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Sans Coeur de Limonette[JV]2



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» Auteur : Limonette[JV]2 - Voir le profil
» Créé le 12/08/2010 à 12:45
» Dernière mise à jour le 02/11/2010 à 01:23

» Mots-clés :   Drame   Présence d'armes

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- Quand pourra-t-il sortir ? demanda Kurt au médecin en charge.
- Et bien… Vu son état actuel, il sortira peut-être dans une semaine… Il est résistant, et cela est assez étonnant, vu son âge, pourtant son cas nécessite du repos.
- Peut-il déjà recevoir des visites ?
- … Non, éventuellement demain, mais pas aujourd'hui. Il est encore sous analgésiques, il ne faut pas le brusquer.
- Et quelle sera la durée des visites, demain ? insista Kurt, impatient.
- Oh…Pas plus d'un quart d'heure. Et sans parler.
- Ah bon… Alors à demain !
- C'est ça, à demain. Si nous avons des renseignements à vous apporter sur son état de santé, nous vous appellerons. Vous êtes un des proches de la famille, non ? Son fils ?
- Non…
Kurt réfléchit un instant.
- Enfin, si, je suis son frère, reprit-il. Kurt Hall. D'ailleurs, vous n'avez pas vu mon neveu, Edouard ? Il n'est pas venu rendre visite à son père ?
- Non, pas que je sache, informa le médecin en consultant son fichier numérique.
- Vous ne l'avez pas prévenu ?
Le bippeur du médecin clignota. Un Leuphorie apparut en trombe, sautillant, avec son éternel air guilleret. Il glissa quelques mots à l'oreille de son supérieur, que celui-ci interpréta immédiatement, bien que le pokémon ne parlât pas sa langue. Un écran se déploya sur le carnet du docteur et une tête s'afficha, que Kurt ne put pas voir à cause de la transparence et de l'angle de vue. Le médecin hocha lentement la tête, comme s'il écoutait son interlocuteur. Effectivement, Kurt entendait de légers bourdonnements. Le son semblait comme freiné par un mur invisible. Apparemment, l'homme ne pouvait recevoir qu'une transmission à la fois. D'où la venue du Leuphorie, sans doute pour une autre intervention. Kurt ne comprenait pas l'ordre des demandes, mais... Il haussa les épaules. Qu'est-ce qu'il en avait à faire de toute façon?
- Veuillez m'excuser, on m'appelle, lança-t-il à Kurt, qui regardait la scène avec appréhension. Au revoir, et à demain !
Kurt se secoua la tête tandis que la blouse blanche voletait, emportant le médecin et le pokémon.

Le jeune Deko se retrouva seul, dans le couloir blanc. Il s'assit sur un banc, et regarda un moment les infirmiers, chirurgiens et autres personnes versés dans la profession cheminer en marchant ou en courant dans les corridors. Un autre Leuphorie s'approcha de lui, lui présentant un verre d'eau. Il remercia et but avec avidité, sentant déjà la fraîcheur du liquide lui redonner des forces. Le pokémon lui désigna un distributeur pas loin. Par les chaleurs écrasantes qu'il faisait dehors, il fallait trouver des moyens pour rafraîchir la population de l'hôpital. On sentait une légère brise dans l'établissement. C'étaient les ventilateurs, éparpillés un peu partout.

Kurt se leva et commença à marcher. Il ne s'écartait pas pour laisser passer, se faisait bousculer de toute part, mais d'une certaine manière, il s'en fichait. Il réfléchissait abondamment, et il était sûr qu'il atteindrait bientôt la surchauffe, si elle existait chez un humain. En même temps qu'il s'abandonnait à ses pensées tantôt désespérées, tantôt chimériques, il cogna contre une personne qui tomba devant lui. C'était une patiente.

Comme il avait l'habitude en certaines situations, il reprit immédiatement le contrôle de lui-même et souleva la vieille dame qu'il avait bousculée, à grands renforts d'excuses. Elle ne parut pas s'apercevoir de la présence de Kurt, pas plus que de sa chute.
Elle regardait la porte fermée d'une chambre. D'un regard si vide, si éteint, que Deko eut un pincement au cœur.

Il questionna, d'une voix compatissante :
- Madame, je suis désolé... mais que faites-vous ici, devant cette porte ? Asseyez-vous, il…
La vieille dame ne disait mot.

Kurt attrapa la poignée et ouvrit la porte. La chambre paraissait vide. Et elle l'était. Tout était propre… Le lit était fait, et il planait dans l'air une odeur de javel, mélangée au parfum de fleurs posées sur la commode. Kurt fit un pas en avant. La femme, usée, regardait le tout sans aucune émotion.

Sa main parcheminée se tendit néanmoins dans la direction de Kurt. Il s'écarta et la vieille avança. Là, elle prit la parole, d'une voix rocailleuse, presque inaudible :
- Mon fils…
- Votre fils était dans cette chambre ? demanda Kurt.
- Mon fils, continua-t-elle en ne lui prêtant pas attention. Frank… Frank… débranché hier… Frank… aucun…espoir. Il a été assassiné…
- Assassiné ? s'exclama Kurt.
- Mort. Son cœur ne battait plus du tout. Mon pauvre Frank… Il...Il est mort assassiné. Ils l'ont retrouvé. On lui avait arraché le cœur… On lui avait…. On l'avait vidé de son sang… Frank… Frank… Mon fils…
Et la vieille continua pendant près de cinq minutes sa litanie, jusqu'à ce qu'un médecin déboule dans la pièce.
- Madame Goltrand ! s'écria celui-ci dans sa blouse blanche. Que faites-vous ici ? Retournez dans votre chambre ! (Il se tourna vers Kurt, tenant fermement la femme par la main) Monsieur, désolé. Son fils vient de mourir, et elle croit dur comme fer qu'il est décédé dans cette chambre. Le souvenir de son mari lui fait tout mélanger, vous savez.
- Mais! s'écria la vieille en ployant les genoux. Vous... Mon fi..fils est mort! Qui êtes-vous? Franck, il faut...Franck est mort!! Vous ne comprenez pas, il.. il...
Elle s'écroula sur le sol, sous le regard triste et un brin méprisant du médecin. Kurt regarda tour à tour la femme éplorée et l'homme qui paraissait lassé, habitué à ce genre de situations. Ce dernier se baissa placidement, toutefois plein de sollicitation - mais rattrapé par un courant professionnel , l'attrapa par les épaules et l'aida lentement à se relever. Il la souleva mais elle se laissa retomber, joue contre le sol, tentant en vain d'attraper quelque chose qui put la retenir. L'homme soupira.
- Mais... Mais enfin, faites quelques chose! s'exclama Kurt, les sourcils froncés.
- J'attends qu'elle se calme, répondit le docteur, et si elle ne se calme pas je la ramène dans sa chambre.
- C'est le but, lâcha Deko, momentanément indigné, juste que vous allez employer la force.
L'homme resta silencieux. Il inspira, tandis que la vieille gigotait encore sur le parquet. Il leva la tête vers Kurt.
- Mais d'abord, qui êtes-vous?
Le médecin se leva, méfiant. Kurt s'empressa de contourner la question:
- Un simple visiteur qui l'a vu dans le couloir... Enfin bref, dites, cette femme a dit que son fils avait été...assassiné.
- Oui, assassiné, fit l'homme, toujours sur ses gardes mais plus apaisé. Elle a un cancer ainsi qu'un Alzheimer, elle invente beaucoup… Maintenant je dois…
- Attendez ! s'exclama Deko. Elle a aussi dit qu'il avait été retrouvé, où ça ? Et qu'on lui avait arraché le cœur, c'est…
Le médecin se gratta la tête, dans un moment de gêne. Puis il se ressaisit :
- Je suis désolé, je dois ramener Mme Goltrand dans sa chambre. Adressez-vous à la police, moi je n'en sais pas plus que vous. Elle répète juste ce qu'elle a cru entendre de la bouche de sa petite fille, qui est venu lui annoncer cette triste nouvelle…
- C'était la fille du défunt ?
- Oui, je crois.

Sur ce, signifiant que la conversation était finie, il agrippa la vieille par le coude, et sortit avec elle, presque au ralenti, tant la dame était étourdie.
Kurt réfléchissait encore. A cent à l'heure. Il avait atteint la surchauffe, c'était clair. Il courut dans les couloirs, contournant cette fois les personnes qu'il croisait, mais ne pouvant éviter certaines collisions.
Il se rendit rapidement au poste de police, qu'il avait quitté précédemment, après s'être mis en quête du sergent Hall. On lui avait dit, d'une façon attristée, qu'il avait fait une crise cardiaque et résidait à l'hôpital. Son fils avait disparu depuis peu, et à la nouvelle de la découverte d'un cadavre lui correspondant, il avait fait un infarctus. Chez lui, dans son fauteuil, le combiné en main. Le cadavre n'avait pas le même code génétique que le vrai Edouard mais les papiers d'identité retrouvés sur le corps étaient les siens. Le doute avait été permis, mais aujourd'hui il était dissipé: Edouard n'était pas mort, simplement porté disparu et son père était à l'hôpital.

Quand il franchit les portes du commissariat, il perçut une nouvelle fois l'agitation et l'angoisse qui troublaient l'air. Il s'adressa au comptoir, et parla d'un meurtre récent, d'un certain Franck Goltrand. Comme il n'était pas de la ville, il ne pouvait pas le connaître.
- Êtes-vous de la police, monsieur ? demanda en premier le secrétaire.
- Je suis un enquêteur privé. Je cherche certains renseignements.
- Vous n'avez pas accès à ces renseignements.
- C'est pour ça que je m'adresse à vous ! lança Kurt, en tapant du pied.
- Vous pouvez me montrer votre licence ?
Kurt sortit de sa veste une pochette aux reflets irisés. Il toucha un bord et le contenu s'afficha. Le secrétaire la prit et la regarda brièvement, avant de la reposer sur le comptoir.
- Très bien, dit-il en tapotant sur son clavier. Vous pouvez attendre dans le bureau derrière moi, s'il vous plaît ? Je vous envoie quelqu'un.
- Merci bien ! soupira Kurt.
Il se dirigea dans la pièce désignée et s'affala sur une chaise. Il lui fallut attendre une demi-heure avant que le quelqu'un en question apparaisse.
L'homme, la quarantaine passée, s'assit, tendu, sur son fauteuil derrière le bureau. Il posa ses coudes et regarda Kurt droit dans les yeux.
- Que savez-vous de cette affaire ? demanda immédiatement le policier, l'air froid.
- Et bien, commença Deko. Avant tout…
- Il n'y a pas d'avant tout, répondez-moi, le coupa-t-il. C'est moi qui mène cet entretien.
Kurt haussa un sourcil, puis lorgna sur le bureau de l'inspecteur et lut son nom. Charles Muller. Banal.
- D'accord, inspecteur Muller, dit-il après un silence. Je connaissais très bien Franck, mentit-il. Et la nouvelle de sa mort m'a profondément affecté. D'autant qu'après que sa fille m'ait appelé, je n'ai plus eu de nouvelles de la famille. Je suis allé rendre visite à la mère de Franck, mais elle a perdu la tête. Son cancer l'a grandement affaibli. Et encore plus le décès de son fils. Franck et moi étions amis d'enfance.
- Vous ne m'avez rien appris, dit Muller, le regard amer. Vous ne savez rien.
Kurt fut surpris par la réplique de l'inspecteur. Il se força à s'appliquer dans son rôle.
- Vous tirez de biens rapides conclusions. Ce n'est pas bien pour un inspecteur.
- Vous n'avez pas à me dire ce qui est bien dans mon métier, ou ce qui ne l'est pas, répliqua Muller d'un ton cinglant. Vous pouvez très bien avoir eu des renseignements sur la famille Goltrand.
Deko avala sa salive. Impressionnant. Il tenta de plonger plus dans le mensonge, mais l'inspecteur ne le laissa même pas parler.
- Vous êtes un imposteur, dit-il simplement. J'ai affaire à beaucoup de personnes comme vous. Je sais les reconnaître. Votre jeu ne fonctionne pas avec moi.
- …
- Vous pouvez partir.
- Attendez ! s'écria Kurt d'une voix aigue. Il y a certaines choses que je sais. Et vous vous devez de m'informer sur tout ce qui…
- Je n'ai aucun devoir, monsieur, si ce n'est celui de rétablir la justice, lequel j'accomplis avec toujours plus de fierté. Alors maintenant, si vous n'avez rien à m'apprendre, partez. De mon côté, dans ces conditions, je ne peux rien vous dire non plus. Vous avez pioché la mauvaise carte, avec moi. Au revoir.
Kurt se mordit la lèvre, au bout de l'énervement. Muller l'observa un moment, et un sourire se dessina sur ses lèvres fines.
- A mon avis, dans la position où vous êtes, dit-il en se reculant sur sa chaise, vous n'avez plus de raison de mentir. Vous n'y arriverez de toute façon pas. Si vous avez quelque chose à dire, vous pouvez parler.
- Très bien, répliqua Deko, abattu. Avant tout...D'abord! Je voudrais savoir où se trouve Edouard Hall.


L'inspecteur fit mine de réfléchir, en se passant une main sur une barbe très courte. Son visage se contorsionna dans un rictus inquiet. Cela n'alerta pas Kurt, qui y voyait plus une tentative de le déstabiliser. Muller revint à lui, un sourire mystérieux aux lèvres. Il se forma un nœud dans la gorge de Kurt. Muller était monstrueux.

- Edouard Hall, hein, siffla-t-il. Il est porté disparu. Depuis quelques jours, je n'en sais le nombre…
- Et bien vous pourriez chercher ! s'exclama Kurt, soudain angoissé, secouant nerveusement la jambe.
Un frisson d'appréhension lui parcourut le dos, en même temps que glissait une goutte de sueur froide jusqu'à ses reins.
Muller leva un sourcil étonné, et passa un rapide coup de fil.
- Il a disparu il y a deux jours, aux alentours de trois heures du matin, fit-il en raccrochant.
Kurt se leva, faisant voleter la chaise derrière lui.
- MERDE ! jura-t-il, puis il sortit du bureau en trombe.




********

Le temps s'était arrêté.
Il persistait une fine brume, que les rayons du soleil perçaient de toute part, pour ne laisser que quelques écharpes lumineuses dans l'air.
L'ange était parfaitement distinct. Edouard était debout, et il ne le quittait pas des yeux.
« Tu peux tout décider, fit une voix, peut-être le vent, qui se répercuta dans toute la pièce »
- Qu'est-ce que je peux décider ? demanda Edouard, sans se formaliser de l'aspect mystique des intonations.
« Tu peux décider de tout croire. Tu peux décider de tout comprendre. Tu peux décider de revenir dans la réalité, la réalité qui t'a offert au monde, ou tu peux décider de rester en éveil, en marge de toi-même. »
- Si je veux revenir dans la réalité ? fit Ed', qui ne comprenait rien.
« Si tu veux revenir dans la réalité il te faut tout croire, et tout comprendre »
- Racontez-moi, dit-il simplement en haussant les épaules.

La voix se tut, et à la place, une dizaine d'images et de paroles vinrent à l'esprit du garçon. Ce fut un tel choc, qu'il s'effondra. Encore. Et un froid le prit. Le même.

Il ouvrit les yeux. Il ne lui semblait pas s'être évanoui, ou avoir même dormi.
Tout était si...Si irréel… Mais maintenant il n'était plus dans son rêve. Il était dans la réalité. La réalité qu'il avait intégrée après avoir écouté la voix. Cette voix lui avait dit qu'il avait tout à décider. Avait-il vraiment décidé de revenir à lui ? Enfin ? Il ne savait pas ce qu'il avait découvert, dans cet amas d'images... Pas avec certitude, du moins.
Lentement, tout en s'appuyant sur son bras gauche, il se leva. Il faisait très noir. Contraste étonnant comparé à l'endroit lumineux où il se trouvait avant.
Une silhouette, qui glissait souplement dans l'obscurité parvint à sa hauteur. Il y eut un son, sec, rapide, et une volée de Feuforêve apparut, balançant quelques sphères lumineuses qui se collèrent aux parois et au plafond.

Avec l'écho qu'avait eu ce simple bruit, Edouard comprit qu'il était dans une grotte. Les pokémons s'évanouirent, noir dans le noir.
Edouard vit. Sara, devant lui, majestueuse, magnifique, cadeau du ciel. Sa beauté éclatait. Il ne fit plus noir.

Elle était nue, et la blancheur de sa peau, presque transparente, faisait ressortir ses yeux profonds et bleus. Ses cheveux tombaient en cascade jusqu'à ses reins. Elle était un miracle.
Edouard ne pouvait rien dire, tant il était renversé. Pour la deuxième fois…
Elle s'avança, lui tendit la main. Il ne voulut pas la toucher. Il savait ce que provoquait son contact. Il ne voulait pas tenter le destin.

Elle lui sourit et pointa son doigt sur son torse. Il sentit le froid. Toujours ce froid ! Il ne contrôlait rien du tout. Même sans la toucher. Elle relâcha la pression dans ses poumons, et éclata d'un rire où s'entrechoquaient comme des bouts de cristal. Un rire pur.

Puis, avec grâce, elle avança d'un pas. Elle se trouvait collée contre le torse d'Edouard. Ce dernier ferma les yeux et inspira un grand coup. Mais le froid n'arriva pas. Un doigt glacé se promena sur sa joue, caressa sa tempe puis s'envola vers sa bouche. Edouard, toujours les yeux fermés, n'y comprenait rien. Avant qu'il ne les rouvre, il sentit la pression du doigt s'évanouir, et à la place, d… Edouard ouvrit de grands yeux étonnés. Collé contre son visage, celui de Sara. Sa bouche contre la sienne. Il n'eut pas le temps de rougir ou de s'étonner plus. Le froid, comme transmis par les lèvres de Sara enfla dans tout son être. Pas comme avant. Pas le même froid. C'était un froid doux, pas mordant, doux. Mais aussi mortel. Mortel, comme une ombre derrière la douceur.
Sara recula. Le froid disparut ; il restait juste une pointe gelée, à l'endroit du cœur.
Le vent souffla un mot. Pas n'importe quel vent. Peut-être une voix. Pas n'importe quel mot. « Liés ».












ENTRACTE!! Et oui, comme dans Smirnoff... Allez vous reposer, boire un verre d'eau, passer aux toilettes... avant de continuer (Non, je n'ai pas autant de lecteurs que ça... snif)



Kurt courait. A en perdre haleine, il courait jusqu'à sa voiture, garée quelque part, il ne savait plus trop où. Ne distinguant pas son véhicule et n'ayant plus la force de le chercher des heures, il continua à courir. Encore, mais dans l'autre sens. Il était épuisé. Ce n'était pas le genre d'activité qui le reposerait et pourtant, il se sentait plus que jamais frais. Ou non. Faux sentiment. Il se sentait à la fois dans un étau, et il avait l'impression de pouvoir s'envoler, léger.

Il avait appris qu'Edouard était porté disparu, depuis deux jours. Une nouvelle à priori horrible, pour Raymond Hall et aussi pour lui… Plus pressante de son côté. Il sortit son talkie-walkie, lança un message court mais précis :
- Pas dans le secteur, j'ai trouvé une concordance, 'dois me rendre au plus vite à l'adresse d'Edouard Hall.
Après un silence, l'appareil reçut un nouveau message, un peu parasité par les interférences :
- Au 30 de l'immeuble des Dahlias, rue des peintres. Demande de renfort ?
Kurt écouta attentivement, nota intérieurement la localisation puis répondit d'un ton objectif à son interlocuteur :
- Pas pour le moment, demande de renfort quand ce sera nécessaire.

Se figurant ainsi que la conversation était finie, Kurt se dirigea vers la route et appela le premier taxi qui passait. Il indiqua l'adresse et promis un supplément si la pédale de l'accélérateur était plus utilisée que normalement. Le moteur émit un léger bruit et le chauffeur s'engagea dans une ruelle à proximité. Une voiture électrique, évidemment. Il dut ralentir rapidement, des gens s'attroupant dans les rues. C'était le marché, et les stands couvraient toute la place réservée au trafic routier. Il fallait se débrouiller autrement. Le chauffeur grimaça dans le rétroviseur et émit un grognement d'insatisfait. Il ouvrit la portière et Kurt sortit.

Retirant de sa poche un billet de vingt, Kurt le glissa dans l'espace de la fenêtre ouverte. C'était plus que ne coûtait le trajet, plus que n'en demandait le taxi, mais ce n'était pas déplaisant pour le chauffeur qui depuis le matin travaillait sans avoir de clientèle.
Kurt aperçut un panneau et continua sa route jusqu'à atteindre au détour d'une petite rue l'immeuble en question. Il entra par la porte grande ouverte, franchit les marches quatre à quatre, et arriva devant le numéro 30. Ce qu'il vit sur la porte le figea de stupéfaction. Deux bandes jaunes en barraient l'accès. « Police scientifique. Zone Interdite ». Kurt comprit instantanément.

Une voisine quittait son appartement justement. Il se précipita sur elle un peu plus vite qu'il l'aurait voulu, et pensa un instant éveiller les soupçons. La femme, quarante ans au plus, occupée à fermer son logement sursauta en sentant une présence dans son dos. Elle faillit asséner un immense coup de poing à Kurt, mais elle se reprit au dernier moment, reculant d'un pas, la peur dans les yeux.

- Qui...Qui êtes-vous ? bégaya-t-elle, terrorisée.
Son pokémon, un Malosse, grogna à ses pieds.
Kurt, un peu surpris par la réaction, répondit d'un ton affable :
- Je m'appelle Kurt Deko. Enqu… Futur locataire potentiel. Je voudrais savoir ce qui s'est passé à ce numéro, indiqua-t-il en tendant la main vers le 30.
- Oh ! fit la femme. Je… Oh, c'est horrible. Edouard Hall, un petit jeune très gentil qui habitait là a disparu… Et on a retrouvé un corps dans son appartement, il y a quelques jours. C'est… Un certain Goltrand, je crois… Qui habitait de l'autre côté de la ville. On suppose un cambriolage qui a tourné à l'enlèvement et à l'homicide…
Kurt resta subjugué.
- L'autre piste vise à une…Euh, à une tentative d'assassinat, je crois, continua la femme, en penchant la tête sur le côté… Enfin, il paraît qu'aucune empreinte n'a été retrouvée… Mais bon, vous savez, moi et la police, scientifique et autre ! Edouard était très serviable, un petit plein de bon sens, toujours à l'écoute. Il m'a emmené à l'hôpital il y a un mois quand je m'étais foulé la cheville dans l'escalier. Très généreux aussi... Vous voulez habiter le combien? Non parce que vous savez les rumeurs vont bon train ici et je n'ai pas entendu parler d'un emménagement. Et après cette histoire même quelques trouillards ont débarrassé le plancher! Alors bon, ça nous ne fait pas une bonne pub... Mais oh, comme je parle! Non, je suis sincèrement triste de la disparition de... Vous vous sentez bien monsieur?

Kurt n'écoutait pas. Il ne comprenait pas. Il s'éloigna imperceptiblement jusqu'à tourner le dos à son interlocutrice et descendre les marches lentement. La femme haussa les épaules et se dit avec pitié que ce devait être un ami d'Edouard… Elle s'aperçut qu'elle avait oublié son porte-monnaie et revint en hâte à son domicile, contente néanmoins d'éviter Kurt au sortir de l'immeuble.

Sara. Il ne la retrouverait pas ! Elle avait disparue, elle aussi ! Depuis le même laps de temps ! Comment avait-il pu penser, qu'elle et Edouard l'attendraient gentiment dans l'appartement de ce foutu Hall ? Ce meurtre, dans le domicile d'Edouard, sa disparition, celle de Sara…La rencontre, hasardeuse, peut-être le destin, avec la mère de la victime… C'était plus qu'il n'en pouvait supporter. Il ne savait pas quoi faire !
Alors qu'il déambulait, tel un fantôme parmi les badauds, il se rappela la visite au sergent Hall, au commissariat. La rencontre entre Sara et Edouard. Peut-être importante, cette entrevue, maintenant qu'il y pensait. Ca ne faisait pas très longtemps ! Une semaine, peut-être deux… Et c'est à partir de là que tout avait basculé. Il réfléchit. Non, il fallait absolument qu'il s'entretienne avec Raymond Hall. Dans les plus brefs délais ! Vite !
Sans s'en apercevoir, il s'était assis sur un banc, malgré l'aspect urgent des choses ; et ruminait des sentiments confus. Ses pensées, brumeuses, ne lui offraient aucune attache à la réalité, et il s'enfonça lentement dans le sommeil.

Il fut réveillé par une sensation. Enfouie quelque part, il s'efforçait de la garder à distance, qu'il puisse encore dormir, un peu… Elle le submergea bientôt. Angoisse.
Il se releva comme sur un ressort.
- S… MERDE ! jura-t-il une seconde fois, avant de parcourir à tout allure les rues encore sales du marché de la veille.

Il consulta l'heure sur sa montre. 6 heures du matin… Comment avait-il pu dormir autant, aux yeux de tout le monde ? L'avait-on pris pour un clochard ? Dans ce cas, pourquoi personne ne l'avait…

Il arrêta net sa réflexion. Il ne suivait plus. Dans sa belle région d'Hoenn, il n'avait pas autant de soucis ! Pourquoi s'être muté à Sinnoh ?

Il fouilla à la hauteur de sa ceinture et récupéra deux pokéballs aux emplacements magnétiques. Il avait sorti ses compagnons hier soir, pourtant, en ces moments là, le besoin de les avoir près de lui était trop fort. Un splendide Démolosse illumina les rues encore fraîches et sombres, suivi d'un petit Miaouss femelle et un Roucarnage à l'allure fière.
Kurt se pencha et caressa les trois têtes de ses fidèles pokémons.

Miaouss le premier réagit à sa présence et frotta sa tête contre son genou. Démolosse hissa fièrement sa gueule et lécha son visage. Roucarnage lui picora le genou et étendit ses ailes avec un soupir. Rasséréné, Kurt envisagea la suite des événements d'une façon beaucoup moins sombre.
- Ah, soupira-t-il, Sidora, Lino et Darren… Mes pokémons… Je vous aime tellement…
Ces instants d'effusion passés, et l'emportement de Kurt maîtrisé, le temps des décisions se présenta, comme de logique. Kurt se redressa et leva les yeux au ciel, peut-être pour recueillir la force nécessaire.
Sidora miaula et Kurt se décida à parler :

- Bon ! Les pokémons. Je vais avoir besoin de vous ! Ce que je m'apprête à faire est horrible, monstrueux… Vous m'en voudrez sans doute, vous trois – mais comprenez que je n'ai pas le choix. Ce n'est pas par intérêt personnel que je fais ça ! Cette affaire se complique, et croyez moi, j'ai bien envie de rentrer à la maison… On y retournera bientôt … Enfin bref… Direction l'hôpital, et je vous expliquerai les bases de mon plan.

__________________________




Une forme sombre longeait les murs du couloir. Personne ne semblait la voir – même les fortes lumières à quelques endroits ne l'affichaient pas.
Quelques infirmiers s'étaient effrayés, mais ils avaient l'habitude que les pokémons des patients se promènent la nuit dans les couloirs – il ne fallait pas leur refuser cette liberté. Un Démolosse passa près d'un groupe d'urgentistes.
Le pokémon paraissait stable. Pas comme ce Carapuce qu'ils avaient retrouvé, fou de chagrin en train de déambuler dans le département des blessés graves. Son maître était entre la vie et la mort, et les visites n'étaient pas permises – sa douleur était énorme, il ne supportait pas d'être encadré.

Sa seule manière de s'exprimer était l'agressivité, et il refusait quelques fois que l'on se déplace dans l'hôpital, désignant la porte menant au lit médical de son maître. Celui-ci avait été blessé lors d'un accident de moto.
Le Démolosse était calme, il marchait droit, il avait un but. Un des urgentistes s'arrêta pour lui caresser la tête. Le pokémon se laissa faire. Un Miaouss arriva à sa suite. Celui-là…Celle-là, plutôt, boitait et l'homme qui s'était attardé le fit remarquer à ses collègues. Elle s'était peut-être échappée, elle avait la patte cassée, à première vue.
Le Démolosse se dégagea tranquillement, on ne le remarqua pas vraiment. L'ombre était au-delà de lui.

Lino se mit à trottiner, puis à courir, en faisant le moins de bruit possible. Il ne rencontra personne dans les couloirs. L'ombre continuait à se déplacer quand il s'arrêta.
Un rayon de lumière dirigé dans sa direction vint lui confirmer qu'il était à la bonne porte. Lino se leva, atteignant alors plus d'un mètre cinquante, et donna un premier coup sur la poignée, puis un deuxième. La porte glissa lentement sur ses gongs, il l'y aida en la poussant du museau.
La chambre était assez spacieuse. Le patient résidait sur un lit médical. Hélas il disposait d'une assistance respiratoire. Lino se faufila dans la pièce en repoussant la porte, ne laissant qu'un petit interstice. Il sauta prestement sur le lit, sans faire frémir la couette, et posa sa lourde tête contre le torse découvert du patient. Sa température corporelle atteignait les trente-sept degrés. Il est vrai que c'était un bon chauffoir.
Il n'avait donc pas de fièvre: pas de complications, c'était rassurant.
L'homme respirait, et son cœur battait normalement. De ces choses qu'on ne peut pas percevoir, mais que les pokémons remarquent d'instinct, Lino nota…la tristesse du bonhomme.
Ca ne paraissait pas important, du moins les pokémons, à la compassion réputée infinie, savaient que ces sentiments là pouvaient être un problème. Le patient était plus fragile du fait de son état émotionnel. A l'heure qu'il est, Démolosse aurait déjà dû emmener Hall dans le couloir, mais il préféra l'assister le plus longtemps possible.

Une silhouette gagna la chambre, de même qu'elle refermait la porte à moitié.
- Lino, appela-t-elle. Lino, que se passe…
Il faisait nuit, pourtant Kurt aperçut clairement le pokémon et l'homme. Il soupira. Son Lino était très obéissant, mais face à la douleur des gens, il trouvait un parti généreux. Deko s'approcha du lit, caressa l'échine de son pokémon. Voir Hall comme ça le révulsait. Lui si tonique, semblait avoir vieilli de mille ans avec son cathéter et ses poches de morphine. Lino glissa sa tête sous les draps et souleva Raymond Hall. Kurt pria pour que ce changement radical d'environnement ne le tue pas. Et cet effort qu'il allait devoir produire. Kurt portait une tenue de coton noir, un bonnet et des gants de la même couleur. Evidemment s'il se révélait que la disparition de Hall tenait figure d'enlèvement, les empreintes seraient relevées. Mieux valait être prudent. Kurt décida d'agir. Il fouilla les tiroirs et trouva un coton. Il retira les pansements placés tout autour du cathéter puis retira l'aiguille et couvrit la plaie de la compresse. Piochant au hasard un petit pansement, il le disposa sur la main du sergent.
Puis, se jetant au visage de Hall, il arracha le masque. Kurt souleva les draps. Lino cueillit le policier à la base des reins, le soulevant assez pour que Deko le bascule sur le dos du pokémon. L'entreprise faite, Kurt s'imprégna de la respiration devenu sifflante du sergent Hall et ouvrit la porte. Il ajusta le patient sur le dos de son compagnon, puis à l'aide d'un drap, le maintint collé contre son échine. Ainsi il tomberait difficilement. Démolosse fonça dans les couloirs au même moment qu'un Miaouss qui dévalait dans le corridor émit une douce lumière.

La lueur se fit aveuglante, les infirmiers troublés ne purent plus avancés. Persian se jeta sous son maître et courut avec lui comme fardeau. Kurt faillit crier de victoire mais préféra se concentrer sur le chemin devant lui. Persian était un pokémon puissant ; pourtant il ne supporterait pas longtemps le poids de son dresseur. Il avait perdu énormément de vitesse mais pas assez pour que les médecins remis ne le rattrapent.

- Sidora, la fenêtre ! dit Kurt à son pokémon.
Sidora hocha la tête avant d'effectuer un énorme bond, rendu difficile à cause de Deko, puis de franchir la fenêtre ouverte.
Kurt au moment du saut avait sorti une pokéball qu'il lança dans les airs. Un splendide Roucarnage s'éleva dans les couleurs aux teintes bleutées de la nuit, dans un éclat de gerbes étincelées, puis partit en piquet quand son maître le siffla. Il lança ses sers contre les épaules de Kurt et le souleva avec facilité. Sidora libérée poussa un miaulement de joie, du fait de sa nouvelle forme, à présent libre de ses mouvements. Elle atterrit souplement sur une benne, fit deux ou trois sauts et reprit sa course une fois dans la rue. Roucarnage se posa avec son dresseur sur un toit. Kurt caressa affectueusement la tête de son grand oiseau et sortit un tapis de vol de son sac, qu'il posa sur le dos du pokémon. Puis, une fois bien installé, Roucarnage écarta ses ailes comme des voiles, et se laissa tomber sur les maisons plus bas.

Deko repéra Sidora qui comme il l'avait ordonné, regagnait la maison seule, et chercha des yeux son Démolosse et Hall. Il les trouva dans une ruelle particulièrement étroite. Il siffla une deuxième fois et Lino releva la tête. Darren se réceptionna sur une gouttière et s'inclina pour laisser tomber Kurt. L'échange procédé, Darren repartit avec le sergent.
Lino emprunta une autre route et arriva bientôt devant sa maison.

Aux alentours de deux heures du matin, Kurt avait installé Hall dans un lit médicalisé, branché sur un assistant respiratoire et restait à ses côtés éveillé en compagnie de ses pokémons qu'il ne cessait de féliciter. Il avait réussi, mais avait bien senti la poursuite tendre son idée à quelques reprises. Heureusement son équipe avait semé les policiers sans effort. Le rayon bleu d'un hélicoptère par le fenêtre le fit quand même frissonner.



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Edouard se trouvait dans la même grotte. Sara y était aussi. Ils étaient tous deux assis. Il n'avait pas compris son geste. Ou, si, mais c'était quelque chose d'ancestral, d'éloigné dont il ne pouvait pas se rappeler. Sara se leva et il se leva.

Elle marcha, et il marcha. Elle le guidait, pourtant il sentait qu'il avait le pouvoir de la guider à son tour. Partage. Ils s'arrêtèrent, sur ordre d'Edouard. Sara se tourna vers lui. Il sentait dans tout son être palpiter le cœur de celle à qui il était…lié… Il comprenait ce mot, à présent. Possibilité de choix, consentement de l'autre, plénitude.

- Qui es-tu ? demanda-t-il, alors qu'il avait la réponse en lui-même. Il savait qu'elle ne pouvait pas parler. Pourtant, il était persuadé qu'elle communiquait d'une certaine façon. Ses yeux étaient par évidence ce « moyen » extraordinaire.
- Cherche, dans tes souvenirs, lui glissèrent-ils presque avec…malice.
- Je n'ai aucun souvenir de toi ! réagit Ed' en haussant le ton.
Ses yeux restèrent silencieux. Edouard s'assit mollement au sol en compagnie de Sara. Il se contraint à réfléchir. A se remémorer. Au prix d'un effort mental important, il se replongea dans son enfance, dont il n'avait pas de traces précises.

Cette période lui apparaissait comme au-delà du temps. C'étaient ces jours de bonheur, où n'avait-il même pas à regarder autour de lui, qu'il sentait la joie dans tous les regards.
Cette même période, qui quand il essayait de la rappeler à lui, se dérobait et ne lui laissait que quelques bribes d'existence dont il n'avait pas l'utilité. Ne pas se souvenir d'une partie de sa vie, du moins au minimum possible… C'était frustrant, déprimant. L'impression de n'avoir pas réellement vécu durant un laps de temps…

Cependant, à l'instant où il se revit petit, entouré de ses parents, le reste lui parut comme couler de sens. Des instants qu'il n'avait jamais entrevu s'alignèrent à d'autres et formèrent des mois, bientôt des années. Des mois et des années de sourires.
Une scène se fit plus longue à son regard que d'autres. Une scène banale. Une scène à l'apparence banale.

Edouard était penché sur une légère pellicule de glace qui s'était formé à la surface d'une flaque d'eau. Son regard allait des reflets imprécis du miroir naturel, jusqu'à la silhouette devant lui. Une silhouette svelte, presque trop parfaite. De longs cheveux blonds… La neige qui tombait rendait la teinte artificielle de trop, dispensable. Le blanc qui ornait la couronne d'or parut naturel. En accord avec le visage qui se tournait maintenant sur le garçon. Le sourire qui illumina les traits aquilins se fit lumineux. Edouard tomba en admiration, comme souvent, devant sa mère. Il se concentra sur la glace. Regarda sa mère, dans les yeux. Dans ses yeux bleus, transparents, infinis et beaux comme l'azur. Les flocons sur sa chevelure ne fondaient pas.
Edouard sauta au-dessus de la flaque pour embrasser cette femme magnifique. Comme chaque fois, l'étreinte était teintée d'un froid qu'Edouard mettait en rapport avec la température autour.


Edouard Hall resta muet d'incompréhension. Ou non. Muet de compréhension. Si un tel silence pouvait exister.

Sara lui adressa un sourire satisfait avant de l'entraîner, lui qui n'osait plus bouger du fait de sa découverte, au-dehors de la grotte. Un vent glacé recouvrit le visage du garçon. La fille ne s'en soucia pas. Edouard se frotta les yeux devant le spectacle qui l'attendait. Du blanc à n'en plus finir, une plaine immaculée aux protubérances comme des collines, plus hautes que des immeubles de trois étages et plus pointues qu'une montagne. Il apercevait du bleu, au-delà, peut-être la mer, l'océan ou un lac ? Le blanc était roi et réduisait tout autre couleur à un pigment sans valeur.

Ce paysage lui rappelait presque…l'Arctique…
Sara sourit de sa perspicacité. Elle devait lire dans ses pensées… Pouvait-il lui aussi percer le secret de ses tergiversations ? Il se concentra mais Sara l'étonna en lui…offrant…l'essence même de son être. C'était quelque chose de dur à expliquer. Edouard n'aurait pu le qualifier autrement qu'une offrande. Liés. Liés voulait dire qu'ils avaient entrelacés leurs âmes dans un même destin. Il était pourtant persuadé qu'une chose manquait. Et cette chose, Sara la lui offrait.

Il la regarda et elle le transperça de son absolu. Ses yeux parlèrent :
- Sais-tu, maintenant ?
Edouard hocha la tête.