Chapitre Unique : Parc Safari
J'ai froid. La brume de Novembre règne sur le parc, il n'y a pas beaucoup de dresseurs par ce temps d'hiver. C'est certainement le pire mois de l'année : aucune fleur à l'horizon, le vent glacial a balayé les dernières feuilles d'automne, les arbres semblent morts sous la fine couche de neige qui s'est déposée cette nuit. Les grosses tombées de neige ne devraient plus tarder.
Soudain, un léger bruit me fait sursauter, je reste immobile, les pieds dans la boue, je suis toujours recouvert de neige, caché grâce à ma petite taille. Je vois à peine Kécléon, il vient de se camoufler, il a pris la posture d'une branche. Il change de couleur si simplement, il peut survivre beaucoup plus facilement que moi dans ce milieu toujours hostile. Le parc n'est pas seulement un lieu où les dresseurs, inconscients du danger, viennent capturer des Pokémons quasiment introuvables en dehors de celui-ci ; c'est aussi un endroit où la menace est omniprésente. J'entends un second bruit, quelqu'un marche dans la neige fraîche, je cherche d'où peut provenir ce bruissement. Je vois un dresseur à quelques mètres de moi. Il regarde partout, à l'affût du premier Pokémon qu'il verra. J'ai peur qu'il me découvre, finalement, je ne suis peut-être pas si bien caché. J'attends. J'anticipe le moindre de ses mouvements, prêt à m'enfuir si besoin.
Je regarde Kécléon, il est immobile lui aussi. Ses yeux semblent ne pas pouvoir rester fixés. Je tente de bouger régulièrement pour voir si mes noeuds ne sont pas entièrement pétrifiés, non, pas tous. Cependant, la boue commence à durcir. L'individu approche, il vient dans ma direction, sans même m'avoir vu. Il est vêtu d'une longue cape marron, et porte de grosses bottes grises. A sa ceinture, déjà cinq Safari ball, une seule place subsiste. Il avance encore, dans quelques instants il m'apercevra et tentera une capture, ce qui me forcera à fuir. Un bruit sourd se fait entendre près de l'entrée, il fait volte-face, je reste sur mes gardes, il n'est qu'à quelques coudées de moi.
Il ne bouge plus, Kécléon ne bouge plus, je ne bouge plus. Le silence est revenu. Quelques secondes. De très longues secondes. Des secondes qui me paraissent interminables. L'homme se retourne, et continue d'avancer. Soudain il relève la tête, terrifié, il regarde derrière moi. Je m'empêche de me retourner pour contempler ce qui l'horrifie à ce point. J'entends le vrombissement d'une hélice. Kécléon observe ce que je ne peux voir, puis, je lis sur son visage l'envie de quitter ce lieu le plus rapidement possible. J'ai peur. Je vois la frayeur se dessiner sur sa figure. Il tremble, je commence à frissonner. Le vrombissement s'accentue, si proche de moi.
Puis, soudainement, Kécléon s'enfuit vers le fond du parc, il déclenche ainsi la réaction du dresseur et de la chose qui est derrière moi. Le dresseur fuit lui aussi mais vers l'entrée du parc. Je ne peux plus rester immobile. Je suis le dresseur, sans savoir pourquoi. Je tente un coup d'oeil derrière moi, une nuée de Yanmegas nous poursuivent. Sans réfléchir, je fonce aussi vite que mes petits pieds me le permettent. Le dresseur va bien plus vite que moi, il est déjà loin. Les Yanmegas se rapprochent. Brusquement je trébuche dans mes noeuds et roule sur moi même jusqu'à finir dans l'eau.
Je coule. J'ouvre les yeux. Ma vision est génée par mes boucles mouillées. L'eau est sombre, je ne vois pas le fond du lac. Je retiens mon souffle. J'aperçois un Poissirène au loin. Soudain, une ombre énorme s'approche de ce dernier. Un Léviator gigantesque se précipite sur le Poissirène, du sang gicle du pauvre poisson. Le liquide rougeâtre se dilue rapidement dans les eaux obscures du lac. Le Léviator déchiquette le piètre petit poisson. En quelques secondes, il a fini son repas. Je tente de remonter, difficilement. Je commence à suffoquer. Je ferme les yeux. Kécléon doit être sain et sauf. Le dresseur doit être sorti du parc. Les Yanmegas doivent être calmés. Je dois être mort.
L'eau envahit mes poumons, dans quelques instants, ma vie ne sera plus. Cependant, je sens une présence très proche. J'ouvre les yeux. Le Léviator est à deux ou trois mètres de moi tout au plus. Il me fixe. Puis tout se passa très vite, il a fondu sur moi si rapidement que j'ai à peine eu le temps de l'esquiver. Je me suis rué vers le bord du lac. Il m'a suivi, et m'aurait rattrapé en quelques secondes si je n'en étais pas sorti. De l'air ! Il me faut du temps pour récupérer. Beaucoup trop de temps. Malheureusement, je n'en ai pas. Le Léviator jaillit du lac de ses neuf mètres. Je cours. Je fuis le plus loin possible de ce monstre. Il hurle et essaie de m'atteindre avec ses Draco-rages. L'herbe qu'il touche se consume si vite que je suis maintenant poursuivi par le feu. Je tente d'y échapper. Je sens la chaleur des flammes sur les noeuds de mon dos. Je vois trouble. Kécléon est au loin, il me fait signe de le rejoindre. La chaleur est de plus en plus forte. Je tente d'accélérer. J'ai beaucoup de mal à tenir ce rythme effréné. J'appréhende le moment où je ne tiendrai plus. Mon petit coeur palpite bien trop vite. J'escalade un arbre difficilement. Il était temps, le feu entoure l'arbre. Malheureusement, l'arbre commence lui aussi à se consumer. Je sens l'affolement monter en moi.
Kécléon est sur un rocher, à trois ou quatre mètres de l'arbre. Je ne réussirai jamais à l'atteindre. Mais si je ne saute pas , je finirai brûlé. Je tente le tout pour le tout. Je prends de l'élan sur la branche où je suis, et je saute, comme jamais encore je n'avais sauté. J'entends l'arbre s'écraser sur le sol. Je retombe sur le bord du rocher et je glisse. Je reste agrippé au rocher. Kécléon m'aide à me hisser sur la pierre. Je découvre une petite grotte derrière lui.
Un rapide coup d'oeil derrière moi m'indique un peu de répit. Je rentre à l'intérieur. Il me devance et va chercher quelque chose dans le fond de la grotte. Il revient avec un petit panier rempli de diverses baies. J'en prends avec une de mes lianes et m'assoie, le regard plongé dans le couché de soleil. J'entends le Léviator fulminer de rage, il n'aura pas eu ce qu'il voulait. Son hurlement me fait frissonner.
Oui.
Le parc est vraiment l'endroit le plus dangereux.