Dresseur de révolution de Lafant

Lucas, du haut de ses onze ans, fixa gravement ses deux meilleurs amis de son regard chocolat. A gauche, Tristan somnolait presque, ses yeux bleus à moitié fermés, épuisé par la journée qu'ils venaient de passer à courir partout dans les dunes ; à droite, Martine faisait la moue en serrant son Skitty d'une main et en triturant une de ses mèches blondes de l'autre.
-C'est vrai, avoua-t-il finalement en secouant sa tête brune, nous sommes perdus.
Les deux autres échangèrent un regard et soupirèrent en choeur.
-J'ai faim, soupira Tristan.
-J'ai mal aux pieds, gagnit Martine. Et Stella aussi.
L'intéressée poussa un miaulement plaintif et tenta de se soustraire à l'étreinte étouffante de sa maîtresse, laquelle lui tapota la tête en pensant qu'elle ne faisait qu'appuyer ses dires.
-On a qu'à aller par là, proposa Lucas en désignant d'un mouvement vague une dune plus haute que les autres. On pourra voir tout de là-haut !
-Sans moi, répliqua l'unique fille du groupe. J'veux plus marcher.
-Moi non plus, renchérit l'endormi. On fait que ça depuis ce matin.
-D'accord, soupira le chef de troupe. J'vais voir tout seul.
Ses amis aqcquiescèrent et s'installèrent dans le sable, au fond d'un creux où ils étaient protégés du vent. Lucas, transformé pour l'heure en éclaireur, se mit en route. Il sortit du creux et prit la direction de la grande dune, se retournant fréquemment pour ne pas perdre ses amis de vue. Déjà qu'il avait perdu ses parents, il n'avait pas trop envie de se retrouver tout seul. En plus, le soleil descendait à l'horizon et la température diminuait lentement, mais sûrement.

Tristan roula sa veste en boule pour s'en faire un oreiller et posa sa tête dessus en baîllant. Martine lui jeta un regard amer et caressa sa petite Stella qui ronronnait de contentement. La pauvre bestiole était habituée aux manières parfois brusques de sa maîtresse et se délectait de chaque moment où elle pouvait souffler.
-On aurait dû le suivre, marmonna la jeune fille.
-Mal aux pieds, grommela son ami. En plus, c'est sa faute.
-Ouais mais bon... si il se perd, on fait quoi ?
-On dort.
-Fainéant !
Trisan ne répondit pas et regarda le ciel, pensif, tout en chassant de sa masse de cheveux châtain les grains de sable accumulés pendant la journée. Le ciel se colorait de nuances orangées signalant l'arrivée du crépuscule, joli mais inquiétant.
-Les dunes ne sont pas si grandes, répondit-il après un petit temps. On ira qu'à aller sur la grande dune.
-On aurait pu y aller avec Lucas alors.
-Mmh...
Martine soupira devant le manque d'enthousiasme du garçon et, retirants a veste, s'en fit également un oreiller sur lequel elle s'installa, Stella couchée sur sa poitrine.

Lucas gravissait la dune à quatre pattes, fatigué. Marcher dans le sable n'était vraiment pas facile. En plus, il avait laissé ses chaussures au camp, avec le reste de sa famille, qui devait être en train de chercher les trois disparus, et des tas de trucs s'enfonçaient dans ses pieds. Franchement, il n'aurait jamais cru que ces dunes puissent être aussi vastes ! Ces vacances à Rhodes étaient décidemment moins agréables que prévues.
Le garçon regarda autour de lui. Il n'y avait que du sable, sauf à sa gauche, où le terrain devenait sec comme une mer asséchée, tout craquelé avec des gros rochers qui s'élevaient un peu partout. Pourquoi ses parents avaient-ils s'éloigner autant des chemins touristiques, aussi ? Ils étaient vraiment pas malins.
Soudain, une sorte de chant envahit les dunes, suivi d'une forte rafale de vent. Lucas protégea sa tête et grimaça en sentant les grains de sable richocher sur ses jambes et ses bras nus. Le vent était vraiment puissant et le poussa en arrière, le faisant basculer dans le vide.

-Du calme, Stella !
Martine attrapa son Pokémon et le tint solidement, tout en fermant les yeux et la bouche pour éviter le sable qui volait autour d'elle et Tristan. Ce dernier se releva d'un bond et mit ses bras devant son visage. Il recula de deux pas, trébucha sur son amie ets 'étala en arrière en lâchant un cri plaintif. Le vent cessa aussi soudainement qu'il était arrivé.
-Beeeerk ! geignit Tristan en crachant du sable. C'est dégueu, ça croque !
-C'était quoi ?
-J'en sais rien, mais... j'ai du sable partout.
-Moi aussi...
Martine se releva et secoua ses cheveux et ses vêtements. Elle gravit ensuite les parois du creux et écarquilla les yeux.
-Oh, non !
-Quoi ? s'écria Tristan en la rejoignant. Oh...
Le paysage avait complètement changé. La grosse dune où était partout Lucas... Eh bien, laquelle était-ce ? Pas moins de cinq dunes presque identiques semblaient être apparues, comme si les petites avaient grandi et les grandes diminué.
-Où est Lucas ? dit Tristan en se mordant la lèvre.
-J'en sais rien... Stella, tu peux le retrouver ?
La Skitty lança un regard absent à sa maîtresse.
-C'est pas un Caninos, soupira le garçon. Je crois qu'il est parti par là.
Il montra une des dunes, hésitant.
-De toute manière, c'est dans cette direction.
Martine hocha la tête, pas convaincue.

Lucas s'extirpa dans sa tombe de sable et cracha tout ce qu'il put, complètement dégoûté. Il regarda derrière lui et vit qu'il était tombé de haut, même si... il avait l'impression que la dune était plus petite. Un cri attira son attention ; il venait d'un peu plus loin, au-delàn d'une autre dune assez grande pour lui boucher la vue. Le garçon hésita entre la gravir où retrouver ses amis mais, poussé par la curiosité, choisit la première solution.
-Ils avaient qu'à venir avec moi, marmonna-t-il pour se déculpabiliser.
Lucas grimpa au sommet de la petite dune et, comme il avait vu dans les films d'espion, en dépassant lentement la tête, juste assez pour voir ce qui se tramait. Ce qu'il vit le stupéfia.
Un Libégon ! Il n'en avait jamais vu, à part dans les documentaires à la télé. Le Pokémon était vraiment beau, et avait sans doute causé la courte tempête de sable. Mais là... il avait l'air mal en point, et faisait face à un truc bleu vraiment très gros et moche, avec deux énormes dents jaunes qui poussaient vers le bas.
-Laser Glace !
La mocheté lâcha un énorme rayons bleu bleuté qui toucha le Libégon de plein fouet. Le pauvre dragon poussa un horrible cri et s'écroula dans le sable. Lucas se tourna vers l'endroit d'où venait la voix et vit un homme habillé en touriste, lunettes de soleil, chapeau et appareil photo, sortir une pokéball. Il cru qu'il allait capturer le Libégon, mais il se contenta de rappeler son horrible bête et de tourner les talons vers une sorte de moto sans roue, un de ces véhicules super-cher et écologiques.
Le garçon fronça les sourcils en voyant le gros s'en aller sans un regard pour sa victime et, après une minute d'hésitation, descendit auprès du Pokémon dragon. Ce dernier était mal en point, presque inconscient, et Lucas avait vu dans beaucoup d'émissions qu'un Pokémon dans ce genre de cas était souvent condamné au pire. En général, il acceptait cet état de fait comme étant la dure loi de la jungle, mais de le voir devant soi... à cause d'un homme, en plus, c'était tout bonnement inacceptable.
Pris d'une soudaine mon,tée de courage, Lucas posa une main compatissante sur le cou du Libégon et, après un instant d'hésitation, sortit sa seule et unique pokéball de la poche de son jean. Lorsqu'il appuya sur le bouton central et toucha délicatement le Pokémon avec la ball, il ne put s'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité, agrémenté d'un soupçon de joie et d'avidité.
-Lucas !
Le garçon se retourna en sursautant. Martine et Tristan étaient là, ainsi que ses parents. Ils les avaient finalement retrouvés. Il n'était plus perdu. Mais est-ce que ça avit été un mauvais moment ? Le garçon regarda sa pokéball et la rangea discrètement dans son pantalon. Il savait ce qu'il allait faire.
Et ce qu'il n'allait jamais faire.