Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Destins liés ~Crépuscule~ de fan-à-tics



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 25/10/2010 à 13:43
» Dernière mise à jour le 25/10/2010 à 13:43

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Bonus : Dans notre Bon Droit (Samantha)
Hello ! Je suis désolée, hier je vous ai oublié. La bonne nouvelle, c'est que je me suis débloquée. Mais pour écrire ce bonus, et pas l'intrigue principale. Ca m'énerve alors qu'il reste plus que quatre chapitres selon mon découpage ! RAh !

Bref, je vous offre ce nouveau bonus. Je tiens à préciser que tout ce qui est décrit ici, n'est en rien une exagération, je suis allée demander des sortes de témoignages à deux de mes connaissances ayant subit ça. Il y avait aussi le tourment suprême, la règle du silence, que je n'ai pas mis, car elle n'entrait pas dans la psychologie des enfants. En tout cas, tout ce qui est décrit ici, est arrivé à des gosses, de primaire, parfois collégiens. Et si ce que j'ai écris, permet aux humiliés de se retrouver, et aux humiliants de réaliser, alors je suis heureuse de l'avoir couché sur papier.

Bonne Lecture.

-Dans notre Bon Droit-


Samantha contempla platoniquement la cuvette des toilettes.

Du haut de ses 1m23, elle atteignait à peine la chasse d'eau poisseuse.

L'évier mal fermé derrière elle, laissait échapper chaque seconde une goutte sournoise, qui chutait pour s'éclater lamentablement sur la porcelaine crasseuse. L'écho malencontreux se répercutait en elle, tels les tic-tacs insensibles d'une horloge. Elle percevait les rires de ses camarades de classes, derrière les cloisons, mais ils paraissaient si lointains, si pâles, fantomatiques, comparés à ce bruit. Comme un marteau qui s'abat encore et encore, inlassablement, jusqu'à fendre le roc, jusqu'à briser en milles morceaux son opposant. Omniprésent, assourdissant, insupportable.

Ploc – Ploc.

Encore et toujours ce même son, presque moqueur, seul témoin de ce qu'elle subissait chaque jour, seul compatissant, et pourtant, spectateur dédaigneux, qui faisait vaciller sa volonté chaque seconde un peu plus, ébranlait les barrières de sa patience.

Ploc-Ploc.

Une mélopée qui piquait les yeux, plus encore que la vision de son cartable éventré, au contenu éparpillé et souillé, jeté à la hâte dans les toilettes de l'école. Un rythme qui poussait son cœur à frémir, à se tordre, se frétiller, son ventre à se nouer, comme écrasé par le plomb.

Ses mains moites pouvaient trembler de rage, elle savait que bientôt, elle plongerait sa main dans le liquide putride, jaune et marron-âtre, pour récupérer ses biens. Rien n'y changerait. Dans quelques minutes, quand sa peau entrerait en contact avec cette mixture dont elle ne voulait même pas connaitre la composition, elle sentirait sa gorge osciller, s'emplir d'un miasme, d'une goule répugnante. Peu importe ses efforts, elle qui avait un haut le cœur à la simple idée de toucher les objets ayant traîné aux sols, encore couverts d'empreintes de doigts graisseuses, elle devrait s'y résoudre, comme à chaque fois.

La gamine ravala un sanglot, et leva la tête brusquement pour retenir ses larmes, pour que ses yeux humides n'écoulent pas leurs peines, comme lui murmurait à chaque à-coup la goutte insidieuse derrière elle. Elle se crispa tout entière, et se contracta, concentra chaque parcelle de son être, chaque muscle, pour se maîtriser Sa grimace vaillante, ses efforts désespéré pour récupérer une dignité même au plus bas, seul le plafond carrelé de ces toilettes, et ses néons grésillant, pétillants de fatigues, les observèrent. Une fois de plus.

Dans ce qui lui paraissait être les vestiges d'une autre dimension, d'un autre temps, la sonnerie stridente marquant la fin de la récré vrilla les tympans des élèves de l'école primaire de pokéonthologie public de Jadielle.

Elle trépigna, ses doigts tiquèrent nerveusement. Là, venait le plus dur, la crainte qui bouffait les tripes, le refus net, la volonté quasi désespérée de voir le temps se suspendre, de pouvoir s'enfuir en courant, rentrer chez elle et s'effondrer, dan les bras de sa mère, dans son lit, de s'endormir et d'oublier. Tout, tout. La chaleur humaine plutôt que ce liquide immonde dont l'odeur saturait ses poumons. Tout, tout. La honte plutôt que l'humiliation de se taire et de subir à nouveau le même traitement. Tout, tout. Sauf être réduite encore au silence, à entendre les rires moqueurs de ses bourreaux.

La sonnerie cessa, le tumulte des enfants se mettant en rang également, et petit à petit, le silence s'instaura, alors qu'ils se donnaient la main sagement pour rentrer en cours, sous les ordres calmes de leurs maîtres.

Ploc-ploc.

Samantha serra la mâchoire, et plissa les yeux douloureusement, le cœur au bord des lèvres, comptant mentalement les secondes s'égrainant dans son dos, tandis qu'elle restait là, figée par la peur. Les battements de son cœur, bientôt, se mêlèrent à la quotidienne complainte lancinante.

Ploc-ploc.

D'un geste précis, elle se redressa, baissa de nouveau les yeux vers la cuvette des toilettes, rattrapa ses affaires, qu'elle fourra d'un geste précis dans sa sacoche, avant de se ruer vers la sortie des toilettes. Ses chaussures cirées ripèrent sur les carreaux trop lisses, humides, de la salle d'eau, et freinèrent trop abruptement quand elle bondit sur l'asphalte, recouvrant la coure de l'école. Elle ripa, se rattrapa maladroitement, écorchant la paume de ses mains, et éclaboussant son uniforme du liquide immonde.

Sam frissonna d'horreur, et ferma les paupières, pour foncer tête baissée vers sa salle de classe. Elle se glissa dans la pièce juste avant que son enseignant ne referme la porte derrière elle. La poitrine palpitante, elle s'arrêta, le souffle court, serrant son bien tout contre elle, les membres encore brinquebalant, tremblants de cette force, de cet élan du dernier espoir. Hésitante, elle ouvrit un œil, et leva la tête, pour admirer son professeur, la fixer avec ébahissement.

-Et bien Samantha, qu'est-ce qui t'es arrivée ? Tu es dégoutante !

Il camoufla mal une moue de dégoût, tandis qu'avec deux doigts, il désignait le sous-pull de la gamine, tâché de matière fécale et autres substances horripilantes. La fille adoptive des Joëlle sentit sa prise faiblir, et la froideur glaçante de l'indifférence de ses aînés, briser ses ardeurs belliqueuses.

-C'est rien Monsieur, elle est tombée dans la boue pendant qu'on jouait ! Jeta Armand sans lui accorder une œillade.
-Fait plus attention dorénavant, Samantha dans ce cas. Tu iras te nettoyer pendant la pause déjeuner. Va à ta place maintenant, et ouvre ton livre page 23.

La petite observa une dernière fois cette adulte, avec une mine suppliante, mais il se détourna, pour rejoindre le tableau, et elle se hissa jusqu'à sa place, traînant des pieds. Un à un, elle posa ses stylos, ses trousses, ses papiers, sur le bois de son pupitre. Elle les secoua patiemment, pour les sécher brièvement de tout ce dont elles s'étaient imprégnées.

Sournoisement, une gamine, située derrière elle, lui attrapa une mèche de cheveux, et lui glissa :

-Mince alors, tes vêtements, et même tes cheveux, t'es super crade maintenant. Ca va être dur de nettoyer ça. Remarque, on s'en fiche, après tout, c'est pas comme si tu portais des vêtements beaux ou de marques, hein ? C'est juste l'uniforme offert par l'école !

Elle ricana et se détacha de sa camarade de classe, tirant les cheveux de cette dernière discrètement, n'acceptant de les lâcher qu'au tout dernier instant, pour se rasseoir. Samantha sentit ses petits poings se serrer, et elle piqua du nez.

Elle aussi, elle aurait put porter de beaux vêtements, de marque. Mais cela coûtait cher, il fallait se déplacer, aller jusqu'à la grande ville, pour en trouver, et sa mère n'avait guère le temps à consacrer à ce genre de broutilles. Et quand bien même, elle aurait porté ces bouts de tissus avec un soi-disant nom, changeraient-ils pour autant d'attitude vis-à-vis d'elle ? Sûrement pas.
-Laisse tomber ! Railla un autre, cette fois, provenant de sa droite. Le gamin fit mine d'ignorer totalement que la principale concernée se trouvait juste entre lui et son interlocuteur, et continua – Toute façon cette fille est sale quoi qu'on fasse ! C'pas notre faute !

Samantha se recroquevilla. C'était faux, elle prenait des douches, tous les matins même, elle prenait gare, à bien se nettoyer derrière les oreilles et sa mère lui passait un savon, si elle avait le malheur de couper à sa toilette matinale, ou oubliait qu'il fallait se brosser les dents trois fois par jour. Elle, elle respectait toutes les consignes d'hygiènes. Toutes, toutes ! Ses prunelles bleues argentées se posèrent sur ses mains noires et malodorantes d'avoir récupérée son cartable dans la cuvette.

-Non, mais c'est normal, c'est même pas la fille de l'infirmière Joëlle, mon papa, il m'a expliqué, c'est une bâtarde, comme les Chaglams qui trainent dans les égouts, on n'sait pas d'où qu'ils viennent et ses parents !

Samantha se raidit brutalement, se redressa et dévisagea le gamin au sourire édenté qui venait de proférer ces imbécilités. Elle sentit ses yeux s'embuer, et instinctivement, elle se mordit la lèvre, glissa ses doigts sales dans une des poches de sa sacoche, pour caresser les structure encrassée de sa plume. Ses ongles jouèrent entre son ramage, ignorant les monceaux empaquetant, alourdissant son trésor. Elle songea à Poussifeu qui l'attendait dans la forêt, elle pensa à sa mère, à la voisine, qui lui avait murmuré, de son sourire énigmatique, de chérir cette magnifique alouette aux reflets de l'arc-en-ciel.

« C'est une plume d'un Pokémon légendaire. En trouver est très rare, cela signifie qu'il t'a choisi, ce n'est pas un hasard ma petite Sam »

Et à mesure qu'elle se remémorait ces douces paroles, son cœur s'allégeait, sa peine, à défaut de disparaitre, s'enfonçait, tel du plomb, le long de sa trachée, pour se dissimuler au fond de ses entrailles, telle une balle d'acier glacée, à la menace latente.

Samantha releva la tête, le visage fermé, de marbre.

-Ah, mademoiselle Joëlle, nous fait le plaisir d'être parmi nous ! Lança joyeusement l'enseignant au tableau.

La gamine se sentit rougir de honte, et les éclats de rires de ses camarades de classe l'accentuèrent, appuyèrent sur son poids de fer, le faisant rougeoyer, brûler, mais cette fois, la gamine tempéra la souffrance.

Non, elle ne leur ferait pas le plaisir de céder la première. Elle contempla l'assemblée d'enfants de son âge, Armand avec son habituel bandana, et ses tâches de rousseurs dévorants ses joues. Catherine et ses couettes hautes, dans sa petite robe de fillette angélique, et ses cheveux blonds menteurs. Et le reste de la troupe, groupies insipides et gamins trop effrayés pour se rebeller. Ils étaient butés, bornés et décidés à lui rendre la vie dure, et bien, elle se montrerait plus qu'eux.

-Bien, Joëlle, si tu veux bien me faire le plaisir de lire le passage suivant. Ordonna le maître.

Sans sourciller, Sam attrapa son livre, se leva, et débuta la lecture devant les mines atterrées, et surtout, furieuses de ses camarades.

Et les heures défilèrent, accumulant rancune et dépit dans l'esprit des enfants.

La récré de midi était toujours la plus insupportable. Elle avait pris l'habitude de se cacher dans les toilettes, ou à la bibliothèque, emportant son repas préparé par sa mère, et le mangeant dans la salle de classe, à l'abri. Mais, cette fois encore, son sandwiche se retrouvait immangeable. Cette fois, elle refusa de lâcher son cartable, et malgré tout, elle le tint, bien serrer contre elle, sans se soucier du cuir devenu spongieux et nauséabond par les mauvais traitements. D'un pas mal assuré, elle tâcha de traverser l'école pour se rendre au réfectoire. Conservant le dos droit, et la tête la plus haute possible, soutenant le regard outré de chaque pauvre personne qui osait la dévisager, ou la pointer du doigt.

Malheureusement, alors qu'elle voyait enfin la porte à double battant du salut, une ligne de gamins se dressa sur son chemin. Elle dérapa, et pila net. Son cœur rata une pulsation et un frisson lui remonta l'échine pour venir raidir chaque cheveu de son crâne, hérissant sa nuque.

Armand lui envoya un rictus supérieur, imité bientôt par Catherine, qui afficha clairement ses deux dents de lapin.

-Alors Sam, tu continues à venir ?

Sam se mordit la lèvre inférieure, et elle se força à fermer les yeux, à faire un pas en avant, vers eux, pour les dépasser, les ignorer. Son genou flageola dangereusement, et quand elle posa son premier pied à terre, elle eut l'impression de tanguer, de se trouver sur un sol mouvant et instable, sur le point de se rompre. Et d'ailleurs, on lui envoya un coup à l'épaule, presque aussitôt, Catherine crachant son habituel :

-Hey tu réponds quand on te parle !

Samantha recula, terrifiée, la gorge sèche.

-On est pas assez bien pour toi, c'est ça, tu réponds qu'aux profs en fait ! Ajouta une autre.

Doucement, un à un, ils se placèrent en cercle autour d'elle et se mirent à lui tourner autour, telle une ronde inoffensive. Mais les regards qu'ils lui jetaient, les petits coups, à peine plus fort qu'une tape amicale, se répercutaient indéfiniment en elle.

-Bah alors, il parait que t'as encore eu un vingt ?
-Puis t'as passé le concours d'entrée de l'école privée de l'autre côté du pont ?
-Tu vas avoir une bourse non ? T'as eu la meilleure note non ?
-Alors pourquoi tu pars pas ?
-On veut pas de toi ici !
-T'as pas compris ?
-T'es qu'une pokémaniaque ! C'est tout ce que tu sais faire toute façon ! Répondre aux questions !
-Pourquoi tu réponds pas aux nôtres alors ? hein ?
-Pourquoi tu te barres pas ?
-Personne veut de toi ici !
-Même pas l'infirmière Joëlle !
-T'es lourde !
-Dégage !

Ils ne cessaient de tournoyer, ajoutant un estoc à leurs mots, mais quand elle se retournait, quand elle trébuchait, celui dans son dos reprenait le flambeau, encore, et encore. Ils paraissaient tous la surplomber de leurs hauteurs, s'épaississant davantage, s'ombrageant. Leurs reproches vrillant les tympans, s'incrustant dans sa chaire aussi efficacement que les coups.

-Tu t'crois meilleure que nous en fait, hein ? Seulement parce que t'as des meilleures notes tu t'la joues !
-Tu nous prends pour des bêtes ?
-Madame est si intelligente !
-Tu sais comment mon papa il appelle les gens comme toi ? Des gens qui pètent plus haut que leurs culs !
-C'est vrai, en plus t'es toute cracra, c'est la preuve !
-Et toi ton père il t'appelle comment ?
-Oh mais c'est vrai, madame elle a pas de papa ni de maman !
-Alors que nous on en a !
-Sam elle vient de la lune !
-Elle a la peau trop claire, et les yeux trop bleus !
-Et les cheveux trop noirs !
-C'est pas la fille des Joëlle ! C'est la fille de la nuit !
-Bouhou ! Elle est moche comme la nuit !
-Et même la Lune veut plus d'elle !

Samantha sursauta quand ils se mirent à chantonner l'habituelle comptine qu'ils lui réservaient, et n'y tenant plus, tout son être écumant de rage contenue, de tristesse, tandis qu'elle se concentrait pour tout nier en bloc, malgré la douleur remontant sa gorge, elle hurla :

-Si vous travailliez autant que moi vous auriez de bonnes notes ! Mais vous ne faites rien ! Vous ne travaillez pas ! Vous croyez que je vais changer pour vous ? Parce que vous essayer de me faire peur ? J'arrêterai pas, si vous en avez assez de me voir avec les meilleures notes : travaillez ! Mais moi je changerai pas pour vous !

Et dans un dernier souffle, elle éructa :

-Et Je m'en fiche de venir de la Lune ! Les Pokémons eux aussi viennent de la Lune !

La respiration saccadée, fumante de colère, retenant ses pleurs, elle discerna les mines ébahies de ses tourmenteurs, juste abasourdis. Et son cœur vrombit à toute hâte dans sa poitrine. Le cercle se cassa, imperceptiblement, et elle crut, pendant une seconde, leur échapper, mais Armand, fronça les sourcils, et il la poussa. Pas violemment, mais méchamment, elle tituba et se cogna contre Catherine, qui la renvoya sur une de ses amies, qui répéta l'action. Ballotée, de l'un à l'autre, elle perçut le froid :

-T'es vraiment qu'une pokémaniaque !

Avant de glisser et de s'étaler par terre. Quand elle se redressa, personne, les gamins étaient repartis, l'abandonnant dans le couloir, les vestiges de leurs jeux sadiques, invisibles. Elle avisa un adulte, un surveillant un peu plus loin, qui lisait un livre, assis sur une chaise. N'avait-il rien vu ? N'avait-il rien entendu ? Ou se fichait-il simplement du sort d'une pauvre gamine, d'une pauvre bâtarde couverte de boue. Etait-elle si insignifiante ? Ou finalement était-elle un poids entraînant tout sur son passage ? Elle n'arrivait plus à savoir exactement repérer le vrai dans le faux. Sûrement cet homme croyait-il avoir vu des gamins jouer, après tout, ils avaient tournés autour d'elle en chantonnant, en faisant mine de la secouer. Ou alors il voulait lui aussi lui donner une leçon, à elle, la bâtarde ?

Sam se crispa, et ramassa de nouveau ses affaires, éparpillées au sol. Son stylo plume avait été piétiné dans la bagarre. Elle en ramassa les débris, les membres lourds comme du plomb. L'envie la quittait, peu à peu. Le dos au mur, incapable d'apercevoir une sortie à cette impasse, encerclée, piégée, chaque jour, pendant huit heures, sans rien y pouvoir.

Le glas de la sonnerie, le gong de la récrée, si salvateur pour les autres enfants de son âge, elle priait parfois pour ne jamais l'entendre, et fatalement, ironiquement, il sonnait toujours. Comme se moquant d'elle, lui en voulant personnellement, lui rappelant, la poussant vers son quart d'heure de torture quotidienne.

Comme elle aurait aimé pouvoir se cacher dans un trou de souris, se faire oublier, juste une seconde. Une minuscule petite seconde, que l'on cesse de tourner des attentes, ou des reproches vers elle. La paix. Une petite seconde. Une seconde de répit.

Les doigts de Samantha effleurèrent la plume, son trésor, et si le courage resta là, au sol, déchu, brisé, la détermination, l'insolence provocatrice se raviva dans ses prunelles.

Patiemment, elle alla jusqu'au toilette pour décrotter ses affaires, retirer grain par grain les saletés imprégnant ses précieux biens, les airettes de soie de la plume aux reflets d'aquarelle. Sans broncher, elle s'assit à une table, et vit son repas, lentement s'envoler, au grès des passages des gamins, se servant directement dans son plateau, sans rien lui demander.

Les questions de ses professeurs, cette après midi là, elle y répondit la tête haute, avec le plus de précision possible, défiant de son regard sévère quiconque osait la corriger. Quand Armand s'amusa à lui voler son carnet de notes, elle le lui laissa volontiers, sans même lui accorder un regard, et quand, Catherine, la trouva durant la récrée de l'après-midi, dans les toilettes, elle lui envoya une œillade furieuse. Même quand la peste et ses amies, la plaquèrent contre le carrelage trempée et froid, et collèrent une à une leur chewing-gum dans ses cheveux soyeux, pour finir par l'abandonner, gisante, elle resta, de marbre.

A la sonnerie, au moment de revenir dans la classe, elle s'assit, comme à son habitude à sa place, sa tignasse parsemée de gum, et à la demande : 'Mais qu'est-ce qui t'es encore arrivé Sam ?' de la maîtresse, elle les laissa répliquer leur habituel 'Elle est tombée'

Depuis quand, cette vie était-elle devenue son quotidien ? Elle l'ignorait. Sûrement avait-elle raté un chemin, à un carrefour, elle avait du louper un panneau, comme lors de la course d'orientation, où elle s'était retrouvée sur l'autoroute. Sauf que cette fois, le sentier terreux, elle le parcourait pied nu, et totalement dénudée, la peau à vif, glacée par le vent et les intempéries, et sur la pancarte qu'elle n'avait pas remarqué, il devait y avoir été marqué « attention mauvais chemin ! Attention tu vas vivre le calvaire ! ».

Il lui sembla une seconde, que la première fois, elle avait murmuré, le timbre étranglé, incomprise :

« Mais pourquoi vous vous en prenez à moi, qu'est-ce que je vous ai fait ? »

Et étrangement, l'image, le visage d'Armand lui revenait, l'hantait, alors qu'il répliquait, à cette phrase, qu'elle n'avait peut être, jamais vraiment prononcé, qui n'était peut être que vague illusion de son esprit tourmenté cherchant des explications :

« Je suis dans mon bon Droit. »

Expression paradoxalement adulte s'échappant des lèvres d'un enfant, comme pour souligner le mensonge halluciné de son âme. Pour mettre en évidence l'indifférence que lui portaient les adultes, l'aide qu'ils refusaient de lui donner. Etait-ce pour cela, qu'ils ne réagissaient pas ? Parce qu'elle le méritait ?

L'orgueil de Samantha le refusait tout entier. Elle n'avait rien fait pour. Ils avaient tort. Ils avaient tous tort. Et si c'était cela, alors elle ne voulait pas d'amis ! Elle n'en avait pas besoin ! Si le reste du monde avait le droit de la martyriser comme, et quand bon leur semblait, sans se soucier des convenances, de la politesse, elle aurait été bien mieux toute seule ! Seule au monde.

Le chemin jusqu'au centre Pokémon lui paraissait toujours interminable, à éviter les autres élèves quittant l'école, à essayer de se tenir droite en pleine rue, à réviser mentalement les cours de la journée pour évacuer les peines, pour chasser les souvenirs…Ne penser à rien d'autres, que les leçons, se réfugier dans les valeurs sûres, les écrits, tout ce pour quoi on lui vouait un peu de reconnaissance. Le temps s'étirait toujours pendant sa marche, au rythme des théorèmes, des poésies…Et il en venait toujours un moment, où, à court de tout, ayant répété et répété les mêmes phrases, les mêmes mots pour ne jamais les oublier, il n'y avait plus rien. Plus d'exutoire, plus d'échappatoire. Le vide complet. Elle, et son fardeau, et rien d'autres, et encore, tout ce chemin à parcourir, pour rentrer. Encore des centaines de pas, où son cerveau au lieu de dériver sur les maths, s'échouait sur une expression d'Armand, sur l'élancement d'un bleu naissant, sur l'odeur irritante de son propre corps souillé.

Et même quand elle rentrait, c'était toujours le même refrain.

L'infirmière qui poussait une exclamation outrée, indignée, le « MAIS Qu'EST-CE QUI T'ES ARRIVEE ? » sans solution, rappelant inévitablement les meurtrissures du jour.

L'infirmière s'avança vers sa fille et l'analysa de haut en bas, les prunelles écarquillées, incapable de bredouiller une parole cohérente pendant plusieurs minutes. Puis ensuite, l'ordre d'aller se laver, immédiatement, presque furieux.

Ensuite, venait le pire moment de tous, l'humiliation suprême. L'infirmière fermait le Centre, et s'invitait dans la salle de bain pendant que sa fille prenait une douche et la tirait en dehors pour compter les bleus, les boursoufflures et renflement jaunes, violacés, qui gonflaient peu à peu. Et là, la question tombait :

« Qui ? »

Et les mots, les noms s'empaquetaient dans le gosier de Sam. Combien de fois aurait-elle voulu hurler ainsi « Armand ! Catherine ! Jonas ! Elicia ! Catherine ! Armand ! Armand ! Armand ! Catherine ! Armand ! » Mais les sons ne dépassaient pas le seuil des lèvres.

Parce que c'était son problème ? Parce qu'avouer le problème à sa mère, n'aurait fait qu'aggraver la situation ? Parce qu'elle ne souhaitait pas être une rapporteuse en plus d'être une intello adoptée ? Parce qu'elle avait mal ? Parce qu'elle avait pas de maman ni de papa ?

Toutes les raisons du monde se tassaient, se mélangeaient dans son crâne, et formaient un barrage dans le fond de sa gorge, étouffant, épuisant, suffocant.

Et ensuite, sa mère, fatiguée, avisait, conseillait, errant sans but, sans repère.

« Tu sais, je ne peux pas t'aider si tu ne me dis rien ! »

Mais même si elle parlait, allait-elle faire comme les autres, les adultes, et ignorer ? N'étaient-ils pas tous assez intelligents pour comprendre se qui se passait sous leur nez sans qu'elle n'ait à avoir à ramper, humiliée jusqu'à eux ?

« Tu sais Sam, on dit que quand tout le monde se ligue contre toi, cela signifie que c'est peut être toi le problème. »

Mais c'était impensable ! Impossible ! Elle ne faisait rien, rien du tout. Elle ne voyait pas qui elle pouvait offenser. Tout paraissait être tourné contre elle, mais elle n'avait rien demandé pour ça, elle ne faisait qu'exister, être elle. Quel mal y-avait-il à être elle ? Elle désirait juste que L'infirmière soit fière d'elle, des notes qu'elle rapportait, elle souhaitait juste pouvoir se montrer à la hauteur de sa mère, digne d'être sa fille. Etait-ce mal, Cela valait-il ce qu'on lui faisait endurer chaque jour ? Elle ne comprenait pas, elle ne comprenait plus. Pourtant, elle saisissait bien plus que les gamins de son âge, elle s'appliquait. Mais cela, cette injustice, dépassait toute ses capacités de compréhension, malgré ses efforts.

« Ce n'est pas possible que tu n'ais pas un seul ami, Sam, réfléchis, tu dois bien en avoir, un, un ! »

Mais pourquoi la remettait-on en question ELLE ? C'était eux, tous, qui la frappaient dehors !

Et venait alors, les paroles indignées, elles sortaient, purulentes, brûlantes de toute la frustration accumulées au cours de la journée, comme la seule vérité, le seul fait indéniable qu'elle possédait à l'encontre de la personne du moment, de celle qui la plaquait au mur en cet instant.

« TU N'ES PAS MA MERE ! »

Suivait la douleur cuisante d'une gifle. Comme pétrifiée par l'horreur, elle se tournait vers elle, tel un pantin désarticulé, elle admirait l'infirmière Joëlle, blessée, se relever, mettant fin à l'interrogatoire, et lancer glacialement :

-Oui, je ne suis pas ta mère.

Et elle partait. Quittait la pièce. Elle n'en parlait plus. Mais Samantha sentait la punition, dans chacun des regards qu'elle lui accordait, déçu. Toute sa physionomie lui murmurait des reproches qu'elle se faisait déjà. Chaque geste à son encontre devenait un affront.

Elle lui demandait de s'asseoir dans le hall pour qu'elle lui coupe les cheveux. Evidemment, elle le faisait exprès, pour que tout le monde, puisse voir cet instant horrible. Une fois, Armand était même venu admirer le spectacle, se délectant de ses larmes.

Elle lui ordonnait de passer le balai dans le hall. Juste pour lui rappeler qu'elle travaillait, elle pour son bien pour elle, juste pour elle et lui payer ses études.

Sam savait qu'elle exagérait, que tout cela n'était que le fruit de son imagination, de sa colère forcée au silence. Mais elle n'y pouvait rien.

Alors, elle partait, avec ses affaires, ses devoirs, tout, avec sa nouvelle coupe, honteuse. Elle courrait vers la forêt et retrouvait poussifeu. Elle y restait, jusqu'à ne plus en pouvoir, et quand elle revenait le soir, sa mère préparait déjà le dîner. Quand elle revenait le soir, en entendant sa fille revenir, l'infirmière Joëlle ouvrait patiemment le livre de conte sur le comptoir, et tout en continuant sa préparation, elle se mettait à lire à haute voix. Et Samantha faisait mine de ne pas l'écouter, d'étudier, de réviser, dans un silence pieux, qui finissait de saupoudrer l'animosité d'un voile feint, faux, d'une toile invisible.

Des fois, Samantha aurait aimé, pouvoir tout oublier. Emmagasiner tellement de savoir dans le fond de son crâne, pour lui attirer une reconnaissance éternelle de la part des adultes, mais surtout, pour ne jamais être à court de sujet, pour ne jamais se retrouver seule en face à face avec ses soucis. Mais, plus elle grandissait, plus elle se rendait compte de l'impossible.

Ce n'était pas qu'elle ne savait pas assez pour oublier ; c'était juste, qu'elle n'était pas assez forte pour cela. Peut être, que malgré tout ce que sa raison lui ordonnait, son corps, refusait d'obéir. Peut être que son métabolisme désirait se remémorer à jamais de ces outrages, les absorbant patiemment, un à un, pour les balancer un jour aux visages de ses bourreaux. Tel le Pokémon dont on la traitait.

Peut être était-ce juste son égo. Son orgueil qui l'empêchait d'oublier, l'obligeait à relever la tête à chaque coup, à pousser plus loin les limites, à provoquer encore et encore.

Il aurait été plus facile de changer, de se faire passer pour une idiote.

Mais c'était au dessus de ses forces ça aussi.

Quelque soit le problème, la solution semblait hors de sa portée. N'y'avait-il donc pas, simplement une issue faite pour elle, qui accepterait tout son être ? Ne pouvait-il pas y-avoir de Prince charmant, comme dans Cendrillon, pour venir la libérer ? Poussifeu ne pouvait-il pas sortir de sa forêt pour venir la sauver ?

Elle ne savait pas comme réagir. Elle avait peur de réagir en fait. Alors elle attendait juste. Elle attendait et se relevait, dignement. Jour après jour.

« Ce n'est qu'une passade » Lui répétait sa mère.

« Cela ne peut pas durer à jamais. »

Et c'était vrai. Cette situation avait duré deux ans. Juste deux ans. Entre temps, elle avait rejeté quatre filles, qui avaient tenté de faire amie-amie avec elle, parce qu'elle n'avait pas confiance, parce qu'elle désirait entendre des excuses, qu'elles n'auraient jamais faites. Entre temps, elle grandit. Entre temps, elle connut Akira Yuki.

Le premier regard, primordial.

Samantha se plaisait à croire que tout c'était jouer à cet instant précis. Et, en un sens elle avait raison. Car ce jour là, quand une fois de plus, malmenée par les élèves de son école, par Armand, elle tomba à terre, elle le vit.

Cette grande silhouette fine et brune. Cette carrure empâtée, traînant des pieds et juste déjà harassée par l'existence, blasée. Akira Yuki.

Ce jour là, Samantha, affalée sur l'asphalte, abandonnée par les autres, désabusé, lassé par leur jeu, s'était redressée, droite. Elle avait remis en place une de ses mèches, et tapoté la plume, symbole de sa détermination, qui ornait sa chevelure insolemment courte. Et elle avait fixé, fixé cet homme à l'autre bout de la coure, qui savait, qui avait contemplé le spectacle sans réagir. Elle l'avait regardée, et son regard bleu cerclé d'argent, grave, lui avait intimement murmuré les mots qu'il attendait depuis le suicide de son frère. Son corps, sa façon de se mouvoir après l'affront, de le défier muettement, lui interdisant formellement de la prendre en pitié, tout en le suppliant de lui porter secours. Tout cela, en un simple regard, fit vibrer une part d'Akira.

Parce que cette fillette ressemblait à son frère, peut être. Parce que lui-même, nécessitait une accroche, une raison pour continuer à avancer. Peut-être parce qu'elle incarnait tout ce en quoi elle se battait, toutes les raisons pour lesquelles il avait choisi cette voie.

Ou peut être, parce que c'était Elle.