Chapitre 2 : Esprits déchirés
C'est quand on n'a plus d'espoir qu'il ne faut désespérer de rien.
[Sénèque]
Il m'avait fallu attendre deux longues semaines le retour de Dai, j'avais d'ailleurs couru dès la première heure de l'aube pour l'attendre sur le quai et ce malgré que son père et ma mère me l'avaient sans cesse déconseillé. Pendant tout le temps où il était au Bourg Palette, je n'avais cessé de lire des livres parlant de pokémons afin de l'aider au mieux dans son dressage.
L'Océane arriva à bon port vers sept heure trente, les passagers descendirent un à un, je remarquai parmi eux pas mal d'enfants de dix ans avec un membre de leur famille ou un ami dresseur, cette seule vue me déstabilisa : ils pleuraient ou étaient tristes pour la majorité, leurs accompagnateurs semblaient déçus, tentant vainement de rassurer ces enfants. Le doute m'envahit dès cet instant : et Daisuke ? Je vis à cet instant sa mère descendre, la tête penchée. Mon ami ne tarda pas à la suivre… Cette vue me semblait pire encore que celle de tous ses enfants : Daisuke pleurait pour la première fois depuis des années, il avait toujours été comme un grand frère pour moi, un modèle, quelqu'un de fort qui jamais ne se laissait aller à des émotions un tant soit peu négatives, mais cette fois, c'était différent. J'étais figée, il passa juste à côté de moi en courant, me frôlant à peine le bras avec la manche de son t-shirt, mais c'était comme si je ne l'avais pas senti.
- Dai…
Sa mère vint près de moi et tourna négativement la tête pour me faire comprendre la dure réalité : Daisuke avait échoué ! Je cillai alors, la réalité me revint. D'un coup, je me retournai et courus vers mon ami qui s'éloignait déjà de la sortie du port. A sa hauteur, je m'agrippai à son bras, il se tourna vers moi, les yeux larmoyant.
- Dai… On pourra quand même être dresseurs ! Tu m'avais dit qu'on pourrait quand même devenir dresseur et que…
- Grandis un peu ! me hurla-t-il d'une voix que je ne lui connaissais pas.
Je penchai la tête, absente, les larmes se mirent à couler de mes yeux, je murmurai doucement :
- Mais tu avais dit que…
- J'avais dit ça juste pour que t'arrêtes de déprimer, idiote ! me hurla-t-il à nouveau de sa voix glaciale, tu crois vraiment qu'on peut avoir un pokémon sans Pokéball ?!
J'ignore exactement quand il était parti ce jour-là, mais en relevant la tête, il avait disparu.
Pendant longtemps, je ne le revis pas, il fallait bien avouer que je passais mon temps sur la route numéro six, à la recherche de pokémon. Pendant ces jours-là, je partais de chez moi à l'aube et revenais au crépuscule, sautant par la même occasion le déjeuner, ne petit-déjeunant parfois pas et restant de temps à autre tellement concentrée sur mes livres traitant des pokémons à la tombée de la nuit que j'en oubliais l'heure du dîner. Les journées pour moi se concentraient uniquement sur les pokémons : le matin je les observais, j'essayais de comprendre chacun de leurs gestes, leurs habitudes,… l'après-midi, je tentais d'attraper ceux que j'avais observé avec pour seule arme une vieille corde dont je me servais comme d'un lasso et la nature, autrement dit : rien à côté des capacités que possédaient ces étranges créatures. Le soir, je lisais jusqu'à ce que la fatigue m'emporte, je finissais alors par rêver de Daisuke et moi, dresseurs, voyageant à travers le monde ensemble, participants à de nombreux combats,… Ma mère s'inquiétait beaucoup pour moi, mais elle avait beau tout tenter pour me ramener à la raison, je ne l'écoutais pas. Parfois, il m'arrivait quand je n'étais qu'à moitié endormie de l'entendre pleurer ou se lamenter à un tel point que le matin, je m'arrêtais quelques minutes face à l'horizon pour regarder le ciel et penser à mes actes, mais j'arrivais toujours à la même conclusion : je devais aider Daisuke !
Il s'était bien passé un mois depuis que Daisuke était revenu, et aussi depuis que je ne vivais plus qu'à moitié, je m'apprêtais à sortir de chez moi quand la porte resta close, la poignée refusait catégoriquement de tourner pour me laisser sortir.
- Arrête, Mariko, tu ne pourras pas l'ouvrir ainsi…
Je me retournai alors, c'était ma mère, la mine qu'elle avait faisait peur à voir : depuis quand était-elle comme ça ? Je pense que jamais je ne le saurais, mais à cet instant, je ne m'en préoccupais guère. Ses yeux gonflés, tristes, perdus et qui affichaient tant bien que mal un air sévère me fixèrent, on aurait pu croire qu'elle voulait entrer dans mon âme par les miroirs de cette dernière.
- Mariko, aujourd'hui, j'aimerais que nous allions chez les Ishikawa… J'aimerais que tu parles à Daisuke, ça te feras le plus grand bien et à lui aussi.
Avec le regard qu'elle me lançait, malgré tout ma force, je n'avais pas pu lui refuser cela ce jour-là, je hochai doucement la tête, murmurant un petit :
- D'accord…
Et nous allâmes donc chez Daisuke, la mère de ce dernier sourit d'ailleurs en nous voyant, m'indiquant immédiatement que mon ami était dans sa chambre, comme pour me pousser à le rejoindre, ce que je fis. Face à la porte de sa chambre, je frappai doucement. Aucune réponse. Je recommençai un peu plus fort, la voix que je n'avais pas entendu depuis un mois résonna alors, toujours aussi froide et agressive :
- Quoi ?!
Je penchai la tête, j'avais l'impression qu'il me criait dessus indirectement, pourtant, ce n'était sans doute pas le cas, d'une voix faible, je balbutiai :
- Ce… C'est Mariko… Je… Je peux entrer, Daisuke ?
Pendant un instant, j'avais cru qu'il ne voulait vraiment pas me parler, je m'apprêtais même à retourner auprès de ma mère, tournant le dos à la porte, je sentis une main attraper mon bras.
- Mariko…
Je me retournai alors, c'était Daisuke, ses yeux brillants étaient ternes, ils avaient comme perdu leur lumière, il semblait à bout, il me fit alors signe de le suivre jusqu'à se chambre où nous nous étions assis sur son lit, l'un à côté de l'autre.
Nous étions restés immobiles plusieurs minutes, je ne saurais dire combien exactement, mais je me souviens que je n'avais pas pu lui adresser la moindre parole. A cet instant, il m'avait serré dans ses bras, ma tête était posée à l'emplacement de son cœur, les battements qu'il faisait était un son si mélodieux, j'entendis alors Daisuke s'excuser d'une voix faible, sa voix était redevenue celle de celui que j'avais connu, je souris. J'ignore quand exactement, mais nous avons fini par tomber endormis dans les bras l'un de l'autre, la fatigue que l'on fuyait tout deux depuis un mois avait fini par nous attraper.
A mon réveil, j'étais allongée sur son lit, je m'étais alors levée et dirigée vers la pièce centrale des Ishikawa, les parents de Daisuke étaient absents. Des bruits de pas provenant de la cuisine se firent alors entendre, en me retournant, je remarquai mon ami.
- Mes parents sont partis voir des amis à Azuria, m'expliqua-t-il, alors plutôt que de…
- Je vais essayer de trouver un pokémon, rétorquais-je, j'y arriverais un jour !
Sans même lui laisser le temps de répondre, je sortis de chez Daisuke et me rendit sur la route numéro six. Ce jour-là, j'avais pour la première fois aperçu un Rattatac, en général, ces pokémons ne viennent sur cette route que pour faire naître leurs petits et les élever quelques temps avant de les laisser se débrouiller seuls. Discrètement, j'avais suivi le pokémon jusqu'à apercevoir un jeune Rattata, il devait avoir un jour ou deux à peine tant il était petit et faible. Je l'observai quelques instants, une fois le Rattatac repartit, malgré que c'était un acte abominable que d'enlever un bébé pokémon à sa mère, je m'approchai doucement du Rattata avec la ferme intention qu'il serait notre premier pokémon à Daisuke et moi.
Une fois suffisamment près, je bondis sur la pauvre petite créature et la tins fermement dans mes bras malgré ses hurlements. Je courus alors jusque chez Daisuke, frappant violemment à la porte de sa maison jusqu'à ce qu'il m'ouvre. Son regard à ce moment-là avait retrouvé complètement sa lumière qu'il avait peu à peu commencé à retrouver depuis la veille. Je suis rapidement entrée et j'ai posé le Rattata sur le sol, Daisuke et moi nous étions arrangés pour l'entourer tout en le laissant un minimum gambader, mais en prenant bien garde à ce qu'il ne s'échappe pas. Mon ami m'avait alors regardé avec des yeux exorbités.
- C'est…
Je lui souris avant de lui lâcher d'une voix joyeuse :
- Notre premier pokémon !