_____La sensation de tomber, encore et encore, comme s'il n'était entouré que de vide. Il n'y avait ni bruit, ni signes venant de l'extérieur. Pas le moindre souffle de vent, ni chaleur, ni froid. Le néant. Il ne saurait dire s'il faisait complètement noir ou si ses yeux étaient aveugles.
_____Seulement, si aux alentours, plus rien ne semblait exister, en revanche, les sensations demeuraient. Son corps était lourd, engourdi, sans énergie. Et une douleur lancinante le saisissait tout entier. Pourtant, un anormal bien-être s'insinuait au plus profond de son esprit.
_____Il s'instillait dans son âme comme le poison se répandant dans l'organisme, comme l'encre se distillant dans l'eau. Cependant, une part de lui-même tentait de le persuader qu'il devait lutter contre cette euphorie étrange. Au fond de lui, il savait que ressentir une telle joie, cela ne lui ressemblait pas.
_____Mais pourquoi vouloir s'en séparer, maintenant qu'il en éprouve enfin ? Où est le mal pour que son inconscient le somme d'abandonner cette agréable émotion ? Alors qu'il a été privé de toute allégresse pendant tant d'années, entravé par sa rancune, par sa peine, par sa souffrance...
_____Est-ce parce que son bonheur s'est enfui avec le dernier souffle de ses parents qu'il n'a plus le droit d'y goûter ? Ne serait-ce qu'une fois...
_____Damon se réveilla brusquement, le cœur battant. Il inspira une grande bouffée d'air qu'il relâcha doucement, pour se calmer. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus rêvé. Et ce songe-ci avait une saveur étrange, un goût rance de déjà-vu.
_____Il décida de ne plus y prêter attention. Il est très bien placé pour savoir qu'il est inutile d'épiloguer sur ces soi-disant visions. À de rares exceptions près, bien sûr.
_____Entendre des humains se lamenter sur des cauchemars où ils ont vu une catastrophe se produire, cela arrivait très souvent. Mais jamais rien ne se passait, évidemment.
_____Cela le faisait rire en silence, tous ces psychologues, ces "médiums", ces sombres imbéciles prétendants lire dans vos pensées, sonder votre subconscient. Alors qu'en vérité, la seule chose que puisse prédire un mauvais sommeil, c'est la promesse d'une longue journée de bâillements sonores.
_____Il inspecta la maisonnette. Il y avait davantage de bazar, car des chemises dont le contenu s'était échappé jonchaient le sol, les feuilles de papier cachant à présent les dernières zones bétonnées visibles avant qu'il ne s'endorme. Quant à Célia... la tête posée sur ses bras croisés, elle se reposait tranquillement sur l'impressionnant livre qu'elle consultait.
_____Il se demanda ce qu'il faisait encore ici, au lieu de prendre la route de Bourg-Trésor. Il bougonna intérieurement en se rappelant qu'il avait juré de ne pas s'en aller tant que sa brûlure n'était pas parfaitement cicatrisée.
_____Après que le jeune homme ait évoqué la vraie nature de la demoiselle – avec une marge d'erreur de deux évolutions –, elle avait deviné qu'il était celui grâce à qui les expériences douteuses de son père avaient pris fin. Plus aucuns Pokémon n'auront à craindre d'être transformés de force en êtres humains. Même si pour eux, il était déjà trop tard.
_____Il avait refusé de parler dans le détail de la façon dont il s'y était pris pour faire cesser les activités malsaines du scientifique Gallame, considéré à l'époque comme un aliéné. Raconter tout cela l'aurait forcé à dévoiler de lourds indices sur sa nature exacte. Et il était hors de question qu'il effraie cette jeune femme en lui révélant son identité.
_____Visiblement déçue, elle avait ensuite cherché à savoir – comble du malheur – qui il était en réalité, justement. Quand elle s'est heurtée à ce nouveau silence volontaire, au lieu de lâcher prise, elle lui a promis qu'elle finirait par trouver d'elle-même. Déjà en inspectant son physique, puis en guettant ses faits et gestes.
_____Il espérait sincèrement qu'elle ne trouve pas, ou qu'elle abandonne. Parce qu'il n'est pas envisageable qu'elle soit satisfaite de l'aboutissement de ses recherches.
_____Son ventre gargouilla, interrompant sa réflexion. Il n'avait plus mangé depuis longtemps. Son dernier repas, il l'avait pris en compagnie de Joëlle, alors qu'elle s'affairait autour de son bras brûlé. Son travail avait été remarquable. Mais il n'avait pas encore osé retirer définitivement les bandages. Il les regarda longuement. Ils étaient noués légèrement différemment.
_____—
__... On dirait que l'hystérique ne s'est pas gênée pour jouer les infirmières... marmonna-t-il.
_____Il entreprit de les défaire un peu, afin de s'assurer de sa guérison.
_____—
__Pas touche, maigrichon. J'en ai bavé pour les changer sans te réveiller. C'est pas pour que tu fiches tout en l'air.
_____Il ne lâcha pas immédiatement le morceau de bande qu'il tenait entre ses deux doigts. Il tenait à vérifier son état. Mais le regard sévère de la damoiselle, qui s'était assise à califourchon sur sa chaise, le dossier servant d'accoudoir, l'en dissuada définitivement.
_____—
__C'est bien, mon petit, ricana-t-elle.
_____—
__Merci maman.
_____Cela eut l'effet escompté. Son rire s'étrangla dans sa gorge. La mine rageuse, elle replongea dans son bouquin, vexée. Satisfait, le garçon se leva. Mais sa faim grandissait. Comme si elle avait deviné, Célia lui indiqua une assiette sur le bord de la bibliothèque, dans la niche où se trouvait sans doute l'encyclopédie dont elle se sert actuellement.
_____—
__Ne te moque pas de mes piètres talents de cuisinière.
_____Elle s'était empressée d'ajouter cette phrase avant qu'il n'ait eu le temps de saisir le plat. Et elle avait eu raison. Il y avait trois fois trop de sel, et des grumeaux. Performance affligeante pour une purée de pommes de terre. Mais il ne s'en plaignit pas.
_____Quelque chose d'autre le tracassait. Il n'était pas rassasié le moins du monde. Et il savait parfaitement ce que cela signifiait. Le trop grand stress de ces derniers jours avait annulé les habitudes alimentaires qu'il avait eu tant de mal à prendre dans son enfance. Son organisme lui demandait de revenir à des besoins plus primaires. Et ce n'est pas son apparence humaine qui va y changer quelque chose.
_____—
__... Je vais faire un tour dans le coin, dit-il.
_____—
__Tu ne t'en vas pas définitivement j'espère ? N'oublie pas que tu as promis de ne pas prendre la route avant que j'aie fini de m'occuper de ton bras, rappela-t-elle, levant à peine le nez de son ouvrage.
_____—
__Je reviens... dans deux heures, maximum. Je te laisse mon sac pour garantir mon retour.
_____Il ferma la porte derrière lui, sur ces mots. Il préférait rester vague et s'occuper de ce qu'il avait à régler avant d'être assailli d'interrogations diverses sur ses activités. Il n'était d'ailleurs pas très fier de ce qu'il s'apprêtait à refaire après tant de décennies où il n'en avait plus exprimé l'obligation – et encore moins l'envie.
_____Mais déjà, alors qu'il reprenait sa forme d'origine, ses pupilles dilatées scrutaient attentivement le moindre mouvement trahissant une présence. Il s'enfonça alors dans les profondeurs de sa propre ombre, s'élançant sans hésitation entre arbres et buissons. Déterminé et impossible à raisonner.
_____Hors de question de faire marche arrière, à présent.
_____Discrétion, vivacité, efficacité. Ces trois termes forment une règle immuable pour tout bon chasseur. Au temps où ses pulsions n'étaient pas encore contrôlables, il en avait besoin régulièrement. Une fois assimilés, ces mots sont comme le vélo pour les humains. Ils ne s'oublient pas avec le temps. Et c'est avec des décennies de pratique refluant dans son sang qu'il se jeta sur sa proie, mains en avant, une Ball'Ombre dans chaque.
_____« Bah, c'était si simple, encore une fois. À ce stade, c'est un jeu d'enfant ! Comme si je volais la sucette d'un bébé ! »
_____L'Ursaring retira tranquillement le sac de Raichu qui gisait, assommé. Il s'adossa à un rocher et ouvrit la besace. Il fut ravi du butin, en constatant la richesse et la variété des objets amassés dans les Donjons visités par la souris, depuis la dernière fois. Il était si absorbé par la contemplation de ces biens mal acquis qu'il ne remarqua pas la présence menaçante non loin de lui.
_____Soudain, quelque chose fit pression sur son flanc gauche. Suffisamment pour que, lâchant le sac, il soit propulsé quelques mètres plus loin, son corps retournant la terre. Il était maintenant dans une clairière, entouré de vieux arbres au feuillage encore dense pour la saison. Quand il se remit debout, sonné, se fut pour esquiver de justesse – et sans le faire vraiment exprès – une sphère d'énergie noire.
_____Il regarda dans la direction opposée, cherchant l'agresseur. Personne. Il devait être caché dans les branches. Ses côtes le faisaient souffrir. Il reporta son attention sur l'endroit où on l'avait poussé. Des poils roussis indiquaient que soit l'attaquant était de type Feu, soit il avait usé d'une capacité à haute température pour lui donner la force de le projeter sur une telle distance. Il fixa le sillon qu'avait laissé son corps dans le sol. Difficile de faire cela avec sa seule force physique.
_____Une autre boule obscure fonça sur lui, suivie par d'autres, toutes provenant de directions différentes. Cette fois, il les évita grâce à la capacité Détection. Il eut donc le temps de reconnaître l'attaque. Il fut surpris de sa conclusion.
_____Cela voulait dire qu'il n'y avait que six Pokémon, parmi tous ceux connus, pouvant être son agresseur. Soit un Queulorior – peu de chance –, soit un Mew – tout aussi improbable –, soit un Métamorph – mais si c'était le cas, la puissance serait moindre –, soit un Zorua ou son évolution – ce n'était pas le cas car ces offensives-ci n'étaient pas des illusions – soit...
_____« Si c'est ce que je pense, je suis très mal », songea l'ours, en mauvaise posture.
_____Il se mit à hurler très fort. Brouhaha. Ainsi, impossible d'être affecté par les globes d'énergie négative de tout à l'heure. Cela se révéla efficace. Celles qui avait été lancée le touchèrent, mais n'eurent aucun effet. Mais il ne fut pas rassuré pour autant.
_____« ... Maintenant qu'il ne peut plus m'avoir à distance, il va devoir se montrer, j'ai intérêt à être vigilant... »
_____Mais il ne remarqua pas la grande ombre qui s'était glissée sous ses pieds. Une main noire lui saisit la patte arrière pour le faire chuter. Il s'écroula à plat ventre, et à peine fut-il sur le dos que son agresseur, surgi des ténèbres souterraines, lui agrippa la gorge, ses trois doigts terminés par des griffes discrètes, mais acérées, pénétrant le cuir de sa peau.
_____Sentant ses forces l'abandonner, le grizzli ne luttait que faiblement, les yeux révulsés, parcouru de quelques spasmes à chaque fois qu'il essayait de se libérer. Au moment où il croyait tout perdu, l'emprise sur sa gorge se desserra subitement. Mais ce soulagement fut accompagné d'une vive douleur dans l'épaule droite, comme si elle était transpercée par d'épaisses aiguilles.
_____—
__Hey, vieux, tu fous quoi à te prélasser dans l'herbe ? fit une voix familière.
_____—
__Mais qu'est-ce que... bordel, numéro 5, tu es couvert de sang, c'est quoi ce foutoir ? ajouta une autre.
_____Seuls quelques grognements rauques réussirent à franchir le seuil de ses cordes vocales. Les deux autres Ursaring à ses côtés constatèrent avec effarement l'état déplorable de leur collègue. Les yeux exorbités, le cou presque lacéré, et une profonde morsure en haut du bras droit, il paraissait hagard.
_____—
__Oh la misère, c'est qui qui t'a foutu une rouste pareille, numéro 5 ? Tu as voulu voler plus gros que toi ? demanda un troisième ours qui venait d'arriver.
_____—
__Arrrrgh... Heureusement que vous êtes là, les gars... Faut qu'on se tire d'ici, c'est dangereux dans le coin... articula-t-il, la voix toujours enrouée.
_____—
__Holà, doucement, 5, c'est numéro 1 qui décide de ça. Et il n'est pas encore arrivé. Ah, ben le voilà, tiens.
_____Un autre Pokémon semblable aux autres se dirigea vers eux, une once de surprise passa dans son regard en remarquant les blessures du coéquipier allongé au centre de la clairière.
_____—
__Qu'est-ce qui t'est arrivé pour que tu prennes une telle raclée ? questionna-t-il.
_____—
__J'ai été poussé dans cette clairière, j'étais à découvert, et à sa merci. J'ai lutté mais j'ai rien pu faire... Si vous n'étiez pas arrivé, il m'aurait bouffé, à coup sûr, répondit l'interrogé.
_____—
__Bouffé ? Tu n'exagères pas un peu, là ? ricana l'un d'eux. On n'a pas de prédateurs, à part – il gloussa un peu avant de poursuivre – les êtres humains, en de rares occasions.
_____—
__Numéro 3, cesse de te foutre de lui. Ce qu'il a dit est très important, figure-toi. Tu as oublié qu'il est tout de même probable que nous ayons un Pokémon à redouter ?
_____—
__... Si vous parlez de l'espèce à qui je pense, alors il n'y a pas que nous qui devrons être prudents, marmonna le plus proche de numéro 1. Tout le monde doit l'être.
_____—
__Exact, numéro 2. C'est pour ça qu'on va décamper. Abandonnez ce que vous avez volé. Manquerait plus que le poids des sacs nous retarde. Déjà qu'on va devoir soutenir numéro 5... Avec un peu de chance, l'autre se rabattra sur des proies plus faciles. Genre celles qu'on a laissé K.0 un peu à tous les étages.
_____—
__Et on va dire quoi au patron, 1 ?
_____—
__La vérité, numéro 4. En attendant, aide-moi à porter 5, on se tire.
_____Raté. S'il n'y avait pas eu l'intervention intempestive de ces deux autres individus, à l'heure qu'il est, il l'aurait achevé, et sans doute déjà dépecé. Au lieu de ça, il avait dû se contenter d'une morsure, juste pour faire patienter ses canines douloureuses, pressées de réduire une proie en charpie.
_____Mais il ne fallait pas prendre le risque d'être surmené par le nombre. On ne s'attaque à ces grosses prises que quand elles sont seules. Et mieux valait donc fuir avant l'arrivée de ces fauteurs de troubles. Heureusement, il semblerait qu'ils n'aient pas fait le ménage après avoir agressé plusieurs Pokémon... même s'ils sont plus petits, ça devrait suffire...
_____Rosélia se releva péniblement, étourdie. Elle n'avait pas pu se défendre, elle n'était pas suffisamment prête. Elle regarda autour d'elle. Nulle trace de son sac. Elle grimaça.
_____« C'est bien ma journée, d'abord, je suis larguée par mes soi-disant amis, et maintenant, on m'a piqué mes affaires ! »
_____Elle prit le chemin des escaliers, résolue. Elle allait quitter ce Donjon Mystère et y retourner pour rentrer chez elle. Avec un peu de chance, ses parents ne seront pas allés vérifier sa présence dans la chambre. Et sinon, elle s'arrangera pour fondre en larmes et se confondre en excuses.
_____En revanche, elle se gardera bien de raconter ses mésaventures. Si son père apprend qu'elle a été agressée, il est sûr qu'il ne la laissera plus jamais repartir, même après sa majorité il s'arrangera pour qu'elle n'explore plus. Si ça se trouve, il voudra même déménager, en décrétant qu'on est plus en sécurité dans cet endroit.
_____La jeune plante interrompit soudainement le fil de ses pensées. Elle avait perçu une présence hostile, l'espace d'une seconde. Elle resta longuement sur le qui-vive. Au bout de plusieurs minutes, enfin ses muscles se détendirent. Elle n'avait repéré ce danger que pendant un très court instant. S'il s'agissait d'un éventuel autre agresseur, elle n'était pas sa cible.
_____Elle se surprit à se demander comment allait le Raichu qu'elle avait rencontré. Elle chassa cette interrogation de son esprit. Il peut bien faire ce qu'il veut, elle s'en fiche ! C'est ce qu'elle aurait aimé se dire, mais elle ne réussit pas à se convaincre.
_____« ... Bah, si je le trouve, je n'aurai qu'à dire que c'est du hasard, que moi aussi je vais vers la sortie, que c'est donc normal qu'on se croise... Je pourrai même le critiquer sur sa lenteur, comme ça, il sera convaincu que je ne le cherchais pas », songea-t-elle.
_____Pelage orange fin, taille correcte, poids important. Trop important pour un Raichu. Sans doute beaucoup de graisse. C'est donc une cible sans intérêt. Autant jeter son dévolu sur le Haydaim qu'il avait repéré tout à l'heure. Il a été correctement assommé avant d'être dépossédé de ses biens. Il n'a pas encore repris ses esprits. Ce ne sera pas douloureux.
_____—
__Raichu ? Hé, tu vas bien ?... À toi aussi, on t'a pris tes objets... soupira Rosélia.
_____—
__... Ouais, on dirait bien. Et tu fais quoi, là ? rouspéta le Pokémon foudre.
_____—
__Ne crois pas que je suis venue pour toi ! Mais moi aussi je veux sortir du Donjon pour rentrer chez moi, au premier étage ! répliqua-t-elle, vexée.
_____—
__Regarde, là-bas, y a des baies qui traînent. Elles ressemblent aux miennes. Bingo, nos sacs, ils ont été abandonnés dans la clairière, là !
_____Il s'empressa d'aller le ramasser, vérifiant son contenu. En comptant les fruits qui étaient tombés, il avait le compte. La plante ne tarda pas à trouver sa besace à son tour. Mais elle s'immobilisa, dégoûtée.
_____—
__... Y a du sang séché, par ici... gémit-elle. C'est pas rassurant, hein ?... Raichu ?
_____Il s'était éloigné de la clairière, se dirigeant plus au nord. Elle alla donc dans la direction qu'il avait prise, pour le découvrir figé, l'air effrayé.
_____—
__... Eh, ça t'arrive souvent de jouer les statues ? lança-t-elle sur un ton sarcastique.
_____Il se contenta de lever une patte tremblante devant lui, l'invitant à regarder dans cette direction. Elle porta nerveusement la rose rouge de sa main à la bouche, ses pupilles se rétractèrent. Au pied d'un vieux chêne, ils venaient de découvrir les restes ensanglantés d'un Haydaim.
