Le départ en Norvège
Cela devait être la trentième fois que Léane vérifiait son sac à ses pieds, se tortillait comme un ver sur son siège et bouclait sa ceinture. A force de la voir s'agiter comme cela, Angélina perdait patience. Elle n'avait jamais prit l'avion et rien ne la rendait plus mal. Bien sûr les autres y étaient tous habitués, Jalil lisait son bouquin tranquillement, Yannis jetait des boulettes de papier sur les autres voyageurs et Toty... Toty, lui, il dormait paisiblement, en essayant d'oublier la situation dans laquelle il se trouvait.
Angélina soupira doucement puis regarda les nuages qui les entouraient comme une brume de coton tout autour d'eux. Ils n'allaient pas tarder à atterrir. L'engin se posa lourdement sur une piste gelée. Les passagers se levèrent avec une expression tout aussi froide que le vent qui soufflait dehors. Yannis ouvrait la marche, son visage avait l'air d'un aventurier prend dans les films d'action avant de débuter sa périlleuse mission. Il était suivi de Léane qui admirait le paysage enneigé avec incrédulité. Jalil regardait sans cesse ses deux pokéballs jaune soleil à sa ceinture avec un mélange de crainte et d'excitation. Angélina et Toty fermaient la marche, ils étaient les deux seuls à ne pas parler. Angie restait concentrée sur le
moment présent et le balafré semblait encore endormi par le long voyage. Comme l'avait dit l'homme à la voix métallique, un homme vêtu de noir les attendait près du véhicule volant, l'oeil vif.
Yannis se dirigea vers lui, toujours confiant, exhibant modestement ses petites pokéball bleue électrique.
- Vous êtes notre portier ? Dit-il d'un ton pâteux.
Léane s'esclaffa, accompagné par Jalil et un petit gloussement d'Angélina. Toty restait indifférent. L'homme n'avait pas vraiment envie de rire et gonfla d'importance le tour de ses biceps.
- Je viens vous conduire au chalet d'accueil. Répliqua-t-il.
- Dans ce cas, vous aurez certainement l'amabilité d'amener nos valises dans le coffre de cette voiture. Fit Léane en déposant un gros sac à ses pieds.
- Je ne suis pas votre concierge, miss.
- C'est dommage de ne pas exploiter de si beaux muscles, reprit-elle avec un air malin, vous pourriez les utiliser à de meilleures fins que de surveiller une auto.
Elle l'avait convaincu, elle avait un don pour ça. L'homme baraqué partit chercher leur valise avec une pointe d'irritation. Les enfants s'installèrent tous dans la limousine noire aux vitres teintées. Les banquettes étaient disposées en cercle autour d'une table basse, devant, il y avait un compartiment réservé au chauffeur.
- On voyage en première classe. Fit Yannis, aisé.
Angélina poussa le chauffage, elle avait l'habitude de s'entraîner par temps froid mais pas autant. Toty était assis à côté d'elle et se tortillait les mains
nerveusement.
- C'est pour qu'on en profite avant d'être retrouvés morts. Souffla-t-il d'une voix faible.
- Oh ! Arrête de faire ton rabat-joie, Toty ! Lança Yannis, c'est la belle vie !L'homme ferma le coffre avec une certaine fougue puis monta en voiture et démarra. Léane poussa un petit cri de stimulation qu'elle ne put retenir ce qui amplifia l'agacement de sa voisine qui ne supportait déjà pas le fait d'être enfermée.
- Toi aussi Angélina ! Poursuivit Yannis en se tournant vers elle. Vous avez décidé de jouer les déprimés tout le séjour ? Ben pas moi, je tiens à
profiter à mort de tout cela et m'amuser le plus possible.
- Je compte aussi là-dessus, approuva Jalil plongé dans des calculs mathématiques sur son ordinateur portable.
Le trajet en voiture dura une bonne heure, Angélina s'était endormie, sans s'en rendre compte, sur l'épaule de Toty qui se reposait d'un air impassible. Ils arrivèrent enfin au fameux chalet qui se trouvait être beaucoup plus grand et plus luxueux qu'il ne l'avait imaginé.
- Waouh ! S'exclama Yannis quand le conducteur les eut chassés de sa limousine.
Il était gigantesque, fait de bois à l'ancienne. L'intérieur était décoré de tapis de fourrure, de canapé en daim et au-dessus d'une cheminée de pierre
grise trônait une immense tête de rêne. Ils se dirigèrent vers le bureau d'admission. Voyant que la réceptionniste était une femme aux formes généreuses de plus d'avoir de très jolis yeux, Yannis s'avança jusqu'au bureau d'une démarche pleine de style et de virilité. Léane pouffa encore une fois. Angélina secoua la tête de gauche à droite.
- Excusez-moi, très jolie madame, nous sommes invités ici par un certain inconnu, pouvez-vous nous montrer notre chambre ? Ou préférez-vous qu'on fasse ça ailleurs ?
Angélina saisit Yannis par les cheveux et le tira en arrière, il poussa un petit gémissement et Toty s'adressa plus sérieusement à la dame qui n'avait pas bougé d'un pouce.
- Nous avons été conviés ici par un monsieur que nous ne connaissons pas, il nous a dit qu'il n'y aurait pas de problèmes si nous passions qu'une nuit ici.
La femme ne dit rien, elle se contenta d'observer le bandage blanc sur son oeil et la grosse cicatrice sur la joue pour déduire.
- Oui, on m'avait prévenu, suivez-moi, jeunes gens.
Elle monta des escaliers de bois bruts, les menant dans divers couloirs tout en expliquant.
- Vous ne passerez, je le crains, pas assez de temps chez nous pour découvrir toutes les activités. Nous faisons des courses de Nidoqueen sur la glace à partir de 15h, le Rotenburo est ouvert toute la journée, je rappelle qu'il est interdit de se rendre dans celui qui ne vous convient pas.
Elle jeta un regard vitreux à Yannis qui continuait de sourire aimablement.
- Donc, ce soir il y a une disco qui ouvre à partir de 21h au sous-sol, les repas seront servis dans le grand salon au premier étage. Vous comptez escalader la montagne, n'est-ce pas ? Nous avons du matériel disponible, si vous en désirez.
Elle s'arrêta devant deux portes qu'elle déverrouilla et les laissa entrer sans ajouter quoi que ce soit. Angélina et Léane partageaient une pièce de 20 mètres carrés avec télévision couleur, salle de bain et deux lits géants. Les trois garçons s'installaient dans la pièce voisine. Léane se jeta sur son lit en s'étirant paresseusement puis poussa plusieurs gémissements pour manifester sa joie.
- C'est le paradis ! Allons au Rotenburo ! Viens accompagne-moi, Angie.
- Non, je ne peux pas me baigner, je n'ai pas de maillot.
- Pas besoin de maillot de bain, les Rotenburo sont séparés des garçons.
Le coeur serré, Angélina l'accompagna sans protester. Elles se déshabillèrent et prirent place dans le jacuzzi géant, toute nue. Léane en profita pour
libérer son Azumarill, Angie en fit de même avec son Lamantine et son Farfuret.
- Tu n'as pas pris ton Sablaireau ? S'étonna Léane en se massant nonchalamment les deux épaules.
- Je ne l'entraîne que depuis un mois, il n'est pas assez tenace. Répondit Angélina.
Léane écarquilla les yeux.
- Il a creusé le béton, la dernière fois dans l'usine désaffectée, et tu prétends qu'il n'est pas assez fort ?
- La force n'a rien à voir là-dedans, fit Angélina d'un ton réciproque, Sablaireau est encore trop jeune comparé à ses deux-là... elle montra Lamantine et Farfuret d'un signe de tête... eux, je les entraîne depuis un an et demi.
- Je connais tes entraînements, ricana Léane, ils doivent être super puissant alors.
Angélina plongea la tête sous l'eau chaude, ce qui lui procura qu'une intense sensation de bonheur. Quand elle remonta à la surface, Léane l'éclaboussa gentiment, s'ensuivit une « bataille » d'eau dans le Rotenburo. Les autres femmes qui partageaient d'autres jacuzzis les regardaient, stupéfaites. Une demi-heure plus tard, les deux filles se rhabillèrent et retrouvèrent les garçons qui jouaient tous trois au billard dans une salle de jeu.
- Où étiez-vous ? Brailla Jalil, on vous cherche depuis une heure.
- Nous faisions un Rotenburo.
Yannis lui lança un de ses sourires charmeurs qui aurait fait tomber n'importe quelle fille.
- Pourquoi est-ce qu'on n'a pas été invité ? Lui demanda-t-il.
Léane se mit à glousser comme une poule.
- On compte assister à la course des Nidoqueen, vous venez avec nous ?
A trois heures, ils quittèrent la salle de jeu pour se rendre dans une patinoire extérieure très vaste. Des dresseurs chevauchaient leur Nidoqueen avec une certaine maîtrise et les faisaient courir le long de la patinoire, celui qui s'étalait sur la glace perdait. Angélina riait tellement qu'elle en oublia ce
qu'elle était vraiment venue faire ici. Les joueurs finissaient presque tous par tomber, être désamorcé ou s'étendre sur l'eau gelée du lac. Ce fut un garçon nommé Nik Marshall qui finit par remporter la victoire, sa Nidoqueen brama, signe de la réussite.
Angélina fut surprise de constater qu'il avait été le seul à porter un casque contrairement à ses adversaires. Léane lui chuchota.
- Regarde-moi ce beau gosse ! J'espère qu'il ira à la disco, celui-là, je vais l'aider à fêter sa victoire.
Angélina réprima un petit rire bouffon, Léane ne pensait vraiment qu'à cela. On lui tapota soudainement l'épaule, Angie se retourna, tombant nez à nez avec un homme d'environ quarante ans.
- Excuse-moi, tu as l'heure ?
- Oui, il est quatre heure quarante.
- Merci. Dit-il. Que viens-tu faire dans ce chalet ?
- Une excursion, répondit Angélina en allant dans le vague.
- Toi et tes amis n'allez certainement pas chercher Zouna, j'imagine ?
- Tout cela à l'air de vous intéresser. Reprit-elle, soupçonneuse.
L'homme releva la tête, d'un air supérieur.
- Nous sommes dix, moi et mes coéquipiers, nous avons beaucoup de matériel et nos pokémon combat n'auront certainement aucunes difficultés à nous conduire jusqu'à la pierre.
- Vous semblez confiant.
- Je le suis, petite, je le suis. Tu sais, beaucoup de gamins essayent d'arriver jusqu'à la pierre mais ils n'y parviennent jamais, il faudrait se demander
pourquoi, le jour où un enfant s'emparera de cette pierre, je jure de me couper les deux oreilles.
- Préparez-vous à souffrir, les deux oreilles, aie, ça va faire mal. Répliqua Angélina en faisant semblant de se tordre de douleur.
Toty écouta attentivement la discussion alors que Léane s'était précipité sur le lac gelé et adressait la parole à Nik Marshall.
- Toi aussi, tu sembles bien confiante, trop même pour une fille si jeune, tu ne devrais pas partir là-bas, c'est dommage de perdre la vie quand on est si innocent.
- Au moins, nous le sommes, pas comme d'autres.
Toty éclata de rire, c'était la première fois depuis qu'ils s'étaient revus. L'homme parut indigné, il se leva et quitta les rangs de spectateurs.
- Tu l'as carrément béqué. Fit Toty encore riant.
Elle n'écoutait plus ce qu'il disait, ce sourire affiché sur ses lèvres fines la rendait bécasse tout d'un coup et elle le contemplait, ignorant que le
petit pincement amplifiait. Léane interrompit ce bref moment.
- Niki m'a donné rendez-vous ! Jubila-t-elle en sautillant. Ce soir à la disco.
Ils allèrent manger dans le grand salon. Les plats étaient cuisinés avec la plus grande délicatesse et les mets étaient excellents. Léane fouillait la salle
du regard dans l'espoir de trouver Nik, son Azumarill l'avait imité avec une certaine indiscrétion. A la fin du repas, Angélina avait le ventre si lourd qu'elle songeait à aller dormir tout de suite mais cela faisait tellement de temps qu'elle n'avait pas dansé... L'ambiance était déjà là, Léane reconnut son Nik au dehors de la piste et courut dans ses bras, tous les deux partirent danser. Angélina se posa à une table, le ventre gonflé suivit de Toty et Jalil. Yannis leur glissa.
- Je vais à la recherche d'une fille, si je la ramène parmi vous, n'hésitez pas à me complimenter.
- Mais oui, Yannis, on connaît l'enjeu. Rassura Jalil en remontant ses lunettes.
Yannis leva les pouces en signe de remerciement. La chanson changea complètement de rythme, elle permettait aux danseurs de se défouler comme il le souhaitait. Angélina remarqua Léane et son chevalier servant exécuter de nombreuses exhibitions, ce qui la rendit quelques peu jalouse. Léane avait qui elle voulait, où elle voulait, quand elle voulait et personne ne lui avait jamais refusé une danse ou un baiser. Il eut un slow, chacun trouva son ou sa partenaire et Jalil avait une lueur d'espoir quand il vit une fille se diriger vers lui, l'air conquérant. Mais elle s'intéressa plutôt à parler à de ses amis derrière eux. Il se leva, l'air morose et marmonna.
- Je vais chercher des boissons.
Il partit en soupirant tristement.
- Pauvre Jalil. Dit Toty en le voyant s'éloigner. Il n'a jamais eut de chance avec les filles.
- Ce n'est tout simplement pas son truc.
- Je le crois aussi.
Un garçon, assez mignon, demanda à Angélina si elle était intéressée par une petite danse mais son ventre pesait si lourdement qu'elle refusa poliment. Il s'en alla en traînant les pieds. Angie se passa une main sur son abdomen puis elle annonça qu'elle allait dormir. Toty ne fut pas surpris et lui souhaita bonne nuit. Pour le moment, le bonheur était intense, mais pour combien de temps ?