Chapitre 1 : Le départ de Daisuke
Il va falloir rêver car, pour que les choses deviennent possibles, il faut d'abord les rêver.
[Madeleine Chapsal]
- Daisuke ! Attends-moi !
Daisuke se retourna vers moi, le regard abattu et vexé, comme si le fait que je sois là le dérangeait. Il me fixa de son regard émeraude pendant quelques secondes à peine avant de me tourner le dos, indifférent.
- Vas-t-en, Mariko, je te laisse cette fois, mais ce sera la dernière ! Ce qui existait entre nous n'est plus aujourd'hui, tu le sais parfaitement, alors vas voir ailleurs !
Je sentis mes forces m'abandonner et tombai à genou, la tête penchée.
- Daisuke… Je…
- Adieu, Mariko !
Lorsque je relevai la tête, je ne vis qu'une ombre au loin, dans les cieux, c'était Daisuke, une page venait de se tourner définitivement aujourd'hui, bien que j'eus tout fait pour l'éviter.
Depuis que nous sommes nés, Daisuke et moi avions toujours été très proche, tout commença à changer lors de nos dix ans, quand nous avions obtenu notre carte de dresseur provisoire qui nous donnait un seul droit : nous rendre au Bourg Palette pour recevoir une unique Pokéball. Sans cette carte, avoir sur nous une Pokéball était inimaginable : personne ne nous en donnerait tout d'abord, ensuite, si jamais la police, qui effectuait assez fréquemment des contrôles, nous trouvait, c'était direction la prison !
Le jour où je la reçus, j'avais immédiatement été la montrer à ma mère, folle de joie, courant dans le salon, la brandissant fièrement devant elle.
- Maman ! Maman ! Regarde ! Je vais pouvoir avoir une Pokéball ! Après j'aurais un pokémon ! Et après je pourrais voyager à travers le monde et te rapporter de l'argent pour que tu puisses mieux vivre ! C'est génial, pas vrai maman ?
Mon sourire avait disparu quand je la vis lever les yeux vers moi, son regard était vide, perdu, dès cet instant j'avais compris : mon rêve de devenir dresseuse n'allait jamais être exaucé.
- Mariko, m'avait-elle dit, je suis désolée, je ne pourrais pas t'y emmener, je n'ai pas de pokémon et, sans ça, impossible de s'y rendre ! Le seul autre moyen serait que tu y ailles avec un dresseur passant ici et qui, comme par hasard, se rendrait au Bourg Palette, mais même dans ce cas-là, je ne pense pas avoir les moyens de lui payer le fait qu'il te prendrait en charge… Je suis désolée Mariko…
Quand je vis Daisuke quelques heures plus tard, il était joyeux contrairement à moi, j'avais d'ailleurs entendu des gens nous appeler « la fille aux yeux bizarres avec le rouquin à l'air niais ». Il ne lui avait fallu que peu de temps pour comprendre, il avait alors mis ses mains sur mes épaules, me regardant droit dans les yeux.
- Tu pourras toujours avoir un pokémon, Mariko !
Sa réflexion m'avait assez surprise sur le coup, je m'étais empressée de lui demander :
- Et comment ? Je te rappelle que je n'aurais jamais de Pokéball ! On n'a qu'une seule chance, Dai, c'est pas comme si on pouvait recommencer dans dix ans !
Il avait alors fait un clin d'œil, lançant d'un air malicieux :
- Et alors ? On peut avoir des pokémons sans avoir de Pokéball ! Officiellement, ils seront sauvages, mais les dresseurs que tu combattras ne le sauront pas ! Il parait qu'il y a des gens qui se baladent avec un de leur pokémon sur l'épaule. Et puis, une fois que les combats t'auront rapporté pas mal d'argent, tu n'auras plus qu'à faire une demande officielle aux ministres, ils acceptent de donner d'autres Pokéball si on les paye, la preuve : tous les plus riches de ce monde en ont !
- Tu crois que ça marchera ? avais-je demandé sceptique.
- Quand on te dit que t'as des yeux d'alien à cause de ton strabisme…
- Je réponds que ça peut me donner un certain charme…
- Alors fais pareil ! On t'attaque avec quelque chose, sers-toi-en pour contre-attaquer ! Et puis, quand je serais devenu un dresseur, je t'attraperai un Tarsal pour t'aider, quand il évoluera t'auras un Kirlia comme ça !
Je souris à cet instant pour la première fois depuis que ma mère m'avait dit que je ne pourrais pas me rendre au Bourg Palette.
Le reste de la journée, nous n'avions pas cessé de lancer des cailloux de la taille d'une Pokéball sur d'autres cailloux que nous imaginions être des pokémons, c'était comme une sorte d'entraînement, même si ça ne me servirait pas avant longtemps. Lorsque je rentrai chez moi, le père de Daisuke, qui était aussi notre voisin, était en grande discussion avec ma mère, il semblait un peu déçu, mais j'en ignorais la raison. En me voyant arriver, ils se sont tus, puis le père de Daisuke nous salua avant de partir.
- Maman, pourquoi est-ce que le père de Dai faisait une tête pareille ? Il devrait être heureux, son fils va devenir dresseur d'ici peu…
Ma mère pencha la tête, je la vis néanmoins se mordre la lèvre inférieure, comme à chaque fois qu'elle tentait de garder quelque chose secret, ce qui ratait dans 90 pour cent des cas.
- Maman, explique-moi ! Je veux comprendre ! Dai pourra quand même aller au Bourg Palette, non ? Il pourra quand même avoir son propre pokémon ? Et puis, il pourra aller partout dans le monde après !
Elle tourna la tête négativement puis releva les yeux vers moi.
- Mariko, sais-tu pourquoi il y a si peu de dresseurs malgré que tous les enfants ont leur chance ? La maman de Daisuke a eu beaucoup de chance, peu de gens en ont eu autant… Avoir une unique Pokéball ne veut pas dire que l'on va obligatoirement posséder un pokémon. A ton âge, j'y ai eu droit, mais vois-tu, jamais il n'y a eu le moindre pokémon à l'intérieur…
Elle partit alors vers l'armoire du salon et l'ouvrit, prenant une boîte en carton se trouvant au fond avant de fermer à nouveau la porte du meuble. Elle revint ensuite vers moi et s'assit sur le fauteuil avant de m'inviter à faire de même. Intriguée, j'observai la boîte jusqu'à ce que ma mère ouvre le couvercle, dévoilant son contenu : une sphère divisée en deux par un arceau crème, le dessus de la sphère était rougeoyant et le bas d'une couleur identique à l'arceau. Une Pokéball. J'écarquillai les yeux à la vue de l'objet magnifique que possédait ma mère.
- Maman… C'est…
- Oui, Mariko, c'est bel et bien une Pokéball, mais elle ne peut plus être utilisée…
Elle la prit en main et appuya sur le bouton au centre de l'arceau, la Pokéball s'ouvrit, elle était vide.
- C'était la Pokéball que j'ai reçu à ton âge, j'ai échoué quand j'avais tenté d'attraper un Roucool… J'espère autant que toi que Daisuke réussisse mais…
- Maman, l'interrompais-je, Dai réussira !
Elle me sourit alors, mais son sourire semblait faux, son regard me disait d'ailleurs qu'il ne réussirait pas.
Le lendemain, j'avais été accompagné le père de Dai jusqu'au port, son fils ainsi que sa femme partait pour Cramois'Ile en bateau avant de se rendre au Bourg Palette sur le dos d'Altaria qui avait toujours quelques difficultés à porter plus d'un passager. Dai et sa mère était à peine apparus sur le pont du navire que je commençai déjà à leur faire de grands signes.
- Vas-y Dai ! Tu vas avoir un super pokémon ! Juré qu'à ton retour tu me le montreras ! hurlais-je.
Mon ami ferma son poing à l'exception de son pouce qu'il me montra tout en faisant un clin d'œil. Le bateau partit alors sous mes hurlements d'encouragement adressés à une seule et même personne : Dai ! Une fois qu'il eut disparu à l'horizon, je remarquai le père de mon ami pencher la tête, la mine abattue.
- Mariko, s'il te plait… S'il échoue, essaye de l'aider ! Il y croit tellement que… Je n'ose pas imaginer s'il n'attrape pas de pokémon…
Je le regardai avant de hocher la tête, le sourire aux lèvres, au fond, je savais qu'il réussirait à attraper un pokémon, un fort qui plus est !