Etienne Daho - L'année du DragonLa première personne à arriver sur les lieux fut…
-Et voilà ! Tu te sens prêt ?
Malcolm souffla. Quelque peu fatigué. Nathan lui tapota l'épaule.
-T'en fais pas. Claire comprendra, si tu trouves les mots ! Tu trouveras les mots, tu as bien appris au cours de ce séjour !
-Ouais… Ouais. Dommage que le petit David doive morfler pour que ça me donne le courage de le faire… Et dommage que je doive aller dans un hôpital pour voir Claire, parce que je déteste vraiment les hôpitaux…
Nathan acquiesça.
-Certes. Mais t'en fais pas, je suis sûr que ça va bien se passer. Claire a sûrement autant envie de te pardonner que toi de t'excuser. T'as bien envie de t'excuser, hein ?
Malcolm acquiesça.
-Allez, beau frère ! On y va !
Malcolm et Nathan arrivèrent dans l'hôpital. Nathan menait Malcolm à travers les couloirs et les escaliers.
-Troisième étage ! C'est là ! Bon ! Prêt ? Sourit Nathan.
Malcolm hocha la tête.
-Tu arrives, tu fais un grand sourire, genre épanoui, et tu rassures Claire du mieux que tu peux !! Ok ? Sourit Nathan, enjoué.
Malcolm acquiesça.
-Allez ! Go, go, go !
Malcolm et Nathan avancèrent dans le premier couloir, bifurquèrent et virent…
Claire en train de sangloter alors que Groret tenait Nell qui dormait.
Léopold qui serrait Charlie qui hurlait, en larmes dans ses bras.
-NAAAAAAAAAAAAAAAANHANHANHANNNNNN !!!
-Ca va aller, chéri… Sniff… Ca va aller… Courage mon bébé… geignit Léopold.
Lily qui était éteinte sur sa chaise, sans larmes, juste éteinte, les yeux dans le vague.
Rachel qui semblait avoir reçu un coup, elle pleurait comme si on venait de la poignarder, tout en serrant Teddiursa fermement contre elle. Elle remarqua son frère et hurla. Tout le monde remarqua Malcolm et geignit.
Malcolm regarda tout le monde.
-Merde… Y'a un souci… David… Oh merde… Oh Lily, j'suis désolé !! Merde… pauvre petit…
Nathan plissa les yeux. Rachel se leva et prit son frère par les coudes.
-M… Maaaaaac…. Geignit-elle, folle de tristesse.
-Quoi ? QUOI ? Mais enfin arrête de chialer comme ça ! Il est où, Roland, il aura certainement une réaction moins idiote que vous ! David est mort, c'est ça ?
-Malcolm… David a fait une attaque, il avait besoin de soins urgents…
-… et alors ?
Nathan plissa les yeux, et crut comprendre.
-Oh mon… Oh non, oh c'est pas…
-Quoi ? Mais quoi ? Geignit Malcolm.
-Roland… s'est proposé pour la greffe et… Roland est mort sur la table d'opération… David va bien, mais Roland est mort, Mac !
Malcolm regarda sa sœur et recula d'un pas. Il éclata de rire. Tous le regardèrent, Nathan compris, alors que le jeune homme aux cheveux rouges essuyait des larmes contrites.
-… C'est une blague, hein ? SORS DE TA CACHETTE, ROLAND !
Rachel se couvrit la bouche.
-Je suis désolée, Malcolm…
-… T… Tu veux dire… que mon meilleur ami, Roland… m'envoie dans un camp de drogués, pour que je… suive un traitement pour apprendre à aimer ma vie… qu'il me laisse là bas, et que quand je reviens… Il est… mort ?
Rachel s'éloigna, sentant que son frère allait péter une durite.
-N… Nan ! Nan ! Nan !!!
Malcolm s'agenouilla.
-Nan… Nan !! T… T'avais pas le droit !!! T'AVAIS PAS LE DROIT !!! ROLAND MERDE J'ETAIS PAS LA T'AVAIS PAS LE DROIT DE MOURIR SANS QUE J'AI PU TE DIRE AU REVOIR ! NAAAAAAAAAAN !!! PUTAIN NAN !!!
Il frappait du poing par terre en hurlant de rage.
-MAIS NAN ! NAN CA PEUT PAS SE PASSER COMME CA !!! NAN !!!!
Rachel serra Teddiursa de plus belle. Nathan vint à ses côtés, et Rachel le prit également dans ses bras.
-Rachel…
-C'est… C'est horrible, Nathan… on…
-Je sais, c'est… une des premières personnes à part toi qui a été gentille avec moi quand Dexter est mort… J… Je sais ce qu'on vient de perdre, là…
Nathan pleura avec Rachel. Malcolm était à terre, en larmes. Claire le regarda, aussi effondrée que lui.
***
Lily venait de l'annoncer à David qui pleurait comme un nourrisson. Elle sortit de sa chambre.
-Quelle merde… Mais quelle merde !
Claire regarda Lily.
-Il va se passer quoi, maintenant ?
Lily soupira.
-Ca va être le bal, le défilé… Les parents vont arriver, COMMENT JE VAIS LEUR DIRE CA ??? Geignit Lily.
Charlie, Léopold, Rachel, Nathan et Malcolm regardèrent Lily qui semblait porter un poids terrible sur ses épaules.
-Roland est mort, et les médecins ont donné son cœur à David… ça je pige pas… marmonna Lily. Comment ils ont pu faire une chose aussi débile ! Comment ?
Un médecin arriva. Tous le regardèrent.
-Je… suis le docteur Stoley. J'ai opéré… David et Roland Smirnoff… On m'a chargé de venir expliquer au patient… ce qui s'est passé exactement dans la salle d'opération.
Charlie se leva.
-On veut l'entendre aussi ! Roland était notre ami, c'était le frère de Lily, on…
-On veut tous entendre, cria Malcolm d'un air neutre.
Claire le regarda, dévastée. Le médecin hocha la tête.
-Entrez dans la chambre de David alors. Restez discrets, il a besoin de repos.
Tout le monde entra dans la chambre de David, très éveillé. Il se releva un peu, luttant contre la douleur. Lily rehaussa un peu son lit. David sourit légèrement.
-Vous êtes là…
-Toujours là, bonhomme… marmonna Léopold, les larmes aux yeux.
Claire se remit à pleurer et se serra contre… Charlie. Malcolm la regarda, étonné.
David regarda Malcolm. Il sembla désolé. Malcolm plissa les yeux.
-J… Je t'en veux pas. Je vois ce que tu me dis, avec tes yeux, mais… Nan ! Je ne t'en veux absolument pas… Je suis… triste, mais… je ne t'en veux pas.
David hocha doucement la tête en se mordillant les lèvres.
Le médecin regarda les amis de Roland, réunis dans la salle.
-Bien… On a d'abord commencé par vous anesthésier, puis on a débuté la greffe du rein, en vous retournant, donc, et en procédant au transfert. Tout s'est excellemment bien passé pour vous comme pour votre frère.
David hocha la tête.
-C'est ensuite que c'était plus délicat. On vous a retournés pour la greffe du foie, et là, sur le torse de votre frère, au marqueur noir, il y avait une inscription. Près du cœur de votre frère.
David plissa les yeux.
-Cette inscription disait tout simplement : « Donnez-lui », en désignant le cœur. Nous n'avons pas pris en compte ce qui était marqué, nous commençons l'opération… et c'est alors que presque en même temps, vos deux électrocardiogrammes s'emballent.
David grimaça.
-On se demande ce qui se passe, on s'affaire. Votre cœur s'emballe une fois de trop, on vous met sous stimulateur cardiaque artificiel, et… votre frère décède terriblement vite.
David grimaça franchement et se remit à pleurer. Lily secoua la tête.
-Terriblement vite ?
-Eh bien disons que nous pensions plus facilement que David allait mourir plus rapidement que Roland ne l'a fait à ce moment là. Ca a été une mort rapide, sans douleur ni traumatisme. Nous nous sommes regardés, ne sachant que faire, et voyant que la survie de Roland n'était plus un problème, nous avons transféré son cœur encore tout à fait sain dans votre organisme. Tout est reparti normalement, David, vous êtes désormais tiré d'affaire.
David regarda le médecin, furieux.
-Et… Et vous croyez que ça me fait plaisir ? Je devrais me réjouir ? OUAIIIIS MON FRERE EST MORT ET MOI JE SUIS VIVANT !
-David… geignit Lily.
-NAN ! NAN JE VAIS VOUS DIRE MOI COMMENT CA VA SE PASSER !
David commença à gratter ses points de suture. Le médecin le retint tout comme Lily.
-LACHEZ MOI !
David était trop faible. Le médecin et une infirmière parvinrent vite à le sangler.
-NAN ! NAN NAN NAN ! JE VEUX PAS DE CE CŒUR ! ENLEVEZ-LE MOI !
Lily se frappa le front avec la main, épuisée. Malcolm plissa les yeux. Tout le monde sortit de la chambre alors que David gémissait de tout son saoul qu'il refusait de vivre comme ça.
Une fois dans le couloir, Charlie regarda tout le monde.
-… Si mon seul avis primait, on… partirait tous d'ici, mais je me vois mal laisser Lily seule pour annoncer ça à ses parents. Ceux qui veulent partir le peuvent.
-Tu plaisantes… marmonna Rachel.
-Il faut qu'on reste, assura Claire.
-Ouais, on part pas ! Somma Nathan.
-C'est pas possible, tu vois bien… assura Léopold.
-Merci, mais c'est pas la peine, je vais…
Lily n'arriva même pas à finir sa phrase, elle fondit en larmes. Malcolm la soutint. Il regarda Charlie et Léopold.
-Je sais pourquoi tu veux pas rester, Charlie.
Charlie se mordilla les lèvres.
-Mais laisse-les donc venir. Laisse-les venir, on est prêts à les recevoir. Et on sortira de là grandis, crois-moi. Quand l'histoire se répète, bah… le moins qu'on puisse faire c'est essayer de la changer. Au moins un peu. Il faut rester, pour Lily.
-J… Je dois appeler Kyle ! Oh mon Dieu le pauvre… le pauvre…
Lily s'éloigna avec son portable. Nathan plissa les yeux.
-Je la surveille.
-Hm ! Acquiesça Malcolm.
Il approcha de Claire alors que tous allaient se rasseoir. Groret gardait toujours Nell avec lui. Malcolm posa une main sur l'épaule de Claire. Elle se retourna vers lui.
-Ca va ?
-Malcolm, c'est pas le moment…
-J… J'ai besoin de toi, là…
-Je suis pas en condition, Malcolm, rien à voir avec ce qui s'est passé, mais… Je suis désolée, c'est au dessus de…
Malcolm serra sa main sur l'épaule de Claire.
-Je suis là, si tu as besoin.
-C'est moi qui devrait dire ça… mais là j'en suis incapable… désolée, Mac.
Malcolm hocha la tête. Ils étaient donc séparés par Lily qui revint, essoufflée.
-Le pauvre est effondré, il arrive…
Elle regarda Claire et Malcolm, qu'elle séparait par sa présence.
-Oh… Euh…
-Tu peux rester là… marmonna Malcolm.
-Hin-hin, mauvaise réponse.Roland apparut en fantôme à côté de Malcolm.
-Tu devrais lui dire de bouger ses grosses fesses. Mais tu le feras pas. Parce que c'est ma sœur et que je suis mort. Et comme tu es très respectueux, tu vas la ménager. C'est aussi pour ça que tu as pardonné à David. Alors qu'en vrai tu es fou de rage. Tu es en colère contre toi-même, tu n'étais pas là, mais cette Shoshana t'as appris à ne pas déverser tes émotions, à te contenter de ta place et de rien d'autre.Malcolm soupira tristement. Evidemment, il n'entendait pas Roland. Il se parlait dans sa tête. Mais il imaginait volontiers que Roland lui aurait dit exactement ça. La silhouette fantomatique de Roland haussa les épaules et regarda Rachel qui portait Teddiursa, et qui tenait Nathan contre elle.
-Tu te sens mal, toi aussi. Parce que d'un coup, comme je suis mort, tu réalises. Que j'ai compté pour toi, d'une certaine façon. Tout ce qui te reste de moi, c'est cet adorable Pokémon. Un peu comme notre enfant. Mais c'est injuste envers Nathan. Et tu le sais…-Je vais aller chercher à manger, quelqu'un veut quelque chose ? Demanda Rachel.
-Un… un petit café… marmonna Léopold.
-J'veux bien des chips… marmonna Charlie.
-De l'eau, demanda simplement Claire.
-Ca ira, merci… marmonna Lily.
-Rien, merci sœurette.
Nathan suivit Rachel. Elle s'arrêta devant le distributeur. Nathan la prit par la main. Rachel soupira.
-Je suis désolée, désolée de te faire endurer ça.
-Me faire endurer quoi ? S'étonna Nathan.
-Pleurer mon ex avec autant de ferveur. Ca doit être dur à supporter pour toi.
-Tu sais bien que ça me passe au dessus de la tête… je sais parfaitement que tu pleures un ami avant de pleurer un compagnon. Et surtout… je suis triste aussi, c'était quelqu'un de super. Il ne m'a jamais traité comme un… débile, et ça c'était grand de sa part.
Rachel acquiesça tout en payant au distributeur.
-Je veux pas me reposer sur ta trop grande tolérance.
-… Tu penses que Roland savait qu'il allait donner son cœur à David ?
Rachel se tourna vers Nathan qui recula.
-T… Tu admettras que l'histoire racontée par le médecin était suspecte…
-Non, Nathan. Roland est très con, mais monter un coup pour donner son cœur à son frère, j'y crois pas une minute. Il a dû marquer ça pour déconner, ça c'est plus son genre…
Rachel geignit.
-J'arrive pas à croire qu'il sera plus là, je pourrais plus rien lui demander, on avait des conversations tellement enrichissantes…
Elle regarda Nathan et se conspua.
-Je devrais pas dire ça devant toi !
-C'est pas grave, libère-toi, y'a pas de souci…
Rachel regarda Nathan d'un air maussade. Elle tomba dans ses bras.
-Ca va, Rachel, là, là… t'en fais pas. Je suis là.
Peu après, il ramenaient aux autres ce qu'ils avaient demandé. Rachel regarda Malcolm et Claire, séparés.
-V… Vous allez pas nous faire ça quand même ! Pas là, pas maintenant !
Claire regarda Rachel, apeurée. Roland croisa les jambes à côté d'elle.
-Toi, tu ne veux pas que ma mort change quelque chose à ce qui s'est passé. Tu sais que Malcolm est sincère, mais tu veux lui laisser du temps pour récupérer. Tu es fragile et tu as peur. Et tu ne sais pas comment affronter ce qui se profile à savoir… les familles. Ca va te mettre mal à l'aise, mais à un point… et tu as peur ! Pour l'avenir surtout ! Malcolm sera-t-il à la hauteur pour votre famille ? Ca l'a vraiment transformé, ma connerie de camp ? Et surtout… peut-être qu'il est camé ! Tu y repenses, à mes dernières paroles ? « Je suis Sérieux ! » -… Rachel, je suis… pas d'humeur à gérer ce qui se passe avec Malcolm, comprends-moi je t'en supplie !
Léopold la regarda, tout comme Lily et Rachel. Laquelle hocha la tête, compréhensive, et se rassit.
L'atmosphère était étrangement bonne. Etrangement. Charlie regardait tout le monde. Une paix relative régnait. Roland avait la tête contre l'épaule de Charlie.
-C'est trop calme pour toi. C'est le calme avant la tempête. Tu te demandes si j'ai rejoint ta mère. Tu te demandes si… la vie va pouvoir continuer sans moi. Et comme la réponse est oui… Ca t'effraie qu'un jour tu puisses gérer ma mort comme un simple aléa. Tu as aussi envie de partir. Parce que quand les adultes vont arriver, ça va être l'horreur. Tu le sais mieux que les autres.-Lily, tu devrais rester avec David.
Elle regarda Charlie.
-Il va avoir besoin de soutien. Attaché, avec le cœur de son frère… ça doit être… assez affreux.
Lily hocha la tête. Elle entra dans la chambre.
-SORS ! SORS LILY !
Elle garda la porte ouverte.
-LILY J'VEUX VOIR PERSONNE ! J'VEUX RIEN ! RIEN DU TOUT ! RETIRE-MOI CETTE PERFUSION AVEC LES MEDICAMENTS ANTI-REJET ! ALLEZ !!
Roland, accoudé à la porte, regarda sa sœur.
-C'est juste un mioche énervé. Envoie-le bouler…-CA SUFFIT DAVID !
David se tut et regarda sa sœur.
-Ne fais pas l'enfant ! Les parents vont arriver, tu ne vas pas leur faire un caprice quand même ! Boucle-là et… Fais avec !!
David s'enfonça dans ses draps, triste.
-Viens me border, Lily… geignit David.
-J'arrive.
Elle le borda. David regarda sa sœur.
-Roland me manque…
-A moi aussi… je sais que ça parait idiot, mais à moi aussi, il me manque.
-On s'est parlés sur la table, avant l'opération… on a eu une grande conversation…
-David, ressasse pas tout ça…
-J… J'ai le sang de Roland en moi… R… Roland est en moi, Lily, il est en train de vivre pour moi dans mon corps !!
-David, ça va ! T… Les choses se sont passées de telle manière, inutile d'en faire toute une histoire. Hein ? Quand ça sera fini, tu iras beaucoup mieux, c'est tout ce qui compte.
-… Il va falloir l'enterrer, Lily.
-N… ne pense pas à ça !
Lily s'éloigna du lit. Elle entendit des pas dans le couloir. Elle prit une grande inspiration. Roland sonna une cloche.
Ding-Ding ! Voilà les emmerdeurs en puissance ! Préparez l'artillerie ! Mise à feu…-DAVID ! Cria Linda.
Lily ferma la porte de la chambre derrière elle. Elle vit Etienne, son père, Linda, sa mère, les parents de Malcolm, ainsi qu'Estelle et Jonathan.
« La cavalerie, carrément… » songea Lily.
-Lily ! Où est David ?
Lily regarda les autres qui s'étaient terrés dans un silence dévasté. Lily avança au milieu du couloir. Etienne plissa les yeux.
-Ma chérie, à quoi tu joues ? Où est Roland ?
-David va bien ? Demanda Linda.
Kenneth plissa les yeux. Estelle cherchait des yeux.
-Maman, papa… tante Estelle, oncle John… Roland… est… mort.
Les regards se figèrent. Malcolm, Claire, Rachel, Nathan, Charlie et Léopold baissèrent la tête. Etienne balbutia dans le vide. Kenneth était choqué. Judith se couvrit la bouche, stupéfaite. Jonathan baissa la tête, abasourdi. Estelle grimaça, attristée.
Et Linda.
-N… NOOOON… NOON ! NON C… C'EST IMPOSSIBLE !
-Maman… geignit Lily.
-NON ! NON, NON NON ! NON NON NON !!!!
-Maman…
-Linda, voyons…
-NE ME TOUCHE PAS !!!! Hurla-t-elle en repoussant la main d'Etienne.
Elle s'assied et éclata en sanglots sous les yeux ébahis de Claire. Malcolm était tout aussi étonné.
-OH MON DIEU ! OH MON DIEUUUUUUU ! ROLAND !!!!
-Chérie, voyons, inutile de…
Etienne était… neutre. Pas froid, pas heureux… neutre. La nouvelle avait eu une action minime sur lui, étant donné que Roland était déjà devenu un étranger depuis longtemps à ses yeux. Pour autant cela ne le réjouissait pas.
-Le sentiment d'échec et d'inachevé, ça vous ronge un homme… soupira Roland en observant son père.
-Linda…
-ETIENNE ENFIN NOTRE FILS EST MORT ! NOTRE PETIT ROLAND EST MORT !
-C'est inutile d'avoir une réaction aussi disproportionnée, vu la façon dont il t'a toujours traité !
Linda, folle de rage, se leva et frappa Etienne d'une immense gifle.
-NOTRE FILS, ETIENNE !!! NOTRE FILS EST MORT !!! MORT !!!
Lily regarda sa mère qui partait complètement en vrille. Kenneth tenta de la retenir.
-Linda, arrête, contrôle-toi !
-M… M… MAIS VOUS VOUS EN MOQUEZ OU QUOI ???
Linda regardait Kenneth et Jonathan qui effectivement n'étaient pas très expressifs non plus. Judith était visiblement atteinte, Estelle était en train de pleurer, soutenue par Charlie, mais Jonathan baissait la tête, tout juste peiné, et Kenneth semblait avoir pris cela avec une certaine retenue.
-Linda, c'est terrible, ne te méprends pas, mais…
-Roland… mon petit Roland… Mon bébé… geignit Linda.
-Maman…
-Madame Smirnoff… marmonna Malcolm. Euh… Il faut que… Il faut que vous compreniez tous comment Roland est mort !
Les adultes regardèrent Malcolm, tout comme Claire, Rachel, Nathan, Charlie et Léopold.
-Euh… David a fait une attaque…
-C'est pour ça que je vous ai appelé, signala Lily.
-… les médecins l'ont stabilisé, mais il avait besoin d'une greffe, signala Charlie.
-Roland s'est proposé immédiatement… souffla Lily.
-Il est mort pendant l'opération et… ils ont donné son cœur à David qui en avait besoin sur le moment… marmonna Léopold, encore choqué.
Linda sembla tomber en transe, une transe immobile, elle regardait dans le vide. Etienne sembla cette fois réellement atteint et commença à pleurer doucement. Roland lui tapotait l'épaule.
-T'as pas compris au départ. On te dit « Roland est mort » - ça n'a pas de sens, c'est David éventuellement qui aurait dû mourir, du moins dans ta tête, tu te disais « Eh, si y'a un de mes enfants qui y passent, c'est David puisque c'est lui qui est en danger », et là pouf on t'annonce que non, c'est moi, Roland, qui suis mort. Ca n'a pas de sens, alors toi tu piges pas. Maintenant que tu sais… Tu vas pouvoir te flageller comme d'habitude.-C… C'est ma faute… marmonna Etienne. C'est moi qui ai inscrit son nom sur le dossier médical de David…
-On s'en fout…
Tout le monde regarda Charlie qui regardait Etienne d'un air neutre.
-Ne… commencez pas à chercher qui a fait quoi. Roland est mort pendant une banale opération, n'allez pas chercher la petite bête. On a déjà donné, merci. Roland est mort, point barre. Ne cherchez pas plus loin.
Kenneth regarda Charlie, étonné.
-… On peut voir David ?
Linda se rappela qu'il lui restait David. Elle se leva comme d'un bond et fonça vers la chambre et ouvrit la porte. David était là, vide et triste.
-MON CHERI !
-Maman… marmonna David, sans humeur.
Elle approcha et lui prit la main, et s'étonna qu'il soit sanglé.
-L… Mais qui… Lily !
Elle arriva dans la chambre, suivie par son père et les autres adultes.
-Oui ?
-Pourquoi David est attaché ?
-Parce que je veux mourir, maman.
Lily grimaça et regarda son frère, stupéfaite. Roland, en tenue de prêtre, hocha la tête.
-C'est trop difficile à supporter. Un morceau de foie, un rein, c'est ok, mais un organe qui a nécessité que je meure pour te l'offrir, c'est trop gros. Tu refuses mon cadeau, David. Et le refuser, c'est mourir. Tu t'en veux parce que je suis mort alors tu dois mourir aussi…-D… David, mon chéri, ne raconte pas de bêtises…
Linda prit les joues de son fils qui agita la tête.
-M… Maman je peux pas vivre avec le cœur de Roland.
-Oh que si, tu vas vivre !
David regarda son père, furieux.
-On en a déjà perdu un, on n'en perdra pas deux ! David…
-Ouais bah on n'est pas des marchandises, des denrées ou des quantités sur une liste, on est des enfants, que tu as élevé, je suppose !
Etienne écarquilla les yeux devant le ton de son fils. Lily ouvrit la bouche, mortifiée. Kenneth, Judith, Jonathan et Estelle étaient tout aussi choqués.
-D… David chéri, voyons… marmonna Linda en sanglotant.
-Sortez, sortez, je veux personne ici… sauf papa et maman, s'ils veulent rester, mais ça ira comme ça… J'veux pas vivre, j'veux qu'on m'enlève ce cœur. J'en veux pas.
-Mais enfin mon chéri…
-Tu peux pas comprendre, maman ! Tu peux pas comprendre…
Linda hocha la tête et alla s'asseoir sur une chaise à côté du lit de David. Lily alla vers son père.
-Il… est encore un peu furieux, il ne pense pas ce qu'il dit ! Assura Lily.
Etienne hocha la tête.
-Lui, oui, mais… les autres ?
-Papa, Roland est mort, on est tous sous le choc, tu devrais l'être aussi.
-Pour l'instant je culpabilise, ma chérie… Tu sais pourquoi, je suppose.
-A cause du dossier, mais non papa, enfin…
-Pas ça…
Etienne avait dit cela avec douleur. Etienne se mordilla les lèvres.
-La dernière chose que je lui ai dite c'est de partir de chez moi, que la maison de son père n'était plus la sienne…
Linda regarda Etienne qui sanglota en tombant dans les bras de sa fille.
-C'est bien, papa, lâche tout…
-Mon fils… M… Roland, j'ai… Roland n'est plus là…
-C'est comme ça, papa, c'est la faute à personne…
David observait tout cela avec froideur. Linda sembla rassurée quant à la santé mentale d'Etienne. Roland regardait tout ça avec un air neutre voire tranchant.
***
Couloir. Lily était restée aux côtés de David avec Linda et Etienne. Malcolm regardait vers Claire. Charlie et Léopold étaient à moitié endormis l'un contre l'autre. Estelle revint.
-Kate est dévastée, Colin a hurlé… Et moi je me sens comme amputée…
Elle s'assied à côté de Jonathan qui semblait tout aussi remué.
-Maintenant que j'y pense… On… C'est comme si on n'écoutait pas assez ce gosse. J'ai l'impression que les seuls mots que j'avais avec lui c'étaient des disputes…
Estelle le regarda.
-Je pense qu'il… avait l'impression de devoir se battre en permanence. Pour échapper à ce qui le torturait. Au fond tout ce qu'il voulait c'est être compris.
Rachel acquiesça.
-Roland était vraiment quelqu'un de bien, mais… en surface c'était aussi un petit con. Il fallait… prendre son temps pour… vraiment voir quelle personne il était au fond de lui.
Rachel sentit les larmes revenir.
-Ca me dégoûte d'en parler à l'imparfait…
-En fait, techniquement, il faudrait en parler au passé composé…
Malcolm, Estelle, Jonathan et Claire regardèrent Nathan. Rachel le regarda, étonnée.
-… vu que son cœur, son rein et un morceau de son foie sont à David… Théoriquement il n'est plus entier.
Rachel hésita puis ricana. Estelle pouffa à son tour. Nathan se mordilla les lèvres en souriant. Malcolm sourit.
-Je pense qu'il… aurait apprécié qu'on en rie, même aussi vite ! Admit Malcolm.
-Hm… peut-être… peut-être bien qu'il ne voulait pas qu'on le pleure exagérément… supposa Claire.
-Vous vous rappelez quand Megan s'est pendue…
Tous regardèrent Léopold.
-C'était… une collègue prof, qui était un peu obsédée par Roland, et… elle s'est pendue dans sa salle de classe, histoire de le faire culpabiliser… et Roland s'en cognait, parce que comme il disait… « Je m'en foutais d'elle avant, maintenant qu'elle est morte, je ne vais pas m'en préoccuper plus ! »
Claire se renferma sur elle-même. Rachel soupira.
-Et c'est après ça que lui et moi sommes sortis ensemble… Si j'avais su…
-Il y a une différence, Léo… marmonna Charlie.
Tous le regardèrent. Charlie hocha la tête.
-On aimait tous Roland, d'une manière ou d'une autre. Et on l'aime toujours autant maintenant, et… on le pleure parce qu'on le regrette. Certes, parfois c'était un connard… mais… ses derniers mots… enfin, les dernières paroles qu'il a formulées, c'était… « Je suis sérieux ». Il l'a bien crié, avant d'entrer dans l'ascenseur. Je suis sérieux. Roland était sérieux. Tu as raison, Estelle. Roland voulait juste qu'on l'écoute.
Kenneth et Judith revinrent.
-Norbert est effondré… J'ai appelé une bonne société de pompes funèbres…
Malcolm plissa les yeux.
-M… Mais papa, on ne sait même pas quelles étaient les dernières volontés de Roland !
-Roland était trop jeune pour en avoir formulées…
-On n'en a aucune idée ! Obsessif comme il était, il a très bien pu…
-Quoi qu'il en soit, Etienne m'a demandé de lui faire un enterrement convenable, et…
-Pas avant qu'on sache ce que Roland voulait, papa !
-Tu penses que Roland savait qu'il allait mourir ici ?
Malcolm regarda son père.
-Tout sera fait pour que Roland ait une belle cérémonie.
-Je crois que Roland s'en foutrait royalement !
Kenneth regarda son fils.
-… Il y a un problème, fiston ?!
-Oui, ton empressement à vouloir l'enterrer ! Surtout sans savoir ce qu'il voulait !
-Du calme, Mac… marmonna Rachel. Inutile de t'emporter.
Kenneth regarda sa fille.
-C'est bien à toi de dire ça, hein… Toujours avec lui à ce que je vois…
-PAPA LAISSE-LA TRANQUILLE !
Kenneth regarda son fils, éberlué.
-Papa, si jamais tu parles encore en mal de Rachel ou même de Nathan, je coupe les ponts !
Judith grimaça.
-On… On n'a rien dit, asseyons-nous, Kenny…
-Je vois. Maintenant que Roland est mort, monsieur se lâche… Si tu as vraiment un problème, jeune homme, dis-le tout de suite !
-Avec moi aucun, mais Rachel est ma sœur, et je te demande de la traiter correctement parce que c'est ta fille.
-Malcolm je peux régler mes affaires toute seule… souffla Rachel.
-Malcolm, je pense que ce n'est absolument pas le moment…
-STOP !
Nathan s'était levé. Il regarda Malcolm.
-Calme-toi, inutile de t'emporter, si… Roland avait des volontés, on les connaîtra tôt ou tard. Ne t'emporte pas inutilement contre tes parents. Quant à vous, monsieur Heine…
-Je n'ai rien à te dire et tu n'as rien à me dire non plus ! Grommela Kenneth en allant s'asseoir.
-Je sais que vous ne m'aimez pas, mais je pense que vous…
-QUE JE QUOI ?
Kenneth regarda Nathan qui restait figé sous l'autorité du père de Rachel. Laquelle fermait les yeux.
-… que vous… que vous n'avez pas à… euh…
Kenneth plissa les yeux en voyant la bague au doigt de Nathan.
-… Vous êtes mariés ?!!! Rachel, tu…
Rachel regarda son père.
-Papa, Roland est mort, c'est absolument pas le moment. Et ton enterrement présidentiel à deux balles, effectivement je pense que Roland s'en servirait de toilettes.
Nathan se rassit à côté de Rachel. Kenneth balbutia.
-Bon sang mais qu'est-ce… qu'est-ce que j'ai mal fait ?
Rachel regarda son père.
-Qu'est-ce que tu as mal fait ? Voyons… Quand je trouve un mec bien, tu ne trouves rien de mieux qu'à lui balancer son passé psychiatrique, à la fin ça me gave tellement que je pète un plomb et voilà. Comment arranger ça… accepte Nathan et je m'excuse, tout pourra rentrer dans l'ordre.
Kenneth regarda sa fille puis sa femme. Judith se mordilla les lèvres. Kenneth hocha la tête.
-On va y réfléchir. Je suppose que si… je te dis ça maintenant, ça ne passera pas.
-Je sais que tu es quelqu'un de bien, papa, c'est juste que maintenant ma vie c'est avec Nathan, que vous le vouliez ou non.
Charlie observait tout ça, étonné. Kenneth se rassit avec Judith qui se serra contre lui. Kenneth s'aperçut alors que Claire et Malcolm étaient éloignés par quelques chaises.
-… Un souci, fiston ?
Malcolm regarda son père. Rachel souffla. « Enfin quelqu'un pour en parler. »
-Tout va bien, monsieur Heine ! Assura Claire.
-… J'ai… J'ai fait une crise de nerfs, papa.
Malcolm avait la tête basse. Claire le regarda, peinée.
-Mac, inutile de déballer…
-Non, Claire, il faut…
Charlie, Léopold, Rachel et Nathan regardaient Malcolm.
-Il s'avère que… j'ai eu du mal à faire une vraie place à ce bébé dans ma vie. Je… ne suis pas digne d'être père pour le moment. Même si Nell et Claire m'ont manqué quand j'étais dans le camp de réhabilitation où Roland m'a emmené, je pense… qu'il me faut un peu de temps pour apprendre à accepter tout ça dans ma vie. Sinon je ne le mérite pas.
Kenneth écarquilla les yeux et soupira.
-Ouah… D'accord… d'accord… très bien, mes enfants… Je ne m'en mêle pas.
Claire et Malcolm hochèrent la tête. Pour autant, Claire regardait Malcolm différemment. Et l'ombre de Roland souriait, fière, en regardant Malcolm.