rien d'étonnant pour un poste administratif ; encore moins pour elle à qui cela n'était rien de moins qu'une journée à peine notablement plus chargée qu'une autre.

Enfin, moins chargée que les autres, du point de vue de l'ex secrétaire du gouverneur à qui revenait désormais toute la charge de son employeur. Car du point de vue de sa fille, qui maintenant se retrouvait dans un grand bureau vide, à siéger à sa place pour mieux s'occuper de la pile de travail à abattre (étant simplement plus grand que le sien), l'absence de celui qui fut aussi bien un professeur qu'un père lui pesait bien plus qu'elle ne pouvait, et devait l'admettre. Sans ses quelques sarcasmes pour égayer ces passages de leurs journées monotones, parfois ses quelques anecdotes lors de ses voyages ou de ses réunions officielles, quand il ne lui parlait pas de sa mère avec ses histoires la concernant qu'elle connaissait par cœur pour la plupart mais ne se lassait pas de réécouter ; pour ne pas simplement dire sa présence tout court… La pièce lui donnait maintenant l'impression d'être dans un espace si vaste que chaque pas qu'elle se devait maintenant de faire entre son bureau et le sien, à une allure bien plus soutenue qu'avant, lui faisait ressentir l'improbable sensation d'évoluer au ralenti ; ou chaque seconde à l'horloge lui paraissait désormais être une minute entière.

Trois jours seulement s'était écoulés depuis sa déclaration devant les chaines des archipels. Encore un jour avant à peine qu'on lui demandait l'improbable de faire un discours visant à calmer les tensions qui secouaient les îles et l'incroyable exploit qu'effectivement elle réussisse, à la surprise générale en interne ; elle la première. Car ce qu'elle avait déclaré était vrai : elle n'avait préparée aucun discours à l'avance. Tout ce qu'elle annoncée devant la salle comble de journalistes, de ses collègues présents –proche en privé ou de relation purement professionnelle-, et devant la population : tout avait été sortis impulsivement sur le coup de l'émotion. Même alors qu'elle en avait déjà l'expérience avec son père pour l'avoir suivit de très nombreuse fois, jusqu'aussi avoir fait des apparitions publiques et télévisées avec lui, c'était la première fois qu'elle se dressait seule devant pareil déploiement médiatique ; chose à laquelle entre se croire être prête et effectivement l'être ne se vérifie qu'en pratique. Et en pratique, ce à quoi elle ne s'était pas préparée le moins du monde, qu'en fait elle fit tout son possible de son côté pour l'éviter, la mort de son père l'avait profondément ébranlée. Au point que si ce dernier la voyait et pouvait commenter sa réaction, elle était sûre qu'elle aurait eut le droit à un sermon sévère comme elle n'en avait plus connut depuis son enfance.

Mais en fait, à cet instant, elle aurait aimée qu'il soit bien là pour la sermonner.

--------

La preuve de son affection vint la seconde suivante, après qu'elle eut une nouvelle énième fois signée d'un «lu et approuvé» sur un énième document d'un énième dossier, et qu'enfin elle se prit à s'accorder une pause pour souffler un instant ; alors qu'elle était normalement habituée à continuer ainsi jusqu'à l'heure du déjeuner…

D'ailleurs cela lui en vint à se souvenir de la petite flasque de thé de feuille de Pecha qu'elle lui avait offert récemment pour le faire patienter jusqu'à l'heure du repas ; et aussi par soucis de le soustraire à celle d'amasec qu'il conservait toujours avec lui. Lui servant soi-disant à lui faire garder courage. Plutôt son péché mignon ; péché mignon dont elle trouvait qu'il en abusait trop depuis la mort de sa mère, et qu'il savait de surcroit qu'il ne pouvait pas se permettre de s'y laisser aller au point d'y sombrer. Et pour l'en empêcher elle se souvient à quelle point elle a dû se montrer intraitable avec lui, ne lui avoir laissée la moindre minute de répit, jour et même nuit, pour être toujours là à être celle lui retirant le verre ou la bouteille entière des mains avant qu'il n'en prenne la moindre goutte. Au final cela était devenu un tel réflexe qu'elle en vint à le faire pour tout ce qu'elle considérait une forme d'excès pouvant nuire à sa santé. Il n'était pas le seul à qui la mort de Saline avait laissée une profonde cicatrice qui n'avait toujours pas finit de cicatriser, et pour elle ça s'était traduit à ne pas le laisser subir le même sort ; réaction excessive de gamine, elle le savait. Cela ne l'empêcha pas de laisser cette crainte lui dicter sa conduite le concernant. Surtout en sachant ce qu'ils avaient convenus de faire en secret pour mener le monde pokémon à ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être…

C'à plus la tension constante de devoir jouer un double-jeu face au monde, celle de la disparition de sa mère qui pouvait sonner à n'importe quel moment, mais de devoir toujours assumer d'être forts devant la population : c'était dur. Mais ça pouvait encore passer car ils étaient toujours deux à pouvoir compter l'un sur l'autre. Même si parfois forcément il arrivait un moment où ils s'engueulaient sur tout pour un rien, c'était normal dans une relation père fille. Mais maintenant qu'elle était seule… Elle ne pouvait plus compter que sur elle. Ou tenter de convaincre quelqu'un d'autre… Quelqu'un sur qui tous les derniers objets de discussions tournaient entre eux, et dont ils n'arrivaient jamais à se mettre d'accord à son sujet.

Elle secoua brièvement la tête pour se détourner de cette attitude mélancolique à laquelle elle commençait à céder, et se re-concentra sur le premier tiroir de droite du bureau dans lequel elle savait que c'était ici qu'elle lui avait rangée sa petite flasque de thé. Elle l'ouvrit. Se rendit effectivement compte que la flasque était toujours à sa place. La saisie pour l'en sortir du tiroir… Et s'arrêter à l'entente du clapotement liquide qui en résonnait, mais qui surtout indiquait la quantité de liquide qu'il restait à l'intérieur : elle était pleine. Pourtant elle se souvenait l'avoir vu de nombreuse fois la sortir et la boire devant lui ; certes avec réticence, mais il en buvait au moins une gorgée quand elle l'interrogeait s'il en prenait. Alors comment pouvait-elle être pleine ?

Malgré la surprise, ou plutôt à cause d'elle, quelque chose dans le tiroir finit par attirer son attention sur le coin du fond ; comme une espèce de petite ligne discrète tracée dans le bois qui n'avait pas l'air de faire normalement partie du tout.

Elle posa la flasque qu'elle tenait en main sur le bureau, puis s'en retourna au tiroir en écartant les quelques documents et autres fournitures anodines qui s'y trouvait afin d'arriver au fond. Une suspicion n'arrivant jamais seule, elle se mit à toquer sur le petit rectangle d'espace délimité par cette fine ligne, et entendre résonner un son creux... Elle se mit alors à appuyer à cet endroit une fois dessus d'une pression de la main, et confirmer ses soupçons lorsque la petite trappe de bois s'ouvrit silencieusement pour révéler ce qu'il cachait à l'intérieur : une autre flasque identique à la sienne ; sauf que lorsqu'elle la prit pour savoir ce qu'elle contenait (en fait sachant pertinemment ce qu'il y avait dedans) le tintement du liquide clapotant contre la paroi métallique de la flasque résonnait beaucoup plus… Signe évident qu'elle était bien entamée.

Elle déboucha la fiole (juste par principe) pour sentir l'odeur de l'amasec lui emplir les narines. Mais à la place de lentement virer au noir en prenant très mal d'apprendre le fait que son père s'était payé le luxe de la prendre pour une cruche, par-dessus tout avec le culte du secret qu'ils se tenaient entre eux, elle se prit à esquisser un sourire entre la rancune et l'amusement en se reprenant sur l'envie de sermon qui lui était passée en tête. Bien sûr elle voulait toujours le revoir, mais se serait lui qui se prendrait un foutu sermon à la place ; un sermon à en réveiller un mort… Si seulement c'était vrai.

A tenir cette flasque et s'étant mise la regarder fixement, la manière dont elle avait trouvée et ce que cela représentait finit par lui faire perdre son sourire. Encore un secret ; un secret qui arrivait comme un arrière goût amer après leur altercation de la semaine dernière. Croyant que cela n'était qu'une énième divergence d'opinion sur leur dernier sujet de discussion en date et que tout continuerait comme d'habitude. Elle ne s'était pas un seul instant imaginée que cette altercation avec lui serait la dernière…

A regarder cette fiole fixement, à la comparer à son autre fiole –l'une bénéfique, l'autre un caprice- et à sa situation, elle sentit en elle poindre la migraine sourde de l'ironie poussée à son paroxysme lui embrouiller l'esprit de par son harassante complexité. Mais aussi de se rappeler que, jusqu'ici, elle se souvenait ne jamais avoir bu de l'alcool en dehors de l'aspect protocolaire lors des occasions d'affaire, pour toujours garder l'esprit clair… Mais à ce moment, avec tout ce qui lui tombait dessus à la suite, cela faisait déjà depuis longtemps que son esprit s'était barré par la fenêtre du troisième.

Bien qu'il n'y ait personne de présent –en chair et en os- avec elle pour le partager, elle tandis devant elle la flasque avec le geste et la posture formelle qui seyaient si parfaitement à sa fonction représentative de bureaucrate (histoire de pousser une dernière fois l'ironie dans ses retranchements) et, exactement comme pour porter un toast, récita ce qui ferait office de dernière oraison à l'attention du premier possesseur de l'objet, et ironiquement sa dernière cuvée.


«Ad vitae aeternam, cher père.» Psalmodia-t-elle solennellement, avant de porter l'objet à ses lèvres et d'en tirer une bonne lampée.


Immédiatement le goût riche de l'amasec se déversa dans sa bouche, malgré le fait qu'elle ait de suite avalé. Cela lui fit tout de suite comprendre que ça n'était pas un petit alcool de supérette. Malheureusement la bonne teneur en alcool du précieux élixir aussi se réveilla dans son gosier, ce que l'inhabitude de ressentir la soudaine bouffée de chaleur l'accompagnant la fit tousser fortement d'un coup ; la forçant à reposer la flasque alors qu'elle mettait sa main libre devant la bouche. Mais force était d'admettre que l'expérience, aussi déplaisante fut-elle au premier abord, avait tout de même tenue ses promesses : pendant un instant elle n'eut plus pensée à son père (alors que c'était sa bouteille, et que les effets normalement liés à l'alcool ne s'étaient pas encore manifestés…

Puis, alors que les minutes s'écoulaient (et qu'elle ne retrouve son souffle), lentement ces derniers commencèrent à se faire sentir : le sentiment dépressif de voir toute cette pile de dossier devant elle et l'association qu'ils avaient avec son père semblait s'amenuiser doucement, de même que la pensée de rester encore cloitrée ici quelques heures. Elle se sentit un brin plus légère, alors que la tension liée à ses soucis actuels semblait la quitter comme des poids l'entravant qui venaient d'être détachés… En fait elle avait même l'impression d'y voir plus clair, d'être plus revigorée ; prise d'un moment de lucidité comme elle n'en avait plus expérimentés depuis des mois… Et lui buvait ça depuis ces derniers jours comme si c'était de l'eau ? Non, vu la cachette il fallait suspecter – non, être sûr qu'il en avait encore plein d'autre en réserve. Et vu le manque de scrupule total dont il avait fait preuve à se jouer d'elle, en sa présence, il était certains que ses entourloupes ne dataient clairement pas d'hier.

Cette simple pensée sentit raffermir sa prise sur la flasque de frustration. Alors qu'elle découvrait maintenant le côté bénéfique qu'il pouvait y avoir à profiter de l'alcool dans des moments déprimants comme ceux-ci, il fallut non seulement qu'elle l'expérimente au travers de la mort de son paternel (profitant ironiquement bien de ses effets revigorants ; surtout un aussi bon), avec sa bouteille qu'il cachait dans un coin et dont il profitait tranquillement en se moquant sournoisement d'elle sous son nez ; mais le pire, sans même penser un instant lui en proposer en sachant pourtant que ça pouvait elle aussi l'aider à tenir, alors qu'ils étaient tous deux dans la même galère !

La dernière pensée, qui tranchait de beaucoup avec son caractère, lui était apparu d'une telle intensité et d'une telle violence qu'elle eut du mal à admettre qu'elle fut la sienne… L'alcool ne la rendait pas aussi lucide qu'elle l'avait cru.

Elle regarda à nouveau la flasque et tout d'un coup le sentiment d'euphorie qui s'était emparée d'elle céda place à un sentiment encore plus déprimant qu'au départ –bien qu'elle garda cette même sensation de liberté d'expression.

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Il y'avait encore un peu plus de deux semaines, elle et lui s'étaient encore crêpés le chignon au sujet de leur sujet de discussion le plus courant concernant celui qu'elle disait être son fiancé, alors pourtant que la situation ne s'y prêtait absolument pas selon son père ; avec les retombées liées à l'histoire du marais. La conversation s'était d'autant plus rapidement envenimée qu'il ne lui avait pas fait aucunement part de ses dernières directives avec l'organisation tierce, qu'elle avait pourtant participée aussi à créer. Une telle défiance l'avait choquée de comprendre que même son propre père ne pouvait pas lui faire confiance, et elle se souvint –avec regret- s'être emportée violemment avec lui ; vidant intégralement son sac sans lui avoir laissée la moindre chance de s'expliquer. Mais il était resté de marbre jusqu'au bout malgré tout devant ses accusations, ce qui la mit d'avantage en colère. Seulement, avant qu'elle ne pique à nouveau une colère noire, il lui avait fait calmement remarqué la date à laquelle ils étaient, et surtout ce qu'elle représentait. Elle se calma rapidement en se rappelant que c'était justement le jour de sa rencontre avec son fiancé ; l'anniversaire symbolique de la première année de leur relation...

Puis, la constatant prête à lui accorder le droit de s'expliquer, il lui sortit un petit sac sur lequel était disposé un petit ruban décoratif qu'il lui tendit calmement. Quand elle l'eut prit pour voir ce qui se trouvait à l'intérieur, la première chose qu'elle ressentit fut une totale surprise à la vue d'un petit sachet de réglisse d'une des meilleures maisons de bonbons qui existe et d'une bouteille de vin : un petit Floreyan Jolivais marqué de l'année dernière (pour leur rencontre.) Très jeune et très peu alcoolisé, mais disposant d'un bon arôme fruité. Mais surtout d'une petite note de réglisse persistante en arrière bouche ; Leur goût préféré…

C'était risible, mais pourtant tout avait commencé avec une glace à ce parfum entre eux. Une banale rencontre dans un petit café au printemps : elle durant sa pause dans son travail, lui durant celle de son jour de congé ; tous deux à l'opposé en appréciant ce petit café discret pour son idéale disposition à proximité d'une des collines montagneuses caractéristique de Voilaroc et la vue qu'elle donnait au loin sur le lac Courage. Et bien que l'endroit paraissait reculé, et que ce fut un printemps léger et frais, un marchand de glace ambulant s'était installé juste devant le café et, en même temps, les deux s'étaient levés pour aller à son encontre commander une glace. Mais lui ayant été juste un peu plus proche de ce dernier qu'elle, il avait été le premier à arriver sans l'avoir tout de suite remarqué derrière lui, et demanda quelque chose qui la surprit authentiquement : une glace au réglisse-caramel avec un coulis de mûre ; qui était aussi sa composition préférée. Le problème fut que le marchand n'avait aucun autre coulis que fraise et chocolat, et qu'il n'avait pas de glace à ce parfum pour une seule et simple raison : très peu de personne l'adore, et donc l'achète. Ce qui le fit soupirer de dépit en soliloquant que c'était dommage car ça aurait été parfait avec le café qu'il prenait derrière ; la surprenant à nouveau, car elle croyait être la seule à penser qu'il en était ainsi (ni son père, ni même sa mère n'avaient jamais rien compris à ses goûts si particuliers.)

Puis, alors que l'homme partait devant le glacier qui affichait un visage commercialement désolé, elle prit la suite en demandant innocemment s'il ne connaissait pas un autre endroit qui vendait ce même parfum. L'homme s'arrêta à l'écoute de son petit rattrapage (bien qu'elle ne l'ait pas vu directement) et se retourna son attention, autant que par celle de la réponse, et il se trouvait que oui le glacier connaissait un confrère de longue date qui pourrait lui faire cette composition sur commande ; à quelques pâtés de maison de là. Il prit un petit papier de commande et son stylo pour lui noter l'adresse et la lui rendre, puis elle de le remercier en s'apprêtant à prendre la direction indiquée. Et lui de l'aguicher poliment pour savoir si cela ne la dérangeait pas de l'accompagner, «en tout bien tout honneur»…

Ce même en tout bien tout honneur qui continuait jusqu'à aujourd'hui.

Malgré leurs fonctions respectives, aussi différentes que complémentaires, et l'obligation de maintenir entre eux la plupart du temps une relation purement professionnelle, quand venait l'occasion d'ôter l'uniforme dans une période concordante entre eux, ils ne les loupaient jamais pour passer ces rares moments le plus possible ensemble (et le terme «ôter l'uniforme» ne s'arrêtait pas qu'au sens figuratif.) Dans sa vie somme toute très chargée, comme pour lui, cette relation était ce qu'ils pouvaient espérer de mieux pour décompresser, aussi bien que de profiter de la vie ; et elle ne regrettait en aucun cas chaque seconde passée entre eux qu'elle ressentait avec une intensité qu'elle n'avait plus connue depuis des lustres.

Malheureusement, malgré toute l'importance que cela représentait à ses yeux, elle avait trouvée le moyen de complètement l'oublier alors que la direction qu'elle avait choisit de prendre avec son père vacillait de plus en plus avec celle qu'elle voulait prendre avec celui qu'elle aimait ; ce qui était plus révélateur que n'importe quelle parole qu'elle pouvait prononcer pour chercher à se défendre. A sa plus grande honte elle avait oubliée l'anniversaire de leur rencontre… Mais pas son père. Malgré leur claire divergence d'opinion le concernant, il n'avait pas oublié la daté clé de sa rencontre avec son fiancé. Mais surtout de part son geste, de part le présent qu'il contenait et représentait, cela indiquait qu'il acceptait le fait que sa fille était devenue une jeune femme à même de choisir qu'elle direction devait prendre sa vie, avec qui elle voulait, et qu'en tant que père ce qu'il pouvait faire de mieux pour elle était de l'y aider et de lui souhaiter bonne chance.

Cela la toucha tellement qu'elle en oublia complètement sa colère au profit de vouloir le serrer dans ses bras. Cependant il émit une condition indiscutable qui la fit s'arrêter avant même d'avoir fait le premier pas vers lui : en aucun cas elle ne devait aborder le secret de leur projet avec lui ; exceptée si elle a l'absolue conviction qu'il pourrait les rejoindre dans le secret, et qu'elle n'attende que lui ne vienne à confirmer indubitablement que cela soit le cas avant de l'aborder en sa présence. Sinon, il lui rappela qu'à l'origine ce projet avait très bien vu le jour qu'entre sa mère et lui, et qu'il pouvait très bien se passer d'elle tandis qu'elle mènerait une vie de couple tout à fait normale ; en ne la jugerait pas sur son choix. Le fait qu'il prenne le «risque» qu'elle divulgue tout malgré cette promesse, car elle en savait déjà plus que n'importe qui d'autre, lui démontrait à quel point en fait son père lui faisait confiance ; car du jour au lendemain elle pourrait bien lâcher des détails vitaux concernant le concernant dans une discussion anodine, et tout pourrait être réduit à néant d'un claquement de doigt.

Elle voyait bien qu'il conservait encore des réticences avec son «futur gendre», mais que cela ne l'empêchait pas de passer outre ses préjugés en l'encourageant du mieux qu'il pouvait. Elle ne pouvait pas rester de marbre devant de tels efforts et une telle preuve d'estime, du même qu'elle se savait être déjà allée trop loin pour abandonner. Elle lui promit donc deux choses. La première : qu'elle respecterait à la lettre ses conditions ; la deuxième : était que même si son fiancé n'est pas tout de suite prêt à les rejoindre, elle continuerait toujours à lui apporter toute l'aide nécessaire et de le soutenir à n'importe quel moment ; qu'il le veuille ou non. Mais pas de façon irréfléchie.

Satisfait, il lui proposa alors de se préparer à changer de tenue pour cette soirée, car il avait appelé son fiancé à sa place en prévision de cet évènement ; et vu l'heure il ne devait plus tarder. Cela la fit bien évidemment paniquer sur le coup et se dépêcher d'aller dans sa garde robe pour se changer, en reposant à toute hâte le vin et les bonbons sans même consulter l'heure. Elle s'arrêta aussitôt à l'entente du rire franc de son père qui admit l'avoir stressée en la trompant au sujet de l'arrivée imminente de son fiancé juste pour voir sa réaction, qui passa vite à la frustration de la relation de famille habituelle en n'appréciant pas qu'il se joue d'elle ainsi. C'à quoi il répondit qu'à défaut de pouvoir savourer l'alcool par ses interdictions, il pouvait toujours se permettre de lui jouer ses petits tours comme depuis qu'elle était toute petite.

Puis, après quelque minutes à rire à ses dépends (et elle d'être rouge de gêne autant que de frustration), il redevint plus sérieux en lui disant de bien pouvoir profiter des quelques semaines qui suivaient, car il lui donnait un congé exceptionnel en récompense de son excellent travail d'assistante. En espérant ainsi qu'elle puisse souffler convenablement de son côté. Bien sûr elle fit remarquer que, de part son job, son fiancé ne pourrait pas passer tout ce temps avec elle. Mais c'était sans compter sur son paternel qui, trop inquiet de savoir sa fille livrée à elle-même dans une période aussi troublée, avait demandé qu'on lui dépêche un policier comme garde du corps ; en ayant «entendu» qu'on lui avait vivement recommandé les services d'un certain Théo Lagarde. Coïncidence d'autant plus troublante qu'il n'y avait qu'une personne portant ce nom dans la police, qu'il se situait justement à Voilaroc, et qu'il se trouvait optionnellement être le nom du dit fiancé… Et dont le service exceptionnel lui étant demandé prenait effet dès ce soir et durerait jusqu'à la fin de ses vacances…

Là elle ne se retint pas de lui sauter dans les bras (même si elle reconnaissait que cela correspondait à de l'abus de pouvoir pur et simple comme elle ne l'aimait pas, à cet instant elle ne s'en plaignait pas.) Mais, tout aussi subitement qu'elle fut transportée par la joie d'apprendre la véritable bénédiction que lui accordait son père, elle fut vite ramenée à la réalité de descendre de son petit nuage en pensant à ce qu'il ferait pendant son absence ; s'il allait en profiter pour mener les opérations comme il l'entendait sans avoir à lui faire part de quoique ce soit. Et se souvint avec amertume qu'il lui avait garantit qu'il n'en serait rien, si ce n'est qu'il en profiterait effectivement bien en lui annonçant qu'il se rendait à la soirée de gala de Décorum (la faisant grincer des dents en pensant à l'alcool et aux petits fours à volonté dont il était certains qu'il allait s'en gaver la panse.)

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Les journées d'après se succédèrent paisiblement, alors qu'ils profitaient tous deux platement de la relation privilégiée qu'il y'avait à entretenir entre la magnifique fille d'un gouverneur et d'un dévoué garde du corps (qui n'avait pas normalement signé pour ça ; quoi qu'il ne s'en plaignait pas non plus, loin de là.) Chose étonnante de son point de vue, son père n'avait pas appelé pour savoir comment ça se passait ou que la situation se présentait. Evidemment il fallut qu'il finisse sa phrase pour que le téléphone se mette à retentir et n'affiche le nom du gouverneur en appelant ; sous une mimique de réprobation de la part de sa fiancée, qu'il s'empressa de calmer en s'excusant avant de décrocher pour entamer la discussion avec son père, et d'apprendre tous deux avec étonnement qu'il leur parlait depuis les Îles Orange. Lui aussi avait décidé de s'offrir quelques vacances de son côté ; et que sa fille se rassure si elle croyait qu'elle lui jouait un nouveau tour : il avait une armée de garde du corps pour témoigner de sa bonne foi ; en espérant que tout se passait bien de son côté avec le sien.

Le sous-entendu ne fut même pas relevé aussi bien par sa fille que par le gendre. Mais si celui-ci dû admettre que cela était rassurant de savoir que le père se portait aussi bien que la fille, celle-ci affichait un visage particulièrement inquiet qui l'interpella fortement ; même si elle lui rassurait qu'il n'en était rien. Bien que réservé à accepter son explication, il laissa couler en pensant que la présence d'une telle sécurité devait ironiquement au contraire la rendre anxieuse en imaginant qu'il devait risquer quelque chose pour mobiliser tellement de troupe ; sans se douter un instant qu'effectivement elle s'inquiétait pour sa sécurité, mais parce qu'il n'était censé prendre ce genre de congé qu'en guise d'alibi pour les plus grandes opérations. Ce qui voulait dire qu'il lui avait encore une fois probablement menti… Du moins c'est ce qu'elle aurait cru si son «garde du corps» n'avait pas été là pour s'occuper d'elle et lui rappeler qu'avec les évènements actuels, le fait de savoir que son père se rendait dans l'Archipel Orange allait certainement apaiser les tensions qui naissaient entre elle et les autres îles, et qu'à ce titre on ne devait lui avoir fournit que la crème de la crème pour assurer sa protection.

Sa naïveté induite et l'excellente raison qu'il lui avait fournit la fit lentement soupirer alors qu'elle lui concédait volontiers ce point. Car en effet son père pouvait très bien s'être rendu dans les Archipels Orange pour cette raison. Et puis c'est vrai qu'avec autant de garde du corps sa sécurité devait être aussi assurée qu'il ne devrait même plus se lever la nuit pour aller au petit coin ou piller le frigo sans que tout le monde ne soit au courant.

La simple idée qu'elle s'en fit en image de penser au stéréotype exagéré de cartoon du garde du corps ultra-dévoué, qui pouvait sortir de n'importe où n'importe quand pour faire son devoir, la fit rigoler doucement en se rappelant d'où elle-même elle était déjà sortit pour s'occuper de lui retirer un cigare des mains. Pour se mettre à rire franchement en imaginant juste après ce qu'il devait ressentir avec un contingent entier de bonhomme comme ça. Bien sûr «son» garde du corps ne comprenait pas la source de cette hilarité, mais il était quand même ravi de voir qu'elle avait arrêtée de s'en faire à la place ; et lorsqu'elle lui expliqua de quoi il s'agissait, il l'a rejoignit à son tour à rire aux éclats en n'imaginant la tête du gouverneur lors de cet instant. Sans tabou… D'autres se seraient sûrement retenus à porter de telles opinions concernant son père aussi ouvertement, par simple crainte de base, mais pas lui. Simple et naïf, mais pas dénué d'une forme de ruse bien sournoise, presqu'animale, qui n'était pas sans lui rappeler sa mère ; ni non plus pour lui déplaire… Comme bien d'autres choses et talents cachés chez lui qui étaient loin, très loin de lui déplaire…

…Ce qu'il allait lui démontrer une fois de plus ce soir, passés la porte de sa chambre pour assurer jusqu'au bout son devoir de garde du corps.

La nuit suivante fut la plus belle qu'elle ait passée de toute sa vie (y comprit l'une de celle où elle ait le moins dormi.) Même si beaucoup d'encre à couler sous les ponts depuis, elle se souvint sans peine de chaque mot de chaque phrase qu'ils s'étaient dit et de chaque geste, pour la plupart inavouable, qu'ils s'étaient échangés ; chaque instant lui revenant à l'esprit comme un souvenir à part entière. Souvenirs dont elle en ressassait doucereusement le rêve d'une teneur mélancolique plus enivrante que l'alcool…

Jusqu'à ce qu'elle n'apprenne le lendemain la pire nouvelle de sa vie, et que le rêve ne se transforme en cauchemar…

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C'en était plus qu'elle pouvait le supporter. Tant pis pour l'aspect politiquement incorrect : elle reprit la flasque pour tirer une nouvelle lampée d'alcool, plus importante que la dernière. La bouffée de chaleur se manifesta encore dans son gosier, tout comme le goût riche à son palais, et la déprime qui tentait de la gagner à nouveau fut repoussée presque aussitôt par la force… C'à faisait du bien…

Mais malgré cela, il y'avait toujours une question en suspend qui continuerait de la hanter à jamais si elle n'en trouvait pas la réponse. Elle n'arrivait pas à voir pourquoi on irait le tuer dans la situation actuelle, mais ne trouvait pas d'autres explications concernant sa mort autre qu'il devait forcément avoir prit contact avec Rising Sun durant son absence. Elle était sûre de ça ; qu'il ne l'avait pas attendu et avait profité de son absence pour continuer de mener à bien lui-même le projet… Mais pourquoi ? Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Elle lui avait pourtant jurée de son côté qu'elle n'irait jamais le trahir, même involontairement, et pourtant il l'avait laissée à l'écart…


«Pourquoi tu m'as menti, papa…» Soliloqua-t-elle faiblement, avachie sur le bureau comme un Métamoprh crevé.

«Peut-être pour te protéger.»


La jeune femme tourna lentement la tête en direction de l'entrée, sans la moindre forme d'énergie malgré qu'elle eut reconnu sans peine (même sous l'emprise de l'alcool) le doux timbre de la voix de celui qui s'était occupée d'elle jusqu'à présent ; aussi bien si ce n'est mieux qu'elle ne s'était elle-même occupée de son paternel.


«Et me protéger de quoi ; tu sais même pas ce qui se passait réellement entre nous…» Renvoya-t-elle avec l'agressivité d'un Parecool.


L'homme soupira, mais ne perdit pas son sourire pour autant. Il s'approcha ensuite posément du bureau, sans qu'elle ne relève la tête. Puis, sans forcer aucunement, lui retira la flasque des mains sans qu'elle ne résiste un seul instant.


«C'est vrai que je ne sais pas grand-chose de la vraie relation que tu entretenais avec ton père.» Admit-il en reposant la flasque hors de portée. «Mais il est une chose de sûre que tu sais pertinemment à propos de lui, et que même ivre tu ne pourrais jamais nier : c'est qu'il ne se serait jamais lancé dans quelque chose s'il savait que cela pouvait certainement te mettre en danger.»


La jeune femme lui releva lentement la tête, et le petit sourire qu'il arborait s'amenuisa lentement à la vue de son visage profondément attristé à la place de celui d'ange qu'il connaissait habituellement ; d'où s'écoulait plaintivement de ses yeux deux larmes y traçant de fines ligne d'eau aux reflets clairs.


«Mais ça veut dire qu'il s'est mit en danger…» Reprit-elle en hoquetant faiblement. «Il s'est mit en danger, il m'a rien dit. Alors que j'aurais pu l'aider s'il m'avait parlé. J'aurais pu faire quelque chose pour lui…»

Il lui sourit à nouveau, bien qu'il ne s'en réjouisse pas. Il s'abaissa lentement à son niveau, puis lui saisit tendrement le visage par la paume.

«C'à n'a beau qu'être ta vraie première fois, mais il suffit de t'entendre pour comprendre que l'alcool ne te réussit vraiment pas.» Lui rendit-il en essuyant délicatement l'une de ses larmes.

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Elle ne répondit pas ni n'y réagit, à part de le regarder fixement au travers de ses larmes en continuant de hoqueter faiblement. Toujours avec sa légère veste bleu-gris par-dessus sa chemise blanche impeccablement repassé, sans jamais porter une seule fois une cravate, ainsi qu'un faux jean noir aussi souple qu'un jogging pour ne pas être entravé dans une course : son ensemble de contre-fonction habituel. Puis de voir le teint bronzé de sa peau en regardant son visage, et ses cheveux noirs légèrement tombant par-dessus ses yeux d'un vert plus sombre que les siens ; et surtout le petit sourire tout tendre qu'il n'esquissait exclusivement qu'à elle, et personne d'autre… Le même sourire qu'il lui avait fait lors de leur première nuit ensemble. Pour lequel elle avait complètement craquée…


«Tu en fais décidément beaucoup trop en te culpabilisant et te rajoutant une charge qui n'est pas la tienne.» Reprit-il en lui caressant lentement la joue. «Allez viens, je t'invite à déjeuner.»


Bien qu'elle était heureuse de le voir et acquiesçait intérieurement à sa proposition, ce qui se voyait alors qu'elle prenait sa main à son tour en se lovant dedans, elle ne pouvait s'empêchée d'être étonnée par sa présence avec elle en ces lieux, alors qu'il devait y avoir toute une autre armée de sécurité semblable à celle de son père qui prévenait de toute intrusion.


«Comment tu es parvenu jusqu'ici ?» Reprit-elle d'un ton plus sobre que son état le laisserait supposer. «Je veux dire, comment tu as fait avec tous les barrages qu'il y'a dans l'ambassade ?»

Un instant surprit par sa question dont la réponse devait être si évidente qu'il en perdit son sourire, il le récupéra l'instant suivant d'un air amusé.

«Ouaip, tu tiens vraiment pas l'alcool.» Renvoya-t-il d'un petit rire devant son visage interpelé. «Aurais-tu oubliée que je suis ton garde du corps personnel ? Evidemment que je peux passer tous les barrages de sécurité. Un garde du corps interdit de protéger, on aurait encore jamais vu ça.»

«C'à n'est pas ce que je voulais-»

Elle s'interrompit lorsqu'il fit légèrement revenir sa main pour lui mettre tendrement le pouce sur les lèvres.

«Je sais ce que tu voulais dire, alors laisse-moi être plus clair : moi vivant je ne laisserais personne t'approcher.» Reprit-il le plus déterminé possible sans pour autant laisser tomber son sourire. «Et quand les aimables gars de la sécurité ont compris que j'ai été dépêché en personne par ton père, et surtout quand je leur ais fait sommairement remarqué qu'il était pratiquement sûr qu'il devait y avoir un traitre parmi ceux qui étaient sensés assurer sa sécurité : c'était plus à eux de me montrer patte blanche que l'inverse.»


Bien qu'elle continue de verser des larmes, elle se mit doucement à sourire à son tour. Malgré la situation il n'avait pas changé d'un poil, toujours à faire ses grandes déclarations de prince charmant prêt à défendre la belle dans son armure rutilante ; ce qui ne serait pas si frustrant si effectivement il ne s'acquittait pas de cette tâche aussi bien qu'il le prétendait (il n'avait pas été recommandé à son père uniquement pour ses beaux yeux, loin sans faux.)


«Je préfère ça.» Reprit-il à la vue du sourire poindre sur son visage. «Bien, alors on y va ?»

«Et où on va ?» Renvoya-t-elle un peu pompette par l'alcool, mais pourtant consciente qu'ils ne devaient pas quitter l'ambassade.

«A la cafétéria, bien sûr.» Confirma-t-il naïvement avec le même sourire honnête que d'habitude.


Elle plissa les yeux autant de déception que d'amusement. Evidemment qu'ils ne pouvaient aller nulle part d'autre, et aurait été agréablement surprise qu'il lui démontre le contraire. Même si ça aurait été un risque parfaitement irresponsable et inconsidéré ; risque qu'il n'irait jamais prendre avec elle. Cependant il conservait son sourire. Ce sourire qu'elle adore et qu'il ne perdrait jamais, peu importait la situation à laquelle il devrait faire face avec elle. Mais d'un autre côté si elle se savait désormais sous protection continuelle dans une cage, elle l'était avec l'Etourmi aussi aimant et attentionné qu'il pouvait virer dans l'instant à l'Etouraptor farouche et déterminé qu'était le sien… Ce qui était le compromis que, même ivre, elle n'aurait osée espérer reconnaitre vouloir.


«Radin…» Ne put-elle s'empêcher de répondre d'un ton de déception faussement aigre par l'ivresse.

«Petite nature…» Répliqua-t-il plus doucement, puis de se montrer bien plus contrit. «Mais si tu préfères qu'on reporte à plus tard, je comprendrais.»

«Non…» Elle secoua faiblement la tête dans sa main. «… Je veux juste rester un peu plus pour décuver, juste un peu plus avec toi…»

«D'accord. Mais seulement si tu me promets de ne plus toucher à l'alcool.» Reprit-il affectueusement.

«Si tu me promets de toujours être auprès de moi…» Rendit-elle fluette.


Il n'y eut pas de mot, ni de signe de tête, de regard ou quelconque pour confirmer ou infirmer leur promesse. Il ne fit simplement que lui redresser le menton délicatement, de s'approcher tout d'avantage d'elle tout doucement tandis qu'elle se laissait docilement faire, puis d'échanger un simple baiser pour se prouver ce qu'ils se savaient déjà être une promesse indéfectible entre eux.

Il n'y avait qu'une seule chose qu'elle regrettait lui avoir dit qu'elle savait hypocrite, et qu'elle détestait devoir lui cacher tout en sachant qu'elle ne pouvait pas faire autrement. Elle lui avait fait promettre d'être toujours là pour elle alors qu'elle savait qu'il était déjà présent à chaque fois que c'était nécessaire, mais se devait toujours de respecter sa parole avec son défunt père. Elle lui fallait attendre le bon moment pour lui expliquer ce qu'elle voulait si sincèrement lui révéler, mais se devait d'attendre que le deuil de son père se passe de lui-même avant… Et pour le passer le plus vite qu'elle savait être possible, elle avait impérativement besoin de savoir qui fut à l'origine de sa mort. Mais il fallait qu'il n'en apprenne rien et ne soit pas présent à ce moment avec elle. Car cela nécessitait de prendre contact avec ceux qu'elle suspectait d'avoir trahi son père.

Et qui allait amèrement le regretter.


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Sinnoh. Route 204. Fin fond du Chemin Rocheux.

Lundi 24 Mai, 08 heures 25 minutes.



D'abord sur le dos en position en chandelle pour étirer les lombaires, puis d'écarter les cuisses largement sans perdre sa respiration, et enfin ramener ses pieds vers le sol dans une démarche de marionnette manipulée par des fils invisible, pour finir par se redresser lentement en courbe sur ses deux jambes et tenir debout sans le moindre effort ou perte de souffle. Une séance d'étirement quotidienne de plus qui se terminait comme d'habitude. De même que les journées précédentes s'écoulèrent sans accrocs dans ses activités : elle avait finalement terminée de remplir sa commande de baie Nanone pour le kamikaze de la tour combat juste à temps avant son voyage vers Johto, tout en ayant aussi menée à bien deux nouveaux contrats (à 75.000 et 50.000 pokédollars respectivement) par la même occasion. Sans que personne ne note la différence… Sans la mouche qui pouvait tracer les transactions comme elle le savait jusqu'à Sinnoh, maintenant elle pouvait repasser à la phase de multiple virement dans la myriade de comptes secondaires cachés qu'elle possédait depuis avant son partenariat avec lui.

Cela avait été si facile de l'appâter dès l'instant où elle avait compris qu'il voulait absolument découvrir son identité. Pour un tueur à gage, tout ce qui compte en temps normal est l'argent : c'est sur ce seul motif que les acteurs de cette profession tuent. Mais dans un monde où les transactions passaient maintenant qu'en virtuel, et où aucune banque «digne de ce nom» ne pouvait effectuer le moindre virement sans qu'il soit immanquablement tracé et enregistré dans leurs fichiers, obtenir sa prime devenait risqué dans le sens où un gros virement anonyme sur un seul compte pouvait très vite attirer l'attention. Il n'y avait que deux solutions pour échapper à cela : créer un maximum de compte bancaire et diviser la prime en myriades de petits versements indépendants sur chacun, ou au contraire prendre la méthode qu'elle avait choisit exprès : faire retirer l'argent sous forme matériel en le scindant en beaucoup de part, puis de lui faire effectuer des dizaines de détours via autant de moyens de transport différents pour enfin les faires converger au point donné. En ce sens la seconde méthode était bien plus longue et risquée que la première, car l'avantage d'être assuré de ne pas être tracé dans l'immédiat par l'investigation fiscale n'était que très peu rentable par rapport à la chance certaine de se faire retrouver par n'importe quel tueur un brin intelligent et déterminé… Enfin, ceci à condition bien sûr qu'il croit chasser quelqu'un qui tient à son argent, et ne se serve pas justement à l'inverse de cette méthode pour traquer ses propres chasseurs en les attirant dans un piège plus que fatal ; ce que son ex-indic eut apprit au prix fort en s'installant à Sinnoh en croyant la tenir. Sans se douter qu'elle avait laissée cette trace exprès pour lui…

Comme dit le proverbe : on attrape mieux les mouches avec du miel qu'avec du vinaigre.

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Alors qu'elle s'installait à nouveau devant sa console, bien que les écrans s'affichent normalement, il se trouvait une barre de téléchargement inhabituelle en forme d'étoile à caractéristique qui prônait en fond d'écran et dont les «branches» semblaient se remplir extrêmement lentement ; ce qui était indiqué par la multitude de chiffres et de données affichés sous la forme d'une colonne à côté, et dont le contenu défilait pourtant à une vitesse purement vertigineuse. Cela faisait depuis la fin de la journée après la visite du professeur et de Flo qu'il en était ainsi, et que cela était tout à fait normal : la SCS se mettait à jour pour arriver à son prochain stade de développement. Ce qui était fondamentalement très long, car le chiffre faisant état de la progression d'optimisation n'avait même pas encore atteint le dixième d'un pourcentage. Mais une telle lenteur dans le processus était parfaitement compréhensive, car strictement tout le matériel relié de près ou de loin à la SCS subissait lui aussi la mise à jour : l'holo-salle, le sous-marin, la tenue Callidus, les micros de boucles d'oreille à spectre large, y comprit l'armurerie et la penderie, jusqu'aux drogues et autres composants chimiques dans sa gamme technologique, etc. Tout y passait. Ce qui soulignait de même que, pendant cette mise à jour, son repaire était à cet instant le plus vulnérable possible (si on n'omettait tout le système défensif artisanal qu'elle avait installée elle-même, qui n'était pas relié à la SCS, et que c'était lui qui tenait en respect à la base tout ce qui pourrait approcher de près ou de loin en ces lieux.)

Mais cela ne l'avait pas empêchée de mener à bien deux autres assassinas sans la moindre difficulté ; elle tuait depuis bien avant d'avoir mit la main sur cette dernière. Aussi se passer de cette dernière n'était pour elle qu'un simple retour aux sources. Rien qui n'allait l'arrêter de continuer le macabre but de son existence : tuer sur commande ; avec ou sans la Callidus ou des armes révolutionnaires ne changeait rien à ça. La preuve incontestable étant qu'elle ait mit fin à la vie de Matis sans rien d'autre que le sabre composite et une infiltration informatique dans le système de sécurité au moment où il était le plus vulnérable, n'étant juste qu'une formalité.

Mais il y'avait une raison pour laquelle elle ne s'était justement pas servit de la Callidus avec lui, de même qu'elle lui ait révélée son visage ou n'ait accordée son «cadeau d'adieu» à la mouche, alors qu'en temps normal elle ne révèle jamais rien à ses victimes lorsqu'elle leur fait rencontrer leur fin. La même raison dont la preuve «immatériellement matérielle» se trouvait ironiquement en possession de la championne de Vestigion : Lisa. Ou, plus précisément, l'Ectoplasma. Il n'y avait évidemment aucun lien direct entre elle, la mouche et Matis, vu qu'ils ne se sont même jamais vu de leur vie. Mais le lien tenait justement dans l'après vie…

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Du point de vue d'un observateur extérieur au monde pokémon, pour lui rien n'aurait été fondamentalement étonnant de voir qu'il existe des fantômes humains puisqu'il y'en a bien de pokémons sous la forme des Fantominus, Feuvorêve, etc. Mais en fait cela est bien plus complexe que cela. La raison tenant en une phrase : pourquoi alors, si les esprits d'humains morts peuvent devenir des spectres, on n'en retrouve aucun dans le monde humain ? Car il est avéré qu'aucune activité pokémon, quel qu'elle soit, ne fut relevée dans le monde humain par leurs satellites. Et ils sont de très loin bien plus performants que ceux du monde humain.

La réponse est à la hauteur de la question : un humain ne peut pas reprendre forme sous l'apparence d'un pokémon, même spectre. Cela est scientifiquement impossible. Pour plus de précision, la raison tient dans la même énergie inexplicable des pokémons qui est inextricablement liées au plus profond de leurs cellules ; on peut même dire que c'est la base dans la chaine de leur ADN. Les théories sont donc qu'en mourant une partie de cette énergie subsiste du pokémon, puis vaque d'un plan et d'un type à l'autre pour «renaitre» sous la forme d'un spectre. En d'autres termes, un humain n'ayant pas un ersatz de cette énergie en lui il ne peut pas devenir un pokémon spectre. (C'est d'ailleurs aussi pour cela que Florianne aurait pu passer pour une folle aux yeux de la population de Vestigion si elle disait avoir vu des fantômes, et aussi pour ça que l'ancien champion avait sauté sur l'occasion qu'elle lui avait offerte sur un plateau, à son malheur.)

Le type spectre est d'ailleurs reconnu comme étant parmi le plus atypique de tous aux yeux de la communauté scientifique, car la catégorie dans laquelle pourrait être classée leur essence s'apparente être la plus proche de celle du vide. Dénuée de la moindre fréquence ou vibration, et aussi les pokémons dont l'évaluation de niveau pour sont les plus imprécis.

Mais pour en revenir au lien reliant Lisa à ses deux victimes, c'est justement parce que cette dernière défie de part sa seule existence ce même principe qu'elle en venait à changer ses habitudes. Selon l'explication de Florianne s'appuyant sur la croyance de la culture populaire, il fallait qu'un humain ressente du regret dans d'importantes proportions au moment de mourir pour pouvoir ensuite renaitre en spectre. Mais il y'avait différentes formes de regrets qui entraient en composition d'une telle théorie, qu'elle lui fallait catégoriser pour en déterminer la véracité. Mais déjà il était simple d'en sortir deux principaux : le regret d'existence et celui d'inexistence. En d'autres termes quand un humain regrette fortement de ne pas avoir mené quelque chose à bien dans son existence pour le premier, ou à l'inverse regrette fortement d'avoir échoué quelque part en s'en voulant tellement qu'il préfèrerait ne jamais avoir existé.

Si la théorie populaire s'avère correcte, n'étant pas dénuée d'une certaine forme de logique (par rapport à celle du monde pokémon), alors, des deux théories, c'est de la première dont les chances de conversion humain-pokémon/spectre sont les plus élevée. Car le regret est un sentiment dont il est établit qu'il pousse à l'encrage le plus résolu sur ses positions ; un humain regrettant fortement de mourir se «maudit» et reste alors dans le plan vivant sous la forme d'un spectre hantant ces terres par ses regrets.

Mais bien sûr cela n'arrive pas à tout le monde, sinon la terre entière serait recouverte de spectres depuis l'aube des temps. Aussi quand il s'agit de parler d'éprouver du regret dans des proportions importantes, il serait plus avisé de reconnaitre qu'il doit être ressentit dans ses ultimes retranchements ; quelque chose faisant tellement culpabiliser que cela revenait à souhaiter préférer se maudire pour l'éternité plutôt que de s'accorder ne serait-ce qu'un soupçon de repos. Tout le monde n'est pas capable d'exprimer un tel regret, simplement parce que la société actuelle fait tout pour essayer de perdre le moins de chose «vitale» que possible en poussant au dénigrement individuel de la douleur, tout comme de la joie : pleurer pour une voiture ou la perte d'un objet précieux du point de vue sentimental, et la société rejettera cette attitude en considérant le personne comme faible et risible avec déni ; de même que prétendre à se réjouir pour la réussite d'un proche quand il est remarqué qu'en fait il serait plus logique de l'envier, et la société s'empressera immédiatement de l'accuser d'hypocrisie en le harcelant sous le poids de la majorité ; étouffant ainsi dans l'œuf toute possibilité d'expression individuelle au profit du point de vue vide et dictatorial de celui du nombre. Instaurant ainsi la norme de pensée globale à devoir adopter en assurant la pérennité du pouvoir en place.

Autrement, dit un jugement de valeur s'appuyant sur le poids de la majorité.

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Une expérience psychologique menée dans le cadre de l'étude comportementale de groupe avait d'ailleurs été menée sur le sujet [*], et les résultats furent sans appel : aucun humain ne prend intentionnellement le risque d'initiative de prise de décision dans un environnement où il se trouve avec d'autres humains, peu importait la gravité du danger, et ce proportionnellement au nombre d'autres personnes présentes avec lui (s'il n'y a pas été préparé avant, ou sauf si le danger le menace directement.) L'étude consistait à rassembler dans une pièce un nombre de personne allant croissant pour chaque nouvelle séance de test, allant de deux au départ pour vingt à la fin. Dans cette pièce, l'un des participants était en fait un complice de l'équipe d'étude qui devait feindre un malaise pour constater la réaction du/des sujets par rapport au «blessé». Les résultats furent édifiants : quand un sujet se retrouve seul avec le complice à terre, il ne lui fallait pas même un instant d'hésitation avant de se porter à son secours en arrivant à son chevet. Mais à l'inverse, lorsqu'il se trouvait être deux sujets en plus du complice quand le malaise se déclarait, une hésitation perceptible était relevée entre les deux sujets qui mirent plus longtemps avant de porter secours au complice. Et le délai d'hésitation s'étalait de plus en plus longtemps au fur et à mesure que le nombre de personne augmentait.

Concrètement, cela voulait dire qu'en public le sentiment de responsabilité individuel de l'être humain s'effaçait totalement, reflétant par la nature par son indécision la réelle forme de celle de la pensée de la société : ne pas se mêler de la vie des autres, même quand ils sont en danger, parce qu'il n'y a pas à se sentir concerné, vu que la pensée individuelle est prohibée. Sauf que dans la contradiction des lois édictées par l'hypocrisie humaine, non-assistance à personne en danger est aussi considérée comme un crime. Du coup la réflexion est tout simple : quand il n'y a pratiquement personne d'autre à part soi pour porter assistance, il agit de manière rapide vu qu'on sait qu'il risque plus gros à ne rien faire qu'à agir. Mais au contraire plus il y'a de monde et moins il se sent responsable, vu qu'il se dit que quelqu'un va s'en charger à sa place. Pendant que lui peut tranquillement continuer son petit bonhomme de chemin sans que ça l'empêche de dormir la nuit.
[Authentique]
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Le lien par rapport aux spectres étant que vu que la société à la majorité dénigre l'individuel, l'être humain lambda ne cherche pas à s'accrocher à quoique ce soit pour correspondre au conditionnement de la société. Donc qu'un être humain mourant n'a pas à se raccrocher à la vie, vu qu'en fait il lui l'est interdit…

Ce qui, en révélant son visage au gouverneur et en étanchant la soif de curiosité de la mouche, était ce qu'elle avait recherchée. Le premier regrettant ses actions vis-à-vis de la Faucheuse de part la pire erreur qu'il pouvait commettre ; le genre d'erreur qu'il ne se pardonnerait jamais de toute son existence en sachant ne pouvoir rien y faire. Le deuxième n'ayant tout simplement pas de regret de part le sort «privilégié» qu'elle lui avait réservé…S'assurant ainsi qu'il n'y ait aucuns témoins.

Vivants et morts.

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En tout cas, pour l'instant : toutes les affaires en cours soient potentiellement toutes réglées. La tension des îles par rapport à la mort de Matis ayant été remédiée par sa fille ; sa manœuvre d'éviter d'être liée à la Ligue en manipulant la championne et ses proches connaissances avait été savamment orchestrée ; pour enfin être parvenue à la fin à honorer toutes ses commandes de baies en cours. Outre l'attente du retour de l'ancienne maitresse pour connaitre la vérité sur les évènements du Mont Couronné, ou la mise à jour de la SCS, il n'y avait plus d'affaire d'importance en cours à traiter.

Il restait toutefois un point à éclaircir, qu'elle devait impérativement s'occuper : la fille du gouverneur Matis, justement. Elle était trempée jusqu'aux os dans sa combine, mais pourtant la réaction dont elle fit preuve devant les caméras, mais surtout les micros-expressions relevées sur son visage, indiquait qu'elle était sincèrement affectée par sa mort, mais aussi qu'il semblerait qu'elle n'arrive pas à reconnaitre qu'il puisse avoir été tué ; dans le sens du motif. Cela voulait dire qu'elle ne devait pas être au courant du contrat que son père ait passé sur la tête de la maitresse des baies…

C'à n'était pas un gros problème d'importance dans le sens où, sachant qu'elle ne sait rien par ce que son père ne lui a rien dit, il n'y avait aucune chance qu'elle ne le découvre par elle-même toute seule, et ainsi ne représenter aucune menace pour elle… Seulement si elle se décidait à prendre contact avec Rising Sun pour voir de quoi il en retournait, en considérant qu'elle ne sait rien et s'adresserait à la Cour de Lupercal avec cette lacune, il était sûr et certains qu'ils devineraient la véritable nature de leur employeur et ne la manipule pour changer la donne à leur avantage. Le genre de changement de donne qu'il vaut mieux qu'il ne leur arrive pas.

Pile à l'instant où elle termina d'arriver à cette conclusion qu'elle avait déjà conclut depuis plusieurs jours déjà (ne jamais négliger de vérifier plusieurs fois, même si cela parait inutile), une nouvelle fenêtre d'information s'afficha à l'écran sous la forme d'une demande d'appel entrant, suivit d'une seconde lui demandant de rejeter la demande ou d'accepter de lancer une batterie de scan avant de la confirmer. Elle confirma à la seconde, et une nouvelle barre de progression, plus traditionnelle, s'afficha à l'écran pour faire état du scan.

La SCS avait beau se mettre à jour, ses systèmes de sécurité continuaient de maintenir leurs fonctions à leurs formes optimales. Tout comme le sous-réseau fantôme parallèle qu'elle conservait via les liaisons satellite qui lui permettait de continuer le travail de liaison qui revenait normalement à la mouche, mais en cent fois plus rapide et incalculable-ment plus fiable (elle ne le lui avait confié que pour avoir un œil sur lui. Mais maintenant cela ne servait plus à rien.) Désormais toutes ses demandes de contrat transitaient directement par elle, de même qu'elle surveillait le contenu et le contrôle de tous ses comptes bancaires en temps réel (dont la plupart qu'elle avait ouverts depuis bien avant son partenariat avec la mouche) ; des centaines de compte contenant à peine quelques dizaines de milliers de pokédollars à l'unité éparpillés aux quatre coins des îles. Mais qui tous rassemblés donnait une somme rondement coquette.

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Une fois la barre totalement remplit (évidemment bien plus rapidement comparé à celle de la mise à jour) et la conclusion des scans considérant la communication sûre, la fenêtre disparut, et l'écran principal afficha à la place l'image neigeuse des grésillements d'une communication brouillée. Le contact était établit.


[Bonsoir Faucheuse.] Commença la voix brouillée du commanditaire.

«Bonsoir Mr «M».» Rendit-elle neutralement. «Contrat.»


Un instant éloquent de silence s'ensuivit, tandis qu'une nouvelle fenêtre s'affichait devant elle avec un message annonçant du contenu entrant. Les scans recommencèrent leurs investigations pour ne trouver aucune donnée suspecte, et, après une nouvelle confirmation de la Faucheuse, le fichier s'ouvrit pour montrer la fiche du contrat. Avec le nom de la cible prônant clairement au dessus de la fiche…

[Cible : Cynthia Luna…]


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Trois jours plus tôt, au plus profond d'une île n'apparaissant sur aucune carte. Dans une salle sombre uniquement éclairée par la lumière blafarde de l'écran grésillant situé au milieu de la pièce. La sombre assemblée présente en réponse à l'appel de l'autorité suprême était parcourue d'un frisson d'appréhension.


«Qu'avez-vous dit ?» Renvoya l'un des membres de la Cour à leur anonyme autorité.

Malgré le brouillage sophistiqué derrière lequel cette dernière était voilée, le soupir d'exaspération qu'elle émit fut clairement perceptible par toute l'assemblée.

[Vous m'avez très clairement entendu.] Reprit la voix brouillée d'un ton froid. [Je vous demande si vous êtes à l'origine de la mort du gouverneur Matis.]

Les têtes se tournèrent entre elles alors que l'incompréhension tout autant qu'un frisson de peur parcourait lentement, mais sûrement l'assemblée.

«Mais… Nous ne sommes pas à l'origine de sa mort.» Répondit lentement une autre voix.

[Qui d'autre alors ?] Reprit la voix dont l'exaspération venait de monter d'un cran. [Dîtes-moi : qui d'autre aurait pu avoir les moyens et le motif pour tuer le gouverneur Matis ?]


Aucune réponse ne vint en retour tandis que l'assemblée faisait silence. Il y avait bien une explication tout trouvée, et même plus que cohérente. Mais personne ne prenait l'initiative d'oser l'émettre… A part celui se trouvant être le membre les moins scrupuleux de tout leur conclave.


«Il existe bien quelqu'un ayant tout autant les moyens que les motifs pour s'être occupé de lui.»

[Qui.] Tonna froidement la voix d'un ordre intraitable.

«La Faucheuse.»


Le silence se fit dans la salle tandis que la conclusion était imperceptiblement soutenue par le reste de l'assemblée, pour qui à chacun d'eux il apparaissait clairement qu'il ne pouvait en être autrement. Même la voix se devait d'en reconnaitre la perspicacité, subtilement démontré par son silence éloquent. Seulement elle aussi connaissait sa réputation, et elle aussi savait que de balancer aussi facilement son nom dans la conversation ressemblait trop clairement à une pitoyable tentative pour détourner l'attention.


[Et qui l'aurait engagée ?] Releva-t-elle d'un ton délibérément sarcastique.

«Pas nous.» Répondit l'homme vêtu d'un ensemble noir rehaussé d'une lettre rouge brodée sur sa poitrine gauche. «Les moyens nous les avons, mais pas le motif.»

[Pourquoi devrais-je vous croire.] Rendit-elle d'une pointe de rancœur bien descriptible. [Tout aussi nombreux que vous êtes, vous avez autant de motifs que possible.]

«Parce qu'avant sa mort vous nous aviez dit l'avoir contactée pour qu'elle s'occupe de la maitresse des baies de Sinnoh, pendant que nous devions nous charger de récupérer son corps dans un camion frigorifique à Féli-Cité pour le ramener à Hoenn.» Rendit-il calmement.

Un recul d'appréhension fut perçu de la part de l'autorité, auquel son interlocuteur principal se permit d'esquisse un imperceptible sourire.

«Il ne vous a rien dit. N'est-ce pas, Mademoiselle Matis ?»


Le silence rendu par les deux côtés, aussi bien pour le reste de la Cour que la voix brouillée, fut des plus déterminants. Mais l'interlocuteur, représentant désormais la Cour dans la conversation, ne s'arrêta pas à ce détail.


«Ne vous inquiétez pas : connaitre vôtre identité tout autant celle de vôtre père ne changera fondamentalement rien à nos relations. En fait, cela est même la preuve que nous ne sommes pas responsables de sa mort, comme je l'avançais.» Reprit-il d'un ton calme.

[Et en quoi ?] Rendit-elle plus prudemment, mais toujours d'un ton froid.

«Réfléchissez. Si nous avions voulu tuer le gouverneur, cela voulait dire à la base que nous connaissions son identité ; hors si nous connaissions son identité, nous connaitrions aussi la vôtre. Ce qui veut dire que si nous avions voulu le tuer, vous seriez aussi morte.» Résuma-t-il platement. «De plus, comme j'e l'ai aussi souligné : nous n'avons aucun motif valable pour ordonner la mort du gouverneur ; puisque c'était lui qui nous fournissais toutes les ressources et le matériel dont nous disposions. Ensuite sa mort a été mit sur le dos des teams, ce qui est très loin d'être la meilleure publicité dont nous avons besoin en ce moment. Et pour finir vous connaissez parfaitement nos identités : croiriez-vous donc que nous laisserions un tel témoin en vie s'il ne nous était pas vital ?»

L'intervalle qui s'ensuivit fut marqué par l'approbation du reste de la Cour, et, bien obligée de reconnaitre la véracité crue de ses arguments, y comprit par la fille du gouverneur.

[Dans ce cas, qui.] Reprit-elle plus encline à converser qu'à accuser.

«Un autre membre du Consortium.» Hasarda-t-il sans chercher plus loin. «Bien qu'il est impossible de savoir qui précisément, ce n'était pas les adversaires du gouverneur, aussi politique que public, qui manquaient ; sa réputation ne retirant rien à cela.»

«Les mercenaires non plus ne manquent pas dans le monde pokémon. Des ex-militaires pour la plupart travaillant pour les plus offrants, aux talents variés et à l'expertise de vétéran qui sont tout à fait capable de mener un raid sur une villa aussi protégée que celle du gouverneur, avec une efficacité et une précision chirurgicale.» Reprit un autre membre. «Compte tenu des ressources énormes dont peuvent aisément dispose chacun des membres les plus influents du Consortium parmi les adversaire de feu vôtre père, engager les plus compétents d'entre eux est tout aussi facile que de commander un plateau repas.»

[Alors pourquoi m'avoir parlé de la Faucheuse ?] Releva-t-elle d'un brin d'incompréhension.

Un nouveau sourire imperceptible se dessina sur les lèvres de son principal interlocuteur.

«Parce que, comme je vous l'ai déjà dis, vôtre père a passé un contrat avec la Faucheuse sur la tête de la maitresse des baies, à nôtre place. Juste avant de partir dans les îles Orange. Hors elle est toujours en vie.»


Le nouveau silence émit par la surprise de leur «nouvelle autorité» fit légèrement détendre les doigts de son interlocuteur, sans qu'elle ne le remarque. Contrairement à son père, s'il manœuvrait bien, elle serait plus facile à manipuler.


[Vous êtes en train de me dire que la Faucheuse n'a pas respectée son contrat ?] Releva-t-elle d'un réel étonnement.

«Cela n'a rien d'étonnant. Vôtre père faisait un appel régulier de ses services en respectant toujours à la lettre ses conditions, y comprit celle des motivations.» Souligna-t-il clairement. «Il est évident qu'elle doit avoir devinée depuis un bon moment déjà à qui elle faisait à faire, bien avant nous.»

[Et en quoi cela parait si «évident» ?] Renvoya-t-elle d'une note persifflant.

«Parce que c'est un tueur à gage.» Rendit-il calmement en ne relevant pas. «C'est un assassin qui tue de sang froid pour l'argent, et uniquement motivé par l'argent. Mais s'il apprend en court de contrat que son commanditaire est mort, peut importe comment, son contrat ne vaut plus rien à ses yeux vu qu'il sait qu'il ne se fera pas payé, et s'arrête du coup automatiquement ; même s'il était à un pouce de réussir son objectif. Pour lui sa cible n'a tout simplement plus aucun intérêt.»

Il marqua une pause pour souligner ses prochains mots.

«Sachant que la Faucheuse n'agit qu'à partir du deuxième entretient et qu'elle laisse toujours un délai s'établir avant de passer à l'action, et que La mort de vôtre père à été médiatisée sur toutes les chaines du monde pokémon : elle ne pouvait pas ne pas l'apprendre. Et n'a tout simplement pas donnée suite à son contrat.»


Bien qu'elle se refusait à l'admettre, les explications lui étant avancée la satisfaisaient sur le point cohérent qu'elles représentaient ; même si elle n'avait toujours pas apprit la vérité concernant celle de la mort de son père. Seulement elle ne comprenait pas un point dans l'histoire, le concernant justement.


[Pourquoi la maitresse des baies ?] Reprit-elle plus calmement.

L'homme esquissa à nouveau un imperceptible sourire.

«Laissez-moi vous expliquer…»

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Quand il en eut finit de lui résumer tous les détails, reprit en bien des passages par d'autres membres pour ponctuer son exposé, leur interlocutrice leur parut comme estomaquée. Puis reprise d'une sorte de fébrilité indescriptible.


[Vous voulez me dire que le projet 66 en est à sa phase préliminaire, mais qu'elle pourrait constituer comme l'élément manquant à son aboutissement ?]


Les membres de la Cour furent pris d'une certaine appréhension au revirement inattendu de leur nouvelle autorité, qui passa trop vite de la mort de son père à ce projet de leur point de vue. D'abord hésitant à lui répondre, comprenant qu'elle en savait fondamentalement plus qu'eux sur ce projet (ce qu'il n'aimait pas du tout personnellement), il finit par obtempérer.


«Effectivement.»

[Alors il faut repasser à nouveau un contrat sur elle.] Tonna-t-elle.


La soudaine prise d'autorité dont elle venait de faire preuve les choqua de part son revirement encore plus foudroyant que le précédent. Seulement, bien qu'il le laissa bien sur place, son principal interlocuteur ne laisserait pas la situation lui échapper des mains.


«Très bien, mais il n'y a que vous qui puissiez le faire.» Renvoya-t-il platement.

[Comment ?] Releva-t-elle autant par surprise que par un pic naissant de frustration d'entendre se faire donner des ordres.

«Il y'a une raison bien précise pour laquelle se fut vôtre père qui passa ce contrat, et pas nous.» Reprit-t-il plus respectueux. «A cause d'une erreur de nôtre part, la Faucheuse a intensifiée ses conditions en les rendant plus restrictives avec nous. Ce qui fait que nous ne pouvons plus passer un seul contrat avec elle sans devoir répondre avant strictement à la moindre de ses exigences, sans garantie qu'elle n'accepte nôtre proposition.»

[Vous vous êtes mis la Faucheuse à dos ?] Comprit-elle d'une réelle stupéfaction.


Le silence éloquent dont ils firent preuve en retour le lui confirma. Dont même elle arrivait à en ressentir l'humiliation qu'ils en ressentaient pour ce qui devait être une erreur si banale que l'affront ne pouvait qu'en être plus grand. Mais d'un autre côté cela renforçait définitivement l'idée qu'ils ne pouvaient pas être les auteurs de la mort de son père ; pas s'ils ne pouvaient plus faire appel à la personne qui avait le plus de chance de s'être effectivement occupée de son père… Mais pour l'instant ceci ne comptait pas par rapport à l'aboutissement de ce projet ; ce qui accaparait toute son attention.


[Je vais vous prendre au mot.] Reprit-elle d'une voix forte. [Le fait que vous sachiez qui je suis ne changera rien à la teneur de nos rapports, et tout continuera comme avant. Mais j'émets ces conditions : appelez-moi toujours par le pseudonyme de mon père, peu importe la situation ; ne prenez aucune décision d'importance sans m'en faire part avant, en comptant le fait que mon avis comptera toujours comme déterminant ; et faites-moi part de strictement tout rapport d'information ayant un lien avec le projet, directement ou indirectement, mais de façon concrète. Est-ce clair ?]

«Oui.» Répondirent-ils neutralement.

[Cependant si je sens que vous ayez la moindre intention de me trahir, n'importe lequel d'entre vous, n'oubliez pas qu'aussi bien que je connais vos identités, je peux faire appel à la Faucheuse à n'importe quel instant.] Déclara-t-elle d'un ton si froid qu'il en désarçonna ses interlocuteurs. [Est-ce bien comprit ?]


Comprenant parfaitement ce qu'elle voulait dire, la sombre assemblée ne put qu'acquiescer silencieusement en sachant que s'ils voulaient rester en vie, ils n'avaient pas le choix. Car contrairement à ce qu'ils pensaient savoir d'elle, en commençant par son interlocuteur principal, et en la comparant à son père, elle se montrait bien plus froide et directe que lui… Le changement n'allait pas se montrer si avantageux que cela.


[Bien.] Reprit-elle en constatant la réaction d'obédience à laquelle elle s'attendait. [Les choses étant mises au point entre nous, repassons à la maitresse des baies.]

«Si je puis me permettre, attendez encore quelques jours avant de contacter la Faucheuse.» L'interrompit respectueusement un autre membre. «Laissez-nous avant juste le temps de faire le tri parmi tous les groupes paramilitaires les plus susceptibles d'en être à l'origine.»

[Vous voulez trouvez l'assassin de mon père ?] Releva-t-elle d'un ton plus que persifflant. [Dois-je comprendre cela comme la preuve de vôtre volonté à m'obéir, ou une tentative de sympathisassions en espérant que de me lécher les bottes vous rendra plus protégé par rapport à vos camarades ?]

«C'à n'a rien à voir.» Répondit le membre sans se laisser démonter. «Si effectivement c'est un groupe paramilitaire bien entrainé avec des grosses ressources qui s'est chargé du gouverneur, on risque alors férocement de l'avoir entre les pattes si le ou les membres du Consortium qui les ont engagés veulent profiter de l'occasion pour s'occuper de vous à vôtre tour. Hors déjà que l'on a la Ligue et la police qui poussent leurs investigations sur nous, dealer maintenant avec une petite armée privée en guise de troisième adversaire est tout sauf une option acceptable.»

«De surcroit si vous vous faites tuer, nous perdons non seulement l'accès à des ressources virtuellement illimité, mais en plus du meilleur contact qui soit dans le Consortium. Avec tout ce que ça implique comme renseignements et informations vitales pour nous sur ce dernier.» Convint un autre membre.

«Soyons clairs entre nous.» Reprit son premier interlocuteur en s'adressant fermement à elle. «Vous nous menacez clairement de mort si l'on vous trahi, mais ça reviendrait finalement au même dans la situation actuelle si vous êtes envoyée six pieds sous terre. Ceci n'est pas par charité que l'on vous fait cette demande, mais une garantie pour nous de faire ce pour quoi nous avons formés cette alliance sans risquer qu'elle éclate à cause d'un caprice ; ce qui est tout sauf ce dont on a besoin en cet instant. Alors donnez-nous trois jours, le temps d'enquêter et d'écarter tout risque majeur d'implication paramilitaire contre nous, aussi bien que vous, et vous pourrez contacter la Faucheuse sans crainte. Est-ce que cette exigence vous parait suffisamment réaliste pour vous convenir ?»


Bien qu'elle n'aime pas le ton avec lequel il s'était adressé à elle, elle devait reconnaitre que la teneur de ses propos et sa franchise était tout sauf dénuées de sens logique. De plus, même si ils lui apparaissaient comme des lâches en s'affichant avec une telle prudence, elle ne pouvait pas nier qu'avec ce qu'ils traversaient en ce moment rien ne pouvait leur permettre de se relâcher un instant ; surtout elle s'il s'avérait qu'ils voyaient juste et qu'elle pourrait être la suivante sur la liste. Aussi, bien qu'elle lui en coûte beaucoup de l'admettre, elle ne pouvait encore moins admettre l'idée que tous les efforts et les sacrifices fournis par ses parents puissent être anéantis par ses propres appréhensions puériles. Elle ne pouvait pas se le permettre.


[Entendu : je vous donne trois jours. Mais pas un de plus.]

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Et les trois jours s'étaient écoulés…


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Bien que sous le pseudonyme du commanditaire de feu son défunt père, les négociation qui se déroulèrent entre elle et la Faucheuse se passa exactement comme celle du gouverneur, mot pour mot. Excepté au passage où la proposition de voyage pour alibi ne fut évidemment pas abordée.

Mais ce fut juste au moment où, alors que cela allait être au tour de la tueuse de déclarer si oui ou non elle prenait le contrat, que la négociation prit un tout autre tournant.

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[Avant que vous ne me répondiez, je dois savoir quelque chose : est-ce que vous connaissez mon identité ?]

Un bref silence s'établit alors que la conversation se posait du côté du commanditaire, qui n'était pas prête à continuer tant qu'elle n'aurait pas réponse… Réponse qui se faisait désirer.

«… Oui, mademoiselle Matis.»

Alors qu'il y'avait de quoi, cette dernière ne parut nullement étonnée ni même choquée par cette déclaration.

[Dans ce cas, je dois en déduire que vous saviez à qui vous aviez à faire la dernière fois…] Reprit-elle plus lentement.

La Faucheuse ne répondit pas, sans que cela ne la surprenne d'ailleurs ; c'était plus une affirmation qu'une question. Mais elle se devait de la poser pour la forme.

[Avez-vous tué mon père.]


Par contre celle-ci ne l'était pas. Et la négociation prenait une toute autre direction, aussi bien pour l'une que pour l'autre… Seulement si la principale concernée y répondait. Ce qui n'était pas le cas pour l'instant, car elle faisait preuve d'un silence plus calculé qu'il n'était éloquent.

Puis, au fur et à mesure que les minutes passaient sans que l'une ou l'autre ne reprenne la parole, la tueuse finit par briser le silence.


«En tant que tueur à gage, je ne dois pas répondre à cette question.» Reprit-elle neutralement. «Seulement, parce que la situation entre très clairement dans une autre catégorie, il y a une exception vous concernant : la réponse est non.»


Cela choqua quelque part son interlocutrice, surprise d'apprendre ce «traitement de faveur». Mais, d'un autre côté, cela était justement à cause de cette exception qu'elle n'arrivait pas à la croire ; ou plutôt ne pas vouloir la croire. Ce qui était perceptible, même sans entendre sa voix. Aussi il fallait la convaincre pour amener ces négociations à leur terme.


«La raison pour laquelle je fais cette exception tient au même principe que vous portez le pseudonyme de Matis en cet instant. Pour un observateur extérieur au fait de tous les détails : je serais en train de parler avec un mort. Le gouverneur avait une affaire à conclure avec moi, mais n'a pas pu être menée à terme de part sa mort. Ce qui rend le contrat caduc.» Reprit-elle de ce ton si neutre à en faire pâlir le terme. «Seulement, puisque vous vous présentez à sa place en vous prétendant être lui, sachant que je ne devrais pas censé savoir qui vous êtes, cela rend les chose trop compliquées si elles ne sont pas mises au clair.»

[Effectivement.] Convint-elle en se donnant de tenter de rivaliser avec elle sur la neutralité de leurs tons respectifs.

«Aussi je n'ai aucun compte à vous rendre.» Reprit-elle une nouvelle fois d'une neutralité absolue. «Je vous ai répondu alors que je n'avais pas à le faire, quelle qu'en pourrait être la nature. Cependant, parce que vous êtes par définition un «nouveau» commanditaire, il est de mon côte de vous faire part de certaines conditions que je juge nécessaire que vous en soyez informée sur ma profession.»

[Et quelles sont-elles ?]

«Dans vôtre cas me concernant, il n'y en a qu'une : un seul contrat à la fois.» Déclara-t-elle de ce ton inchangé. «Ce qui s'applique dès le moment où une négociation est engagée, jusqu'à son refus ou une fois le contrat en court remplit s'il a été accepté. Mais jamais plus d'un seul contrat à la fois.»

[Ce qui revient à me convaincre que vous n'avez pas pu tuer mon père sur la proposition d'un tiers.] Détermina-t-elle platement.

«Si la question est pouvais-je le tuer : La réponse est oui. Mais la question fut l'ai-je tué : la réponse est non. Que cela vous convienne ou non ne m'importe pas. Je suis tueur à gage : je tue sous contrat. Ce que mes commanditaires pensent ou disent de moi ou de mes méthodes n'a aucune importance, tant que je suis payé.» Rendit-elle encore plus platement. «Si cela vous pose un problème, moi pas. Mais si cela vous empêche de mener à bien les négociations avec moi, vous n'avez qu'à récuser vôtre contrat ; je n'ai pas de temps à perdre en déblatérations inutiles et infructueuses qui ne rapportent rien d'autre qu'à me faire gaspiller mon temps.»

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Son interlocutrice fut prise d'un recul perceptible ; rendue mal à l'aise d'avoir été remise à sa place aussi brutalement. Bien que le ton ne comportait aucune connotation agressive, la teneur des propos tenus, mais surtout le ton neutre proprement intenable avec lequel la Faucheuse considérait la situation l'avait bien plus atteinte que toute autre forme de discours. Elle reconnaissait pouvoir être capable de l'avoir tué, mais de l'autre elle affirmait ne pas l'avoir tué ; puis elle apprend qu'elle a le droit à un traitement de faveur en lui répondant, alors qu'elle reconnaissait platement n'avoir rien à faire de son avis –pour ne pas dire rien à faire d'elle tout court… C'était plus que suffisamment contradictoire pour qu'elle ne sache plus quoi penser d'elle. Mais il y'avait une chose sure, certaine et indubitable la concernant : elle réussissait toujours ses contrats. Ce qui était la raison principale pour laquelle on l'appelait la Faucheuse. Alors qu'espérait-elle à chercher à se la mettre à dos pour rien à cet instant ? Cela ne menait nulle part…


[Très bien, je vous prie de bien vouloir m'excuser pour cette digression mal placée.] Déclara-t-elle formellement.

«Ne vous excusez pas.» La reprit-elle toujours aussi neutralement. «Je n'ai aucun compte à vous rendre et vous n'en avez aucun à me rendre, autre part que dans nôtre arrangement. Tout c'à quoi la négociation doit se tenir tient en quatre mots : contrat, situation, conditions, raison. Rien de plus.»

[J'ai compris.] Rendit-elle d'un ton qui reflétait son malaise. [Alors, pour en revenir au contrat : l'acceptez-vous ou non ?]

«J'accepte.»

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Les négociations furent arrivées à terme et la conversation se termina sans plus de forme. La fille du gouverneur, qui avait prit sa relève, s'était pliée comme son père avant elle aux conditions de la Faucheuse. Mais sa fille ne se douterait jamais à quel point la ressemblance serait poussée jusqu'au bout…

Cela ne changeait de toute façon rien pour elle. Cynthia Luna, la Faucheuse… Ces noms ne représentaient rien pour elle, de la même manière que sa vie ne représentait pas d'avantage que celle des autres ; furent-ils gouverneur ou fille de gouverneur. Vivre ne compte pas, car tout le monde meurt à la fin. Peu importait les efforts à faire pour repousser l'inéluctable, c'était futile. De toute manière personne ne cherche à vivre, mais à survivre en se conformant à la société de tous les jours en trouvant un boulot normal pour obtenir les ressources nécessaires pour se sustenter : se lever le matin pour se coucher le soir, manger, boire, se trouver une femelle ou un male humain pour copuler et perpétuer la race humaine ; puis de mourir d'une maladie, d'un accident, d'un meurtre ou simplement de vieillesse. Et continuer de même avec la génération suivante… La «vie» humaine ne se résume qu'à ça. Rien de plus, rien de moins. Tout ce qu'elle faisait donc n'était que suivre ce même principe à son fondement le plus basique : survivre. Principe qu'elle continuera à appliquer avec la mort de Matis ; à l'inverse de lui, lors d'une nuit de pleine Lune…

Sans que ce ne soit elle qui se doute qu'après cette pleine Lune, plus jamais sa vie ne sera comme avant…


[A suivre]