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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 21/05/2010 à 22:15
» Dernière mise à jour le 21/05/2010 à 22:15

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Episode 51 : "Sourit, petite souris !"
Coucou voici le nouveau chapitre, qui enclenche le début de la fin de l'arc (enfin !)
Je n'ai pas eu de mal à l'écrire, en revanche, le suivant, j'y tiens tellement, parce que je veux absolument y lier de l'émotion, que je risque de m'attarder dessus, si en plus on sait que j'ai des examens ces deux dernières semaines…bref, pas besoin de dessin je suppose ?

En attendant, merci de votre soutien et bonne lecture !

50-2- « Sourit, petite souris »

A l'hystérie de Samantha, se substitua sa léthargie. Elle vomissait encore, mais avait cessé de s'auto-mutiler, elle semblait même avoir conscience se tenir au Qg de Twiligth. Après, elle restait désespérément allongée sur son lit, silencieuse, amorphe. Personne n'avait tenté de prendre contact avec elle, à part Yuki, car elle se montrait terrifiée dès qu'on s'approchait d'elle. Impossible d'établir un contact, une discussion cohérente, et Lucas commençait sérieusement à désespérer. Il nourrissait les Pokémons de son ami avec loyauté, pendant son absence, mais même eux, elle refusait de les voir, elle se mettait à hurler dès que la porte de sa chambre s'ouvrait. Brasergali, malheureux, à l'instar de sa dresseuse, commençait lui aussi à se laisser dépérir.

Yoann commençait sincèrement à en avoir assez de cette ambiance tendue, entre Silver qui n'osait pas aller voir Samantha, et les autres qui patientaient pour intervenir, pour ne pas la brusquer…Akira avait beau assurer que ça viendrait forcément, plus le temps s'écoulait, plus le petit médium en doutait. Il espérait secrètement qu'Eléanore, revigorée, allait venir faire la leçon à sa meilleure amie et la remettre d'aplomb…

D'un autre côté, Eléanore paraissait au plus mal. Elle respirait à grandes peines, et perdait conscience plusieurs fois par jour, parfois en plein milieu d'une phrase. Régis et Daniel la veillaient, dormaient peu, prêts à intervenir avec un masque à oxygène à toute heure du jour et de la nuit. Angèle et Sunny, parfois, étaient appelées en pleine après-midi, pour qu'elles viennent faire prendre un bain à la gamine en urgence, histoire de refroidir sa température corporelle de manière drastique.

Yoann avait pu entrevoir la jeune fille alors que les filles la transportaient, et son cœur s'était serré. Heureusement, Miyu réapparaissait peu à peu, de temps à autre il reconnaissait sa silhouette, bien que presque totalement translucide, errer dans les couloirs…

Une sonnerie retentit dans le salon. Yoann sursauta, mais ce n'était pas son téléphone, il avait encore le temps avant sa séance d'entraînement pour porter le costume de Théodd…Sunny et Blake étaient partis aider pour l'élevage d'Abra il y avait quelques minutes, aussi, cela ne pouvait pas être l'entrée.

Gabriel, à sa plus grande surprise, se leva et décrocha, avant de rougir murmurant un « Oh Elza ! » avant de s'éloigner dans le couloir.

Le petit génie se glissa entre l'armoire et le battant de la porte, puis balbutia timidement un :

-Salut Elza…C-Comment…va balignon ?

Il s'auto-flagella mentalement. Balignon ! Il voulait savoir comment elle allait, elle !

-Il va merveilleusement bien, Gabriel ! Regarde-le !
Il la vit se décaser sur le côté, tandis qu'une tête en forme de champignon, et a l'air visiblement ravi, couinait gaiment devant l'écran.
-Il est pas beau mon chapignon ?! Rit Elza en lui caressant le crâne.
-Heu…Ah oui : Il-Il a bien grandi oui ! Heu…Tu le nourris avec quoi au juste ? Tu as du…En vivre des choses depuis mon départ !
Il y eut un blanc, durant lequel Elza se mordit la lèvre, embarrassée, puis elle souffla :
-Oui…Il s'en est passé, des choses…
Elle esquissa un sourire, gentiment, timidement, puis un ange passa et le visage de la brune se fit plus sérieux.
-Je m'inquiétais un peu en fait… J'ai appris seulement aujourd'hui pour l'attaque sur Kanto. Vous allez tous bien ?
-N…Oui ! Mais j'ai égaré mon ordinateur dans toute cette histoire.

Mais que quelqu'un le tue pour dire des âneries pareilles ! Vraiment, sa bouche traîtresse ne maîtrisait plus sa verve, et il passait pour un stupide gamin amoureux. Ce qu'il était, à son plus grand damne.

-Oh. Désolée pour ton ordi. C'est probablement une grande perte.

Il fut incapable de savoir si elle était ironique ou pas

-Je suis enfin arrivée à la Ligue ! Je vais passer à la télévision et t'en mettre plein la vue, tu vas voir ! J'espère que tu n'oublieras pas de me regarder devenir la nouvelle Championne !

Gabriel se surprit à sourire, attendri.

Pendant ce temps, un peu plus haut, Daniel somnolait plus ou moins. Les songes le ramenant sans cesse à la réalité, à la main bouillante enfouie dans sa paume, il ne parvenait pas vraiment à prendre réellement du repos.

Les seules fois où Eléa avait été consciente, elle avait parlé de son aventure avec Miyu, de la vision du monde qu'avait une certaine « Holly », dont elle avait perçu les échos…Un monde qui aurait pu lui plaire, auparavant, il y avait quelques mois. Un monde sans changement, où on se mettait en couple, avec la certitude que cela fonctionnerait…Mais il gardait ça pour lui. Eléa n'adhérait pas vraiment à ce point de vue, et les arguments qu'elle lui lançait contre, l'influençait beaucoup. Il est vrai qu'ainsi, on piégeait beaucoup la liberté des gens, et leur bloquait tout choix ou opportunité, et imaginer que Lucas, si le destin le voulait, ne puisse jamais devenir stratège, lui apparaissait comme insupportable.

Un bruit sec, une toux rauque, étranglée, le réveilla de son état semi-comateux, et il attrapa le masque à oxygène, hésitant. Mais Régis secoua la tête face à lui et sourit :

-Non, je crois que ça va aller cette fois.

Le savant bailla bruyamment et se massa les épaules, tout courbaturé. Il posa son regard sur Danny et grimaça, cependant, il se força à sourire au gamin :

-Merci de rester avec moi. Sans ton aide, je sais pas ce que j'aurais fait cette nuit, quand on est tombé à court d'oxygène.

Daniel hocha gravement du chef, mais garda le silence. Il sentait l'animosité qui filtrait tout de même du brun. Eléa, encore un peu sonnée, le premier jour de convalescence, emportée par la toux, avait murmuré à Daniel devant Régis un « Pas terrible comme premier rendez-vous… » qui avait immédiatement grillé leur couverture.

L'ami d'enfance avait boudé, il avait accepté l'état de fait, résigné, mais il ne l'appréciait pas. Daniel, mal à l'aise, lâcha la main d'une Eléa, assoupie, la respiration sifflante, et balbutia :

-Elle a aussi besoin de son ami d'enfance à ses côtés, tu sais…

Régis se décrispa légèrement, honteux de sa conduite, bien que, viscéralement, il ne pouvait guère s'en empêcher. Cet enfant à qui il avait enseigné, ne connaissait rien de la petite qu'il avait connue, il n'avait pas passé tant d'années auprès d'elle, et pourtant, elle le choisissait, lui. Ce gamin aux yeux vairons avait osé prendre l'initiative que lui, n'avait jamais tentée. Il s'en voulait surtout. Ce garçon lui volait l'enfant qu'il adorait depuis des années, uniquement parce qu'il n'avait pas su se montrer assez rapide.

Les possibilités infinies de ce qu'ils auraient pu être, Eléanore et Lui, s'il avait eu le cran de lui avouer ses sentiments à temps le tourmentaient de plus en plus ces dernières heures. Pour chasser ses mauvais remords, il vérifia la température d'Eléa. Elle frôlait toujours les 40. Avec dépit, il se tourna vers le brun et lança :

-Je suis trop fatigué pour me lever là, tout de suite…Tu peux aller dire à une des filles présentes qu'il faudrait qu'Eléa prenne un bain dans la matinée ?

Daniel hésita une seconde, puis hocha la tête docilement. La main d'Eléa se crispa sur son poignet, comme pour le retenir, mais il la confia à la prise de Régis, ému, tourmenté par l'état de son amie d'enfance.

Daniel n'était pas sorti depuis quelques jours, et la lumière du jour l'aveugla un peu quand il s'extirpa de la chambre. Il s'appuya sur sa cheville délaissée et retint un gémissement. Il n'avait pas pris le temps de la faire ausculter. D'ailleurs, il n'avait pris le temps de rien, cette dernière semaine, pas même de prévenir Lucas sur le nouveau couple qu'il formait avec Eléa.

Il supposait que le moment propice pour lui annoncer ne venait pas encore.

Les autres paraissaient alambiqués tout entiers dans leurs problèmes respectifs, et sur les tourments d'une dénommée Sam…Dont la provenance lui échappait, elle surgissait comme du néant dans son esprit.

Il s'aventura dans l'escalier, et entraperçut Gabriel au loin, dans le couloir. Sa cheville se posa sur la première marche, et comme une lame acérée, brûlante, la douleur le percuta. Une masse sembla s'abattre sur son crâne, immatérielle, et pourtant à la pression grandissante, étouffante, écrasante. Pendant une seconde, la fatigue qui l'assaillit le fit tituber, la tête lourde, les battements de son cœur devinrent sourds, et un ordre naturel s'immisça en lui : fermer les yeux. Juste une minute.

Il obéit docilement.

Son paysage s'obscurcit net, et il bascula.

Le roulé-boulé, mais surtout le tapage qu'il provoqua interrompit Gabriel en plein milieu de sa conversation avec Elza, et son cri, d'abord courroucé envers l'espiègle qui osait le couper, se transforma en une exclamation paniquée.

-DANIEL !

Il raccrocha au nez et à la barbe d'Elza, qui ne comprit pas le cri –qu'elle prit pour rageur- qu'avait Gabriel à l'encontre de son frère. Elle bougonna à l'autre bout du fil, irritée. Gabby quant à lui se rua vers son aîné et son hurlement attira du monde dans le couloir.

Lucas ne mit pas longtemps à se joindre au petit frère à secouer son ami d'enfance, inconscient. Sa tête chancela mollement de droite à gauche, puis le gamin reprit ses esprits, papillonnant des paupières. Hagard, il fixa les autres et eu un sourire absent en soufflant :

-Je crois que je me suis endormi…
-N'importe quoi ! Tu t'endors en haut des escaliers maintenant ? S'offusqua Gabriel, rouge.
-Tu as mal quelque part ? L'interrogea Lucas aussitôt.

Le brun se montra songeur une seconde, puis il secoua la tête avec dénégation.

-Non ça va…Eléa a besoin de prendre un bain par contre…

Si les spectateurs ne saisirent pas le rapport liant les évènements entre eux, ils rirent nerveusement. Cristal plissa néanmoins les yeux avec rancune, et se fraya un chemin jusqu'au groupe avec autorité. Sans préavis, elle se planta devant le Kazamatsuri étendu à terre et lui saisit la cheville. Daniel retint une exclamation étouffée et la sœur de Gold afficha un rictus victorieux, qui se transforma vite en expression catastrophée.

-Dans quel état est ta cheville !

Elle avait pris le parti pour retirer sa chaussure et sa chaussette, profitant de la surprise de tous. Une balafre blanche et malsaine barrait toute la malléole, l'articulation, souvenir du mon Sélénite. Le pied avait triplé de volume et la peau se marbrait de zébrures violacées inquiétantes. Si en plus, Cristal –malgré ses précautions quand elle lui avait ôté le tissu- n'avait pas récupéré le pied dans ses mains, le déboitant sans faire d'effort ; peut être Daniel aurait pu mimer la surprise. Mais là, le dégoût atteignait son comble.

-Danny…Balbutia Lucas mal à l'aise, les doigts tremblants.
-Mais t'es complètement BARRE ! Hurla Gabriel, peu courtois.

Daniel se pinça les lèvres, penaud, tandis qu'il murmurait :

-Tout le monde avait l'air si occupé…Si mal en point…Et Lucas non plus n'a pas parlé de son épaule alors qu'il avait mal…Alors…Moi ça pouvait attendre aussi non… ?
-NON !

Le cri, provenant à la fois de Lucas et Gabriel, fut surpris par l'intervention de Cristal. Celle-ci se massa les tempes, exaspérée, et souffla :

-Mais pourquoi les mecs font semblant d'être forts ! Franchement ! –elle lança une œillade meurtrière à son frère, qui sifflota innocemment.- Allez debout, j't'emmène à l'hosto. J'vous emmène tous à l'hosto !

Plus qu'une simple suggestion, la phrase sonna comme un ordre irréprochable. Elle fusilla son frère plus particulièrement et insista davantage quand elle répéta :

-J'ai bien dit TOUS !

Gold déglutit difficilement. Il ne le sentait pas vraiment sur ce coup là.

Quelques minutes plus tard ; un énorme groupe de personne déboulait sur le seuil de l'hôpital d'irisia, sous l'injonction tyrannique de Cristal sur le pauvre Gallame de Nathaniel. Elle relança la pokéball à Lucas qui la rattrapa tant bien que mal alors qu'il portait déjà à moitié Daniel. Celui-ci refusa poliment quand le brun la lui donna, et lui murmura qu'il pouvait bien garder ce Pokémon.

La femme de l'accueil frôla l'arrêt cardiaque, mais en voyant cette troupe d'estropiés, elle comprit bien vite que les médecins auraient déjà assez de boulot avec eux sans qu'elle n'en rajoute. Le chirurgien Parker, en déboulant dans le hall, poussa d'ailleurs un grognement exaspéré.

Ils contemplèrent tous deux la foule disparate, et soufflèrent. Un adulte plutôt grand, brun, les cheveux longs, se tenait un peu à l'écart, soutenant une jeune adolescente fort jolie qui tremblait comme une feuille, les yeux révulsés. Yuki et Samantha. Un brun portait à bout de bras une fillette à la respiration sifflante, la tête couverte par un foulard trempé. Régis et Eléanore.

Il n'avait pas été simple de forcer ces deux là à bouger aussi, l'un comme l'autre présentant de très bon arguments, mais tout comme les maths n'entraient pas dans la logique de Cristal, ils apprirent que la phobie des hôpitaux non plus. Elle avait chopé les deux gardiens par les oreilles, tirant de toutes ses forces jusqu'à ce qu'ils acceptent. Vieille technique de dissuasion de la famille Heart selon elle, moyen de pression qu'utilisait la mère Heart sur Cristal à la moindre insolence selon Gold. Bien évidemment le brun eut le droit à une belle séance de torture d'oreilles pour cette réflexion.

En définitif, ils se retrouvaient donc là, contre leur grès certes, mais finalement bien heureux d'être là, et non plus livrés à eux-mêmes.

Le plus dur, allait être de justifier leurs présences, leurs blessures, sans pour autant révéler leurs identités. Pour cela, Yoann –qui s'invitait, malgré son état de santé tout à fait acceptable, mais qui s'ennuyait en l'absence de Sunny et Blake- se montra aussi rusé qu'un farfuret.

Un peu plus loin, dans la vallée Argenté, les deux éleveurs rentraient dans un chalet totalement déserté, sans vie, avec la vague impression d'avoir été abandonnés.

Le jeune médium s'accouda au comptoir, qui lui arrivait bien au niveau du menton déjà, et lança simplement :

-Nous avons besoin de soins urgents pour…

Il leva les yeux et compta mentalement, Gold et Silver, Cristal, Lucas, Daniel, Sam, Yuki, et Eléa…

-8 personnes ! –Il pencha la tête sur le côté, anticipant déjà la question des tuteurs et répliqua joyeusement- Angèle et Christopher vont être garant de Gold, Cristal, Daniel, Lucas et Silver. Akira s'occupera de Sam, et Régis d'Eléa. Sourit-il.

Les deux ex-bandits sourirent de toutes leurs dents, et les yeux pleins d'étoiles, ils lâchèrent un hurlement strident, empli de bonheur, quand le docteur Parker, pour détendre l'atmosphère, leur lança –bien que suspicieux, flairant la surpercherie-:

-Vous avez de très beaux enfants.

Silver tiqua nerveusement : plutôt mourir que d'être leur fils ! Décidément il n'était pas verni…En plus ils avaient quoi 27-30 ? Grand maximum ! Bon, oui, ils pouvaient se faire passer pour des dealers ratés, shootés par leurs propres camomilles…Mais tout de même ! Des parents comme ça !

Loin de ces tourments, Angie et Chris, tout à leur excitation, revenus des années en arrière quand ils jouaient à la poupée et au papa et à la maman, bafouillaient de partout.

-Mon dieu Papa ! Nous aurions du venir plus tôt ! Tu te rends compte : Oh je m'en voudrais toute ma vie s'ils ont des séquelles !
-Ne t'en fait pas maman Angie, Ils iront bien, ils sont costauds !
-Du moment qu'ils gardent tous leurs orteils ! C'est tout ce que je demande, qu'ils aient tous leurs orteils ! Gémit Angèle.

Pas un mot ne s'éleva de la foule, et pourtant dans les esprits, un seul les frappa : pathétique. Gold ricana tout de même, amusé par la scène, il décela bien vite le Silver attendri également, même si, le roux, de mauvaise foi, affichait une moue dégoûtée de circonstance pour couvrir son rictus.

-Bien…Et comment vous vous êtes faits ça ? Balbutia la dame secrétaire, en pianotant sur son ordi, hésitant à leur confier des numéros de patients.

Yoann sourit de toutes ses dents et Gabriel arqua un sourcil, étonné de le voir si confiant alors que lui-même ne voyait guère de solution à cette interrogation justifiée.

-Nous venons de la part d'un de nos amis, ils sont d'ailleurs venus ici dans la matinée et ne sont pas repartis.

Il marqua une pause et leva le doigt avant de lancer :

-Shagi, Makanie et Peter, vous connaissez ?

Le personnel soignant blanchit avant de soupirer avec exaspération.

-Je vois. Bon, j'appelle des collègues pour vous prendre en charge.

Yoann s'écarta, ravi, et quand Cristal lui marmonna qu'elle avait la nette impression qu'ils venaient d'accuser indirectement Shagi d'être responsables de leur état, le petit médium ricana narquoisement.

C'était bien son intention en effet.

Le groupe se scinda progressivement, Yuki et Sam allèrent avec la dame de l'accueil, Régis et Eléa suivirent un autre médecin, et le reste de la troupe se virent attribuer Parker.

Gabriel et Yoann, laisser seuls, s'entre regardèrent. Le jeune génie anxieux plus qu'il ne l'avouait, le jeune médium décida de lui remonter le moral et babilla :

-Ne t'en fait pas, je commence à avoir l'habitude des hosto ! Entre les Silver et Sunny, je sais comment ça marche ! Tu viens avec moi, on va essayer de dénicher la chambre de Peter ?

Sans attendre de réponse, il attrapa Gabriel et l'emmena avec lui dans le dédale de couloirs.

Arrivés dans une pièce d'auscultation, Cristal montra sans hésitation la cheville de Daniel au chirurgien, celui-ci siffla d'admiration et ne put s'empêcher de commenter :

-En voilà une belle de blessures ! Comment tu t'es fait ça petit ?

Daniel hésita : dire la vérité « je me suis d'abord retrouvé coincé dans un tunnel aquatique qui s'est effondré sur moi, ensuite en infiltrant le Qg de bandits j'ai eu le pied bloqué dans le tapis roulant qui me menait vers une mort certaine ? » ou pas. Il soupesa la question plusieurs secondes, puis finit par lâcher timidement :

-Je suis tombé dans les escaliers.

Parker tiqua, il fronça les sourcils et répliqua :

-Ah oui ?

Daniel, d'un air zen, qui pouvait passer pour une frimousse apeurée, de caninos battue, confirma, penaud :

-Oui c'est ma faute, je n'ai pas fait attention et donc…je suis tombé dans les escaliers.

Le médecin sursauta, et il scruta Angie et Chris dans un coin avec les autres enfants qui patientaient, suspicieux. Ceux-ci, se sentant observés, lui sourirent et lui firent coucou de la main avec gaïeté, renforçant ses doutes : ces types là étaient complètement beurrés. Dans un murmure, L'homme demanda à Daniel :

-Dis-moi, mon garçon, est-ce que tes parents te maltraitent ?

Daniel pencha la tête sur le côté, songeant aussitôt à sa véritable famille, et sa sœur aînée Alice s'imposa sur sa rétine, avec son sourire manipulateur et sadique, bientôt suivi de Nathaniel pendant les heures d'entraînements. Il retint un frisson et secoua la tête, pour chasser un sourire amusé, toutefois le teint livide.

Le médecin prit ce geste pour un oui.

-Ils te maltraitent alors j'avais raison ! S'égosilla-t-il, orgueilleux d'avoir déniché un cas comme dans les séries que les chaînes câblées diffusaient à longueur de temps.

-Non mais ça va pas la tête ! Rugit Cristal, empourprée tandis que Christopher et Angie, encaissaient l'agression avec désespoir : « Maman tu frappes notre Danny Chéri ?! – Quoi mais non ! Mon bébé je l'ai confié à un homme violent ! – Mais c'est pas moi !! ».

Irrécupérables.

Parker considéra la scène familiale, et porta la main à son visage, comprenant son erreur, puis se tourna de nouveau vers Daniel, auquel il lança en pointant Cristal du pouce :

-C'est elle qui te maltraite ?

Silver empêcha Cristal et Gold de se jeter sur l'abruti qui les soignait avec indifférence. Lucas quant à lui, retenait son fou rire incontrôlable. Après plusieurs explications fumeuses pour clarifier la situation –ce fut ardu-, la conversation reprit du sérieux.

Daniel eut le droit à des radios, et Parker lui remit en place l'articulation. Il ne put s'empêcher de remarquer l'impassibilité du gamin face à la douleur, et quand il lui demanda s'il sentait ce qu'il faisait à son membre, le gamin aux yeux vairons hocha la tête gravement et répliqua :

-Ca fait mal…Mais oncle Tom m'a interdit de hurler et Alice de pleurer.

Lucas écarquilla des yeux et inspira, il allait devoir expliquer à Daniel que chaque ordre avait une durée limitée dans le temps. Vint le tour de Gold et Silver –là encore le médecin parut sur le point d'appeler la protection des droits de l'enfant pour inculper Cristal- mais il se ravisa. Leur prescrivit de la pommade et des médicaments pour la cicatrisation. Il banda l'épaule de Lucas, qui à part un froissement musculaire et quelques bleus, n'annonçait rien de grave, et désinfecta la plaie au cou de la brunette tout en lui jetant des regards inquisiteurs.

Il n'avait plus qu'à attendre le résultat des examens du Kazamatsuri, et le silence s'imposa dans la salle.

Gold, crispé sur sa chaise, apeuré par tous les instruments lui rappelant de mauvais souvenirs ; tâchait de paraître à l'aise sans y parvenir. Personne ne fut dupe. Silver devait avouer lui-même, que la proximité avec ce genre d'appareil, le rendait un peu paranoïaque, après tout, Parker n'avait qu'à tendre le bras, saisir son scalpel, et les égorger un à un s'il le désirait.

Considérant tout de même l'embonpoint certain du chirugien et ses muscles flasques, c'était un scénario peu dangereux, il serait vite mis hors jeu.

-Et si nous allions voir les autres ? Proposa soudain Christopher, guilleret.
-Oh oui, oui, oui ! Puis, vous monsieur Gold, vous pourriez parler à Marc et Pierre ! Enchaîna aussitôt Angie.

Cristal capta l'étincelle dans les prunelles de son frère, et elle comprit l'allusion. La voleuse souhaitait que Gold s'informe. Heureusement Silver lui, ne saisit pas le double sens. Incroyable…Ces deux grandes tiges avaient un cerveau ?

La cadette Heart mis quelques secondes à se remettre de cette découverte ô combien déstabilisante. Le mystère Chris et Angie choquant toujours au premier abord. Puis elle se ragaillardit. Certes, Silver n'avait pas compris pour le moment, mais en voyant le dit couple homosexuel, ça n'allait pas tarder. Elle devait tenter une approche moins directe et éloigner le roux de la vérité.

Ca la tuait d'aider son ainé à séduire son premier et stupide amour, mais elle fondait à le voir si éperdu devant lui. Puis pour tout avouer, le voir embrasser le rouquin pendant son sommeil, tout timide et hésitant avait quelque chose d'attirant, de sensuel et de ce qu'elle préférait par-dessus tout : d'interdit.
Enfin, quoi qu'elle fasse, ou qu'elle veuille, elle savait parfaitement que Gold était maître de sa propre vie et de ses décisions, que cela lui plaise ou non. Après tout, elle s'était disputée avec sa mère parce que celle-ci prenait des choix à sa place…Elle aurait un culot monstre de réagir autrement !

Bon d'accord, elle était d'un culot monstre, mais, là n'était pas la question principale.

-Non, vous allez rejoindre les autres, Gold et moi nous avons à faire. Lâcha-t-elle.

Lucas s'étonna, et Silver demanda :

-Vous allez où ?

Quel attendrissement ! Le jaloux s'inquiétait de la disparition de son Goldichou, pour peu, Cristal lui aurait rit au nez, mais elle répliqua espiègle :

-Faire une mammographie, Gold doit être là au cas où j'ai un cancer du sein, vous comprenez ? Vous voulez peut être venir ou la faire vous-même ?

Il y eut un moment de flottement, durant lequel Silver fronça les sourcils et où Lucas parut hésiter à répondre « oui ! ». Grand bien lui en fasse, il préféra se taire. Les autres partirent donc un à un de la pièce, après avoir promis à Daniel de revenir plus tard.

Cristal quant à elle, entraîna son frère sur son sillage, puis, une fois hors de vue s'arrêta, plaqua les mains sur ses hanches, fière.

-Bon, va vite dénicher Marc et Pierre pour leur demander conseil alors ! J'te couvre.

Le brun fit les gros yeux, ébahi, et cristal lui signifia bien que son grand manganisme du jour ne durerait pas très longtemps, le brun, alors qu'il obéissait, ne put s'empêcher de sourire en lui envoyant en pleine face tout en s'enfuyant :

-T'es sûr que tu ne veux pas faire une Mammographie ?

Heureusement que Cristal n'avait pas Capumain à portée, sinon, elle aurait de nouveau fait un Strike, pour sûr.

Gold, pourtant, s'en tira sans égratignure, et avec appréhension, s'aventura vers l'inconnu, le cœur lourd de questions encore floues. Il ne savait toujours pas ce qu'il désirait vraiment, ni ce qu'il pouvait obtenir, mais depuis le baiser secret qu'il avait osé donner à Silver, un fait était clair : il était incapable de feindre une amitié avec le rouquin. Il désirait plus, tellement plus. Il avait conscience, des risques, du peu de chance qui s'offrait à lui, et il priait juste pour que le couple d'homosexuels à qui il allait demander conseil, puisse lui venir en aide. Ou, tout au plus, tuer les sentiments qu'il portait avant qu'il ne le ronge jusqu'à la moëlle.

L'autre groupe, loin de ces préoccupations, n'eut aucun mal à trouver Shagi et Makanie, qui arrêtés par la dame de l'accueil quelques minutes auparavant, semblaient dubitatifs. Pourquoi avait-elle dit à l'irisien que la prochaine fois, il pouvait faire un effort et « casser la gueule » à des gens non assurés, histoire que ce soit rentable ?

Yoann rigolait dans sa barbe.
Cristal les rejoignit avec un sourire mystérieux, et haussa les épaules dans un rire quand on lui demanda le résultat de ses analyses –pour le moins rapides-. Christopher et Angèle peu dupes eux, lancèrent, émus jusqu'aux larmes :

-Notre petit bébé devient un grand garçon Christopher…
-Oui et maintenant, il a sauvé la chine ! Gémit le concerné en enlaçant « maman » tout dégoulinant.

Ils ne se gouraient pas de dialogue là ?

Un peu plus loin, dans les couloirs, Gold vivait une expérience traumatisante après une conversation avec le couple d'homosexuels, qu'il vaut mieux censurer pour le moment.

Eléa recevait des soins complémentaires, et reprenait doucement conscience devant un Régis rassuré.

Akira recevait des gélules pour sa vue, qui devait prolonger le temps de vie de ses yeux, et Samantha des calmants et quelques autres médicaments.

Parker annonçait quant à lui à Daniel la fragilité excessive de sa cheville, que plus rien ne pouvait enrayer.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Cynthia délaissa ses recherches du moment un instant et alla se passer un coup d'eau sur le visage, pour se revigorer.

Le soir tombait, et elle avait mal au dos, à force d'étudier les textes. Elle se fustigea gentiment, en se rappelant qu'elle devait au moins passer dire bonjour à Salomée. La pauvre devait se sentir délaissée et seule, même si le temps coulait sur elle, la solitude pesait déjà bien trop souvent sur des milliers d'individus, alors si elle pouvait alléger de cette peine l'un d'entre eux…

Doucement elle bailla, et referma l'ouvrage complexe qui appartenait au préalable à sa grand-mère, habitant Celestia.

Un des chapitres révélait avec « exactitude » le rituel qu'avait effectué Eléanora dans la légende pour devenir la Gijinka d'Arcéus. Il prenait à présent tout son sens à ses yeux, bien qu'il lui manquât toujours la partition qu'avait chanté la jeune femme pour appeler le dieu.

Doucement, elle mit son portable à charger, la pauvre bête avait été abandonnée, agonisante, sur le comptoir, depuis des jours, et sa pauvre batterie déjà mise à plat, n'avait pas survécue. Cependant, son meilleur ami –un compagnon datant de son voyage initiatique il y avait 20 ans- tardait à lui répondre, amener les documents qu'elle lui demandait, et ça ne lui ressemblait pas, elle voulait s'assurer qu'il n'avait pas eu de problème, lui et sa famille. Les Irving avaient après tout, fait d'elle la marraine de leurs dos précieux et adorables enfants –auxquels elle avait offert à tous deux des togepi.

Elle fut surprise par le bip strident que l'engin émit à peine allumé.

Paniquée à l'idée que ça réveille le pauvre Aaron, assoupi sur la table après l'avoir aidé dans son travail, elle le fit taire d'un coup de poing bien placé. Le pauvre téléphone grésilla, mais ouvrit tout de même les messages textes qui s'accumulaient sur la boîte de réception.

Le sang de la maîtresse de Sinnoh se figea dans ses veines.

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L'infirmière Joëlle de Jadielle vivait le 9 ème pire jour de sa vie. Elle tenait le compte. On lui avait dit que bientôt le temps lui passerait au dessus de la tête, mais c'était faux, elle comptait, chaque heure, chaque minute de son existence, et tout s'écoulait avec une lenteur désespérante.

Effondrée, elle se tenait dans la chambre de sa fille, Samantha, enfoncée sous la couette, essayant d'y percevoir encore son odeur. Sa sœur, venue s'occuper du centre Pokémon pendant qu'elle « récupérait » lui avait conseillé de ne pas s'enfermer dans ce sanctuaire. Mais elle refusait de l'écouter. Elle refusait de parler de l'enterrement avec elle.

Comment pouvait-elle-même y songer ? Samantha était apparue dans sa vie comme le plus beau des cadeaux, et ce garçon roux était arrivé. Son frère, sa véritable famille. Et on le lui avait repris son bébé.

Sans Samantha, elle ne percevait plus d'avenirs. Elle comprenait alors pleinement, pour la première fois, toute l'ampleur du rôle maternel, qu'elle avait crû entreprendre de manière gauche et superficielle. Non. Toute son existence, ses dernières années, elle les avait passé à éduquer son enfant, à lui forger un avenir, à avoir des projets pour elle, croyant assister comme spectateurs respectables à l'éclosion d'une véritable rose.

Mais la fleur s'était fânée, on l'avait déracinée, et elle se retrouvait là, esseulée, les bras pantelants dans un monde creux et désolé.

Désolé.

Elle haïssait ce mot. Tout le monde trouvait judicieux de le lui répéter, les parents d'Armand –tout juste remis-, ses sœurs, les villageois….

Désolés pour quoi ?

Pour sa peine ? Ils s'en fichaient éperdument, ne pouvaient guère comprendre ses sentiments, ils voulaient juste faire bonne figure ! Pour l'existence de Sam si brève ? Qu'ils aillent tous au diable, au diable !

L'infirmière Joëlle se recroquevilla en refoulant un sanglot.

Pourquoi n'était-elle par morte à sa place ? Elle, elle avait déjà vécu une bonne part de sa vie ! Cela n'aurait pas eut vraiment d'importance !

L'odeur de Sam l'assaillit de toutes parts, et elle ne put retenir ses larmes, se laissant aller au chagrin.

Comment osait-on lui parler encore de tombe après être entré ici ?

Le lit était défait, abandonné dans la précipitation, il y avait encore le sac de voyage de Sam, à moitié éventrés, avec sa trousse de toilettes et le peu de maquillage qu'elle mettait. L'appareil photo contenant le cliché d'elle et Silver Gisait sur le bureau et l'affiche du dresseur masqué dépassait encore d'un tiroir mal refermé dans la hâte.

L'âme de Samantha vivait en ce lieu, son fantôme parcourait la moquette d'un pas feutré, elle vivait ici. Et si vraiment, sa fille avait quitté ce monde, alors c'était ici, son seul linceul.

L'infirmière inspira profondément, et imagina sa petite chérie se glissant dans les couvertures de son lit, au creux de ses bras, gestes qu'elle osait rarement effectuer, même petite. L'infirmière referma sa prise sur du vide, alors que le sourire innocent de Sam s'évaporait dans un voile de larmes amères.

Elle ferma les yeux, avec la conviction intime, que son cœur, malmené, ne pouvait que s'arrêter de battre, briser, tant il souffrait de la disparition de son bien le plus précieux. Mais comme tous les autres jours, il demeura, battant, douloureusement vivant.

On toqua à la porte, Joëlle sursauta, avec espoir et un visage en tout point semblable au sien se faufila à l'intérieur du sanctuaire. L'infirmière chuta, le désespoir crispant chacun de ses muscles, raidissant sa mâchoire pour ravaler un hurlement désemparé.

Ce n'était pas sa fille qui revenait à la maison, embarrassée d'avoir tant tardé, apeurée à l'idée de se faire gronder. En cet instant, L'infirmière sut, que, si son enfant réapparaissait miraculeusement, elle ne trouverait pas la force d'hausser la voix contre elle.

Cependant, un garçon, qu'elle avait rencontré la veille de la disparition de sa fille, suivit sa sœur, et la fixa avec un sourire ennuyé, embarrassé.

-Madame Joëlle…Bonjour…Balbutia-t-il.

La femme ne bougea pas d'un pouce, et il dut marcher jusqu'à elle, s'accroupir et finalement s'allonger sur le sol, face à elle, dans le lit dans l'alcôve, pour qu'elle daigne poser son regard vitreux, terne, rouges de pleurs, sur lui.

Alors le grand brun lui murmura les mots, dans un secret religieux, ceux qu'elle désirait entendre de tout son être, mais qu'on refusait de lui donner :

-Votre fille est vivante madame.

Quelques minutes plus tard, Lucas, souriant, ravi d'avoir pu convaincre sa cousine de revenir sur ses mots, juste pour prévenir la mère de Sam, laissait sortir Suicune. Cristal lui avait prêté exceptionnellement, et il aida l'infirmière à monter sur son dos avec lui, en lui répétant une nouvelle fois que la survivance de sa fille devait rester un secret total, même au sein de leur nombreuse famille. Joëlle hocha la tête gravement, n'osant y croire mais ne pouvant s'en empêcher, prête à obéir à n'importe quel ordre si on lui accordait ce simple vœu : voir sa fille en vie.

Ils disparurent dans un éclair bleuté, comme des spectres fugaces allant vers d'autres mondes.

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Akira caressait la chevelure de Sam d'un geste mécanique à présent, et elle, encaissait comme s'il n'avait été qu'un pâle coup de vent passant sur sa frimousse. Plus rien ne l'atteignait véritablement. Elle n'aspirait qu'à retrouver la paix, la sensation de flotter dans un refuge coupé du monde, la même impression qui l'avait assaillie lorsque la drogue coulait encore dans ses veines.

Mais elle s'en trouvait incapable. Elle avait quitté cet espace clos, intérieur, où la souffrance ne l'atteignait plus, contre son grès, pour revenir dans un monde plus disloqué encore qu'elle ne l'avait quitté.

On toqua à la porte, et une personne entra dans la pièce, silencieusement. Lentement, le garçon se plaça devant Samantha, et lui fit un sourire compatissant.

Yoann se tenait là, il la narguait avec sa bonne humeur, et elle n'avait même pas la force de le faire fuir. Elle désirait juste que tout ce manège cesse, qu'en fermant simplement les yeux, elle se retrouve dans son lit, la veille du tournoi de fin d'années, prête à en découdre avec Armand, encouragée par une Eléa en forme, un professeur voyant parfaitement ses prouesses, un Lucas normal, et surtout, un Silver qui n'avait pas d'autres rôles à tenir que celui d'un ami. Elle souhaitait juste revoir sa mère et l'enlacer, lui confier qu'elle vivait, qu'elle allait bien, qu'elle avait encore un avenir.

Même si c'était un mensonge, même si c'était en vérité une illusion, elle aurait tout donné, tout, pour que cette scène se mette en place. Même si tout ceci, toute cette danse ne se révélait être qu'une immense pièce de théâtre aux gestes mécaniques et aux sourires artificiels. Au moins, dans les méandres de son esprit, personne ne succombait, tout restait éternellement heureux. Elle ferma les yeux pour se plonger corps et âmes dans ses illusions aux allures merveilleuses.

Le rêve avait au moins la saveur qu'elle désirait, contrairement à cette réalité dont le goût amer infiltrait sa gorge perfidement.

-Eléanore s'est réveillée tout à l'heure. Elle semble aller mieux grâce aux médicaments que lui ont donnés les médecins, et la transfusion aussi.

Samantha ne bougea pas d'un cil devant le petit médium, comme une poupée de chiffon abandonnée sur l'asphalte, le regard éteint fixant les cieux gris déversant ses larmes sur elle, sans lui ouvrir les bras.

Et alors ? Qu'est-ce que cela changeait au juste ? Eléanore allait peut être mieux à présent, mais elle ne pouvait plus marcher. Elle finirait par la quitter, inexorablement, malgré tous ses efforts pour la retenir auprès d'elle. La maladie qui la tuait se montrait bien plus forte qu'elle. La lutte était vaine, alors autant arrêter le massacre avant de souffrir de ses plaies.

Yoann désemparé, regarda les personnes, penchés sur le seuil de la porte, qui lui faisait signe de continuer. Akira secoua légèrement l'épaule de Samantha, mais elle oscilla, flasque, inerte, comme plongée dans ses propres tourments. Le professeur soupira de désespoir et plissa les yeux, coupable.

La petite fille à qui il avait tenu la main durant toutes ses années, avait échappé à sa prise une seule et unique fois, et aujourd'hui, il la retrouvait dans cet état, brisée. Par sa faute. Il avait été incapable de la protéger jusqu'au bout.

-Sam…Réitéra Yoann, un peu plus insistant.

Devant l'absence de réponse, le gamin recula. Puis il fronça les sourcils er lâcha :

-Sam, es-tu heureuse, comme ça, dans ton monde imaginaire ?

L'enseignant sursauta, et Samantha frémit sous sa main, les yeux écarquillés, elle dévisagea le gamin en face d'elle, stupéfaite.

Une réponse, qu'elle refusait d'admettre, fusa dans son cœur. Non elle ne l'était pas. Parce que tout ce qu'elle y voyait, ne serait jamais le reflet de la vérité. Quel intérêt y-avait-il à songer à un bonheur inaccessible ?

Mais…

Samantha se recroquevilla. Plus elle cherchait, plus elle s'empêtrait dans un cercle de pensées inextricables, intarissables, inlassables.

C'était justement parce qu'il était si lointain et impossible qu'elle n'avait d'autres choix que de le voir en songes !

Yoann sembla percevoir son désarroi, son dilemme, puis son regard se porta sur le seuil de la porte, et il sourit. Doucement, il lança, presque tendrement :

-Samantha veux-tu être heureuse ?

La dresseuse tressaillit, les lèvres pincées, refoulant un cri désespéré, Elle ferma violemment les paupières, comme refusant de voir cette lumière d'espoir, cette infime proposition. Et pourtant, elle entendit vaguement les mots du petit médium qui murmurait :

-Alors donne-t-en les moyens. Et sourit, petite souris !

Quand elle rouvrit les yeux, il n'était plus là, devant elle, mais se dirigeait vers la sortie, elle se retourna, comme pour lui ordonner de rester, de lui donner d'autres indices, mais sa voix se figea au fond de son gosier.

Lucas se tenait sur le seuil de la chambre, essoufflé, mais avec un sourire, et à ses côtés, à ses côtés, il y avait sa mère.

Pas un mot ne fut prononcé, juste une vague annonce de sanglots et de larmes. Puis l'infirmière Joëlle de Jadielle se tendit et se jeta sur sa fille pour l'enlacer contre elle dans un dernier hoquet effrayé, comme craignant de la voir disparaître, même au creux de son étreinte. Samantha, pétrifiée, sentit la glace, la coque protectrice qu'elle avait vaguement tenté d'établir de nouveau autour d'elle, entre elle et ses proche se fendiller, fondre sous la chaleur de cette embrassade qu'elle ne croyait ne plus jamais savourer.

Son regard outremer scintillant d'embruns d'argent et de larmes se posa sur Lucas, qui lui sourit de toutes ses dents, et une grimace semblable à l'ébauche d'un sourire étira ses traits restés trop longtemps inertes. Un sanglot la secoua et elle bafouilla un « maman ! » étranglé, empli de reconnaissance.

Yoann fila une accolade au brun, ému, et celui-ci ricana, touché de voir que finalement, il avait pu aider à recouvrer une parcelle de la Samantha si chère à son cœur. Il s'éloigna, libérant juste Brasergali, et il abandonna Yuki, Sam, Joëlle et le Pokémon à leurs retrouvailles.

Ce moment, il n'appartenait qu'à eux.

Lucas regrettait juste d'avoir tant hésité, tardé à aller chercher l'infirmière, mais il doutait qu'avant, l'action eut le moindre effet. Et de toute manière, avant, Marion ne le lui avait pas permis, trouvant toujours qu'informer les joëlle mettait en danger le monde médical. Lucas ignorait quels mots avaient put toucher sa cousine au point qu'elle change d'avis, qu'elle fasse l'unique exception la mère de Sam, mais il s'en réjouissait.

Cristal se dirigea vers lui ; et elle lui souffla, touchée :

-Tu es vraiment quelqu'un de formidable Louka, un ami sur qui on peut compter.

Le brun rigola simplement, plus affecté qu'il ne désirait le montrer. Puis son regard se posa sur Silver, encadré par Christopher et Angèle, dans le couloir. Il avala sa salive de travers, et fit un pas dans sa direction.

Le rouquin leva les yeux vers lui, étonné de sa présence, et Lucas serra les poings alors qu'il lançait :

-Tu devrais aller la voir. C'est ta sœur aussi.

Silver eut un rictus douloureux, et siffla avec déception :

-Je ne ferai que gâcher la scène. Ce genre d'élan d'affection, c'est pas vraiment mon truc.
-Mais…
-Si Samantha avait désiré ma présence, elle l'aurait fait savoir depuis longtemps. Elle…Elle ne veut pas d'un frère comme moi, c'est tout.
-Je pense qu'elle ne veut juste pas d'un père comme le votre. Précisa Lucas, bien que chaque mot lui coutait.

Silver dévisagea ce grand dadet, et il ricana, juste, malheureux, tout en passant une main sur sa frimousse :

-Qui voudrait de lui ?

L'agacement atteignit Lucas, alors que Gold revenait, secoué, auprès du groupe.

-Vous partagez le même sang et les mêmes sentiments, alors pourquoi, tu refuses d'aller la voir toi aussi ? Tu es son frère, et ça rien ne changera ces faits !
-Exact.

L'approbation du roux fit éclater toute fureur naissante et son ton calme et posé ramena sagement les spectateurs à terre.

-Je suis son frère, et rien ne changera ça. Tout comme Giovanni est notre père. Même si on le désire ardemment, il y a des faits qui restent immuables. Crois-tu que c'est rendre service à Sam, de m'intégrer dans son monde, moi qui lui rappellerait toujours quel monstre l'a engendré ?
-Silver…

Ce murmure peiné échappa à nombre d'entre eux, étreints par la déception, le renoncement muet qui se lisait dans ce geste. Mais Silver, à leurs larmes silencieuses, invisibles, répondit par un sourire moqueur, railleur, de leur peine, comme de la sienne.

-J'ai grandi avec ce fardeau, comme fils unique. Je peux continuer à vivre ainsi éternellement. Si Sam émet le désir un jour, d'avoir un frère, je serai là, mais si elle préfère son existence sans moi, sans Giovanni, je le comprends, et je l'accepte.
-C'est injuste. Parce que l'ombre de ton père plane encore, tu refuses de retrouver une famille ? Lâcha Cristal, furieusement froide.
-Peut être…J'ai l'habitude de ça aussi. Puis…Lucas s'occupe très bien de Sam pour moi, et Gold garde un œil sur elle à ma place.

Les concernés rougirent brusquement ; mais Cristal persiffla tout de même :

-C'est stupide…Rah les mecs !

Le roux grimaça, mais ne répondit pas à la remarque et Gold plissa les yeux, touché. Lucas inspira profondément, la tête basse, assimilant progressivement les arguments.

Lui aussi, il devait vivre avec sa famille, et ne pouvait nier ses liens avec eux, même Marion, et pourtant…

Il observa la foule, pour discerner sa cousine blondinette, assise sur un banc, la mine soucieuse.

Il n'avait pas pour autant l'envie de la voir disparaître, de se séparer d'elle totalement et définitivement. Malgré sa rancune insidieuse, elle restait la fille avec qui il avait grandi depuis toujours. Il secoua la tête, perturbé par le discours du rouquin, puis remarqua Daniel qui boitillait dans leur direction, impassible. Une question refoulée depuis des jours refit surface.

-Silver…Tu sais pourquoi Daniel oublie Samantha ? Ca a un lien avec votre famille ?

Il avait dit ça, en désespoir de cause, juste parce qu'il ne trouvait pas de point de repère, d'endroit par où débuter les recherches, aussi, sursauta-t-il quand le rouquin lui donna la réponse sur un plateau d'argent :

-C'est à cause de notre mère. J'ignore pourquoi, mais elle a réussi à sauver Sam un soir, et probablement pour que Giovanni l'oublie, elle a fait d'elle un être atemporel. Cela signifie que les personnes qui ne sont pas attachés à elle, ou qui désirent l'oublier, l'ignorer…Voient leurs vœux exaucés en quelques sortes. Je suppose que ma mère n'avait pas prévu que Giovanni la prenne pour elle à cause de la ressemblance.

L'annonce tomba, comme un choc, mais ce ne fut pas Lucas qui répondit, le brun bien trop soufflé par le caractère indélébile que prenait l'oubli.

-Donc, petit à petit, on oubliera tous Sam ?

Daniel se gratta le crâne, et afficha un sourire rassuré quand il vit Eléanore, portée par Régis, s'avancer jusqu'à eux, de toute évidence, en meilleure forme. La jeune dresseuse, bien que mal et haletante, droguée aux médicaments pour le moment, essayait de conserver des idées clairs. Miyu, de retour, malgré sa faiblesse parallèle à la gamine, précisa :

« Ce n'est pas ce qu'il a dit. Juste les personnes qui ne portent pas Sam particulièrement dans leur cœur, l'oublieront, t'écoute des fois ? »

Eléanore grommela, surtout quand Silver lui répéta exactement la même information. Elle fronça les sourcils, victime de maux d'estomac et de douleurs au thorax, très peu agréables. Elle contempla son petit-ami –ça lui faisait tout drôle de nommer Daniel ainsi- et elle balbutia :

-Il n'y a aucun moyen de rendre la mémoire perdue ?
-Pas à ma connaissance.

Eléa grimaça et toisa l'assistance avec une détermination atténuée par sa mauvaise santé.

-Dans ce cas, personne ne l'oubliera.

Son ton, sans détour, franc et intransigeant, figea quelques uns sur place, Shagi siffla, marmonnant qu'ils n'avaient pas que ça à faire, se souvenir d'une idiote pleurnicharde, mais elle l'ignora et se tourna vers Daniel pour lancer :

-Et toi…Puisque c'est trop tard, on te représentera Sam. Encore et encore, jusqu'à ce que tu la gardes bien en place.

Danny parut étonné, mais il haussa les épaules, comme pour signifier que cela lui convenait, comme marché, puis il balbutia :

-Tu va mieux ?

Eléa arqua un sourcil, et grommela :

-Bah…J'aime pas les hostos, faut bien que je me rétablisse vite si je veux partir.

Régis ricana, ne pouvant s'empêcher de lancer un « T'es vraiment une gamine pourrie gâtée… », Ce à quoi elle répliqua par un signe victorieux et fier. Un moment de silence s'imposa sur le groupe, où tous, gardèrent leurs pensées diffuses pour eux, ressassant tous les évènements qui s'abattaient sur eux, les uns après les autres. Puis, au bout d'un moment, Eléa balbutia :

-Je peux voir Sam ?

Lucas s'approcha de son amie, et ensemble, ils entrèrent dans la chambre de Samantha. Daniel, las, préféra se laisser tomber sur le sol, et soupirer d'aise, ravi de reposer sa cheville, cependant régis vint se planter près de lui, et doucement il lui souffla.

-J'ai pu parler un peu avec Eléanore.
-Ah ? Répondit-il discrètement.

Régis inspira profondément et bafouilla :

-Je suppose…Que je ne peux rien faire, si ce n'est espérer que soit tu la rendras heureuse, le peu de temps qui lui reste, soit que vous vous trompiez tous les deux, et que je puisse l'avoir pour moi.

Ses joues se teintèrent d'un carmin profond, et il détourna la tête, honteux, mais Daniel ne s'en offusqua pas le moins du monde, il se contenta de répondre :

-J'espère aussi…Que ça se passera comme ça.

Lentement, les deux rivaux se détachèrent, se murèrent chacun dans leurs propres réflexions. Gabriel vint s'accouder à son frère, et l'aîné, avant qu'il ne trouve le moment propice pour lui annoncer son début de relation avec Eléa, l'entendit ronfler sur son épaule, exténué. Déçu, il garda donc ce secret pour lui, se concentrant sur les échos provenant de la pièce close où se reposait la Sam dont on parlait.

Il perçut l'éclat de rire d'Eléa. Lentement, ses doigts effleurèrent sa cheville meurtrie, et un sourire confiant se nicha sur sa frimousse.

Cela valait l'offense.

Même s'il allait conserver des séquelles toute sa vie, entendre le rire de la jeune fille qui peuplait ses heures, lui suffisait amplement.

Sans même s'en rendre compte, probablement lui aussi bercé par les produits qu'il avait ingéré contre la douleur, il s'assoupit à son tour.

Shagi soupira, en voyant tous les occupants du couloir s'endormir un à un près de lui, même Makanie, pourtant si excitée, si déterminée à lui raconter une énième fois comment elle avait convaincue Aaron de poursuivre l'aventure avec elle, avait fini par céder. L'irisien tiqua, mal à l'aise de retour sur son île natale.

Il jeta un coup d'œil à droite, où Silver, entouré de Cristal, Gold, Angèle et Christopher, semblait regretté son statut d'orphelin qui lui conférait le droit à tant d'attentions, et surtout à un mal de tête carabinés suites aux babillages incessants de son entourage. Il observa la gauche, pour constater une Marion plus ou moins déprimée, avec la troupe de dormeur. En face, juste une porte close.

Exaspéré, il s'accouda au mur et grogna. Malheur, Yoann se tourna vers lui, et lâcha :

-Ca fait longtemps que tu n'es pas revenu chez toi ?

Très peu enclin à répondre à cette interrogation qui ramenait des souvenirs peu joyeux, des scènes d'adieux en autres, il délesta :

-Oh, je t'avais complètement oublié toi ! Tu étais encore là ? Depuis quand ?

Cette remarque fit mouche puisque Yoann gonfla la joue, irrité de toute évidence. Son rival ricana. Mais il ne s'attendait guère à ce que sa victime réplique si vite :

-C'est ça fait le malin. J'en déduis juste que c'est un sujet sensible.

L'irisien écarquilla des yeux, surpris, mais il reprit rapidement contenance.

-Non juste que j'ai pas envie de t'en parler.
-A d'autres, je suis médium, je te signal, je sens ce genre de choses. Je suis même, à ce qui parait, assez doué pour analyser et reproduire ce que je vois, d'après Peter.
-Oui et d'après Peter, si on arrive à vaincre les Teams, le mal cessera d'exister à la surface de la planète aussi. Tu vois Peter dit beaucoup de conneries, ce ne sera pas la première, ni la dernière.

Profondément vexé, Yoann croisa les bras. Cette attitude évoqua une image à Shagi, plus forte qu'il ne le voulait, et il se surprit à voir l'image d'un Harry – essayant tant bien que mal de lui apprendre la table des types Pokémon à 8 ans- se superposer à celle du médium. L'irisien secoua la tête, chamboulé.

Lui aussi, il devait atteindre un stade d'épuisement assez impressionnant.

-En tout cas…Tu sais comment causer à tes semblables. T'as réussi à remonter le moral de la pleurnicharde toxico. Au moins tu sers à quelque chose. Elle me tapait sur les nerfs avec ses hurlements.

Yoann s'ébroua, les prunelles écarquillées. C'était un compliment, ça, non ? Bien caché derrière les injures, mais un compliment tout de même non ? Un rictus flatté lui échappa, et il rit :

-Oui, en même temps, il était temps que cela cesse. Maintenant que ses amis, sa famille et ses Pokémons sont près d'elle, elle remontera la pente, j'en suis sûr.

Shagi grimaça, et tiqua nerveusement.

-Ouais…Décidément t'es optimiste toi. On est vraiment pas fait pour s'entendre.
-T'as tout fait pour qu'on s'entende en même temps, jetez les bonnes bases : mentir, puis enfreindre les règles de la maison, tu as vraiment fait les choses bien !
-C'est de l'ironie qui sort de ta bouche ou je rêve ? S'étonna Shagi.
-Ca doit être ton influence. Relança aussitôt Yoann outré par son propre culot.

Cependant, à son plus grand étonnement, Shagi blême devant lui, se mordait la lèvre, comme s'il entrevoyait un spectre particulièrement terrifiant. Rarement, le médium parvenait à lire une expression si sincère sur le visage de son « ennemi ». Shagi fut le premier à battre en retraite, à rompre le contact visuel, ce qui conforma Yoann dans l'idée qu'un détail clochait. Sa nature profondément généreuse prit finalement le dessus sur sa vieille rancune et toutes les raisons qui le différenciaient de l'irisien.

-Un problème ?
-Pas le tien. Argua Shagi, noir.

Yoann fit la moue, et alla s'asseoir sur le banc lui aussi, renfrogné. Il perçut néanmoins le regard à la dérobé, des œillades que lui envoyait curieusement Shagi de temps à autres, et ce geste, ce tic, l'exaspéra à tel point, l'embarrassa tellement qu'il finit par bafouiller :

-Mais qu'est-ce qu'il y a à la fin ?
-Rien.
-Non y-a pas rien !
-J'te dis qu'y-a rien.
-Mais qu'est-ce que t'es borné !
-Pas plus que toi Har…

Le brun referma brusquement sa bouche sans finir sa phrase et il se referma comme un kokiyas. Les deux adolescents se toisèrent une seconde, avec une mine de défi, puis, relâchèrent la pression, frustrés, mais indemnes. Quelques minutes s'écoulèrent seulement peupler par les gloussements fiers de Christopher et Angèle, toujours amusés par leurs rôles de « papa et maman ». Alors que Yoann croyait la conversation définitivelent terminée, Shagi bafouilla :

-Tu considères toujours tes Pokémons comme tes amis donc…
-Evidemment !
-Et bien évidemment, tu ferais tout pour sauver Pokémons et humains ?
-J'me suis pas engagé pour jouer les héros. Je crois en les idéaux de Twilight. Je sais que l'on peut réussir.
-Réussir quoi au juste ? Siffla Shagi, irrité.
-A créer un monde de paix.

L'irisien fixa le médium, ses pupilles sombres aux reflets violacés se heurtèrent au regard indéfectible, surnaturel du gamin.

-Et qu'est-ce que tu feras après ça ? Qu'est-ce que ça t'apporte au juste de faire en sorte qu'une bande de gros tas puisse bouffer leurs graisses en paix ?
-Rien. Juste l'impression d'avoir donné un sens à ma vie. Ensuite, j'irai faire mon voyage initiatique, et remporter la ligue, je serai un champion, pas un médium.
-Ouais, à ce que j'ai cru comprendre, t'as une famille de zinzins. Déballa sans état d'âme l'irisien.
-C'est faux !

Yoann haussa involontairement le ton, et Shagi sembla surpris par la tournure que prenait leur discussion.

-Ma famille n'est pas zinzin…Elle est juste un peu trop traditionnelle. Mais j'adore ma famille.
-Ils veulent pourtant t'obliger à devenir ce que tu ne veux pas être. C'est assez cruel ça, non ?

Le médium se pinça les lèvres, retenant son souffle, puis avec hargne, il répliqua :

-Pas vraiment. C'est normal qu'ils aient des projets pour moi. Puis de toute façon, je vais me battre s'il le faut, pour qu'ils acceptent ma décision. Point.

Avec conviction, il saisit son poing et lança :

-Je vais d'abord être un bon membre pour Twilight, en portant correctement le costume de Theodd, et ensuite, je deviendrai un excellent dresseur. Puis ce sera fait.

Shagi fronça les sourcils, et son visage s'assombrit gravement. Il croyait le petit médium du genre effacé et timide, mais en vérité, il savait parfaitement où il se dirigeait. Contrairement à lui. Un sourire moqueur lui échappa. D'un geste nonchalant il frotta le crâne de Yoann, le décoiffant au possible.

Le petit médium, le crâne frictionné, les lunettes de travers, fixa avec ébahissement le brun devant lui, qui se levait et s'étirait comme de rien. Celui-ci se tourna vers lui, envoyant une œillade de haut, et il ricana :

-T'es vraiment qu'un gros naïf. La vie c'est pas si simple que tu ne le crois.

Yoann allait répliquer, mais Shagi le prit de court et poursuivit doucement :

-Mais reste comme ça. Il en faut bien…Des gros naïfs dans le monde…Sinon, il serait triste.

Pantois, ne saisissant pas toute l'ampleur des paroles de son camarade, Yoann resta un long moment silencieux, la tête dans les nuages.

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Bien à l'abri derrière la cloison, Eléanore, bien qu'un peu haletante, assise sur le lit de son amie, lui frottait le crâne avec bienveillance. Les sanglots ne tarissaient pas, et la brune allait se taper un sérieux mal de crâne, mais si ça lui rendait le sourire, alors, Eléa était prête à endurer.

Entourée d'Akira, Joëlle et Lucas, Samantha n'avait plus rien à craindre. Miyu voletait au dessus d'eux avec une mine soucieuse, minaudant qu'il ne comprenait décidément rien aux humains. Eléa rigola, et toussa de nouveau. Les pensées légèrement confuses.

-Le moins qu'on puisse dire…C'est que même à moitié morte j'ai entendu parler de toi. T'as du leur foutre une belle trouille. Railla gentiment Eléanore.

Samantha hoqueta, bien que cela ne ressemble pas à un rire, il encouragea les spectateurs émus à l'imiter, et Eléa plaqua ses mains sur ses hanches, faussement furieuses, pour répliquer :

-Nan mais franchement, t'es pire que Hope ! Un gros bébé ! Qu'est-ce que je vais faire de toi ? On te lâche deux minutes et tu te fais avoir !

Samantha se plaqua un peu plus contre elle, et balbutia :

-Et…Et tes jambes ?

Eléa grimaça, puis relança aussitôt sur un ton narquois :

-Quoi, quoi, quoi ? Mes jambes vont très bien et si tu continues à pleurer, je vais les utiliser pour te botter le derrière ! Sans Pokémon, crois-moi !

Samantha ricana bruyamment, et Lucas put lui frotter le dos sans qu'elle ne le rejette violemment comme elle l'avait fait les dernières heures. Lui prodiguant un peu de sa bienveillance, de son soutien, le contact renfloua légèrement l'adolescente. Joëlle contempla sa fille attendrie, et elle attrapa le bras d'Akira Yuki, complices. Le professeur fit une moue, et se concentra sur les sons qui l'entourait, pour percevoir les pleurs de son élève se soulever pour devenir des rires, à défaut de voir cette transformation s'opérer sur la frimousse de sa protégée.

-Si…Silver…
-Ouais c'est ton frangin d'après ce que j'ai compris. Devina Eléa en tapotant le dos de sa meilleure amie. Elle fit mine d'être excédée en grommelant et grimaçant à Lucas qui camoufla son amusement.

Samantha hocha la tête négativement, comme refusant cette réalité.

-Toute façon, vous êtes aussi intenables l'un que l'autre. Classa l'affaire simplement Eléanore. –Faites comme vous voulez, ça me regarde pas. Du moment que je suis pas prise entre vous deux.

Samantha hocha du chef, docilement, comme promettant muettement, et sa mère la prit dans ses bras, prenant la relève d'Eléa. Celle-ci se laissa aller contre le flanc de Yuki, tourmentée, exténuée, mais elle tâcha de faire bonne figure.

-M…Merci…
-Merci pour quoi ? Rétorqua Lucas. –Pour t'avoir supporté alors que t'étais hystérique ? Pour t'avoir sauvé la mise ? Pour avoir ramené ta mère ? Pour êtres tes amis malgré tous tes choix et tes secrets ? Pour être restés ?

Samantha écarquilla les yeux devant la plaisanterie, et son visage reprit des couleurs alors qu'elle bafouillait :

-Un peu de tout ça.

Eléa siffla, puis elle se fit de la place sur le lit de Sam à côté d'elle, et rétorqua, autoritaire :

-Tant mieux, parce que j'ai bien l'intention de dormir avec toi cette nuit !

Elle afficha une moue taquine, et enchaîna :

-Je crois que ma vieille peur du noir me reprend !

Samantha tendit la main vers elle, peu dupe, et constata encore une fois combien elle bouillait de fièvre, combien elle était pâle et faible. Akira avait pris un coup de vieux également, avec son regard terne, Lucas paraissait au bord de l'épuisement et sa mère…Sa mère rayonnait de joie malgré son état pitoyable, ses cheveux emmêlés et ses cernes rouges.

Samantha grimaça, émue, honteuse. Les mots de Yoann raisonnèrent en elle comme un glas, et comme devinant ses pensées, Eléa lança :

-Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai envie d'une histoire avant de m'endormir. Madame Joëlle, on m'a dit que vous racontiez super bien l'histoire de cendrillon ça vous dit ?

La prise de Sam se raffermit sur le bras d'Eléa, comme un remerciement muet, comme un noyé s'accrochant à une bouée de sauvetage, et une nouvelle certitude, une vieille conviction que Giovanni avait su éradiquer avec toutes ses croyances, refirent surfaces.

Si elle voulait vivre heureuse un jour, elle devait être maîtresse de son Destin. Et même si ça lui coûtait toutes ses forces, même si pour cela elle allait devoir passer outre ses origines de bandits, elle sauverait Eléanore.

Joëlle caressa le front de fille, et alors qu'elle s'assoupissait, la mère murmura à son enfant :

-Tu as su te trouver une vraie amie ma chérie…Une amie à qui tu n'as pas honte de cacher tes peines et tes angoisses, qui comprends et soutient sans défaillir…C'est inestimable. C'est ça, la vraie amitié. Accepter pleinement l'autre.

Samantha contempla Eléanore discrètement et sourit.

Et pour la première fois depuis des semaines, Sam s'endormit avec un sourire déterminé, résolu sur les lèvres, dans les bras de ses camarades.

Tard dans la nuit, Eléanore se releva, en sueur, le cœur palpitant de manière douloureuse. Elle fixa le groupe, tous paisibles dans le monde des songes, et les pleurs lui échappèrent. Honteusement, elle plaqua son visage dans ses paumes tâchant de reprendre contenance, et Miyu face à elle, la fixa anxieux.

« Eléa…Qu'est-ce qu'il y a ? » S'inquiéta-t-il.

Eléa renifla et essuya ses joues prestement, durement, écrasant son nez et tirant ses traits pour être sûre d'effacer toute trace de sa faiblesse, et elle bredouilla :

« La chanson…La chanson d'Eléanora…Je l'entends d'ici… »

Miyu plissa soucieusement le front et un mauvais pli barra son museau tandis qu'Eléa relevait les yeux vers lui, la vision trouble et les pensées incohérentes :

« Mais qu'est-ce qui me prend de m'attacher autant à eux ? Je vais les faire souffrir comme papa et maman ! Pourquoi je sors avec Daniel alors que je sais qu'il va souffrir de ma disparition ? Pourquoi je réconforte Sam ? Elle doit apprendre à se débrouiller toute seule ! Elle va devoir apprendre à se débrouiller toute seule ! Je serai bientôt plus là ! »

Miyu battit des mains, et s'offusqua, furieux :

« Ne dit pas ça enfin ! C'est normal que tu veuilles être heureuse avant ta mort ! Arrête, je le sens en toi, tu sais que tu n'as pas le choix ! Alors profite non ! Tu as toujours fonctionné comme ça ! »

Eléa se crispa, un sanglot prit dans le gosier, et c'est en admirant son expression que Miyu comprit que quelque chose clochait. Il eu tout juste le temps d'aller dans le couloir pour hurler aux oreilles de Yoann de rappliquer en vitesse, et la gamine s'effondrait sur le carrelage en suffocant.

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Samantha rêva encore cette nuit là, avant d'être secouée par l'accident survenu au milieu de la course lunaire. Elle rêva d'Harry de nouveau. Elle ne le connaissait pas, mais elle ressentait la mélancolie, le refus, la mauvaise foi du porteur de ce souvenir comme si elle avait été la sienne.

Cette fois, ce ne fut pas un son qui arriva à elle en premier, mais une image, celle d'un Shagi un tout petit peu plus âgé, d'environ 12 ans, qui scrutait la surface de l'eau azurée, aux reflets pourpres des coraux. Il clapota légèrement sa paume sur la surface lisse et joua un peu avec l'onde en chantonnant un petit air que reprenait en concert son Tilton sur sa cabosse. Puis brusquement, alors que la comptine mélancolique touchait son point culminant, l'irisien changea de thème, répétant avec application :

-Un Pokémon normal, comme rondoudou, quand il affronte un spectre : il ne vaut rien du tout. Une attaque électrique comme l'attaque tonnerre…
-Contre un ossatueur finit toujours dans les airs.

Shagi sursauta, un frisson lui remontant l'échine, d'un bond il se trouva sur ses pieds, et son Pokémon oiseau bleu se rua vers le nouveau venu en pépiant joyeusement. Les yeux sombre du gamin s'agrandirent de stupeur :

-HARRY !

Le concerné lui envoya un sourire triste et fit un bref signe de la main. Il se rétracta tout aussi vite, apeuré, quand le cri furieux explosa :

-MAIS T'ETAIS OU BON SANG ! TOUTE TA FAMILLE TE CHERCHE PARTOUT ! CA FAIT 6 MOIS QU'ON ENTEND PLUS PARLER DE TOI ! T'IMAGINE UN PEU ? C'EST PAS PARCE QUE T'AS AUTANT DE PERSONNALITE QU'UNE CARPETTE QU'IL FAUT ESSAYER DE LES IMITER !

Harry baissa les yeux honteux, et sa bouche se tordit en une grimace, penaud, il bredouilla :

-P-pardon…
-SI TU SAVAIS CE QUE J'EN FAIT DE TON…DE TON…

Un hoquet interrompit la tirade, et le garçon au béret, boitillant, leva les yeux pour admirer un Shagi, tendu comme un arc, luttant, prenant sur lui-même pour s'empêcher de pleurer, tirant une tête qui valait son pesant d'or tant il crispait chacun de ses muscles faciaux pour éviter de s'humilier ainsi. Harry s'avança, claudiquant, puis s'arrêta à quelques mètres de son ami d'enfance, le visage bas.

-P-Pardon…
-Mais TA…TA…La ferme HériHary ! Gémit Shagi toujours en pleine bataille avec lui-même.

Le cadet de Peter jaugea son meilleur ami avec culpabilité, et sa frimousse s'assombrit alors qu'il maugréait :

-J'avais tort. J'ai vraiment été le pire des crétins…J'suis qu'un gros nul, incapable de faire du sport maintenant, incapable d'être un bon dresseur aussi…J'ai tout gâché. J..

Pour un peu, Shagi lui aurait balancé au visage « Il t'en a fallu du temps pour te dresser, mais ça y est, tu es enfin un débile qui s'assume et s'insulte tout seul ! Le rêve » mais sa mâchoire serrée l'empêchait de proférer le moindre son. Harry seul dans son coin, murmura alors des mots qui s'incrustèrent dans son esprit :

-Giratina est la clef pour tout réparer…

Le petit se redressa alors et tendit la main à Shagi avec bienveillance, tandis qu'il lançait :

-Shagi, s'il te plait, je ne suis pas assez fort tout seul pour changer les choses…J'aimerai que tu viennes avec moi et que tu m'aides ! Tu es le seul qui m'ait toujours compris…Et aider à ta manière et…
-P-Partir ? Bafouilla L'irisien, blanc.

Le visage d'Harry au contraire s'illumina d'une joie qu'il n'avait pas revu depuis des mois.

-Oui ! J'ai rencontré une personne à Sinnoh ! Une personne qui m'a promis qu'elle allait tout arranger ! Les Pokémons dragons de Sinnoh vont tout arranger !
-Arranger qu-quoi ?

Le cadet Lance arqua un sourcil et ouvrit les bras en secouant la tête :

-Tout ! La famille ! Ce stupide système ! Les Pokémons ! Ma jambe ! Tout !

Il lui babilla, comblé, rougissant et relança :

-Allez, Shagi, tu veux venir avec moi ? Je sais que…
-Et Arisa ? Et Makanie ? Et ta famille ? Ma famille ? Bafouilla Shagi.

Harry haussa les épaules, très peu concerné, et ce geste fit frissonner son ami d'enfance, qui s'exclama :

-M-Mais je suis bien ici ! Je suis aimé, tout le monde s'occupe de moi et j'suis le dresseur le plus fort de l'île !

Le garçon aux prunelles mordorées se figea, puis il baissa les yeux, visiblement déçu, reprenant sa main et la caressant avec amertume.

-Ah…Tu ne veux pas alors… ? Mais je croyais que…

Shagi secoua la tête avec véhémence et enchaîna :

-Mais reste, ici ! On va appeler Arisa et Makanie, elles vont te casser la tronche, mais j'te jure que j'viendrai repêcher tes restes avant que les sharkos les dévorent !

L'irisien rit, insouciant, et Harry l'imita, même si son timbre sonnait faux. Il plissa les yeux, et quand Shagi lui prit la main pour le mener jusqu'à la maison de la tante de Makanie en pépiant de joie à l'instar de son Tilton, son meilleur ami marmonna :

-Désolé Shagi…Je pensais que tu comprendrais…Mais…Je me suis encore trompé.

Shagi s'arrêta, et dévisagea son camarade, sans crainte ou anxiété, juste curieux.

-De quoi tu parles ? Plaisanta-t-il comme de rien. –Décidément, tu es non seulement boiteux, mais en plus tu causes mal. Tu parles d'un cas !
-Cette conversation n'a jamais eu lieu.

Shagi sursauta, ses iris sombres rencontrèrent ses doubles dorés et il sentit ses membres s'engourdir progressivement alors qu'il basculait du haut de la falaise. Alors que l'eau l'engloutissait, que sa bouche se remplissait de liquide et que l'air le quittait tandis qu'il sombrait vers le fond, il discerna la vague silhouette d'Harry, la frimousse catastrophée, il tendit le bras, cherchant de l'aide, et en un remous chaotique, son camarade s'évapora. Sa main se referma sur du vide et il perdit conscience.

Samantha put à peine sentir autour de sa taille les bras d'un gamin l'enserrer et l'emmener hors de l'eau, saisir les bref pensées confuses de Shagi alors qu'on le sauvait de la noyade, puis le trou noir. La dernière image qu'il entraperçut, fut la tignasse bleutée de la famille Lance, dont seul Peter n'avait pas hérité. Et un nom sauta à son esprit : Arisa.

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Eléanore papillonna des paupières, avec une impression de bien être ancrée en elle, elle n'avait plus mal, et la mélopée qui tourbillonnait dans son crâne avait reprit le ton d'un faible murmure qu'on lui aurait susurré à l'oreille.

Ses muscles raides, la bouche pâteuse, les courbatures partout, cela n'était pourtant rien comparée à la douleur permanente qu'elle avait subit ces derniers jours. Las, grommelant se soulagement, elle voulut se tourner sur le côté, et tomba nez à nez avec le visage de Daniel.

Son souffle paisible, digne d'un gros dormeur, lui chatouillait le nez, et elle rit doucement, attendrie. Lentement, elle approcha son visage du sien et lui déposa un timide bisou sur le bout des lèvres. L'adolescent ronchonna, fit la moue, tout endormi, et se détendit de nouveau, pas le moins du monde réveillé.

Eléa, amusée, analysa la situation, et reconnut de nouveau la chambre du chalet, dans lequel elle dormait au Qg de Twilight. Elle avisa le canapé, où Régis sommeillait bruyamment, avec Ash, pilou, Hope, évoli, et Torch, emmitouflés dans des couvertures, sur le tapis.

Les échos d'une pluie lointaine pleuvaient au dessus de sa tête, ruisselant sur le toit. Un grondement sourd, d'un orage retentit au loin, et un cri dans le salon lui apprit que Lucas se trouvait dans la maison, sûrement dans le salon.

Elle ferma les yeux, et se concentra sur les timbres qui retentissaient au loin, Eléanore remarqua avec un sourire celui de Samantha, qui grognait qu'elle avait faim. Ce à quoi lui répondit avec rancune Silver :

- T'as qu'à faire la bouffe si t'es pas contente !
-C'est ça, demande à une convalescente de cuisiner, t'es d'un altruisme à fendre le cœur !
-Arcéus, vous avez vu Louka ? Qu'est-ce qu'il a ? On dirait qu'il a avalé du lait d'écrémeuh ! S'inquiétait Cristal.
-Roh arrête avec ça, si tu t'inquiète va le voir, point !
-Monsieur Lucas a peur de l'orage….Grommela Christopher.
-Il faudrait que vous alliez le rassurer mademoiselle Cristal, enchaîna Angèle, joueuse.
-Hein…M-M-Mais, moi ? Mais j-je fais qu-quoi ?
-Essayez d'être douce ! Lancèrent les deux brigands.
-Enlace-le, avisa Sam.
-Frappe-le, relança Gabriel.

Il y eut un silence gêné et quelques minutes plus tard une cacophonie, un concert de casseroles et d'objets brisés informèrent de la manière dont Cristal s'y était prise. Le « EEEKKK ! » strident qu'elle poussa d'ailleurs renseignait aussi sur le caractère particulièrement douloureux qu'avait du être le choc.

- Mais tu t'y prends comme UN MANCHE A BALAIS ! Rouspéta Silver.
-AH NON ! PARLEZ PAS DE MANCHES A BALAIS ! Explosa soudainement Gold, comme apeuré.
-C'est toi le manche ! Rouspéta Cristal cul sec. –T'as un balai coincé dans le…
-AHHHH ! Hurla le brun.
-Mais bordel taisez vous JE DORS ! ALORS TOI l'AUTRE GAMIN TRAUMA , TU VAS HURLER DEHORS ! COMME CA T'AURA UNE BONNE RAISON D'AVOIR PEUR DES ECLAIRS ET TU EMMENES L'AUTRE BEUGLARD AVEC TOI !

Ouah, elle n'avait jamais entendu Akira parler sur ce ton…

« Il manque de sommeil. Il est insupportable, heureusement que Samantha a repris du poil de la bête pour le remettre à sa place. »

Miyu croisa les bras derrière sa tête, tout sourire. Comme pour confirmer ses dires, Samantha répliqua à son enseignant :

-Si ça continue, c'est vous qu'on va jeter dehors !

Eléanore pouffa ; émue de voir son amie en meilleure forme. Et elle balbutia, avisant une perfusion qui pendouillait près de son lit.

-Ca fait combien de temps que je dors ?

« Au moins 1 semaine. Tu as repris conscience de temps en temps, mais c'était pas beau à voir. Ils t'ont tous veillée tour à tour. On est le mercredi 13 mai. Beaucoup sont partis pour une séance de je sais pas trop quoi. »

-Hum…Je me sens mieux. Constata simplement Eléa, omettant le fait qu'elle ne se souvenait absolument pas de ses brèves accalmies avec la fièvre, ni même de son départ de l'hôpital.

« On est parti en douce pendant une nuit. Les médecins étaient trop curieux avec toi. » L'informa simplement Miyu, taquin. « Puis, je sais que tu te sens mieux, on est lié, moi aussi, j'suis presque au top là ! Regarde, tu as de nouveau un œil tout doré comme moi ! »

Eléa sourit, obligé de le croire sur parole, sans miroir. Doucement, elle se dodelina sous la couverture, et savoura cette chaleur, cette fois agréable et non pas étouffante.

« Bah, qu'est-ce qu'il y-a ? N'espère pas t'endormir hein ! Franchement, je m'emmerde depuis des lustres, le petit Yoann il est parti en mission, j'ai plus personne à qui causer depuis au moins deux heures ! »
-Quel drame…ironisa Eléa.
-Il s'est passé plein de choses pendant ton absence ! Ash il a failli cramé la tête à Daniel. Puis Cynthia est venue emmerder Régis pour avoir le numéro d'une fille qui s'appelle Duplica. Et régis, bah, il était tout ROUGE ! Cristal et Gold ils s'engueulent tous le temps ! Et Silver arrive à esquiver Capumain maintenant, il se le prend dans la tête qu'une fois sur trois. Il parle aussi avec Samantha, mais jamais des sujets qui fâchent. Ils tournent autour du pot et ça m'énerve ! Lucas il s'entraîne comme un dingue, et à chaque fois que Daniel et Sam se croisent, c'est limite un interrogatoire pour vérifier qu'ils se souviennent l'un de l'autre. Pour l'instant, Danny a été incapable d'avoir tout bon à un seul test, il a eu que des 0 ! Oh et Gabriel a un nouveau jouet, un ordi…Hum… Sam appelle sa maman très souvent, en secret, et sa mère lui a dit qu'Armand était venu à son enterrement, tu l'crois toi ? »

Miyu sembla songeur et flotta quelques secondes, avant de reprendre dans un flot de paroles digne de Makanie dans ses grands jours :

« J'ai aussi des nouvelles de Salomée, elle est toujours barge, mais elle semble en bonne forme, elle dit que tu peux venir la voir quand tu te sentiras mieux. On dirait qu'elle se souvient pas mal de nous tant qu'elle établit le contact dans notre tête avec lire-esprit. C'est comme un espion géant : Brr ! J'espère qu'elle n'entend pas ça l'autre ! »

« J'entends. »

Les mots sonnèrent, se répercutèrent en écho dans leurs crânes et Miyu se figea, pris sur le fait, ce qui eut l'avantage de le faire taire une bonne fois pour toute. Eléanore ricana de nouveau, la tête moins lourde et même le torse ôté d'un poids incroyable. Elle contempla le visage apaisé de Daniel et se nicha contre lui avec un sourire. Le Kazamatsuri bougea un peu, puis passa ses bras autour d'elle dans son songe.

Miyu observa la scène et attendri, lança :

« Tu vas mieux… »

Saisissant l'allusion, Eléa fit la moue, et murmura déterminée :

-La vie est trop incertaine pour la gaspiller…Je trouverais un moyen pour eux d'encaisser le choc le moment venu…Mais pour l'instant…

Miyu sourit.

« Je te préfère comme ça. »

Eléanore haussa les épaules, complètement remise et le spectre afficha un air espiègle qui la fit frissonner. Une seconde plus tard, elle percevait le cri qu'il émettait pour appeler Ash, et le dracaufeu levait le cou, pour aussitôt se jeter sur le lit qui craqua, éjectant Daniel loin de la couche. Le tapage ameuta tous les occupants du chalet qui se ruèrent jusqu'à la chambre. Régis et le Kazamatsuri, hagards, encore tout balbutiant, pris dans leurs rêves, furent aussitôt réveillé une bonne fois pour toute par les hurlements de joie des adolescents. Bientôt Eléa se retrouva ensevelie sous une vraie masse humaine et Pokémon.

Elle vit Silver, seul dans un coin, à l'écart –qui détestait ce genre de scène sentimentale et le contact comme ça- et il la salua avec bienveillance. Elle lui renvoya son geste dans un gémissement alors que Pilou, tout guilleret électrocutait les pauvres enfants.

Miyu croisa les bras, fier de son œuvre, et soupira :

Enfin une bonne journée qui s'annonçait !

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La pluie battante malgré le mois de mai, n'aidait en rien l'organisation de la conférence de Presse à être optimale. Les ouvriers qui établissait l'estrade centrale sur les décombres de l'ancien stade rechignaient encore pas mal, et piétinaient dans la bouillasse jusqu'au cou plus que le reste.

Malgré tout, ils seraient dans les temps. Les journalistes commençaient déjà placer leurs caméras sous des préaux improvisés pour le public.

Marion scrutait le désordre ambiant avec anxiété et une application exacerbée. Tout devait être parfait. Pierre, Marc et Cynthia étaient confiants, mais pas elle. Yoann avait beau porter le costume de Théodd lui garantissant l'anonymat, elle ne désirait courir aucun risque. Déjà, elle avait constitué des équipes qui allaient quadriller le secteur, pour arrêter tout individu suspect. Toutes les pokéballs devaient être remises au stand d'infirmière Joëlle et bourrés de Policier à l'entrée principale, pour éviter tout risque.

Un membre de chaque conseil des 4, se trouvait dans chaque équipe, ainsi, pas de bataille de pouvoirs. Elle scruta les lieux, appréhendant la cérémonie une énième fois.

Gabriel, Angèle et Christopher lui avaient assurés, qu'ils s'occuperaient des liaisons entre tous les membres, et ainsi, beaucoup d'entre eux arboraient une magnifique oreillettes avec un petit micro discret, prêt à donner l'alerte au moindre pépin.

Shagi surveillait la porte Est, avec Glacia, Adrien et Aldo qui s'alternaient pour les rondes à travers la ville dans ce secteur.

Venait ensuite Makanie, à l'Ouest, près de la forêt de Jade, Aaron à ses côtés, avec Phoebe, ils étaient invincibles, Clément, lui avec ses Pokémons psy, pouvait couper toute retraite à n'importe qui dans le pire des cas, et il avait pour poste la porte, juste à mi distance entre le public et son équipe.

Elle avait également confié la garde Nord à Aragon, Koga et Lucio.

Le Sud, elle s'en occupait avec Terry et Damien.

Elle se mâchouilla le pouce, se demandant si elle n'aurait pas mieux fait d'appeler les champions d'arènes ambulantes à la rescousse. Après tout, Agatha et l'ancienne Marion, championne des spectres, avaient fait partis des conseils des 4, et si Nathaniel n'avait pas ce Cv, il restait un monstre de puissance.

-Détends-toi Marion. Souffla Marc avec compassion en lui posant la main sur l'épaule. Elle sursauta et manqua de frôler la crise cardiaque.
-C-Comment veux-u que je me calme…Peter n'est pas là ! E-Et si quelqu'un était blessé ? Si…
-C'est le risque d'être dans une organisation, si quelqu'un est blessé, nous l'aiderons du mieux que nous pourrons. Coupa Pierre Rochard passivement. –N'oublie pas que l'élite des dresseurs sont réunis ici, tu crois sincèrement qu'une personne serait assez stupide tous nous affronter ?
-Mais…
-Ma parole Peter vous a bourré les oreilles avec quoi ? Des contes pour enfants ? S'exaspéra Pierre.

Marion s'affaissa, et elle se rongea l'ongle nerveusement, fermant les paupières avec force. Heureusement que Lucas était resté au Qg, avec ses amis, sinon, elle n'aurait jamais pu être sereine. Elle avait beau feindre le contraire, elle aimait son cousin, comment faire autrement ? Elle avait grandie avec lui et le considérait comme son propre frère.

Bien sûr, dans son esprit, il ne lui vint pas en tête, que c'était plutôt à elle de se considérer comme la sœur du garçon, et non l'inverse.

Le lien qui les unissait, bien qu'à sens unique –elle était trop intelligente pour méconnaitre ce fait- restait ancrée en elle, de la même manière que son amour pour Peter. Bien entendu elle le taquinait, d'ailleurs, elle avait une envie folle, en cet instant de l'appeler pour lui hurler un « BRAOUM ! » à l'oreille histoire de l'effrayer encore plus de l'orage et se calmer ainsi les nerfs, mais en vérité…En vérité si elle devait perdre qui que ce soit dans cette bataille, contempler à nouveau la vue du sang, comme la dernière fois, cette fois, elle ne retiendrait pas son haut le cœur.

Etrangement, dans les dessins animés absurdes qu'elle visionnait les samedi matins, avec son petit cousin, quand le héros se remémorait son passé douloureux, il tombait à genoux et hurlait sa peine, comme s'il revivait ses souvenirs, ses souffrances en une seconde si concentrée, si intense, qu'il ne pouvait qu'admirer la vérité et pleurer.

De cette image, elle ne retenait pour véridique que le sentiment de spectateur impuissant et vidé de toute force. C'était ce qu'elle avait ressentit la première fois qu'elle avait vu du sang de sa vie, un matin, elle s'était comme réveillée, avec des images trop longtemps occultées dans son esprit, et elle n'avait rien dit. Les réminiscences de l'accident de voiture qui avait emporté ses parents, ainsi que George, le premier mari de Lyndis, la mère de Daniel, aussi dures et violentes étaient elles dans sa mémoire, elle ne les visionnait véritablement que comme une adulte devant un film d'horreur de mauvaise qualité. Absente, presque indifférente. Comme si ces images là étaient tellement stupides, impossibles, qu'elle ne pouvait la concerner véritablement. Elle savait qu'elle se trompait, qu'elle avait véritablement été piégée dans la voiture retournée, encastrée dans bordant la route d'Azuria. Elle n'ignorait pas que le véhicule adjacent au sien avait réellement pris feu et que les cris qui avaient secoués l'air n'étaient pas ceux des monstres factices des histoires pour enfants…Elle savait que sa mère avait sorti piafabec pour qu'il la sauve, elle, avant que leur univers clos ne vole en éclat…Mais étrangement….Elle s'en fichait éperdument, le défilement continu des cauchemars avaient cessé depuis longtemps de l'effrayer, de la toucher. Comme si son cerveau avait, à l'instar de garder ce passé enfouis trop longtemps, réussi à garder sous clef la désolation de la scène, enfermée dans l'enfant qu'elle avait été, et qui était mort ce jour là, piégée elle aussi dans cette voiture.

Tout ce qu'elle désirait, c'était ne pas s'encombrer de nouvelles images, dont cette fois elle conserverait une trace, une peine tangible, béante.

Peter et Lucas, absents, ses parents à l'abri, elle craignait moins d'admirer de nouveau son monde s'évanouir sous ses yeux, mais la peur irrascible qui sommeillait en elle vivait toujours, grognait. A double tranchant, se retrouver sans ses soutiens indéfectibles, sans son cousin rival, sans son amour, elle se sentait plu démunie face à l'infortune qui guettait.

Marion secoua la tête pour chasser la mauvaise augure. Y penser n'arrangeait rien.

-Blake et Sunny savent où se placer ? Balbutia-t-il après un moment d'hésitation en se tournant vers Cynthia, censée s'occuper de l'arrière de l'estrade, juste devant la loge rénovée, refuge de dernier recours en cas d'ennuis, issue de secours de Yoann au moindre problème.

La blonde, songeuse, ne répondit pas.

-Cynthia ! S'impatienta Marion, blanche.

La championne de Sinnoh sursauta, et balbutia un « fascinant ! » en manquant de faire tomber son portable au sol dans la surprise. Elle le rattrapa inextremis, son regard se durcissant comme de l'acier, rarement aussi sérieux.

-Calme-toi. Répéta Marc, tacticien.
-Arrête avec ça tu m'énerves ! Paniqua la cousine de Lucas.
-Ne t'en fait pas, Sunny vérifie juste que rien ne manque au costume de Théodd et Blake disperse les Pokémons de Yoann et les siens aux coins de l'estrade. Tout se passera bien. Murmura Cynthia avec sang froid en pressant pourtant si fort son portable dans ses paumes, que ses phalanges en blanchirent.

Etrangement, les mots de sa collègue ne firent qu'attiser les craintes de Marion, et elle inspira profondément pour souffler avant que Marc ne relance un nouveau « calme-toi » agaçant :

-J'espère que tu as raison.

Mais tout ne se passa pas bien.