Le concert
Toute cette foule ! Tous ces fans ! Juste pour moi ! Ils doivent venir de la France entière pour m'admirer. Oui, m'admirer MOI. Pas la chanteuse, qui, si je peux me permettre, chante comme une casserole. Sa seule motivation n'est-elle pas d'ailleurs de faire rager ses pires ennemies en exhibant son groupe ? Ou plutôt en m'exhibant ? Car, sans vouloir me vanter, je suis la clé du succès de ses concerts. Qui pourrait me contredire ? Pas cette foule d'admirateurs, en tous cas.
Tous les regards envieux qu'elle me lance me touchent au plus profond de moi, comme autant de caresses silencieuses. Tous ces yeux braqués sur moi, qui m'observent avec envie. Avec reconnaissance, aussi. Avec jalousie, surtout.
Je nage dans un océan de bonheur absolu, dont les regards insistants forment les vagues. Il y a tout de même moins de vagues ici qu'à New York. Je n'en suis pas pour autant déçu : si les Américains sont plus nombreux que les Français, quoi de plus normal ? Je me régale de cette vague de jalousie bienfaisante avec délice. Tout comme de cette vague d'envie. Ainsi que de celle-ci née de reconnaissance. Avec peut-être un tout petit peu plus de satisfaction pour cette dernière.
Au fur et à mesure que les heures passent, je me lasse pourtant de cette mer de joie. Comme d'habitude, à bien y regarder. Il est vrai que, depuis quelques temps, une lassitude s'empare peu à peu de moi. Le succès, encore le succès, toujours le succès. Cela vaut peut-être mieux qu'un gros bide ? Je n'en sais strictement rien. Je n'ai jamais connu de bides. Jamais. Je n'en connaîtrai jamais. Jamais.
J'ai envie de leur dire combien leurs regards ne tarissent plus ma soif de bonheur.
J'ai envie de m'enfuir.
J'ai envie de faire comme si ce rêve devenu peu à peu cauchemar n'avait pas commencé.
J'ai envie de recommencer ma vie à zéro.
Je n'ai pas envie de finir dans un musée comme ces statues de cire au regard vide.
On a conscience de mon désarroi intérieur. Sinon, pourquoi m'enfermerait-on de plus en plus fréquemment dans ma "cabine" sans mon avis ? "Cabine". Pour ne pas dire prison.
Je sais que la fin de mon ennui approche. À grands pas même. Après le concert.
Et justement, elle arrive, elle est là !
Je jubile intérieurement.
Les artistes saluent une dernière fois le public.
« La der des der ! » je pense avec enthousiasme.
Ils rejoignent ensuite leurs loges respectives. On m'enferme dans la mienne.
On frappe à la porte. On ouvre. Des bruits de pas se font entendre en même temps que des voix. Mon cœur bat au rythme de ces pas. Ma loge s'ouvre. Une lumière rouge apparaît. Je souris intérieurement. La fin de mon calvaire.
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Il est minuit. Une voiture s'arrête sur la côte. Des personnes en sortent. Une lumière rouge illumine quelques instants les environs proches. Elles abandonnent quelque chose. Dans la mer. Cœur de Saphir brille à la pâle lueur de la lune. Il a rejoint son berceau.
Staross brillant
Joyau bleu unique
Parfum aquatique enivrant
Bonheur