Le début de la fin - Jour 2
Jour 2. 9h08.
Matt était allongé sur son lit. Il somnolait tout en repensant à la bataille de la nuit précédente lorsque quelqu'un hurla au-dehors.
« Sergent Sabin ! »
Ce n'était pas Austin. Matt se redressa sur son lit et fit face à la porte, qui s'ouvrit brusquement. Un homme se tenait dans l'embrasure, l'air très en colère.
« Qu'est-ce que vous faites ? Les officiers sont censés superviser la préparation de leurs troupes !
- Je comptais me reposer une petite heure avant de...
- Vous reposer ? Vous REPOSER ? Vous n'avez pas le droit de vous reposer, sergent ! Pas tant que je ne vous en aurai pas donné l'ordre, aboya l'homme.
- Oui... Capitaine Eagler, répondit Matt avec le ton le plus méprisant qu'il pouvait prendre. Comme vous voudrez... Capitaine. »
Eagler s'approcha et Matt se leva. Le capitaine se mit face à lui et le fixa de ses petits yeux pleins de hargne.
« Ne prenez pas ce ton avec moi, sergent, murmura-t-il. Vous me respecterez, ou vous le regretterez...
- Je sais. Ne croyez pas que nous sommes aveugles. Tout le monde ici sait comment vous avez pris la place du capitaine Dwayne... »
Eagler saisit Matt par le col. La situation avait un petit quelque chose de comique, le sergent dépassant son supérieur d'une bonne quinzaine de centimètres.
« Je vous ferai fusiller pour diffamation ! À qui croyez-vous vous adresser ? »
Matt n'avait plus rien à perdre. De toute façon, l'un d'eux serait mort à la fin de cette guerre... S'ils ne mourraient pas tous les deux.
« J'ai pour principe de ne pas donner aux gens plus de respect qu'ils n'en méritent.
- Qu'est-ce qui se passe, ici ? »
Austin se tenait près de la porte. Eagler poussa Matt, qui retomba sur son lit.
« Votre sergent flemmarde, comme d'habitude, tonna le capitaine. Mais en plus, il me manque de respect et m'accuse du plus horrible...
- La ferme, Eagler, le coupa Austin. Je vous vois venir, mais je ne vais pas mettre Sabin au trou. Nous avons besoin de lui sur le champ de bataille.
- Personne n'est irremplaçable...
- Pas même vous ! Seriez-vous en train de contredire mes ordres, Eagler ? demanda le commandant d'un ton menaçant.
- Non, bien sûr, je n'oserai jamais..., balbutia Eagler. Je...
- Je sais, vous êtes trop magouilleur pour vous mettre à dos quelqu'un qui a du pouvoir, répondit Austin. Maintenant, sortez, j'ai à parler avec Sabin. »
Eagler resta un instant sans bouger. Puis, il jeta un regard furieux à Matt et fit bouger son gigantesque ventre jusqu'à la porte. Austin fit un pas de côté et le regarda s'éloigner avant d'entrer dans la chambre qu'il referma.
« Merci, mon commandant...
- Fermez-la, Sabin. Je ne serai pas toujours là pour sauver vos miches.
- Oui, mon commandant, répondit Matt avec un sourire.
- Sabin, je serai bref. Siegfried ne parvient plus à contacter ses hommes, et nous pensons qu'ils auraient pu perdre la vie dans une tentative de repousser des Pokémon.
- Ça veut dire qu'il y a des Pokémon rebelles à Hoenn ? » S'alarma Matt.
Austin prit une profonde inspiration.
« C'est probable. »
Le silence tomba dans la pièce, et Matt se mit à réfléchir à toute vitesse.
« Nos Pokémon Psy peuvent se charger de les retrouver. Si une quelconque activité anormale en rapport avec des Pokémon a lieu sur notre territoire, ils la repéreront, dit-il.
- Parfait, je vais donner l'ordre qu'on s'en occupe.
- Je peux m'en charger...
- Non, j'ai une autre mission pour vous, l'interrompit Austin. Siegfried vous demande de lui construire l'arme dont il vous aurait parlé il y a quelques semaines et qui pourrait porter un coup très dur à l'armée ennemie. Je ne comprends même pas pourquoi vous ne l'avez pas fait lorsqu'il vous en a parlé pour la première fois.
- Je refuse.
- Je vous demande pardon ? »
Matt se leva et enfila son blouson.
« Je refuse. C'est une arme qui pourrait, je dis bien pourrait, faire mal à l'armée ennemie, mais qui coûterait à coup sûr la vie à Siegfried. Je refuse, répéta-t-il.
- Très bien, répondit le commandant sans se démonter. Alors filez dans le hangar finir votre arsenal.
- À vos ordres ! »
Jour 2. 9h37.
David pénétra dans la chambre de sa mère, surexcité. Derrière lui, Flamme jappait tout en sautant.
« Maman ! On va jouer ?
- Oh non, David, répondit la voix étouffée d'Alcina. J'ai sommeil...
- Mais il fait beau, regarde, dit le petit en écartant les rideaux.
- Cet après-midi, mon bébé...
- Bon, d'accord, répondit le garçon à contre-coeur. Je vais regarder la télé. »
Il dévala les escaliers à toute vitesse, Flamme toujours derrière lui, et se jeta dans un fauteuil, télécommande à la main. Il alluma la télévision et tomba sur un flash spécial.
« … possibilité d'attaque élevée, NE QUITTEZ VOTRE MAISON SOUS AUCUN...
- Oh non, pas les infos, » dit David en zappant.
De là où il était, il pouvait entendre Horace se plaindre à Helen du fait qu'ils aient manqué le dernier bulletin d'informations à la radio.
Jour 2. 10h21.
Gilliam et Kirlia apparurent devant l'hôpital. Gilliam remercia précipitamment son Pokémon, qui se téléporta à nouveau, et pénétra dans le bâtiment.
Sue se rongeait les ongles, assise dans le couloir d'un blanc éclatant. La porte s'ouvrit et un docteur sortit de la chambre où se trouvait Mary. Sa mère se leva d'un bond.
« Alors, docteur ?
- Elle se repose, la rassura le médecin. Elle a toujours beaucoup de fièvre...
- Mais vous ne pouvez pas lui donner quelque chose pour la faire baisser ?
- Ce n'est pas aussi simple...
- Mais qu'est-ce que vous voulez dire ? Demanda Sue. Pourquoi ce n'est pas simple ?
- Écoutez, madame, cette fièvre n'est pas normale. Ni aucun des symptômes qu'elle présente. Nous pensons qu'elle aurait pu être empoisonnée par un Pokémon. Et dans ces cas-là, les chances de guérison sont... quasiment inexistantes.
- Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas possible, lança Sue, secouée de violents tremblements. Non...
- L'organisme humain n'est pas assez puissant pour résister au poison des Pokémon. En plus, nous ne savons même pas quel Pokémon l'aurait empoisonnée, et cela fait plusieurs jours qu'elle a le poison en elle. Je suis désolé, vraiment, mais... Ce n'est plus qu'une question d'heures. »
Il jeta un dernier regard embarrassé vers Sue, puis s'en alla. La jeune femme resta debout à regarder le vide, des torrents de larmes coulant sur ses joues. C'était fini, sa fille qui était sa raison de vivre allait mourir, et elle ne pouvait rien faire pour l'empêcher.
Jour 2. 10h38.
Puck se leva du banc où il s'était assis pour contempler sa Pokéball. Ça y est, il avait son Carapuce, il avait entamé sa formation de sapeur-pompier. Désormais, il n'était plus Puck, il était de nouveau Finn. Et il le resterait.
« Je te dépose ? Lui demanda un de ses nouveaux camarades.
- Non, merci, ça ira.
- OK, alors, à la prochaine. »
Et il fit sortir un Tarsal qui le téléporta.
Puck se mit en route pour le magasin où travaillait sa mère. Lorsqu'elle le verrait arriver avec un blouson de pompier, elle serait forcée d'admettre qu'elle avait eu tort, et elle serait enfin fière de lui.
Au bout d'une dizaine de minutes, il ressentit un sentiment de malaise dont il ne savait pas d'où il venait. Mais il n'était pas non plus sans défense ; lui-même savait plutôt bien se battre, et il avait désormais un Pokémon avec lui.
Lorsqu'il fut arrivé à quelques mètres de la supérette, la raison de ce sentiment de malaise lui apparut clairement : ses anciens amis l'avaient rattrapé et l'encerclaient.
« Alors, on t'a manqué, que t'es revenu dans le quartier ?
- Cassez-vous.
- Tu fais plus la grande gueule, maintenant, hein ? »
Puck, désireux d'en finir au plus vite, fit sortir Carapuce de sa Pokéball. Ses agresseurs éclatèrent d'un grand rire moqueur.
« C'est ça, ton garde du corps ? Cria l'un d'eux en sortant un couteau à cran d'arrêt. Je te l'avais dit, je vais te crever, connard ! »
Il s'élança en avant, mais Carapuce le tint à distance d'un Pistolet à O. Deux autres jeunes se jetèrent sur Puck, qui se débarrassa d'eux de deux coups de poing. Carapuce arrosa le quatrième tandis que le premier se jetait sur Puck. Il tenta de le poignarder, mais l'apprenti sapeur-pompier lui attrapa le poignet et le tordit, l'obligeant à lâcher son arme.
« Je te le répète : vous vous cassez et vous revenez jamais ici ! »
Il le repoussa plus loin, et le jeune délinquant se mit à courir derrière ses amis qui étaient déjà loin.
« Merci, Carapuce. »
Il rappela la petite tortue dans sa ball et se pencha pour ramasser le couteau. Il fut surpris de voir que du sang brillait sur la lame, et se rendit soudainement compte qu'en effet, son agresseur l'avait entaillé au bras. Il fit quelques pas en regardant le couteau puis releva la tête. Sa mère le regardait. Elle posa les yeux sur le couteau, puis sur le visage de son fils, et entra précipitamment dans le magasin.
C'était de l'horreur que Puck venait de voir sur le visage de sa mère. Elle devait sûrement croire que son voyou de fils lui avait menti, et qu'il était vraiment un délinquant de la pire espèce. Il avait tout raté, une fois de plus.