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Participation de Saroumane et PPMickey au concours de noël 2010 de L'Illumisien



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» Auteur : L'Illumisien - Voir le profil
» Créé le 11/04/2011 à 20:01
» Dernière mise à jour le 11/04/2011 à 20:01

» Mots-clés :   Fanfic collective   One-shot   Science fiction

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Chasse
On toqua à la porte. J'enfilai une chemise puis allai ouvrir la porte à Mr Vieney qui m'informa que sir Ramier avait une tâche pour moi et que je devais aller le retrouver.
J'enfilai des vêtements d'hiver, mon long manteau ainsi que mes bottes. Je pendis mon sac dans le dos puis sortis de ma chambre. Dans le couloir, je fermai la porte à clé et poussai plusieurs fois la poignée pour vérifier qu'elle était effectivement fermée.
Je passai devant un grand miroir qui ornait le couloir et m'y arrêtai en apercevant que mes cheveux trop longs étaient ébouriffés. Je les remis en place de mes mains.
« Brun » était le mot pouvant me décrire le mieux ; Mes cheveux, mes yeux, ma barbe jusqu'à mes bottes : tout était brun. J'avais quelques outils qui pendaient à ma ceinture dont une faucille dans son étui qui me servait également d'arme.
Avant de quitter le bâtiment des domestiques, je passai à la cantine manger un morceau ; j'avais également besoin d'eau et de vivres pour la journée. Je refis l'inventaire de mon sac puis sortis dans la grande cour masquée par une épaisse couche de neige. Je m'attendais à ce que le temps soit mauvais mais le ciel était dégagé et les rayons du soleil, réfléchis par la neige, me gênaient la vue.
J'étais le garde-chasse de la forêt située derrière la demeure des Ramier. La forêt séparait le village de Bourg-Faisan des montagnes du nord. Colombin, la propriété des Ramier, s'étendait de la forêt jusqu'aux champs de coton de l'autre coté de l'Aiglon, le fleuve qui traversait le village. La demeure du seigneur comprenait le manoir, les logements des employés et une grande tour de pierre isolée : celle d'Engarac. Sire Ramier m'avait recueilli quand je n'avais que quelques mois et depuis je vivais seul en tant qu'employé.
Des villageois étaient présents dans la cour et pénétraient dans la tour située de l'autre coté. Sire Ramier se trouvait à l'écart et discutait avec un homme à lunettes que je n'avais jamais croisé dans le village ; Surement un voyageur. J'avançais vers eux.
Sire Ramier m'aperçut et interrompit sa conversation. « Voilà Lorrane ! »
L'homme en tenue de randonnée se tourna vers moi. Il me tendit la main que je serrai sans grand enthousiasme. Je m'adressai à celui qui m'avait fait demander : « Vous vouliez me voir ?
— Oui, je te présente le professeur Cedr. Il s'est arrêté dans notre village pour étudier les créatures de la région. Je lui ai permis d'aller en forêt et je veux que tu sois son guide. »
J'examinais le voyageur : il était prêt à partir. Je demandai : « Nous partons maintenant ?
— Non, je veux qu'il assiste d'abord à la cérémonie. »
Le professeur prit enfin la parole. « L'évènement dans la tour qui amène ces villageois ?
— En effet. Vous avez remarqué que de nombreuses créatures vivaient dans le village.
— C'est vrai, comme dans de nombreuses villes. Ce qui m'a réellement étonné, c'est la diversité des espèces. On trouve dans votre village des spécimens originaires de régions lointaines.
— Je vais vous expliquer. Lorsqu'un enfant atteint l'âge de dix ans, Engarac lui offre un œuf de créature. Cette créature, correspondant à la nature de l'enfant, est destinée à devenir son partenaire et plus tard à l'assister dans sa profession. Les œufs sont rarement de la même espèce et seul Engarac sait d'où ils proviennent.
— Engarac ? J'ai déjà entendu ce nom. Il est très connu dans les environs. Nous allons le voir dans cette tour ?
— Effectivement, son nid se situe sommet de cette tour.
— Son Nid ? Vous voulez dire qu'Engarac est une créature ?
— C'est un oiseau particulièrement grand et doté d'un magnifique plumage luisant et d'une très longue crête colorée. Son espèce est même l'emblème de ma famille ainsi que de Colombin.
— Je comprends mieux. Je vois de quelle espèce il s'agit ; elle peut atteindre une vitesse fulgurante en vol, ce qui explique comment Engarac apporte des œufs d'aussi loin. J'ai hâte de le voir.
— La cérémonie a déjà commencé. Montons ! »
Nous nous dirigeâmes vers l'entrée de la tour puis gravîmes les marches. Le professeur reprit : « J'imagine que vous avez également une créature à vous ; elle ne vous accompagne pas ?
— Elle est dans les écuries, répondit sire Ramier. Je n'ai pas une créature qui peut se mouvoir facilement dans une maison. Vous la verrez peut-être plus tard. »
Je montais les marches derrière eux quand Cedr se retourna. « Et toi, Lorrane ? Où est ta créature ? » Je ne répondis pas. Sire Ramier qui craignait tout autant que moi qu'il me posa la question déclara : « Il n'est pas très bavard. Venez ! Nous sommes bientôt au sommet. »
Au sommet, nous trouvâmes la salle bondée. Au fond de la pièce se trouvait Engarac dans son grand nid et derrière lui, l'étagère à œufs entretenus par les domestiques. Un tapis marron allait du nid jusqu'à l'escalier et les personnes présentes s'y entassaient de part et d'autre. Une grande ouverture dans le mur servait d'entrée à Engarac ; on pouvait admirer depuis le paysage enneigé de la forêt et des montagnes au nord. Le mur circulaire de la pièce était orné de luxueuses tapisseries en contraste avec le grand nid de brindilles et de feuilles. Cedr commenta : « Cet Engarac est bien plus grand que la moyenne de son espèce ! »
L'homme qui officiait la cérémonie – et dont la créature était une clochette – se trouvait derrière un pupitre près du nid ; il prenait des notes dans un carnet. Il ne restait plus qu'une fille qui attendait impatiemment son œuf et qui observait l'oiseau trois fois plus grand qu'elle.
L'homme prit la parole en s'adressant à l'enfant : « Quel-est ton nom ?
— Silla.
— Bien ! fit-il en notant le nom dans son carnet. Tu peux t'approcher. »
La fille s'exécuta et Engarac, qui semblait ignorer la foule jusque-là, tourna la tête vers elle. Sa tête d'oiseau portait d'élégantes marques sombres qui lui donnaient une allure fière. Il se tourna dans un majestueux battement d'ailes vers l'étalage à œufs, choisit un œuf orange avec des tâches noires qu'il prit délicatement dans son bec et le présenta à la fillette qui s'empressa de le prendre dans ses bras. « Merci beaucoup.
— C'est un œuf de chiot, dit l'homme dont la clochette émettait à présent des tintements. C'est une créature du feu.»
La fille retourna auprès de ses parents tandis que la foule applaudissait ; c'était la fin de la cérémonie et les villageois commencèrent à descendre par l'escalier.
« C'est comme s'il connaissait déjà tous les enfants de la région, reprit Cedr à propos d'Engarac. Comme s'il avait déjà décidé quel enfant aurait quel œuf bien avant la cérémonie.
— En réalité, avoua sire Ramier, il le décide quand il recherche les œufs. Quand il apporte un œuf, il est déjà réservé à quelqu'un et ce dernier ne peut en avoir d'autre. »
Je restais silencieux. Je ne gardais pas de très bons souvenirs de cet endroit.
« Vous avez des créatures domestiques, fit Cedr. Elles ont même des uniformes.
— Ce sont les créatures des domestiques. Je vous ai dis qu'ils partagent la même profession.
— Peut-on dire que les enfants choisissent une profession selon la créature ?
— Pas vraiment. Les enfants ne sont pas tenus de suivre les traces de leurs parents ; mais nous devons faire en sorte qu'il ne manque de rien dans la région. Actuellement, les médecins nous font défaut. Je pense qu'Engarac devine pour quelle profession un enfant est destiné et lui donne une créature en conséquence comme un outil de travail. Par exemple ma créature, qui est un cheval de feu, m'est très utile comme monture pour visiter mes différentes exploitations sur mes terres. Je peux mieux gérer mon domaine. »
Cedr, dont le regard se portait vers l'ouverture dans le mur, eut un rictus. « Ça ne doit pas être le cas du domestique à qui appartient ce grifacérée. Ses pattes ne sont pas disposées à porter les œufs ; et il porte son tablier comme une cape. »
De plus en plus de personnes se tournèrent vers l'étrange créature ; elle était effectivement en train de transporter un œuf ; mais elle se trouvait également devant l'ouverture du mur. Sire Ramier fit signe à un des domestiques qui lui répondit : « Je vous prie de m'excuser, sire. Nous avons manqué de vigilance ; cette créature n'appartient à aucun de nous. » Il s'avança vers la créature sombre – dont une des oreilles était cramoisie et plus grande que l'autre – pour récupérer l'œuf. Cette dernière, déjà alertée par les regards de l'assemblée avait posé l'œuf sur le sol.
Nous fîmes tous l'erreur de penser que la créature avait pris l'œuf par erreur ou pour jouer et qu'elle le rendait docilement. Après s'être débarrassé de son tablier, la créature reprit l'œuf indigo qu'elle cala sous son bras droit puis sauta par l'ouverture du mur juste avant que le domestique l'atteignit. Engarac poussa un rugissement.
« Il s'enfuit avec l'œuf ! tonna sire Ramier. Attrapez-le ! » Les domestiques descendirent en trombe l'escalier à la poursuite du voleur. Le domestique qui avait tenté de reprendre l'œuf était penché par l'ouverture. « Il a glissé le long du mur avec ses griffes ! Il se dirige vers la forêt !
— C'est en effet l'habitat de cette espèce, intervint Cedr.
— Les domestiques ne peuvent pas le suivre dans la forêt, dit sire Ramier. »
Je devinai aisément la suite ; seul moi pouvais m'orienter dans la forêt.
« Lorrane ! m'appela comme prévu sire Ramier. Récupère l'œuf !
— À quoi cela servirait ? protestai-je. Il reste bien assez d'œufs ici.» L'idée d'aider à l'oiseau ne m'enchantait guère, mais sire Ramier me connaissait bien. « Cet œuf est promis à une personne. Voudrais-tu qu'un enfant ne reçoive jamais son œuf ? Tu es paré à partir en forêt alors récupère cet œuf ! »
Engarac s'envola par l'ouverture pour participer aux recherches tandis que je descendis l'escalier. Je courus en direction de la forêt ; elle était juste derrière le manoir. Ceux qui avaient poursuivi le voleur s'étaient arrêtés à la lisière ; ils m'indiquèrent par où il s'était enfui. Je pénétrai dans la forêt.


Les branches des arbres nues de feuilles avaient laissé les chemins forestiers s'enneiger. Il n'y avait pas d'autres empreintes dans la neige que celles de la créature s'enfonçant dans la forêt. En hiver, les créatures quittent la forêt ; le temps est plus supportable de l'autre coté des montagnes. Mais cette année, l'hiver est plus rude et toutes les créatures ont migré. Enfin je le pensais.
Le voleur était une créature de la forêt très rusée. Elle avait chapardé un tablier afin d'infiltrer la pièce et d'arriver jusqu'aux œufs. Mais le tablier avait beau être semblable à ceux de certaines créatures domestiques : porté à l'envers, cela ne passait pas inaperçu.
Je m'arrêtai pour refaire l'inventaire de mon sac. Je devais déjà le faire bien avant de partir.
J'entendis crier au loin dans mon dos : « Lorrane ! Attends-moi ! » C'était la voix de Cedr ; il avait quand même tenu à sa petite expédition en forêt. Je ne me retournai pas. Cedr arriva à mon niveau. « Que cherches-tu ?
— Rien, fis-je agacé. Retournez au manoir ! Nous irons en forêt un autre jour.
— Je pense pouvoir t'aider pour le grifacérée. C'est une créature plutôt rapide mais elle ne peut pas se déplacer aussi vite avec l'œuf dans les bras. Mais elle peut tenter de le dévorer à tout moment donc nous devrions repartir maintenant.
— Grifacérée ? Dévorer ?
— C'est le nom que nous, les scientifiques, donnons à cette espèce. Ils se nourrissent d'œufs d'autres espèces ; particulièrement ceux des créatures volantes.
— Très bien. Vous pouvez me suivre si vous êtes capable de marcher vite dans la neige.
Je refermai mon sac puis nous nous mîmes en route.
Cedr ne s'arrêtait jamais de parler ; la marche rapide ne lui faisait pas perdre son souffle. « Tu te demandes pas pourquoi cette créature n'a pas quitté la forêt comme les autres ?
— Qui sait ? fis-je sans ralentir.
— Il possède une double affinité : la glace et…
— Glace ? Mais ces créatures rares ne vivent que dans le froid ; comme les montagnes enneigées.
— Pas toutes ! Le grifacérée vit en forêt mais n'est juste pas du tout dérangé par le froid de l'hiver. Par contre, il ne peut plus se nourrir des œufs de la forêt.
— C'est pourquoi il est venu voler cet œuf. Et cette autre affinité ?
— Ah ! oui, les ténèbres !
— Les ténèbres ? fis-je étonné. Ça existe ?
— Oui ! Pendant longtemps, on confondait les ténèbres avec d'autres affinités comme le psychisme ou même le naturel. Le naturel est une affinité neutre qui a récemment remplacé l'absence d'affinité. En effet, une créature sans affinité n'existe pas. Le naturel est une affinité à part entière. En général, seules les créatures volantes peuvent avoir une double affinité avec le naturel et…
— Attendez ! l'interrompis-je. Vous parlez trop vite ! Et c'est quoi le rapport avec les ténèbres ?
— Désolé, je me suis emballé. Pour faire simple, les ténèbres sont une affinité abstraite. Elle est caractérisée par l'intimidation, la férocité ou la ruse. Ceux qui possèdent cette affinité sont insensibles aux pouvoirs psychiques. C'est le seul moyen de savoir si une espèce possède cette affinité. »
Nous marchions dans le silence depuis une dizaine de minutes quand Cedr ne put se retenir plus longtemps. « Au fait, pourquoi n'as-tu pas emmené ta créature ? La forêt peut être dangereuse les autres saisons. Il te faut bien une créature pour te défendre, non ?
— Je n'en ai pas. » Je faisais mime de ne m'intéresser qu'à moitié au professeur et continuais de marcher.
« Tu n'es pas né dans ce village ?
— Si.
— Donc tu as aussi eu ta cérémonie, n'est-ce pas ?
— Oui.
— Et que t'a donné Engarac ?
Je m'arrêtai, tirai ma faucille de son étui puis la brandis vers le professeur. Paniqué, Cedr recula et manqua de trébucher sur une racine. « Du… du calme ! J'arrête les questions !
— Il y a quinze ans, repris-je, quand je suis passé devant Engarac, au lieu de me donner un œuf comme il l'a toujours fait, il m'a donné cette vieille faucille en os ! »
Cedr ne répondit pas.
« Engarac voulait que je la prenne et que je me débrouille avec ! Seul !»
Cedr reprit de l'assurance. « Bon ! oublions ça ! Remettons-nous en chemin et pour me faire pardonner, je vais te parler des récentes découvertes sur les créatures. »
Je glissai mon outil dans son étui et me remis en marche. Comme promis, après quelques minutes, Cedr commença son discours que je n'avais pas demandé. « As-tu déjà observé une évolution ?
— J'ai déjà vu une créature avec une forme différente mais jamais l'évolution même. Sire Ramier m'a décrit celle de son cheval. La créature brille tellement qu'on ne peut la voir se transformer.
— En effet, mais c'est n'est pas totalement ça. Il faut d'abord savoir qu'il existe une force dans le monde ; un champ d'énergie présent tout autour de nous. Cette énergie constitue les créatures et tout ce qui est lié à elles. Lorsqu'une créature évolue, elle se décompose sous forme d'énergie. C'est l'énergie de la créature qui émet cette lumière car elle est en activité ! Les liaisons entre les particules d'énergie se désagencent et s'agencent à nouveau afin de reconstituer la créature sous sa forme évoluée.
— Si elle est tout autour de nous, pourquoi ne la voit-on pas ?
— On ne peut voir l'énergie à l'œil nu que lorsqu'elle est concentrée, or l'énergie ne se concentre que pour constituer les créatures. »
Je me demandais combien de temps les chercheurs avaient passés pour cette découverte inutile.
Peu de temps après, j'entendis des bruits de coups. Je fis signe au professeur de se taire et d'écouter. Nous quittâmes le chemin tracé dans la neige par la créature pour nous approcher des bruits tout en restant cachés derrière des buissons.
La créature était assise dans la neige et tentait de casser l'œuf avec ses griffes. L'œuf indigo était solide d'autant plus que les griffes de son prédateur – comme le nom de l'espèce le suggérait – étaient acérées.
Je m'adossai à un arbre tandis que Cedr restait derrière le buisson. Nous ne pouvions le voir mais nous entendions les coups qu'il donnait à l'œuf. Je pris ma faucille à la main, prêt à bondir sur la créature. Étrangement, les coups assenés à l'œuf ne faiblissaient pas mais paraissaient de plus en plus lointains.
« Ne bouge pas ! » criai-je en sortant de ma cachette : il avait disparu. Pourtant, il y a quelques secondes, j'entendais toujours les coups qu'il donnait à l'œuf. Il m'avait eu. Cedr me rejoignit. « Où est-il?
— Il nous avait repérés depuis le début. Allons-y ! »
Cette fois-ci nous courûmes.
Nous continuions à courir en suivant les traces des pas quand nous atteignîmes le lac gelé. L'œuf y gisait au centre. Le grifacérée avait dû abandonner l'œuf afin de s'enfuir.
« Nous avons enfin retrouvé l'œuf ! » fit Cedr.
Il avait déjà fait quelques pas sur la glace quand j'entendis des craquements ; la glace se fissurait.
« C'est un piège ! Revenez sur la berge ! »
Le fourbe avait attaqué la glace pour la rendre instable et voulait nous faire tomber à l'eau. Dans ce cas, si nous ne nous noyions pas à cause de la glace qui se serait refermé sur nous, nous devrions tout de même rentrer au village avant de mourir de froid à cause des vêtements trempés.
Cedr se retourna alors pour atteindre la berge. J'attrapai son bras tandis que la glace céda. La créature avait déjà repris l'œuf et s'enfuyait vers les montagnes.
« Il ne nous reste plus qu'à contourner le lac, Lorrane.
— De ce coté, c'est le plus court.
Une fois le lac traversé, je compris en examinant la piste par où la créature allait. « Il s'enfuit vers une grande colline au pied des montagnes que l'on appelle au village le Mont-Sans-Barrière. On dit que des créatures de glace la protègent et que la neige qui la recouvre ne fond jamais. » Nous reprîmes notre chemin.
Après plusieurs heures de poursuite, nous arrivâmes à la lisière qui marquait la fin de la forêt et le début des montagnes. Les arbres nus se changèrent en sapins aux aiguilles persistantes.
Dans une clairière, nous croisâmes une étrange créature avec de très longs et ridicules cheveux blonds ; on aurait dit un œuf avec des bras portant une robe et une perruque. Elle se promenait dans la clairière en se dandinant. Nous n'avions pas le temps de l'étudier de plus près.
Je pensais que je m'étais arrêté par curiosité pour la stupide danse de la créature mais en réalité, j'étais immobilisé par une force invisible. Des tremblements parcoururent mon corps puis je me mis également à gesticuler. Je ne pouvais contrôler mon corps ; il m'avait hypnotisé.
« Professeur Cedr ?
— Oui je sais. J'ai fermé les yeux quand j'ai compris ce qu'il t'arrivait. C'est sa danse qui t'a hypnotisé et te fais danser. Fermer les yeux ne sert plus à rien maintenant que tu es sous hypnose. Je vais essayer d'atteindre la créature ; je peux arrêter son pouvoir. Je pense qu'elle hypnotise les autres sans s'en rendre compte. J'aimerais ouvrir les yeux pour me marrer un peu mais tu vas devoir me dire par où se trouve la créature. »
Cedr atteignit la créature avec mes indications puis sortit un objet de son sac. Je ne vis pas ce qu'il fit à la créature car je m'écroulai sur mes genoux ; l'hypnose était terminée. Nous reprîmes l'ascension de la colline et laissâmes la créature.
Il y avait moins d'arbres et le chemin montait en pente raide. Plus nous grimpions, plus le vent glacial mordait. J'avais déjà arrêté de courir et je me protégeais désormais les yeux. Il était impossible de continuer avec ce froid.
J'aperçus alors la silhouette d'une créature en amont qui flottait dans les airs ; c'était elle qui était à l'origine du souffle.
Je pris ma fronde puis balayai la neige à la recherche d'une pierre. Je tentai d'effrayer la créature en lui lançant la pierre à proximité de lui ; mais la pierre, déviée par le souffle, alla malencontreusement se loger dans sa tête. La créature ne bougea pas mais le souffle lui, s'intensifia. Cedr qui se protégeait dans mon dos me demanda : « Pourquoi nous n'avançons plus ? » Le vent couvrait ses paroles.
« Une créature est à l'origine de ce vent ! criai-je.
— Je vois ! Je crois qu'il est temps pour moi de sortir ma baguette magique ! »
Je me retournai pour ne pas avoir le vent dans les yeux et observai le professeur fouiller son sac. Je fus estomaqué lorsqu'il sorti réellement une baguette en bois. Une lumière rouge émanait de l'extrémité.
« Je passe devant » fit Cedr. Il monta la pente en pointant sa baguette face à la silhouette. Le souffle commençait à s'estomper. Nous avançâmes vers la créature. La lumière de la baguette brillait de plus en plus. Je vis le souffle se transformer progressivement en tourbillon de lumières dont la baguette absorbait l'extrémité. Le souffle s'estompa complètement et nous pûmes atteindre la créature. En voulant l'examiner, je vis que son corps était transparent. Cedr expliqua : « C'est bien ce que je pensais ! C'est une espèce que l'ont a nommée « Enneigement » à cause de sa capacité à créer des souffles glacials. C'est aussi une des rares espèces spectrales ! » Il passa sa main au travers de la créature blanche apeurée comme pour appuyer ses propos.
Ma pierre ne l'avait donc pas blessé. Je repensais à ce qui venait de se passer. « Attendez ! C'était quoi ça ? Avec la baguette magique ?
— Tu veux parler de ça ? » Il leva la baguette qui brillait toujours.
« Ce n'est pas vraiment une baguette magique, dit-il en ricanant bêtement. À l'extrémité, il y a un minerai spécial. C'est la seule matière au monde qui attire l'énergie dont je t'ai parlé tout à l'heure. Avec, j'ai décomposé le pouvoir de cette créature.
— Comment ? Les pouvoirs ne sont pas de l'énergie !
— Les pouvoirs des créatures tirent leurs origines de l'énergie qui les constituent. Le souffle était un pouvoir, donc de l'énergie que le minerai a naturellement attiré à lui. Regarde ! »
Cedr pointa la baguette sur la tête de la créature qui se mit à briller d'une lumière rouge.
« Arrêtez ! » fis-je. Cedr retira la baguette et le visage de la créature se reforma.
« Comme tu peux le voir, elle ne souffre pas. De plus, l'énergie qui la constitue reste toujours liée, donc quand j'ai retiré la baguette, l'énergie qui se trouvait sur le minerai est retournée à la créature. On a beau décomposer entièrement une créature, elle se recomposera toujours de la même façon – mis à part l'évolution, bien entendu. »
Nous étions arrivés à la cime en forme de gigantesque couronne de glace du Mont-Sans-Barrière. Un trou creusé dans la congère permettait d'accéder à l'intérieur de la couronne. Le voleur s'y trouvait et devait tenter désespérément de casser l'œuf ; il ne pouvait fuir que par ce trou.
« Lorrane ! Je vais étudier cette créature en attendant que tu en finisses. J'ai observé l'œuf, il ne pourra rien lui faire. » Cedr fouilla dans son sac et en sorti une grosse noix qu'il me donna. « En cas de pépin, utilise cette noix. C'est une boîte à musique que des amis chercheurs et moi avons fabriquée durant nos heures perdues. »
Je n'avais pas le temps avec ses excentricités ; je commençai à faire l'inventaire de mon sac quand Cedr me le prit des mains. « Je garde ça avec moi. Tu devrais faire quelque chose pour cette manie à toujours vérifier ton sac.
— Tss !» fis-je, contrarié que quelqu'un me fasse remarquer mes problèmes mentaux.
Je franchis le tunnel.


Le voleur se trouvait bien là et tentait désespérément de casser l'œuf. Quand il me vit avec ma faucille dans la main, sa colère s'intensifia. « Comment as-tu réussi à venir jusqu'ici ? »
Je fus à nouveau estomaqué en l'entendant parler parfaitement ma langue. Je décidai de répondre : « Cela n'a pas d'importance ! Rends-moi l'œuf !
— Je pensais qu'en tant qu'homme, tu serais trop stupide pour comprendre ce que je venais de dire, répliqua le grifacérée. Je vais devoir m'occuper de toi pour avoir enfin la paix. »
Il posa l'œuf dans un coin de la couronne de glace et se mit debout en position ; deux énormes griffes crochues jaillirent de chacune de ses deux pattes avant ; le combat commença. Il bondit sur moi ; sa vitesse était incomparable à celle qu'il avait lorsqu'il transportait l'œuf. Il m'attaqua avec ses deux pattes tandis que je devais faire de mon mieux pour les bloquer avec mon arme. C'était du quatre contre une griffe ; il tentait aussi de me griffer avec ses pattes arrière. La créature avait la taille d'un enfant de huit ans alors que j'en faisais le double. Il m'attaquait aussi bien aux jambes qu'à la tête.
Ses griffes noircirent et les coups portés devinrent de plus en plus puissants.
Le grifacérée sauta par-dessus ma tête puis rebondit sur la paroi de glace pour frapper dans mon dos. Je plongeai sur le coté pour l'esquiver. La neige sur les vêtements commençait à fondre et à mouiller mes vêtements. Mes yeux arrivaient difficilement à suivre les mouvements de la créature et je me fatiguais à une allure terrifiante.
Elle ne relâchait toujours pas la pression quand une ombre plana sur nous : Engarac s'était perché sur la couronne de glace et nous observait à présent.
« Tu m'as suivi, toi aussi ? s'exclama mon adversaire. Maudit pigeon ! » Le voleur joignit ses pattes et se concentra. Lorsqu'il les sépara, ce fut pour lancer sur l'oiseau une rafale de pointes de glace sorties de nulle part.
Engarac ne réagit pas. Au dernier moment, il balaya d'un battement d'aile toutes les pointes. Je dus faire un bond en arrière pour ne pas que certaines m'atteignent. Je ressentai le puissant courant d'air.
« Tu devrais terminer ton combat avant. » répondit calmement Engarac en tournant la tête vers moi.
« Attendez ! m'écriai-je, sans comprendre ce qui se passait. Vous aussi, pouvez parler ?
— Bien sûr que je parle, Lorrane ! Tout le monde parle ! Seule la barrière du langage nous empêche de nous comprendre. Sauf ici, sur la cime du Mont-Sans-Barrière. » Il eu un petit rire bien que son visage d'oiseau n'affichait aucune expression. Je compris que les voix ne sortaient pas de leurs bouches : je les entendais directement dans ma tête.
Je me souvins pourquoi j'étais là. « Tu dois me rendre cet œuf ! dis-je au grifacérée.
— Hors de question ! répliqua-t-il avec le sourire. Je vais plutôt le manger !
— Mais tu n'arrives même pas à l'ouvrir.
— Alors je l'avalerai sans l'ouvrir !
— C'est inutile, intervint Engarac en ricanant. C'est un œuf de dragon, il ne disparaitra pas aussi facilement ; il va juste éclore dans ton ventre et peut-être même te dévorer de l'intérieur. » Je réalisai que Cedr savait que c'était un œuf de dragon. Si le voleur était un homme, je l'aurais surement vu pâlir.
« Alors ? fis-je. Tu décides de le rendre ? »
Le grifacérée devint fou. Il avait compris que l'œuf n'était pas comestible ; les larmes du désespoir perlaient de ses yeux. Il s'élança sur moi. Je courrais aussi vers lui.
Ma faucille repoussa ses griffes et la lame alla se planter dans sa poitrine.
Nous nous écroulâmes chacun de notre coté. Je me relevai aussitôt. Je ne tenais dans la main que la poignée cassée de mon arme. Le corps inerte de la créature gisait dans la neige, la lame dépassant de sa poitrine. Engarac n'eut aucune réaction. Je m'agenouillai à coté du corps. Il était encore vivant.
« Je suis désolé, » déclarai-je. Mes mains tremblaient. Je regardai autour de moi et vis la boîte à musique. Bien qu'inutile, je la ramassai puis cherchai le bouton pour l'ouvrir.
La boîte s'ouvrit, mais elle était vide. Il n'y avait que le mécanisme d'ouverture par ressort d'apparent ainsi qu'un axe en métal brillant. C'était le minerai spécial qui attirait l'énergie. Aucune musique ne vint.
Quand je refermai la boîte, une idée me vint. Je pressai le bouton de la grosse noix sur le torse de la créature. Je lâchai la boîte qui s'ouvrit et la créature se décomposa aussitôt en lumière non pas rouge, mais dorée. La lumière était si éblouissante qu'elle me fit oublier que l'ont n'était pas la nuit.
Cedr arriva au même moment, alerté par la lumière qui traversait même la glace de la couronne.
La lumière passa de l'or brillant au rouge terne puis disparut dans la boîte qui s'était refermée d'elle-même. Cedr prit la parole : « tu l'as fais !
— Oui, il est mort, confessai-je. J'ai vu son corps devenir de la lumière comme tu l'as décrit.
— Ne dis pas de bêtises ; il est toujours vivant. Je parlais d'utiliser cette noix. »
Cedr ramassa la boîte.
« Décomposer une créature permet de soigner ses blessures ? demandai-je.
— Non, mais ça le maintient en vie. C'est son évolution qui l'a guérit.
— En effet, intervint Engarac. »
Cedr regarda l'oiseau puis se tourna vers moi. « C'est l'oiseau qui a parlé ?
— Oui, ne vous inquiétez pas. Nous pouvons parler aux créatures ici. »
Engarac reprit : « Tu aurais dû remarquer que cet objet que je t'ai donné était une griffe du même genre que celles de ce vaurien.
— La faucille ? dit Cedr.
— Elle n'est plus là, dis-je. Elle s'est décomposée avec la créature.
— Mais bien sûr ! Si elle est entrée en contact avec le grifacérée, les décomposer tous les deux avait toutes les chances de le faire évoluer. La griffe elle même ne provoque pas d'évolution. »
Je me relevai pour aller ramasser l'œuf puis levai la tête vers l'oiseau. « J'ai l'œuf Engarac. Peux-tu nous expliquer pourquoi tu m'as donné cette griffe ?
— Mais certainement ! répondit Engarac. Il y avait un autre œuf que j'espérais que tu trouves grâce à cet objet.
— Lequel ?
— Le tiens. »
Je ne comprenais pas. Il reprit : « Le problème des « glaces » est qu'ils n'attendent pas d'être au chaud pour éclore. Il y a des années, l'œuf a éclos pendant que je le ramenais à mon nid. Je l'ai donc laissé dans la forêt puis je suis retourné chercher une griffe de la même espèce pour te la donner à la place.
— Alors, c'est lui ?
— Oui. Il est le seul de son espèce à vivre dans cette forêt. Je me demande pourquoi après toutes ces années passées en forêt, tu ne l'avais encore jamais rencontré. Il est maintenant à toi.
— Mais comment le recomposer ? »
Cedr ramassa la noix. « C'est simple, il suffit d'ouvrir la boîte. Le minerai à l'intérieur provoque la décomposition de la créature qui vient se loger dans la boîte qui se referme ensuite. Le minerai est glissé dans un cache à la fermeture de la boîte grâce au mécanisme. Par conséquent, la créature peut se recomposer. Mais comme elle n'a pas la place nécessaire dans la boîte, elle est maintenue sous forme d'énergie jusqu'à ce que l'on ouvre la boîte. Le mécanisme fait que chaque ouverture de la boîte alterne entre capture et libération. » Il ouvrit la boîte dont l'énergie contenue s'y déroba pour former une silhouette de lumière.
Le grifacérée réapparut sous une forme différente. Il était plus grand et portait désormais une coiffure et une épaulière rouges. Cette fois, ses deux oreilles étaient identiques. Sa blessure avait disparu avec ma faucille. Je n'en croyais pas mes yeux. « Il a vraiment évolué ! »
Je m'approchai de la créature qui examinait les modifications de son corps ; « Il y a quinze ans, tu aurais dû naître dans le village et vivre avec moi. Tu n'as aucune famille dans cette forêt. Cette nouvelle apparence est un nouveau départ pour toi ! Viens vivre au village !
— Non. » répondit-il tout de go. Il avait perdu toute agressivité. « Je ne veux pas quitter la forêt.
— Tu ne la quitteras pas ! J'y vis tout près et j'y passe presque toutes mes journées. Nous la surveillerons ensemble ! Si tu veux des œufs, nous en avons. » Je pris mon sac que Cedr portait et en sorti un œuf blanc que je donnai au grifacérée. « Tu as volé cet œuf parce que tu avais faim, n'est-ce pas ?
— Où l'as-tu eu ? demanda Cedr.
— Nous élevons des créatures qui pondent ces œufs de la chance, dis-je en m'adressant à la créature. Mais ils ne contiennent aucune viande.
— Ce n'est pas grave ! fit Cedr. Ces œufs sont très nourrissants et gorgés de vitamines. Ils valent largement les œufs classiques. Il existe aussi les œufs du bonheur qui apportent de la gaieté à ceux qui les mangent. »
Le grifacérée dévora l'œuf mais ne changea pas d'avis. Je réfléchissais à un autre moyen de le faire céder quand Engarac, le maître de la région, ne lui laissa pas le choix ; « Personne ne te demande ton avis. Depuis des années, je distribue des œufs aux hommes du village et ton œuf aurait dû lui revenir. Aujourd'hui, tu as volé un de mes œufs. Tu iras donc vivre au village avec cet homme, sinon je reconsidérerai ma décision de t'épargner pour cette fois. »
La créature se résigna ; « C'est d'accord ! Je vais vivre avec lui ! » Son ton revêche revenait.
« Nous sommes donc d'accord, conclut Engarac. Je retourne à mon nid. J'y attendrai le retour de l'œuf.» Engarac s'envola et nous laissa seuls.
Avant de m'attarder sur ma créature, j'avais des questions à poser au professeur. « Mais qu'est-ce donc que cette boîte à musique ?
— Juste un nom de code que nous utilisons. Nous gardons cette invention secrète pour éviter toute dérive. Imagine une boîte qui tient dans la poche, dans laquelle on peut enfermer des créatures. Malheureusement ce minerai spécial devient de plus en plus connu et il ne fait aucun doute que d'autres chercheurs arriveront un jour à en créer ; et même des plus sophistiquées. Celle-ci n'est qu'un des tous premiers prototypes. Nous avons même créé une boîte qui conserve un fragment de l'énergie de la créature capturée, ce qui permet de la rappeler dans la boîte à distance. Tu comprendras que je dois te reprendre celle-ci.
— On dirait bien que vous n'êtes pas qu'un simple professeur.
— Qui sait ? m'imita Cedr.»
Je profitai que le grifacérée terminait son œuf pour lui demander : « Quel est ton nom ?
— Je n'en ai pas, dit-il. Je ne connais personne pour m'appeler par un nom.
— Alors ça ne te dérange pas si je t'en choisis un comme la tradition le veut ?
— Je m'en moque. » L'œuf avait dissipé son mauvais caractère.
« Parfait ! Rentrons au village, Many ! Demain nous ferons visiter la forêt au professeur. »
Nous sortîmes par le trou de la congère. Many n'apprécia pas que son nom fut choisi à la hâte. J'espérais qu'il ne me jouerait pas trop de mauvais tours en guise de représailles.