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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 16/05/2010 à 14:15
» Dernière mise à jour le 16/05/2010 à 14:15

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Episode 50 : Fantôme d'un sous-rire.
Coucou ! Je présente le nouveau chapitre, que j'ai encore du couper en deux…(normalement, la fin de la fic devait tomber sur le chapitre 50…Mais c'est pas encore ça, même si j'en suis pas loin…)
Mais j'y arriverai ! Je le sais ! Je le sens !

…hum…

Bref, tout ça pour vous dire, bonne lecture, j'espère que vous aimerez ce nouvel épisode ! Donnez moi vos avis, surtout sur la psychologie de Peter, qui doit vous dérouter en ce moment !


-chapitre 50- Fantôme d'un Sous-rire.

-Ca va aller Harry ? Tu aimes bien ta nouvelle chambre ? J'ai prise celle du rez-de-chaussé pour que tu n'aies pas à monter les escaliers et les descendre toute la journée. Ca te va ? Tu n'as pas mal ? Tu vas voir, l'hôpital n'est pas loin du tout, tu n'auras pas à marcher beaucoup pour aller voir ton rééducateur.

La femme, tante de Makanie si on en jugeait par la ressemblance, une grande dame à la peau mâte mais aux cheveux et aux yeux clairs, fixait son invité avec inquiétude, une tendresse presque maternelle dans le regard. Le gamin devant elle affichait un sourire simple, rayonnant tandis qu'il acquiesçait évasivement. Le dénommé Harry possédait de grands yeux mordorés, ternes, un visage aussi pâle que l'écume, et une tignasse bleu ciel camouflée à grandes peines sous un béret, il se tenait sur le seuil de la maison, appuyé contre la commode, une jambe légèrement en retrait, traînante.

-Oui, oui, ne vous en faites pas madame, tout va bien. Merci beaucoup de m'héberger chez vous, c'est vraiment sympa.
-Mais enfin mon ange, c'est normal, je veux dire, Irisia est reconnu pour l'efficacité de ses soins, je pouvais m'occuper de toi, ç'aurait vraiment été trop bête de te refuser ça. J'espère juste que ta famille ne va pas te manquer…Tu peux les appeler tous les soirs si tu le souhaites, ne t'inquiète pas pour les frais.
-Ne vous en faites pas pour ça, je ne vais quand même pas les appeler tout le temps…murmura l'enfant d'une voix presque inaudible.

La femme devant lui posa une main sur ses lèvres vermeilles faussement prise en faute, et elle enchaîna dans un rire jaune :

-Evidemment, suis-je bête ! Tu es bien le fils de dracologues toi, dur et fort comme un dragon !

Harry baissa la tête, mais il ne perdit pas son sourire ravageur, tandis que d'une main, il attrapait son sac de classe et soufflait :

-Bon j'y vais !
-Evidemment…Shagi, sois-gentil et montre-lui le chemin de l'école ! Hein ! Et pas de mauvais coup !

Un grommellement furieux, agacé, s'extirpa de la gorge d'un préado à moitié planqué sous l'ombre du préau, à l'autre bout de la terrasse. Les années qui séparaient ce gamin à celui du présent ne se vérifiait qu'à la longueur de sa tignasse tressée et perlée, plus longue dans le passé. Il fit un mouvement du poignet et se tourna à moitié, faisant mine de se retirer sans attendre son camarade, mais personne ne fut dupe. La tante de Makanie ricana, et elle tendit les béquilles à son petit protégé, elle l'aida à les placer sous ses aisselles tout en gardant son cartable sur le dos, puis lui donna une petite accolade pour l'inciter à se dépêcher.

Le petit frère de Peter partit d'un pas claudiquant, à la vitesse d'un limagma sonné par une attaque bâillement. Il eut à peine franchit la clôture de la demeure particulière, à peine fait un premier pas sur le chemin de roche et de sable en pente qu'il fallait descendre pour arriver aux bâtiments scolaires, que son support se coinça dans une aspérité de corail séché. Il dégringola et se mangea toute la côte lamentablement.

Il atterrit brutalement aux pieds de son meilleur ami, halluciné, qui l'observa de haut.

-Le sable a bon goût ? Lança-t-il, moqueur.

Il esquissa un geste pour lui venir en aide, le remettre au moins sur ses jambes, mais le garçon le rejeta violemment en hurlant :

-J'PEUX MARCHER CHUIS PAS INFIRME !

Shagi eut une moue irritée, et il croisa des bras tout en s'asseyant sur un rocher, l'air de dire, vas-y, j'ai tout mon temps. Harry blanchit, et il essaya de se redresser, mais ses béquilles avaient roulés loin de lui, et quand il tenta de se mettre debout, son genou ploya, il chuta à nouveau.

-M…Grogna-t-il.
-Fais attention si tu parles comme ça devant ta logeuse, ta couverture sera foutue. Rétorqua Shagi froid.

Son ami lui lança une œillade noire et douloureuse, sa bouche tordue en une grimace crispée.

Le garçon tâta les lieux et tâcha de ramper vers ses supports, pour les récupérer, mais sa jambe, vague morceau de chair qu'il traînait derrière lui plus qu'il n'utilisait, refusa de coopérer. Il en gémit de frustration.

-Sors un de tes Pokémons, veux-tu, tu en deviens ridicule. Lâcha l'irisien en posant son regard foncé sur lui, sévère.
-Je refuse, d'utiliser mes Pokémons comme ça ! Ce ne sont pas mes esclaves…Ce sont mes amis ! Tu utilises tes amis comme moyen de transport, toi ?

Il l'énervait à relancer sans cesse sa stupide théorie sur son amitié avec ses Pokémons.

-Non, je m'en sers pour me divertir, comme là. Plaça narquoisement Shagi, avant de froncer les sourcils et de lancer, plus dur cette fois : Arrête tes bêtises HarryHéri, et sort ton Coxy ou ton Domphan. Ils t'aideront.
-NON !
-Ils le feront de bon cœur.
-NON !
-Mais t'es vraiment borné !
-J'ai dis NON !

Shagi soupira profondément, et il donna un coup de poing sur son siège de roc pour évacuer sa frustration, les yeux clos. Quand il reprit, son timbre trahissait encore une colère sou jacente qu'il refusait de laisser exploser devant son camarade atrophié.

-Mais bon sang ! Arrête ton cinéma ! Si t'as les jetons, si t'as peur des Pokémons Harry, personne ne t'en voudra ! C'est normal après ce qu'ils t'ont faits, mais sort pas d'excuses aussi naïves !

Le visage du cadet de Peter s'empourpra brutalement.

-JE N'AI PAS PEUR DES POKEMONS !
-ILS T'ONT BRISES LE GENOU MERDE ! TOUT LE MONDE AURAIT PEUR A TA PLACE !
-CE N'ETAIT PAS LEUR FAUTE ! Rugit le gamin pourtant d'ordinaire si timide et si hésitant à donner son opinion. Des larmes de rancune lui échappèrent et roulèrent sur ses joues.

Le silence assomma les deux amis, et Shagi détourna la tête en sifflant.

-Harry…Maugréa-t-il après avoir contemplé une énième tentative infructueuse de son camarade pour se remettre debout.
-Ce n'est pas de la faute des Pokémons. Tout cela ne serait jamais arrivé si les stupides anciens d'Ebenelle laissaient l'Antre du Dragon aux dragons au lieu de s'en servir comme lieu d'épreuve. Ils protégeaient leurs nids. Ce n'est pas leur faute.
-C'est bien de la faute de quelqu'un Harry. Et si ce n'est pas celle des Pokémons, c'est forcément celle de ta famille. Rétorqua le brun gravement.

Harry baissa la tête, et son poing se referma avidement sur la béquille qu'il avait réussi à atteindre au prix de bien des égratignures. Sans un mot de plus, il se remit sur ses deux pieds et reprit sa route. Shagi l'admira s'éloigner aussi vite qu'il le pouvait, le cœur gros.

Qui ne dit mot ne consent.

Le fait était là, Harry avait protégé ce qui comptait à ses yeux : les Pokémons qui lui avaient pourtant broyé le genou, et il s'était tût pour défendre sa famille. Dans sa tête, même sans l'avouer, il avait établi sa liste de coupables.

Il se redressa à son tour et le suivit comme une ombre, comme un ange gardien, le regard posé sur la petite forme qui essayait de se reconstruire après son tragique accident. L'irisien sentit ses phalanges blêmir sous la pression de la colère noire qui s'embrasait lentement en lui.

Sans qu'il ne s'en rende réellement compte, ils arrivèrent aux pieds de l'école de l'île. Harry se retourna timidement vers lui, les joues rouges, et il balbutia avec honte :

-Pardon pour tout à l'heure.

Shagi haussa des épaules comme si ça lui était égal, mais il retint un rictus.

-Tu…tu viens avec moi ? On sera dans la même classe ? Demanda son ami, perdu et hagard, mal à l'aise à l'idée de devoir se faire de nouveaux amis dans un endroit qu'il n'avait connu que durant l'été. Cependant Shagi ne lui accorda aucun espoir, il ricana et lâcha avec humeur :

-Genre, moi ? A l'école ? Tu rêves !

Le cadet de Peter fit les gros yeux et d'un ton penaud, désespéré il bredouilla :

-Mais…Mais…
-J'ai des cours particuliers. Je vais pas à l'école, j'veux pas finir déchiqueter. Puis j'suis enfant d'agents secrets, t'imagine si un ennemi reconnait mon nom sur le registre national et qu'il décide de me prendre pour cible ? Genre, t'aura ma mort sur la conscience !

Harry ferma la bouche, et il admira le sol avec déception. Shagi lui, fuit le contact visuel en contemplant l'océan, où, en vérité, son « père », marin, voyageait sur il ne savait quelle mer du globe. Il apprécia le silence de son camarade qui ne remit pas son mensonge en question, comme à l'habitude. Après tout, entre menteurs, ils se comprenaient, ils savaient le besoin qu'ils partageaient communément : celui de ne rien dévoiler de leurs véritables pensées.

C'était d'autant plus ça, qui le tuait, quand il voyait Harry sourire innocemment à la tante de Makanie. Il pouvait presque percevoir les hurlements torturés du gamin, pour les avoir vécus également. Alors qu'il acquiesçait doucement, docilement, tout son être se révoltait contre lui-même, lançant « mais pourquoi tu agis si bêtement ? Hurle ! Cris qu'ils comprennent un peu ! Arrête de jouer les enfants sages, regarde où ça t'a mené ? HURLE ! Mais pourquoi tu souris ? HURLE ! ». Lui, il avait cessé depuis longtemps de jouer les gamins parfaits, il avait compris que cela ne lui aurait rien apporté de plus que la déception.

La maîtresse, dame étriquée, plutôt mûre aux cheveux cendrés, remarqua le nouveau venu qui s'invitait dans la cours et elle s'approcha de lui avec gentillesse. Elle posa une œillade bienveillante à Shagi et lui lança :

-Ne t'en fais pas Shagi, je prends la relève, on se voit Samedi, 3 h cette fois ?
-Je viendrai à la pause déjeuner. Grommela le gamin en retour, autoritaire, sous-entendait qu'il viendrait vérifier que tout allait bien.

L'institutrice sourit avec tendresse, puis appela ses élèves au rassemblement pour présenter le nouveau garçon de leur classe. L'irisien perçut déjà les premiers bémols dans son discours, et il sentit l'épuisement, autant physique que moral le gagner.

-Les enfants, Harry vient d'Eternara, c'est le petit frère d'Arisa et de Peter Lance, vous vous souvenez de lui ? Soyez gentils avec lui, c'est toujours dur de venir s'installer loin de chez soi.
-Ouah, tu dois être un grand dresseur ! Tu viendras défier Chuck avec moi ce week-end ?
-Pourquoi t'es parti de chez toi ?
-T'as quoi à la jambe ?

Et là, la demande qui dût achever Harry, détruire de l'intérieur ce qu'il avait vaguement réussi à construire.

-Quand tu seras guéri, on se fera une partie de foot, comme au pokétahlon, avec nos Pokémons ?

Mais quand Shagi se retourna, il ne rencontra que le sourire de façade de son meilleur ami.

Il se forçait toujours à sourire…

Ce gros naïf agissait décidément comme un idiot, comme s'il espérait qu'en simulant la joie, il finirait par la ressentir réellement.

D'un mouvement las, Shagi partit s'entraîner dans les îles écumes. Au loin, il remarqua la silhouette vague d'un Dracaufeu familier. Mais la dresseuse sur son dos, qui les surveillait de loin, tel un ange gardien, ne s'approcha pas d'eux, trop fière, trop…proche des sentiments qui devaient hanter son cadet, comprenant sa volonté de ne pas s'attirer ni pitié ni compassion. D'un mouvement ample, d'un claquement de langue que Shagi imagina de loin, elle ordonna à son Pokémon de se retirer, et elle disparut dans l'horizon lumineux, lui confiant son précieux cadet en toute confiance. Elle n'aurait jamais du.

La routine prit finalement le pas sur la peine. Le matin il se levait, prenait le chemin des écoliers pour accompagner Harry jusqu'aux portes de l'école, puis revenait le chercher le soir, pour l'emmener à l'hôpital, où des types l'aidaient à se remettre de son accident « à réapprendre à marcher »…Ou plus simplement à lui faire débourser encore plus d'argent en opérations en le faisant convoité un remède miracle, qui ne venait jamais. Quelques fois, Shagi invitait Harry à dormir chez lui, pour qu'il puisse se décrisper, se détendre.

Les oreilles de l'irisien traînaient un peu partout à l'époque, entre les rumeurs entre femmes de l'île, qui plaignaient Harry, les médecins pessimistes, murmurant que ce serait déjà un miracle si le gamin arrivait à courir de nouveau, et bien évidemment, il entendait les échos de la famille de Lance.

Le jeune maître Dragon était même venu un jour tout fier, pour annoncer à son petit frère qu'il étudiait la médecine, et qu'un jour, il aiderait à le guérir. Harry avait rigolé, plaisanté comme de rien, l'avait remercié alors qu'il haïssait la charité.

Shagi, pendant un an, avait charrié son camarade, il avait ébouriffé son crâne avec toujours un peu plus de vigueur pour le secouer, il lui avait remonté le moral ; et parfois juste jeté quand il devenait trop lourd. Il croyait qu'il remontait la pente, il croyait sincèrement qu'il allait mieux.

Mais peut être voulait-il simplement qu'il aille mieux.
Peut-être s'était-il juste convaincu qu'il allait mieux.

Il n'avait compris son erreur que la veille de son départ. La mère d'Harry, en apprenant la fin de la rééducation de son fils, l'avait inscrite dans un programme de voyage initiatique à Sinnoh. Le préadolescent avait hoché la tête gravement, et remercié sa mère, lâchant qu'il était ravi de cela.

C'était faux.

Cette nuit là, Shagi avait entendu de l'agitation près de chez lui, provenant de la crique qui séparait sa maison et celle de la tante de Makanie.Il était descendu le long de l'escalier en colimaçon encore endormi, et il avait manqué de marcher sur l'aile d'Altaria qui regardait une silhouette diffuse sur la plage.

Les yeux de l'irisien c'était peu à peu habitué à l'obscurité ambiante, probablement à cause de ses longues soirées qu'il avait passé dans son enfance à dormir sur cette même place, à contempler le ciel ou la mer infinie.

Et là, il l'avait vu, Harry tenait un ballon dans les mains, et ses Pokémons gardaient une sorte de but improvisé. C'était la première fois qu'Harry les sortait pour une autre raison que leur entretien. La première fois qu'il reprenait l'entraînement de pokéathlète. Son rêve depuis des années.

Shagi avait suivi la chute du ballon avec la même anxiété que le joueur lui-même, il avait observé le mouvement ample du corps se préparant à shooter, et son cœur avait battu avec la même brutalité que s'il avait lui-même ployé sous l'effort.

Puis tout s'était effondré à nouveau, le corps s'était disloqué, le pied avait à peine effleuré l'objet des convoitises, puis s'était affalée à même le sol, dans le sable.

Shagi était sorti à toute vitesse de chez lui, et il s'était précipité vers la forme qui hoquetait dans les dunes. Entouré de ses Pokémons, pour seul soutien, son ami avait tourné lentement la tête vers l'Irisien, et ses larmes avaient ruisselé sur son visage.

-J'pourrais plus jamais courir, hein ? Peu importe les efforts que je fais…J'pourrais…plus jamais, être un pokéathlète…Hein, Shagi ?

Le brun avait juste baissé les yeux. Et un cri avait déchiré la nuit. Le cadet de Peter avait saisi sa jambe disloquée et l'avait serrée si fort, avec tant de haine dans les yeux, tout ce qu'il contenait, ravalait, depuis des mois.

-Tout ça…A cause de cette stupide épreuve !

Il hoqueta et sa prise trembla tandis que ses ongles se fichaient dans sa chair, devant ses Pokémons apeurés.

-Si je peux pas devenir pokéathlète…

Il se recroquevilla et rugit dans un sanglot :

-ALORS A QUOI ME SERT CETTE FOUTUE JAMBE ! ON FERAIT MIEUX DE LA COUPER !

Et les pleurs avaient duré bien trop longtemps. La plaie laissée à l'air libre pendant tous ces mois, tant négligée s'ouvraient enfin, purulente du poison qui détruisait sa victime à petite feu. Mais même l'ablation de la source du mal, n'aurait put rendre véritable le sourire qu'avaient un jour, dans le lointain, arboré Harry.

Plus rien ne le pourrait jamais.

Onze ans, c'était bien tôt, pour déjà voir ses rêves brisés…

Dans sa chambre, Samantha se réveilla en sursaut, le corps en nage, la pupille encore dilatée sous la peine. Dans une convulsion douloureuse, elle étreignit sa jambe et la ramena contre son torse, comme si la blessure avait été la sienne. Un sanglot lui échappa tandis que les souvenirs qui ne lui appartenaient pas courraient et rongeaient son crâne.

Le cœur battant, elle scruta la pénombre qui l'entourait, et les tremblements redoublèrent.

La première image, celle de sa prison aux volutes ténébreuses, s'abattit sur elle, et elle bondit sur ses jambes pour fuir avant de tomber de tout son long sur le parquet, les muscles raides. Une ombre bougea dans un coin de la pièce et Samantha se redressa apeurée, elle se prostra instantanément contre le mur.

L'inconnu grogna, et se retourna contre sa chaise, de toute évidence profondément assoupi.

Cela ne calma pourtant pas le souffle saccadé, chaotique de Samantha. Elle frissonna et retint un hoquet. Elle avait du mal à respirer, elle sentit les gouttes verglacées glisser le long de sa peau brûlante, et pourtant, en elle, elle se sentait gelée, en elle, au fond de ses entrailles. Qu'est-ce qui se passait au juste ?

Elle scruta le noir, et une raie de lumière passa sur son visage, elle avisa une porte close et elle se rua dessus dans un bond. Elle s'énerva sur la poignée qui lui glissait sur les doigts et se secouait sous sa prise incertaine, bloquant, claquetant nerveusement.

Son géolier gémit de nouveau dans son sommeil, il bougea et chuta de son trône, sans pour autant se réveiller, malgré le bruit rauque et le choc dur lors de sa rencontre avec le sol.

Cependant le son eut le même effet sur Sam qui se recroquevilla sur elle-même. Ses pupilles s'agrandirent sous la terreur. Un frisson lui remonta l'échine et ses cheveux sur sa nuque se dressèrent. Une main remonta le long de son dos, et des doigts se glissèrent dans sa chevelure.

La deuxième image s'imprima sur sa rétine et foudroya son air, le contact lui fit le même effet qu'un acier chauffé à blanc posé sur ses nerfs à vifs.

Elle hurla et repoussa brutalement Lucas.

Le garçon percuta le seuil de la porte, et fixa l'adolescente qu'il avait tenté de rassurer après avoir perçu le tapage nocturne qu'elle produisait.

-Sam…Balbutia-t-il en tendant le bras vers elle, comme pour lui proposer un appui, mais son amie ne sembla pas le voir.

La paume plaquée sur son cou, à l'endroit où Giovanni avait implanté la drogue en elle, elle grelottait. La respiration anarchique.

Le brun se mordit la lèvre avec impuissance, culpabilité. Il s'avança néanmoins vers elle, et tâcha de l'étreindre, pour lui communiquer un tant soit peu de soutien, elle le repoussa brutalement en poussant un autre hurlement qui lui fendit le cœur.

-NE ME TOUCHE PAS !

Dans une convulsion, elle saisit son cou et commença à gratter la marque de la piqûre, d'abord lentement, comme nerveusement, puis avec une frénésie exagérée. De longues larmes lui échappèrent tandis qu'elle sanglotait en boucle : Ne me touche pas ! Ne me touchez pas ! Tous ! Plus jamais ! NE…Ne…

Une lacération sanguine coula, inscrivit sa cicatrice sur la gamine qui lâcha sa prise et saisit une autre de ses blessures, à l'épaule cette fois, le regard embrumée d'une folie désespérée.

-Jamais…JAMAIS !

Lucas tressaillit, il se mordit la joue, amer. Que pouvait-il faire pour l'aider au juste ? Si elle ne désirait même plus qu'il l'enlace…De quel genre de manière pouvait-il bien la secourir… ?

-Sam…bredouilla-t-il hagard…
-N'AVANCEZ PAS ! S'égosilla l'adolescente, dont les ongles s'écaillaient, s'empourpraient progressivement.
-Sam tu vas aggraver tes blessures…Arrête…Tempéra-t-il en s'avançant vers elle.

Elle recula et lui fila une gifle monumentale avant de le fixer avec un regard, un regard terrifié qu'elle ne lui avait jamais porté. Ses deux pupilles, deux mers aux reflets d'argents, souffrait d'une tempête, d'un cyclone monstrueux, un orage qui effraya davantage son ami que son geste.

Elle le craignait.

Avant que tout sentiment d'injustice ne prenne place dans l'esprit du brun, qui subissait un courroux qu'il ne méritait aucunement, l'évidence le frappa, le figea :

Elle délirait.

-Sam c'est moi, c'est Lucas ! S'inquiéta son camarade, le timbre vacillant, mais la gamine secoua la tête avec véhémence, se cachant les oreilles, se renfermant davantage.

Il voulut la forcer, l'obliger à le contempler, droit dans les yeux, mais ses membres n'obéirent pas. Il en fut incapable. La créature qui se trouvait devant elle, ce n'était pas la femme orgueilleuse et fière qu'il aimait, juste une pauvre enfant brisée, incapable de discerner dans les méandres de son esprit confus, amis d'ennemis, songe et réalité. Le brun baissa la tête avec résignation, la poitrine douloureuse, comme perforée en son centre névralgique.

Brusquement, deux bras encerclèrent Samantha. Celle-ci hurla comme si on l'étranglait, mais Akira, derrière elle, la pressa fort contre lui, toutes les traces de sommeils se dissipant de sa frimousse. Son élève se débattit sous sa prise, s'égosilla, supplia, mais il tint bon, fermement.

-Samantha…C'est Akira…Lança le professeur doucement.
-Pitié…Pitié ! Lâchez-moi ! Lâchez-moi…Hoqueta la gamine.

Sans sourciller, elle mordit son agresseur, Lucas sursauta, et Akira rechigna, camouflant une exclamation. Il ne devait pas s'attendre à un tel geste.

Une grimace étira son visage, penaud. Il était incapable de voir l'état de celle qu'il avait juré de protéger, mais entendre ses plaintes déchirantes suffisait à lui retourner le cœur.

Tendrement, il monta une main jusqu'à la petite, et la posa sur ses paupières, comme pour lui donner l'absolution alors qu'il lui soufflait avec compréhension :

-C'est fini Sam…C'est fini…Je suis là…

La gamine se détendit, et un sanglot secoua son corps comme un spasme alors que le gout du sang encombrait sa bouche et purulent dans ses plaies, s'incrustant dans sa peau, souillant ses doigts. Elle tressaillit, reconnaissant le parfum de son enseignant, et son visage se crispa de douleur.

-Ca se finira jamais…Avoua-t-elle. Ca se finira jamais….

Le tuteur l'entoura plus sûrement, l'écho simple du timbre de son élève, à bout, lui suffisait amplement comme preuve de sa peine.

-Non Sam…Je te jure…C'est fini…Assura-t-il avec le plus de confiance, d'assurance qu'il dénicha, gratta au fond de son être.
-Eléa…Eléa peut plus marcher…Vous…vos…vos…Et Elle est tombée…Et Silver…Et…je…Il était couvert de sang ! Maman…Maman je vais plus…maman…Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Lucas frissonna à mesure que les interrogations pleuvaient, où il ne trouvait qu'une seule réponse : l'injustice. Néanmoins, l'adolescent balbutia :

-Sam…Ne t'en fait pas…je…je vais…
-C'est trop tard…Pourquoi je m'inquiète de ça…Que maintenant ? P…pourquoi j'ai pas réagi avant ? p-pourquoi j'ai laissé ce type me toucher ! Pleura la gamine.

Le sang de Lucas se glaça. Akira compressa l'enfant contre lui et grommela. D'un pas titubant, le brun se releva, et se retira, loin de la chambre. Il jeta une œillade en arrière, pour contempler à nouveau le résultat de son impuissance.

Encore une fois, il se montrait incapable d'aider celle qu'il admirait. Lentement, il retourna vers le salon.

Là-bas, l'ambiance demeurait au plus bas.

Makanie se tenait sur le canapé du salon, refusant de retourner dans son chalet, le cœur gros, après –apparemment- une énorme dispute avec Aaron. Shagi sommeillait à ses côtés, et, devant un Yoann, ahuri, il gémissait face à cauchemar. Christopher et Angèle, gémissaient devant un Gold épuisé, qui hochait la tête, confirmant que : oui ils risquaient de se faire virer s'ils s'invitaient dans la chambre de Silver, même sous prétexte de le veiller amoureusement, surtout même, sous ce prétexte d'ailleurs.

Las, Lucas se traîna jusqu'au canapé, et son regard se posa sur l'œuf de ptiravi dans sa couveuse, qui oscillait de droite à gauche. Cristal sembla capter son geste, et après avoir ordonné à son frère d'aller dormir un peu, elle se dirigea vers le brun, pour lui remettre le précieux bien dans ses bras.

-Il va bientôt éclore…Murmura-t-elle avec une mine tendre qu'il ne lui connaissait pas.

Elle lui sourit gentiment, malgré les grosses cernes qui soulignaient ses yeux outremer et accentuaient sa mine pâle. Les bandages sur son cou, sur son bras dénonçaient le combat abrupt qu'elle avait livré elle aussi, comme tout à chacun, et pourtant, elle, elle agissait comme si rien n'était jamais arrivé, comme si rien n'avait changé. Pilier indéfectible, phare qu'eux, marins hagards devant l'immensité paisible et trompeuse qui les avait surpris et secoués si violemment, recherchaient désespérément.

Le brun en face d'elle, admira le petit être qui s'impatientait pour découvrir le nouveau monde, et les pensées s'agglutinèrent en lui. Ce Pokémon représentait l'amitié, la confiance que lui vouait Samantha, elle le lui avait confié, en remerciements, et qu'avait-il fait pour elle, au juste ? Rien, il n'avait rien pu faire pour empêcher le pire d'arriver à sa meilleure amie, il n'avait rien remarqué alors que Daniel oubliait petit à petit celle qui les avait accompagnés de si longs mois…

Sans s'en rendre compte, Lucas posa sa tête au creux de l'épaule de la jeune fille et enserra l'œuf Pokémon avec une grimace ironique. La concernée rougit de la proximité du garçon, ses joues s'empourprèrent davantage encore, quand le souffle chaud de Lucas s'égara, caressa sa peau mise à nue par son habit. Pourtant, ce fut les paroles qu'il prononça qui la firent frissonner :

-On peut dire qu'il sait choisir son moment pour venir au monde celui-là...

Et Cristal, se permit de ricaner nerveusement pour camoufler l'unique sanglot qui secoua le brun si malmené qu'elle tenait tout contre elle. Entre eux, la petite créature sortit de sa coquille, pour jeter un bref coup d'œil à la réalité qui l'accueillait, avant de se rouler en boule, et de s'endormir, rassurée.

Parce que même au plus profond du désespoir, on pouvait dénicher de la tendresse, de l'amour, du réconfort. Il suffisait, juste, d'ouvrir les yeux et de poser son regard aux bons endroits.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Silver se réveilla l'esprit embrumé, légèrement secoué, tiré du sommeil par un répétitif va-et-vient dans le couloir. Il passa un rapide coup dans sa tignasse rebelle, passa sa paume sur son visage, comme pour en effacer la fatigue restante, et ses doigts s'égarèrent au détour de ses lèvres.

Quel drôle de rêve quand même…

Il fixa son épaule endolori et retraça la balafre qui allait probablement longer sa clavicule. Une cicatrice de plus à ajouter à son palmarès, songea-t-il avec amertume. Il ne savait pas s'il devait réellement s'en réjouir, et il se répéta, que les plaies physiques guérissaient toujours, contrairement aux autres, celles qui se fichaient dans l'âme de sa victime. AU moins, celle-ci était la toute dernière que lui infligeait son père, de son vivant. Il espérait juste, enfin gouter à la convalescence, assister à la guérisons de tous ses maux.

Lentement, il s'extirpa des couvertures, et constata avec une grimace qu'on l'avait changé, il n'avait qu'un pantalon sur lui. Instinctivement il se crispa, puis se détendit aussi vite.

La pudeur était-elle vraiment encore d'actualité ? A présent tous connaissaient son secret, son passé s'imprimé, gravé dans sa chair, ne risquait plus de le dévoiler. Il emprunta tout de même un haut de Gold qu'il dénicha dans un coin, et l'enfila avant de sortir de la chambre.

Une pensée s'insinua en lui, en même temps qu'un doute confus, semblables aux vestiges de ses souvenirs sulfureux de la veille.

Gold, est-ce qu'il allait bien ?

Un sentiment pointu, aiguisé s'insinua en lui, mais il tâcha de l'étouffer aussitôt.

Des échos lui parvinrent de la salle de vie, il s'y dirigea timidement, presque. Gold devait se trouver là-bas, en forme.

Il vit d'abord Akira Yuki, qui, au téléphone, barrant le passage qui menait à la pièce réservée pour Sam, murmurait d'un timbre paisible des paroles de réconforts.

« Ne t'en fait pas Lily, je suis entier. Un peu dans le flou, mais entier. NON ce n'était pas une mauvaise blague ! Heu, enfin…Mais…Oui ! Breeeef…Rhooh non ne pleure pas ! Hannn non, pas toi Shinobu, pas toi non plus !! Kainn ? Mais keske vous foutez tous ? Y-a combien de personne qui m'écoutent-là ? »

Un sourire ému échappa à l'enseignant, aux pupilles de plus en plus ternes. Celui-ci ne remarqua même pas le rouquin quand il passa devant son nez, à quelques centimètres de lui. Il n'esquissa pas un seul mouvement, déjà séparé d'eux par un voile opaque.

Cependant Silver n'eut pas le loisir de s'intéresser plus à lui, une dispute éclata dans une salle adjacente, et il perçut les timbres familiers de Makanie et Shagi s'élever de plus en plus exaspérés l'un par l'autre.

« J'ai peur Shagi ! J'ai juste peur d'aller de le revoir ! Nous avons agis en goujats avec Aaron…Et s'il…S'il ne voulait plus jamais me parler ? Si mon vrai visage l'effrayait ? J'ai déjà perdu Harry…Et…
-Mais qu'est-ce que t'en as à foutre de ce type franchement ? Va le voir, dit-lui cash que soit il t'accepte en comprenant ta réaction –justifiée- soit c'est fini et point.
-Mais je ne veux pas que cela se finisse comme ça ! Je ne veux pas…Pas maintenant…Pas après…
-Harry est vivant Makanie. Arrête de parler de lui comme un…
-UN MORT ! SHAGI ! HARRY EST MORT FAIT-TOI UNE RAISON TOI AUSSI ! ET ARRETE DE COURIR APRES UNE CHIMERE ! ON NAURAIT DU LE COMPRENDRE IL Y A 6 ANS !
-HARRY N'EST PAS MORT ! JE ME FICHE DE CE QU'UN ABRUTI PEUT DIRE SUR LUI ! IL N'EST PAS MORT ! »

Un silence suivi le hurlement de l'irisien, qui respira bruyamment, avant de siffler :

« Je le sais…Je le sens…Harry est…
-Harry vit en chacun de nous…Mais il ne reviendra pas pour autant. Arisa et toi…Tous, il est temps que l'on voit la vérité en face. Ce n'est pas avec le pouvoir de je ne sais quel légendaire dragon qu'il reviendra…Giratina, Palkia, Dialga….Personne ne le ramènera. C'est fini Shagi. Arrête d'avoir peur de la vérité.
-C'est bien envoyé de la part d'une fille qui ose même pas voir si son petit ami peut lui pardonner un coup de sang ! »

Un bruit de claque sonna entre les quatre murs, et Silver s'écarta juste à temps pour éviter de se faire bousculer par une rouquine, s'enfuyant en larmes. Shagi croisa la mine interrogative du fils des Rocket, et il détourna le regard, les lèvres pincées, alors qu'il murmurait simplement :

-Chacun ses fantômes je suppose…Si les siens ne l'empêchent pas de dormir, tant mieux pour elle. Toute façon…Fallait bien qu'j'trouve un moyen de la bouger sinon elle allait rien faire et tout gâcher !

Puis sans un mot, il alla s'asseoir dans un fauteuil environnant, et fit rouler ses pokéball dans sa paume ouverte, pensif...

Mélancolique.

Silver se rapatria en quatrième vitesse, très peu enclin à partager ce genre d'état d'âme. Il ne savait que trop bien qu'une fois plongé dans ce sentiment, on n'en ressortait que difficilement, happé par tous les actes que l'on regrettait, les souvenirs trop proches de l'esprit, pour être effleurés sans rouvrir les vieilles plaies de l'enfance. Il ne dédirait plus assister au spectacle désespérant de stupidité, de pitié, qu'il avait été, gamin, ne trouvant qu'à hurler face aux malheurs, sans chercher à les affronter.

A peine posa-t-il le pied sur le parquet du salon, qu'une tornade le plaqua contre le mur et manqua de l'étouffer…Ou de le noyer. Christopher et Angèle, décidément, pouvaient être de vraies brutes, chargeant sur leur proie à câliner pire qu'une charge de rinhocornes sauvages.

-Vous êtes rétabli !! Sanglotèrent-ils d'une même voix vibrante de niaiserie.

Oh, le t-shirt qu'il portait était déjà trempé de larmes, heureusement qu'il appartenait à Gold…
D'ailleurs, où était-il ?

Le roux chercha des yeux la silhouette devenue familière dans son champ de vision, le brun se leva, et le salua avec un sourire.

Etrangement, un flash de son rêve de la nuit précédente inonda l'esprit de Silver, qui s'empourpra brusquement et baissa la tête dans la précipitation. Qu'est-ce qui lui prenait ? C'était juste une impression floue. Il se sentit presque nu face à son camarade, et il réajusta son haut, comme pour s'assurer de sa présence. Malheureusement, se remémorant le nom du propriétaire, cela ne fit qu'accentuer son embarras.

Bon sang, c'était juste un rêve stupide ? Qu'est-ce qu'il avait, à faire une fixette là-dessus ? C'était pas comme si les rêves révélaient les volontés primaires et inconscientes de l'être non plus !

Une seconde, il lui semblait que c'était le cas finalement…

Harassé, il se frotta le crâne dans un soupir, reprenant peu à peu contenance, bien aidé –pour une fois- par l'étreinte étouffante de Chris et Angie, qui le camouflait pas mal.

-C'est affreuuux ! Balbutia Angèle avec gravité. –On a eu si peur pour vous tous ! Et vous êtes revenus dans un tel état !!
-Quand je pense que nous étions là, bien à l'abri, à filtrer les mails qu'essayaient d'envoyer les Rocket en urgence, pendant que vous…Vous…Confirma Christopher.
-N'en parlons plus…Maugréa Silver, sombre.
-Mais Samantha était dans un état lamentable ! Elle a eut des sautes d'humeurs toute la nuit, elle a même vomi ce matin sur le prof ! S'égosilla la blonde.
-Et Eléanore est toute pantelant, Régis et Daniel l'ont veillé toute la nuit, ils sont même allés cherchés de l'oxygène en bouteille en vitesse ce matin, parce qu'elle respirait à peine !
-Chris, Angie…Menaça Silver, platoniquement.
-Et Peter ! Peter est dans un état ! On a eu des nouvelles de lui que ce matin par Marion ! Continua l'ex voleuse.
-Sans oublier Cynthia et la plupart des membres des conseils des 4, qui ont fait des allers-retours entre ici et la cascade, comme si l'apocalypse se préparait ! Enchaîna son compagnon.

Le roux roula les yeux vers le ciel, et il inspira profondément.

-Bien le résumé que je ne vous demandais pas…Mais…vraiment…Arrêtons de parler de tout ça. Insista-t-il.

Gold sur le comptoir de la cuisine lui lança une œillade compatissante, qu'il esquiva du mieux qu'il put, peu à l'aise.

-Mais, monsieur Silver, ne pas en parler n'est pas bon non plus !
-Elle a raison, nier n'est jamais la solution ! Acheva Christopher.

Comme à l'habitude, leur simple remarque fit mouche, malgré leurs airs candides et l'innocence avec laquelle ils prononçaient leurs propos. Malheureusement pour eux, elle attisa l'exaspération grandissante qui montait au nez du roux, qui lâcha, froid :

-Mais pourquoi vous êtes là d'ailleurs vous ? Vous avez un chalet non ?

Les deux voleurs larmoyèrent d'autant plus en bafouillant :

-On avait peur pour vous !

Le t-shirt de Gold était décidément, bon pour la poubelle, mais étrangement le brun, quand il posa un regard sur son camarade, ne s'en offusqua pas, et lui sourit, rayonnant. De nouveau Silver détourna le regard.

Foutus rêves.

Il se surprit tout de même à lui renvoyer un rictus amusé.

Yoann, spectateur silencieux, presque invisible, ne put s'empêcher de se sentir heureux ; heureux de voir qu'au moins, certains étaient revenus entiers, et se sentaient encore la force de vivre. Sunny à ses côtés, lui lança une œillade complice et elle ricana en pointant du doigt le sofa près de la cheminée.

Il tourna la tête, pour admirer un Lucas totalement endormi, avec le ptiravi dans les bras, sur une Cristal qui n'osait même plus tendre un muscle de peur de le réveiller, devant son leuphorie intriguée. Derrière eux, Gallame et la Gardevoir de Sam, en bon gardes, protégeaient les rêves du garçon.

Doucement, sous l'œil bienveillant de Blake, Sunny enroula son unique bras autour de celui de Yoann, et elle posa sa tête sur son épaule avec tendresse. Peu importait la taille, pour une fois.

Le petit médium contempla la pièce, avec Gabriel qui essayait de s'occuper en faisant un casse-tête –résolument trop facile pour lui- entouré par les Pokémons du groupe. Régis qui passait de temps à autre pour récupérer de l'eau fraîche et repartait aussi sec rejoindre Daniel pour veiller Eléa, Akira rentrait de nouveau dans la chambre de Sam dans le même but. Et Shagi revenait dans la pièce, après avoir compris que Makanie était partie en pleurs, pour de vrai.

Il ferma les yeux, et se concentra, sur la chaleur que Sunny lui communiquait et songea une seconde aux derniers évènements.

Christopher et Angèle disaient vrai, il ne servait à rien de nier la secousse qui avait ébranlé les fondations de leur organisation, de feindre le passé.

Parce que, parfois, les choses changeaient irrémédiablement. En mal, en bien, personne ne pouvait le savoir en cet instant, mais, plutôt que de mener une existence sédentaire, les membres de Twilight avaient choisi de prendre leurs vies en mains, d'endosser le rôle de millier d'autres, pour avoir une chance, pour oser entrevoir un avenir. Pour goûter à la liberté totale.

Une véritable hécatombe, pouvait peut être mener à la véritable liberté à laquelle il aspirait, celle d'un monde où tout à chacun choisissait sa voie sans pression familiale, en toute naïveté. Cela ne signifiait pas pour autant qu'il fallait ignorer les victimes éparses, le sang sur la route, ou devenir aveugle face aux souffrances qu'ils allaient croiser sur la route.

La prise de Sunny se relâcha, comme habituée à ce contact tout neuf, et lui se détendit de même, elle rigola timidement, discrètement, n'osant pas attirer l'attention des autres sur ce moment qui n'appartenait qu'à eux. Elle avait une réputation de fille froide et cassante à tenir après tout !

Yoann lui prit la main et sourit.

Cela signifiait juste, que passé, présent et futur se liaient l'un à l'autre, tout comme le malheur et le bonheur, inéluctables, inséparables. Si un drame menait à la résolution qu'il entrevoyait, il l'acceptait dans sa plénitude totale. Et à la tristesse, au désespoir qui assaillait le monde, il leur conseillait simplement un acte tout bête. Plutôt que de porter son regard sur ce qu'ils perdaient, sur ce qui ne serait plus jamais, peut être valait-il mieux préférer ce qui naissait. La vie continuait, à chaque évènement tragique se succédait une part de rires.

Il fallait juste laisser ses yeux s'habituer à la pénombre, et le dénicher.

A quelques mètres de là, Makanie entrait en trombe dans le chalet qu'elle occupait avec divers membres du conseil des 4, et notamment Aaron. Cynthia, assise sur la table, occupée à lire des documents anciens pour ses recherches, la fixa avec fascination, puis avec une mine savante, elle pointa du doigt un couloir, qui liait l'intérieur à la terrasse sur pilotis.

Makanie passa devant Marc et Pierre, ne remarquant pas qu'ils tenaient la GS ball dorée et argentée, ainsi qu'une trousse de soin, encore mal refermée sur des bandes ensanglantées. Elle oublia de saluer Adrien ou Lucio, et ouvrit la porte vitrée avec force.

Aaron jouait, d'humeur sombre pourtant, avec son papillusion et son apireine. Il fit volte-face pour voir sa petite amie, et il baissa la tête, le regard, amer.

-Makanie, maugréa-t-il, froid. –Je…Pensais que tu ne te montrerais plus, après ça…Je…
-Je suis désolée !

La rousse avait hurlé, de grosses larmes perlant sur ses joues, les marquant d'un sillon salé derrière elles. Aaron sursauta.

-Je suis désolée, je ne suis pas du tout la fille fragile que tu as connu ! J'ai fait semblant, j'ai…J'ai vraiment essayé d'être la fille que tu pouvais aimer. La vérité c'est que…C'est que…

Ses poings se serrèrent violemment et sa voix se brisa :

-Je suis une énorme menteuse ! Je déteste ne pas plaire aux gens, je ne supporte pas de…D'être celle que je suis vraiment !

Elle renifla :

-Et le jour où j'ai rencontré Arisa, Shagi et Harry…j'ai rencontré des gens comme moi ! J'ai rencontré mes meilleurs amis, qui me comprenaient et ne jugeaient pas ! Et…Pour la première fois de ma vie, je n'avais pas à tenir de rôle. Et quand bien même j'en jouais un, ils me perçaient à jour si facilement, si naturellement, l'acceptaient complètement que je…Je me sentais bien dans ma peau !

Makanie trembla imperceptiblement. Aaron vacilla.

-C'est pour ça, pour retrouver Harry que je voyageais à Sinnoh, pas pour toi ! C'est pour retrouver Harry que j'ai intégré Twilight, pas pour toi ! Harry, Harry, et toujours Harry ! Tout, tout était un gigantesque mensonge !

Elle se tendit comme un arc et empoigna sa frange avec désespoir tandis qu'elle murmurait, rauque, étranglée :

-Et même ça…C'était un mensonge…Si je voulais le retrouver, c'était pas seulement pour lui, pour son bien, mais pour moi…Parce que je voulais de nouveau être moi…

Elle tressaillit, livide, et balbutia, soudain hagarde, prenant elle-même conscience de la gravité de la situation, de l'aspect indélébile de ses propres paroles :

-Mais il est mort. Et rien ne sera plus jamais comme avant. Il est mort, et tout ce que je peux faire c'est admettre la vérité. Je ne le reverrai jamais ! Et j'ai tout gâché avec toi, alors en te mentant ! Il est temps que ça s'arrête ! Que…Que j'accepte…Que…Qui je suis : Une sale petite menteuse, violente, superficielle, qui aime attirer l'attention, et qui est plus bavarde qu'un pijako !

Elle releva la tête et ses lèvres se tordirent dans un rictus faible, tandis que les larmes continuaient de pleuvoir sur ses joues, comme une cascade, alors qu'elle soufflait :

-Et cette idiote, là maintenant, elle est assez stupide pour espérer, qu'elle te plaira quand même, malgré tout.

Aaron ne bougea pas d'un pouce, fixant avec ahurissement la rouquine qui se tenait devant lui, toujours secouée par les spasmes du sanglot ; tentant de faire bonne figure, raide, droite comme un i ? Et plus les secondes s'égrenaient, plus son teint blanchissait, plus ses lèvres se pinçaient douloureusement pour retenir ses hoquets, plus son être criait. Ses pupilles sombres, emplies de volutes ténébreuses se mélangèrent à la lueur translucides de ses pleurs, et elle ferma les yeux avec résignation, ses cils s'entremêlèrent comme de longues serres fines, piégeant les preuves de son échec à regret.

Elle tourna des talons sèchement, pour éviter une plus grande humiliation encore, et elle eut à peine le temps d'apercevoir les silhouettes de Cynthia, Lucio, Adrien, Marc et Pierre, les espionnant sur le pas de la porte, que deux bras la retinrent sur place.

-T'es vraiment aussi bavarde qu'un pijako, en effet.

La voix d'Aaron siffla à ses oreilles tendrement amusée, et la chaleur de son torse contre lequel il la pressait se répandit en elle. Elle rougit de honte.

-Je…
-Laisse-moi parler ! –l'interrompit le maître des insectes- J'avais compris que tu ne tenais à lui…Mais pas à ce point…

Les yeux toujours clos, l'empêchant de remarquer les spectateurs de cette scène en pleine effusion, il continua :

-J'aimais l'ancienne Makanie. Je l'aime toujours d'ailleurs. Tu peux me croire, les filles qui aiment les insectes, qui acceptent de côtoyer un type qui les adule comme moi, ça court pas les rues. Cela au moins être aussi rare qu'une fille qui va jusqu'à traverser la moitié du continent, pour retrouver un ami d'enfance !

Makanie sentit son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. La prise d'Aaron s'attendrit sur elle, et il acheva doucement :

-Je pense que je peux aimer la nouvelle Makanie aussi.

Il attrapa le visage de la rousse et l'approcha du sien tandis qu'en coulisse, Marc et Pierre exultaient, chacun à sa manière, l'un bruyamment, l'autre intérieurement. Lucio poussa une plainte paniquée : il sentait qu'Aaron allait lui raconter cette scène en détail des milliards de fois. Adrien hilare, encouragea son camarade avec un enthousiasme flamboyant. Et Cynthia…

-Attends !

Makanie arrêta son petit ami, et plaqua une main sur son visage, songeuse, tout en murmurant :

-C'est pas très sexy, je dois être toute morveuse et collante après tout !

Aaron ricana, et il passa son pouce prestement sur les joues de la jeune fille, étalant davantage que nettoyant les restes de pleurs. Puis il relança avant de finir ce qu'il avait commencé :

-Si tu savais comme je m'en fiche !

Cynthia, elle, admirant le nouveau et ancien- paradoxalement- couple, sourit.

-Fascinant. Murmura-t-elle émue.

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Le soleil du désert d'Hoenn rougeoyait au dessus des paisibles dunes, les accablant d'une chaleur suffocante et de rayons agressifs. Un vent fouettait continuellement les récifs noirs menaçants, émergeant de l'océan sablonneux. La bise emportait au loin l'écume aride, s'échouant, s'écrasant contre les imposantes falaises de la vallée où s'incurvait ce paysage insolite. Au loin, le mont cheminé crachotait des cendres régulièrement, l'odeur de souffre et de poussière imbibait jusqu'au granit qui jonchaient ça et là, entre les cactus.

Jamais Ritchie n'aurait cru s'installer dans un endroit aussi peu accueillant, insolite. Le ciel gris, plus que bleu, aveuglait plus le voyageur inconscient qui s'aventurait dans cette étendue infinie. L'air lourd assommait et une certaine quiétude, presque lasse, s'emparait des vagues occupants qui peuplaient la route 111.

Pourtant, le jeune garçon, s'approchant de la vingtaine à présent, constatait avec effarement qu'il y résidait depuis plus d'un an et demi. Bien évidemment, il se rassura, en se répétant, qu'il partait souvent sillonner le continent pour le compte de twilight, et qu'il s'absentait pendant des semaines, voire des mois parfois. Mais le fait restait qu'il revenait toujours, irrémédiablement, ici.

Le jeune homme se tenait à la lisière de cet enfer chatoyant, où les tourbillons dansants et sifflants d'une tempête, étrangement respectueux des frontières, l'épargnaient. S'il avait changé d'ensemble, troquant sa casquette verte et sa tenue verte et jaune pour une tenue plus mâture, son physique lui, restait presque identique à celui du garçon qui avait affronté Sacha lors de la final de la ligue Kanto.

Ses cheveux auburn avaient peut être un peu brunis, sous l'exposition prolongée aux rayons brûlants du soleil du désert, mais ils conservaient des reflets roux certains, qui crépitaient posément, sous l'effet d'un crépuscule tamisé. Il remit sa casquette noire et rouge sur son crâne, et retira sa veste bleue claire, souffrant de l'harassement du jour naissant. Pourtant, l'astre solaire n'atteignait même pas son zénith. Il soupira, en regardant son pantalon de lin marron, et ses boots de randonnées. Un an qu'il vivait ici, et il n'avait toujours pas compris qu'il devait passer au short et aux tongues !

Sparky, son fidèle pikachu, bailla bruyamment, et il lui caressa les poils, légèrement ébouriffés près de son oreille. La souris électrique gémit et se plaça sur le dos, offrant son ventre à son dresseur et aux Uv. Lui aussi devait se faire une raison : un pikachu, ça ne bronzait pas.

-Ricthie ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Le cri provenait du haut de la falaise, première escale dans la chaîne de montagnes où s'enclavait le désert. Une jeune fille, proche de la vingtaine également, le fixait avec ses grands yeux mordorés, sa tignasse écarlate coupée courte jurait avec sa peau hâlée, mais elle possédait un charme attirant, atteignant des sommets…. Presque aussi haut que sa bizarrerie. Sary, qu'elle s'appelait. Le jeune homme sourit et lança :

-J'attends que quelqu'un daigne m'ouvrir chez les Irving !

Comme pour s'expliquer, il pointa du doigt une sorte de petite alcôve dans un pic rocheux, en forme de pyramide atteignant les 1m50 à tout casser, tout étranger aurait pris ce « monument » pour une belle farce, une sorte de refuge établi par des gamins, qui avaient trouvé ça drôle, de flanquer un récif d'une porte en bois.

Mais il n'était pas un étranger,

Ce qu'il voyait, n'était en vérité que le seuil de la demeure des Irving, une famille reconnue dans la région, le secret de cette maison résidait dans le fait, qu'elle était totalement souterraine. Une fois la porte franchie, on tombait sur un trou immense, d'où pendait une échelle de corde. Creusée dans ce qui semblait être les restes d'une caverne, la famille vivait en troglodytes, bien aux frais, à plusieurs kilomètres sous la terre, ils avaient même accès à leur propre réserve d'eau, une nappe phréatique gigantesque.

-Tu peux attendre longtemps ! S'exclama Sary dans un rire. –Ils ne sont pas chez eux ! Asbel est en stage à Nénucrique pour la semaine, Le professeur étudie comme d'habitude, au rocher du légendaire, et Eliza a demandé à Ambre de l'aider à la bibliothèque !

Ritchie fronça les sourcils et gémit.

-Tu m'étonnes qu'elle ne répondait pas !

Sparky ricana, loin de soutenir son dresseur sur ce coup là.

-Si tu veux, on a rendez-vous à 18h ce soir, pour se faire un gigantesque foot Pokémon avec tous les enfants du coin !

Le dresseur confirmé regarda le ciel, attendre plus de douze heures pour la voir dix minutes, avant qu'elle ne commence à jouer avec entrain, l'oubliant, cela ne l'attirait guère, autant la rejoindre directement. Sary sembla discerner la lueur de détermination dans le regard du jeune homme, et elle rigola gentiment, avant de répéter, faussement agressée par la volonté muette de son interlocuteur :

-D'accord, d'accord, je te lance une corde !

Quelques minutes plus tard, Ritchie, sparky juché sur l'épaule, atteignait le sommet de la falaise, et enleva le mousqueton à sa ceinture, grâce auquel il avait pu escalader en toute sécurité une des cascades de sable qui parcouraient la fresque. Il remercia brièvement la rouquine, puis repartit aussi sec en courant.

Le village qu'il traversait ne l'étonnait plus depuis longtemps, les habitations troglodytes, aussi majestueuses se montraient-elles, avec tous ces jeux d'eaux, ces enchevêtrements entre elles, il les connaissait elles, et leurs occupants par cœur. A mesure qu'il accélérait, sa volonté se renforçait, la cadence de ses enjambées mimait celle de son esprit.

Un sourire fendit sa frimousse en deux. Il ne put retenir un rire et les joues de son sparky crépitèrent joyeusement.

Un an et demi qu'il allait et venait, le long de ses rues, et ni le mal du pays, ni la mélancolique monotonie ne l'en délogeait véritablement.

Une brève seconde, il se rendit compte, que, si tout se déroulait comme il le prévoyait, il ne pourrait plus demander bien longtemps aux Irving de l'héberger à chacune de ses visites, aussi accueillants et généreux étaient-ils.

Il arriva rapidement devant la façade de la bibliothèque, entièrement taillée, façonnée d'une main de maître, les colonnes et pilonnes ne soutenaient rien, la montagne gardait son trésor de savoir en son sein, avide et secrète, quoi que puisse dire les constructions trompe l'œil des humains.

Ritchie entra rapidement et savoura la fraîcheur qui flottait doucement dans la salle gigantesque, les étagères en file indienne devant lui, exagéraient l'immensité des lieux, et ne camouflaient en rien les harmoniques zébrures de marbres sur le sol, qui ondulaient, s'enlaçaient, telles des une mosaïque naturelle.

Le rire de Sary se répercuta derrière lui, et les mains sur les hanches, elle lança :

-Ben dis donc, l'amour te donne des ailes à toi, tu as bien failli me semer !

Ritchie s'empourpra et cacha sa gêne du mieux qu'il put. La jeune adulte, elle, très peu concernée en vérité par les sentiments du jeune homme, se dirigea vers le comptoir où siégeait une femme mûre, à la chevelure longue, brune, savamment composée en une sorte de queue de cheval haute, agrémentée de petites nattes et perles. Son regard clair se leva d'un livre qu'elle tenait et se posa sur les arrivants. Etait-ce parce qu'elle passait le plus clair de son temps à l'ombre, en tout cas Eliza Irving avait le teint clair, contrairement aux habitants de la citée de montagne. Un rattata, portant autour de son cou une pierre stase, grignotait un gâteau près d'elle, il se nommait Raven et suivait la famille Irving comme un petit chien, bien qu'il n'appartienne, à proprement parler à aucun d'eux. Asbel adorait comparer Ritchie avec le rat violet. « Tu suis ma sœur comme lui, tu vis chez nous comme lui…La seule différence, c'est que Raven, lui, il se cache dans le décolleté d'Ambre et pas toi ! ».

-Ritchie ! S'étonna-t-elle faussement.

Un sourire barra son visage, un sourire aux aspects manipulateurs. Sa fille, Ambre, lui racontait pratiquement tout, elles avaient toutes deux des conversations dignes de meilleures amies, et Ritchie avait souvent peur de tout ce que cette femme pouvait savoir sur son compte par le biais de son enfant. Alors que Sary s'avançait vers Eliza pour lui demander si le manga Yaoï –sa lubie- qu'elle convoitait était enfin arrivé, la mère d'Ambre lança simplement au dresseur :

-Elle est censée ranger le rayon d'héroic-fantaisy, tu sais où c'est.

« Censée » le mot se trouvait bien justifié. Lâcher Ambre dans une bibliothèque équivalait à lui ouvrir les portes d'une chocolaterie et à lui souhaiter un bon appétit. Ritchie ne doutait pas que l'efficacité de la jeune fille de 17 ans, frôlait le zéro absolu, même en pleine fournaise dans ce désert !

Effectivement, l'adolescente se tenait assise par terre, appuyée contre l'étagère, plongée dans la lecture –passionnante- d'un ouvrage ancien. Comme sa camarade de jeu Sary, elle arborait une tignasse indomptable, coupée courte, aussi blonde que le soleil. Sa peau mâte contrastait complètement avec sa tenue composée de teints pastels. Vêtue simplement d'un short orné d'une ceinture complexe et pendouillant, elle s'assurait qu'il tenait sur ses hanches avec de belles bretelles. Un petit haut mignon, des bottes d'explorateurs pour les longues randonnées, toute cette fille était un paradoxe de couleurs. Un arc-en-ciel imprévisible. Elle suivait d'ailleurs les mots entrelacés les uns aux autres avec son regard vert prairie aussi irrésistible qu'une oasis dans ce paysage infernal.

Ritchie sentit son cœur s'accélérer dans sa poitrine, comme à l'habitude et il s'attendrit. Voilà, il était chez lui. Elle aurait pu se trouver en haut de la plus haute cîme de Frimapic, ou au fond de l'océan, il en aurait été de même, où qu'elle aille, si elle se tenait à ses côtés, il se sentait libre, à sa place.

-Ambre…Murmura-t-il. –J'ai une grande nouvelle à t'annoncer.

La jeune fille ne cilla pas d'un pouce, elle ne sembla même pas l'entendre. Et Ritchie, arrachée à la contemplation silencieuse de sa muse, avisa un casque sur les oreilles de l'adolescente, qui bien évidemment diffusaient une musique en continu. Décidément, lire et écouter une chanson en même temps, qu'elle saute à cloche pied tant qu'elle y était !

Ritchie ricana, et il ôta délicatement les écouteurs à son possesseur. Ambre sursauta et leva le regard vers lui, pour la première fois. Sa frimousse s'illumina de la joie des retrouvailles, mais elle ne dit pas un mot, se contentant de sourire gentiment. Sparky vint docilement prendre place dans ses bras et il passa son museau à la naissance du cou de la jeune fille, celle-ci le cajola en retour.

-C'est un bon livre ? Demanda simplement le dresseur, pour commencer.
-Fascinant ! Plaisanta-t-elle, même si elle seule riait à cette blague. – Il me donne plein d'idées pour un roman. Je pense que je vais tuer Yann, à la fin de mon histoire, il est cool, mais si les héros traversent trop d'épreuves, sont touchés fatalement et s'en sortent quand même à chaque tome, ça lasse !
-Oh non, tu ne vas pas tuer Yann, c'est mon favori dans ton histoire ! Ironisa l'homme.
-Il faut bien un mort ! Sinon, comment le lecteur sait que le danger que les héros affrontent, est réel ?
-Et bien…Parce qu'ils voient les personnages grièvement blessés dans chaque tome, et s'en sortir pourtant !

Ambre écarquilla des yeux, posa un doigt songeur sur ses lèvres vermeilles, et marmonna :

-Bien envoyé. Mais je pense quand même tuer Yann.
-Ses pauvres Pokémons fictifs vont êtres désespérés sans leur dresseur fictif…

Ils rigolèrent simplement. Ambre sortit de sa ceinture une plaquette de chocolat, qui ne demeurait bien conservé, au frais, que grâce à l'influence d'un de ses Pokémons, Méryl, son Momartik. Elle en tendit un bout à Ritchie qui refusa poliment.

-A 7 h du matin, c'est un peu tôt pour moi…
-Il n'y a pas d'heure pour manger du chocolat. Coupa Ambre, mi figue, mi raisin.
-Je n'ai pas la chance de ne pas grossir, moi ! Sary m'a dit la dernière fois, qu'elle t'en voulait, parce qu'elle, il lui suffit de regarder tes réserves de chocolat pour prendre dix kilos, et que toi, tu te les enfiles sans prendre un gramme !

Ambre haussa les épaules, et répliqua :

-Que tu deviens commère, ce sera répété à Sary ça : tu n'es pas un bon confident. –Elle marqua une pause, sortit un carnet et gribouilla quelques mots, suivi d'un petit dessin, puis reprit- mais tu as raison, l'embonpoint ne t'irais pas vraiment !

Ambre lui pinça le bidon et le garçon, chatouillé, chamboulé par ce contact, encaissa la pique avec bonne humeur. Soudain, Ambre réalisa sa présence matérielle, réelle, comme si elle n'avait fait que converser à un songe depuis tout à l'heure –ce qui lui arrivait régulièrement cela dit en passant- et elle lança :

-Alors, ta mission pour Twilight ?

Ritchie sursauta, et son sourire s'élargit d'autant plus.

-J'ai une nouvelle à propos de ça d'ailleurs.
-Si ça a un rapport avec le yaoi entre Marc et Pierre, c'est à Sary qu'il faut raconter ça. Ajouta la jeune fille, joueuse.
-Non, ça n'a rien à voir ! Rit son interlocuteur. –En fait…Sacha m'a appelé hier soir. Et j'ai suivi ses conseils, je démissionne de l'organisation. Je sais que Drew, Flora, Aurore, Kenny, et quelques autres ont fait de même.

Ambre hocha la tête, bien qu'elle ignore totalement l'identité des personnes qu'il évoquait, elle ne regardait que peu la télé ou l'actualité à vrai dire, préférant se concentrer sur les vestiges du passé. Mais elle hocha la tête de manière bienveillante, et grimaça tristement quelques secondes plus tard, devant l'évidence :

-Donc…Tu n'as plus aucune raison…De rester ici ?

Ritchie approuva de la tête gravement. Et elle baissa la sienne.

-Bon…Je ne suis pas très douée pour les au-revoir. Désolée, je sais pas vraiment quoi dire…Heu…Bonne chance ?

Elle caressa mélancoliquement le pelage de Sparky, et se mordit la lèvre, lunaire. Bonne chance pour quoi ? Elle n'en savait fichtre rien, mais sur le coup, ça lui semblait être la seule parole à dire, dans les circonstances…Ambre perçut un ricanement moqueur, qui provenait d'une des pokéball à sa ceinture, plus spécifiquement de celle de son roigada, Léon. Le mollusque rose lui parlait souvent mentalement, usant de son lien psychique et de ses pouvoirs. Malheureusement elle était la seule à le savoir aussi moralisateur et paternel à son égard, la seule pouvant percevoir ses railleries quotidiennes.

-Je pense que je vais m'installer ici.

La phrase manqua de lui passer sous le nez, toute concentrée qu'elle était sur son Roigada, et elle réagit avec quelques précieuses secondes de retard, comme d'habitude.

-Ah oui ? Je croyais que tu voulais revoir ta mère et ta soeur sur les îles orange après tes aventures ?

Sa voix se teintait d'espoir et de bonheur, qu'elle ne cachait pas. Ritchie ne put retenir son cœur de battre à tout rompre dans sa poitrine, victorieux, non seulement de voir qu'elle tenait un tant soit peu à lui, mais qu'en plus, elle avait retenu ses intentions de revoir sa génitrice un jour.

-Oui…J'irai la voir, mais je pense que je vais m'installer ici. Je m'y plais plutôt bien, les recherches de ton père m'intéressent, puis pourquoi pas tenter la ligue Hoenn ? Bien sûr, je vais pas squatter chez toi mais…
-Tu peux tu sais. Asbel t'adore, et Maman aussi, vu que tu manges de tout et que tu ne pilles pas les réserves de chocolat. Papa aussi aime bien ta conversation, tu t'y connais mieux en politique et en économie que moi, pour sûr !

Elle se reprit, et se demanda après coup, si elle n'avait pas employé de manière abusive le « moi ». Cela devait faire moche, non ? puis elle allait passer pour une égocentrique qui plus est. Est-ce que, pire offense de toute, elle avait eu le malheur de prononcer « Moi je » ? Elle ne s'en rappelait plus !

Ricthie devait ne pas y prêter attention, car il continua comme de rien :

-Non, quand même pas. Je ne vais pas m'installer à vie chez vous non plus. Je pense que je vais me construire moi-même ma maison sous terre, comme toi. Mais le temps que je le fasse…
-J'ai toujours un hamac de libre dans ma chambre. Confirma Ambre, ravie.

Les deux se sourirent avec complicité. Ritchie hésita une brève seconde, détournant le regard, les joues carmins, puis il voulut se lancer. Il tendit le cou, s'approchant des lèvres de la blondinette…

Mais il avait loupé le moment romantique, l'ouverture dans la carapace, où il aurait pu lui voler un baiser, l'attention d'Ambre avait été détournée par le bruit de fax, au bout de l'allée.

Il poussa un juron silencieux tandis qu'elle se dirigeait vers l'engin d'une démarche féline qu'il dévora littéralement des yeux. Sparky se moqua ouvertement de lui, réprobateur. Quoi ? Il avait raté l'occasion, il pouvait au moins reluquer un peu, histoire de se remettre du choc !

Bon, il ne pouvait plus vraiment parler de choc avec Ambre, plutôt du quotidien. La blondinette était tellement lunaire, habituée à n'être vu qu'en tant que meilleure pote par les mecs, qu'elle ne remarquait en rien les avances désespérées de Ritchie. Et lui également, ne savait pas vraiment comment s'y prendre.

Cependant, le dresseur se trompait. Ambre avait conscience du jeu de son camarade, grâce à l'intervention de son Roigada, mais comme à l'accoutumée :

« C'était le feu vert Ambre, il allait t'embrasser là ! » Grogna la voix stricte de Léon, résonnant dans son crâne.

-Non, je ne crois pas que c'était un feu vert. Se défendit Ambre mollement, en attendant que le message s'imprime devant elle.

« Bien sûr que si enfin ! Même moi, et je suis un Pokémon je te le rappelle –encore-, je le vois ! »

-Mais si tu te trompes, je me serai retrouvée comme une andouille, lèvres tendues vers lui ! S'offusqua doucement Ambre.

« Cela ne se serait pas produit puisqu'il allait t'embrasser ! »

-Peut être !

« Arcéus, c'est à croire que tu as peur ! »

-Peut être ! Admit Ambre, écarlate.

Léon se tût à sa ceinture, et elle se félicita rapidement de cette victoire, tout en imaginant, ce qui se serait probablement produit, si elle avait suivi les conseils de son Pokémon. Elle se voyait, toute tremblante, comme les filles dans les films, en mode baveuse, devant un Ritchie désabusé par son comportement. Oui, pas très propre quand même. En plus, elle ne se souvenait plus si elle s'était lavé les dents ce matin…Et le garçon, est-ce qu'il se les était lavés ? Hum.

Un bip strident l'informa que le message avait été reçu dans sa totalité, Ambre saisit le tas de feuilles sur la machine et elle afficha un sourire avant de se retourner et de hurler :

-MAMAN ! CYNTHIA A ENVOYE UN TRUC POUR PAPA !

Ritchie derrière elle, elle faillit le percuter en se retournant, elle s'excusa, confuse, et se dirigea vers le comptoir. Le dresseur n'eut d'autre choix que de poursuivre la jeune fille, décidément aussi libre et hasardeuse que l'air. Il les retrouva prise dans une discussion engagée :

-Tu vas tuer Yann ? Demandait la mère, les yeux ronds.
-Oui je pense.
-Oh nooon ! Tu peux pas faire ça Ambre ! J'aime tellement son couple avec Raphaël ! S'exclama Sary, déçue.
-Mais ils ne sont pas ensemble…Yann est amoureux d'Armony…Murmura son amie, timide.
-Oui mais ils ont tous les deux des Pokémons de la famille de tarsal ! Ils ne peuvent que finir ensemble ! C'est le destin enfin ! Laisse cette garce de sorcière crever dans son coin, qu'elle ne s'interpose pas entre eux ! Argumenta la rouquine.

Ritchie ricana intérieurement. La discussion légère des Irving faisait tellement de bien au beau milieu de l'atmosphère lourde, cassante du désert ! Eliza jeta un rapide coup d'œil à la missive qu'envoyait la championne de Sinnoh, et elle remit ses lunettes carrées en place sur son nez fin, dont avait hérité sa fille.

-Bon, je crois que tu vas devoir aller donner ça à ton père. Ta marraine veut récupérer des documents sur une affaire de retrait de licence…Des renseignements sur l'époque Saharienne. Ainsi que les reproductions des chants de cette époque. Je ne sais pas où ton père a fourré ça, lui et son bordel organisé, tu sais !
-D'accord. Accepta docilement Ambre. –Mais je croyais que l'empire Saharien ne comprenait que Kanto-Jotho et une petite partie de Sinnoh.
-Exact, mais l'ennemi des Sahariens gouvernait le reste de Sinnoh et Hoenn ma chérie, et il a volé de nombreux trésors aux sahariens pendant la guerre. Tu sais en 6 ans de guerre, c'est surtout l'ennemi qui s'approprie les biens de sa victime.
-Oui sauf qu'il a perdu la guerre, et que celle-ci a duré 8 ans, Maman. Revoit ton histoire.
-Dis donc, ma chérie ! C'est toi qui ne connaissait pas l'empereur Xenos et son royaume !
- L'empereur Xenia maman, Xenia ! Corrigea Ambre avec ravissement.

Les deux femmes pouffèrent devant Ritchie et Sary, plus ou moins distancés.

-Bon j'y vais alors, si je veux être de retour pour ce soir, je n'ai pas de temps à perdre ! Oh, Ritchie passe quelques temps chez nous, pas de problème ?
-Pas de problème. Confirma Eliza tandis que Sary lançait un « Cool je vais enfin pouvoir prendre ma revanche en combat Pokémon ! Je te défie Ritchie, cette fois, Sparky n'a aucune chance ! ».

Ambre attrapa le précieux bien, et s'en alla en trottinant. Ritchie voulut la suivre, mais Eliza lui saisit le poignet, et il eut droit à un complet résumé de ce que la famille irving était devenue durant les 4 mois où il ne les avait pas vus. Il apprit même quelques détails sur Ambre, qu'il fut comblé d'entendre : il n'avait pas remarqué que la jeune fille avait encore pris un peu de poitrine. Sparky grogna à nouveau, épuisé par les pensées masculines de son dresseur.

La jeune fille quant à elle, descendit de la falaise en quelques bonds, experte. Elle enfila une casquette blanche et rose, et extirpa de son ceinturon, une autre tablette de chocolat pour se donner du courage. A vrai dire, elle mentait un peu, elle n'avait pas besoin de la journée pour aller voir son père, en courant, elle arrivait au rocher des Légendaire –antre du Pokémon Regirock, capturé par un champion extrême- en à peine une heure. Mais sur le retour, elle pouvait au moins se récompenser de sa commission par une gâterie chocolatée, de bons pralinés qu'elle partagerait à minuit avec Ritchie ! Oui ça semblait être une bonne idée ! Assez sympathique pour justifier une bonne course jusqu'au mont cheminée !

Réjouie, et de bonne humeur, elle s'aventura dans le désert sans peur, trottinant –voire galopante- Elle ne fit une halte que pour se désaltérer. En plein milieu de sa course, elle freina et scruta le paysage à la recherche d'un cactus, bien vite déniché, puisque la verdure ne parsemait pas la plaine. Avec hésitation, elle prit une roche bien dure et la lança de toutes ses forces au préalable sur l'arbuste. Celui-ci ne broncha pas. Ce n'était pas un cacturne, la voie était libre !

« Qu'aurais-tu fait, si ça avait été un cacturne, Ambre ? Tu es bien imprudente ! » La sermonna Roigada.

-J'aurais déguerpi en quatrième vitesse je suppose. Songea Ambre, tout sciant une branche du cactus pour recueillir dans sa gourde quelques gouttes du précieux liquide vital.

« Bien évidemment… ! Tu as aussi mis de la crème solaire bien entendu, et sortit ton morphéo aussi ? «

La jeune fille pencha la tête prise en faute, sous la réprimande, elle dut coopérer et sortit son morphéo, Lloyd. Celui-ci prit instinctivement sa forme « solaire », touché par la météo. Heureusement, car s'il prenait une autre apparence, cela annonçait bien des ennuis, Ambre avait eut l'occasion à plusieurs reprises, surtout ces dernières années, d'assister à un déluge d'eau dans le désert. Les trombes, extrêmement dangereuses puisqu'imprévisibles ; ne devaient surtout pas la surprendre pendant son voyage. Sinon, elle risquait d'être emportée par une coulée de boue et de finir enterrée vivante, ni plus, ni moins. Elle soupira, et regretta de ne pas avoir pris le temps de demander à Sarah, une fille du village très sensible, si elle sentait une probable pluie venir.

« Bien…Je passe sur le problème de la crème solaire, en mettant ça…Sur la distraction nommée Ritchie. » Sonna Roigada.

Quelques fois, son Pokémon se prenait vraiment pour son père ! Ambre ricana. Il fallait qu'elle n'oublie pas cette réplique pour la relancer dans une de ses histoires. Elle repartit aussi sec sur sa route. Se demanda une brève seconde ce que sa mère allait bien pouvoir cuisiner pour fêter le retour de Ritchie. Remarque, elle, elle pouvait faire des crêpes, de bonnes crêpes au beurre ! Et après que Sary ait combattu Ritchie –et perdu- après le match de foot avec les enfants de la ville…Elle pourrait peut-être lui proposer d'aller se baigner dans la crypte souterraine près de leur maison.

« Je viens aussi ! » S'imposa aussitôt Roigada.

Elle ne savait décidément pas si Léon désirait l'aider à séduire Ritchie ou l'entraver par moment. Non mais ? Comment parlait-elle ! Voilà qu'elle recommençait à jouer les égocentriques ! Oh non, elle n'allait quand même pas jouer aux dragueuses de plage, c'était vraiment, vraiment trop ! Un de ses personnages dans une de ses histoires faisait ça, et vraiment, elle avait honte pour elle ! Non, non ! Si Ritchie désirait faire d'elle sa petite amie, alors il devait prendre les devants ! Comme un homme. La drague, c'était pour les mecs, pas pour les filles !

« Tu dis ça, mais tu sais que chez certains Pokémons, lors de la reproduction… »

Ambre mit à fond la musique dans ses écouteurs et se força à se concentrer sur les paroles anglaises, qu'elle comprenait parfaitement. Rouge. Heureusement, le rocher légendaire était en vue.

Elle accéléra, et ne remarqua pas Lloyd, qui dans son dos, changea de forme, tandis que le ciel s'assombrissait brusquement. La jeune fille fit un pas dans la structure rocheuse, sans s'apercevoir qu'une fine pluie artificielle commençait à ruisseler à l'extérieur. Une pluie générée par un Pokémon.

-Papa ? Papa, Cynthia a besoin de tes lumières ! Lança calmement Ambre en descendant dans les entrailles de l'édifice sans sourciller.

Elle n'obtint aucune réponse, mais ne s'en formalisa pas, son père pouvait se montrer comme elle, tout à fait absorbé par sa tâche quotidienne.

Elle ne comprit que quelque chose clochait, seulement quand elle trouva la salle principale dans la pénombre la plus complète. Elle discerna vaguement la forme d'un corps, étendu sur le sol, et perçut l'ordre, sec, intransigeant :

-Regard noir.

Un nosferalto bondit, et une aura rougeoyante s'installa autour d'Ambre. Celle-ci dégaina ses pokéballs, mais Roigada resta en place ; incapable de sortir, d'être appelé. Morphéo, seul rescapé, ne put même pas entrer à l'endroit où se tenait sa dresseuse, arrêté par un mur invisible.

-Qu'est-ce que…Maugréa Ambre.

Elle reçut un choc sur le crâne et s'affaissa. Doucement, elle put distinguer des formes, volantes au dessus d'elle, probablement humaines. Au travers le calque de ses pensées, elle perçut une ébauche de conversation :

« Qu'est-ce qu'on fait d'elle ? – Son père a dit que Regirock n'était plus là. –C'est encore Twilight qui a cette bestiole, toujours eux ! –Elle a pas prononcé le nom de Cynthia ? –Tu crois qu'elle ferait un bon moyen de chantage, elle aussi, sur Cynthia ? »

Puis la tête lui tourna.

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Les jours défilèrent simplement, avec la lenteur exagérée qui suivent les drames. A la télévision, l'affaire était détaillée, disséquée dans les moindres détails, on n'entendait parler que de l'affaire, même les divers messages d'information concernant les enlèvements d'enfants, étaient déplacés pour être diffusés aux heures creuses.

Stupide acte, puisque les enfants eux, restaient toujours introuvables, alors que la bataille de Jadielle avait pris fin depuis au moins une semaine.

A Irisia, les médecins rongeaient leurs freins d'ailleurs, en voyant s'installer dans une chambre d'un de leur patient –tout juste sorti du coma- un vrai débat politique. Malheureusement, la porte gardée par une armée de Pokémons surpuissants, ils n'osaient pas faire autre acte que râler et espérer que Peter fasse un arrêt cardiaque histoire de retrouver un chambre dans la section Urgence, et non un Hall d'entrée.

Le docteur Parker avait à peine eut cette réflexion songeuse, qu'un pouf retentit dans les couloirs, pour laisser place à un groupe d'enfants, tenant un Abra tout bébé dans leurs bras. Le chirurgien reconnut sans mal Shagi et Makanie qu'il avait toujours connu, et il grommela une injure.

Tant qu'ils y étaient, autant transformer le bâtiment en stade ! Il partit en raclant des pieds tandis que Shagi penchait sa tête sur le côté, essayant de se rappeler cet inconnu, une voix retentit dans le couloir :

-Shagi ! Comment tu vas mon grand ?

L'irisien tourna brusquement la tête, et un immense sourire étira ses lèvres, Makanie ne put s'empêcher de ricaner, regrettant de ne pas tenir sur elle une caméra vidéo. Les retrouvailles entre père et fils l'amusaient toujours au plus haut point.

-PAPA !

L'irisien se jeta sur le colosse qui lui servait de père. L'énorme armoire à glace ne ressemblait en rien à son enfant, alors que Shagi avait une carrure assez moyenne et plutôt frêle malgré ses muscles en béton,
Martin, lui, en bon marin aurait pu être un de ces mercenaires de films. Pas une once de graisse, et une taille gigantesque, il atteignait presque les deux mètres. Sa peau blafarde, digne d'un beau rouquin, contrastait avec le teint mât de sa progéniture, et pour finir ses yeux bleus finissaient de les séparer totalement. Malgré tout, les deux hommes s'adoraient littéralement. Le père de Shagi encercla le garçon par la taille, ses grosses paluches le saisissant comme une poupée, et il le souleva de terre pour le prendre dans ses bras. Makanie fut surprise de ne percevoir aucun « crac » douloureux, dénonçant la force de poigne de Martin. Mais tout bruit suspect avait du être couvert par le rire de Shagi, ravi de retrouver son père.

-Dis donc, tu as grandi encore toi ? Demanda Avidement l'homme mûr.
-Evidemment, tu crois quoi, j'vais pas rester un moucheron éternellement, j'vais te dépasser ! S'offusqua l'irisien, faussement frustré.
-J'en doute pas de ça !

Les rires gras, goguenards s'entremêlèrent entre eux. A tel point que Makanie manqua de louper l'arrivée de sa Tante, inchangée malgré les années. Elle la salua discrètement tandis que l'adulte riait de cette effusion de tendresse si inhabituelle.

La dresseuse de Pokémon normaux se tût et admira son meilleur ami –bien qu'un peu de rancune persistait toujours un peu en elle pour les mots blessants qu'il lui avait adressé-. Elle ignorait toujours comment le gamin qu'elle avait connu dans son enfance, si attaché à son île, si conservateur, avait pu un jour décider de tout lâcher pour partir voyager. Lui qui petit, criait à tout bout de champ qu'il ne quitterait jamais sa maison.

Martin n'était pas souvent présent, avec son travail, et le petit irisien avait développé une sorte de relation ambigüe avec tous les habitants du village. Certains adultes, dont sa tante, le nommait affectueusement « l'enfant du monde ». Qui voudraient se séparer d'une si gigantesque et affectueuse famille ?

-Que faites-vous ici ? Demanda Makanie au bout d'un moment, jugeant que les embrassades avaient assez durées.
-Nous sommes venus passer le bonjour à Peter, pardi ! S'insurgea Martin.
-D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. Informa La tante de Makanie. –Mais enfin…Dois-je dresser la table pour tout le monde ce soir ?
-Non merci, on repart tout de suite après la visite. Lâcha Shagi intransigeant, la frimousse se fermant froidement à la suite de ses paroles.

Les adultes écarquillèrent des yeux, surpris, puis la déception de lut rapidement sur leurs traits, avant qu'ils ne se tournent l'un vers l'autre et ne bredouillent :

-Bon…Et bien nous serons seulement tous les deux à table ce soir alors…
-Je crois bien…Dommage.

Sans rien ajouter, ils se retirèrent, et Makanie en profita pour interroger son ami du regard, celui-ci se contenta de rétorquer :

-Je déteste dire au revoir.

Makanie grimaça, puis ils pénétrèrent dans la chambre qu'occupait Peter dans le silence…Qui elle, au contraire, se trouvait secoué par des milliers de sons, une véritable cacophonie.

-Pourquoi ce serait à MOI d'appeler Arisa ? Bafouillait Marc en tendant le téléphone à son petit ami.
-Parce que tu as perdu à la courte-paille ! Répliquait Pierre en renvoyant aussi sec le combiné.
-Mais moi, elle va me hurler dessus ! Puis c'est à Peter de l'appeler ! Essayait aussitôt le maître de la ligue.

Devant le flegme du champion des dragons, il changeait de cible et pointait Marion du doigt, avec la force du désespoir et balbutiait :

-Et pourquoi pas une inconnue, hein ? Elle n'engueulerait pas une inconnue !
-Parce qu'elle a déjà appelé et subit Sandra et le reste de la famille ! C'est à TOI de le faire ! Relançait Pierre.

Et la boucle reprenait, du moins, jusqu'à ce que l'attention de Marc ne se détourne et ne tombe sur les nouveaux venus. Pas de bonjour, pas de salutation, juste une supplique larmoyante :

-Shagi ! Appelle Arisa s'il te plaiit !

L'irisien marqua un temps de pause, avant de se rendre compte que tous les regards se posaient sur lui avec gravité. Ils étaient sérieux.

-HEIN ? Mais pourquoi moi ? C'est Makanie sa meilleure amie ! S'insurgea-t-il aussitôt.

La concernée arqua un sourcil et elle siffla :

-C'est pas parce que c'est ma meilleure amie qu'elle me dispense de ses charmantes engueulades ! Toi tu y es habitué, ça te fera pas de mal ! Puis qui sait peut être que si c'est toi qui l'appelle, elle se montrera douce comme un wattouat.

Gros doutes là-dessus.
Shagi grommela, et il fixa Peter avec rancœur, tandis qu'il soufflait, âcre :

-Mais pourquoi vous voulez l'appeler d'abord ? Pour qu'elle lui envoie des chrysanthèmes ? Qu'elle lui balance « J'avais déboursé une fortune pour qu'ils te tuent et ils ont loupés leurs coups, merde ! », franchement, c'est être maso !

Marion étonnée, bafouilla :

-C'est quand même sa sœur…Elle n'agira pas comme ça, tout de même !

Et l'énorme silence qui suivit valut toutes les réponses du monde. Les visages bas, ployant sous la réalité, les adultes présents virent la vérité nue et insolente : Arisa était parfaitement capable de dire ça. Une seconde, Peter fut même certain qu'elle aurait put faire le chemin de Sinnoh jusqu'à cette chambre juste pour lui foutre une rouste.

-On va oublier de la prévenir…On va dire…Marmonna Pierre dans un soupir.

Marc posa courageusement les mains sur les épaules de peter et enchaîna, emplie de conviction :

-Et si elle l'apprend, je viendrai poser des chrysanthèmes sur ta tombe tous les mois, c'est promis.

Peter blêmit tandis que Marion s'empourpra pour s'exclamer, prise dans son élan :

-Moi aussi ! Je viendrai en déposer !

Elle ne se rendit pas compte de l'absurdité de sa réaction que trop tard et sa gêne redoubla. Peter rit doucement, mais le cœur ne s'y trouvait pas, il patienta néanmoins jusqu'à ce que l'hilarité retombe, et attendit que Shagi, aussi âpre et acerbe qu'Arisa, ne lui lance :

-Bah, ils t'ont pas loupé…

Aidé par un Pierre à la verve aussi acide que le plus impitoyable chef d'entreprise :

-Tu t'es fait avoir comme un bleu.

La compassion les étouffait ou quoi ? Makanie haussa les épaules et porta le coup fatal aux restes épars de la dignité de son chef :

-C'est vraiment pitoyable !

Marc eut la décence de se taire, mais son absence de réaction signifiait bien le fond de sa pensée. Peter gît sur son oreiller de convalescent, abattu par les piques affutées de ses « amis ». Marion bafouilla quelques paroles pour le défendre, mais elles sonnèrent hélas bien creuses. Peter inspira, le cœur lourd, mais réaliste. Il passa une main hasardeuse sur la plaie à son abdomen, et grimaça de honte.

-Et les autres… ? Comment tout s'est arrangé pendant mon…Sommeil…

Il se mordit la lèvre pour éviter de prononcer le mot « coma » si mystérieux et déroutant. Marion plissa les yeux douloureusement, et elle bafouilla :

-Et bien…Nous avons perdu une dizaine de membres parce que…Sacha ne veut plus entendre parler de Twilight. Drew, Flora, Kenny, Aurore, Ritchie, Ondine l'ont suivis…Jun et Paul restent, mais ils se méfient plus qu'on ne peut le croire.

Peter serra la mâchoire mais il se contenta de murmurer :

-Ca nous pendait au nez depuis quelques mois déjà…

Marion parut penaude, mais elle ajouta avec anxiété :

-Les sbires de la Rocket capturés ont tous perdu la mémoire, ils sont en institution. Je suis retournée à l'arène, et plus un seul engin électrique ne fonctionnait comme prévu…Et il n'y a pas eu de survivant non plus. Ajouta-t-elle d'une voix étriquée.

Ses doigts tiquèrent, se serrèrent douloureusement, mais elle ravala son cri et leva la tête vers Peter courageusement pour continuer. Le maître des Dragon l'admira passivement, très peu fier de lui faire endosser pareil pêché.

-Mais…La météo continue d'être hasardeuse, c'est la canicule à frimapic, et il y a quelques jours, un véritable orage a secouée le désert d'Hoenn. Christopher et Angèle pensent comme moi…La rocket a passé le flambeau…Ou continue ses méfaits, même sans chef…Même sans Opale…

Elle déglutit et bafouilla, crispée :

-Lucas pense que toutes les Teams ont un réseau entre elles…Qu'elles agissent comme des entreprises rivales qui se battent entre elles, mais collabore pour éradiquer toute menace future...
-Ca expliquerait le « nous » qu'ils ont employé lorsqu'ils ont fait sauter la planque sur la piste cyclable. Avoua Peter, harassé, alors que Pierre, le seul s'y connaissant un tant soit peu dans le milieu évoqué, opinait du crâne avec gravité.

La blonde évita de croiser le regard de quiconque, et elle acheva, brisée plus qu'elle ne le voulait le montrer :

-La police a récupéré les affaires des Rockets…Nous tenons Mefisto –il est enfermé avec son subordonné dans les catacombes de la grotte de Cristal- et Giovanni a disparu…Mais la lutte n'est pas terminée.
-Salomée ?
-Elle va bien Peter…Elle a fait une petite bévue, mais ses plaies se referment lentement, et elle a déjà oublié que Giovanni est mourant. Elle ne change pas. Expliqua posément Pierre.

Marc et lui fermèrent les yeux, se remémorant aisément la silhouette gracile, cassée de la gijinka au fond de la grotte, qui tentait de manière malhabile de leur cacher ses blessures sanguinolentes. Ils se remémoraient aussi, quelques heures plus tard, après lui avoir dit que Giovanni n'était plus, l'avoir entendu rire. Un rire glacial, effrayant, tandis qu'elle sifflait, haineuse : « Ne dites pas de bêtises…Ce type est le diable incarné. Ce type est mon cauchemar. Je le sens, je le sais. Il vit…Il vit et me nargue toujours plus ! Et je n'aurais de repos que quand je l'aurais tué de mes mains ! Ma vie et la sienne s'éteindront conjointement s'il le faut, mais c'est moi qui le tuerait. ». Les deux amants grimacèrent d'appréhension.

-Comment vont les enfants ?

La question de son supérieur déstabilisa Marion, et elle mit quelques précieuses secondes à la comprendre, puis à fouiller dans sa mémoire pour se remémorer les détails qu'il lui demandait :

-Silver et Gold semblent se remettre. Samantha Joëlle est…Dans un état lamentable, d'un point de vue psychologique, mais son professeur s'occupe d'elle, même si je crois qu'il n'est pas plus en forme qu'elle en vérité. Il…Il n'arrive plus à voir grand-chose. Cristal et Lucas ont des blessures superficielles, que Régis a soigné. Gabriel se plaint juste d'avoir perdu son ordi, mais il hurle autant que les autres.

Elle rigola face à sa tentative d'humour noir, mais personne ne l'imita.

-Eléanore…Devrait être hospitalisée. Je sais que ce n'est pas envisageable, que c'est trop dangereux, qu'on risque de la reconnaître mais…Elle a déjà fait plusieurs arrêts cardiaques en une semaine. Si le pire est passé…Les jours à venir ne semblent pas vraiment attrayants pour autant…

Peter, le visage sombre, muet, ne cilla pas, puis, comme un murmure, comme un souffle désespéré, celui d'un agonisant apeuré par la mort, par sa blessure béante, il lança :

-Et ses jambes ?

Marion perçut dans le regard de tous les spectateurs, plus encore dans les prunelles mordorées de Peter, une peur sourde, une terreur aussi vieille et aussi douloureuse, que rien, pas même de bonnes nouvelles, n'auraient put atténuer. Une blessure à la cicatrice purulente, battant encore la mesure d'un drame étranger. La cousine de Lucas se sentit incapable d'annoncer la vérité de front, et elle répliqua doucement, morne, en fixant un horizon invisible, tout autant dans cette pièce close, qu'en son cœur en cet instant.

-Eléanore ne pourra plus marcher. Elle n'a plus aucun réflexe, disons que si on la met debout, elle tiendra, mais si on lui demande d'avancer, elle s'effondrera, parce que ses jambes n'obéiront pas.

Peter s'adossa contre son oreiller, comme si la ligne directrice qui le maintenait encore debout, le guidait dans la tourmente, venait de s'évaporer au creux de sa paume. Lentement, le maître dragon porta sa main à son visage pour le camoufler entièrement, masquer sa déception, sa douleur, et son poing se crispa sur sa couverture.

Marion sursauta, sa poitrine compressée, malmenée, et elle se mordit la langue, se rongea l'ongle du pouce, avec frustration, peine. Lentement, elle sortit de la pièce, attrapant Shagi et Makanie par la-même, comprenant bien que son supérieur désirait être seul en cet instant, mais avant qu'elle ne se retire complètement, Marc se tourna vers elle et la rassura :

-Tu as fait tout ce que tu as pu Marion. Ce n'est pas de ta faute.

La blonde fronça les sourcils, et retint un sanglot quand son regard se posa sur Peter, tout entier à sa douleur.

Elle aurait voulu que lui, lui dise ça.

Même si c'était un mensonge maladroit, même si elle savait parfaitement que des centaines de vies avaient cessés par sa faute ce jour là…

Elle aurait juste aimé entendre ce mensonge de sa bouche.

Mais rien ne vint.

Plus tard, dans la soirée, quand le crépuscule teinta les murs blancs de la chambre d'hôpital, que le silence et les heures eurent atténuées la douleur trop vive, Peter se tourna vers ses amis, et maugréa, embarrassé :

-Je ne suis pas un bon chef pour Twilight n'est-ce pas ?

Marc parut gêné, mais son compagnon lui, se contenta de rétorquer aussitôt, froid :

-En effet, tu es un chef pitoyable.
-Pierre ! S'insurgea Marc.

Pierre inspira profondément, incapable de nier, peu engagé pour défendre son honneur. Lui qui venait d'une famille de dracologues exemplaires, qui cultivaient l'orgueil au quotidien, jamais ce sentiment ne lui apparut si futile, si vain. Qu'en avait-il à faire, de ce que les autres pensaient de lui ? Qu'est-ce que ça lui apportait au juste ? Gloire ? Renommée ? Amour ? Certainement pas l'efficacité. Il suffisait de constater les dégâts qu'il avait engendrés.

Son frère était mort. Twilight avait du sang sur les mains. Des enfants souffraient de par ses choix. Une femme avait perdu la raison. Il avait tué des Pokémons innocents. Et rien n'avait changé.

Le nombre de ses échecs s'afficha devant ses yeux comme un mur disloqués, menaçant de l'écraser dans sa chute et une envie de le laisser s'effondrer, de l'emporter avec lui en enfer, s'empara de son être.

-Tu es trop sensible. Justifia Pierre dans un second temps, devant les yeux écarquillés de Marc et de Peter.

Le Rochard se ferma, les bras croisés, insensible et surtout intransigeant, il plongea son regard aussi affuté qu'une lame d'acier dans celui de son vieil ami.

-Tu es trop sensible pour endosser de telles responsabilités. Je te l'ai toujours dit, et je le répète. Être un petit héros sur les chemins, ça te réussi, mais être responsable d'une organisation aussi importante, de savoir gérer ses victoires comme ses défaites…C'est une autre affaire.

Il pointa un doigt accusateur sur son camarade et répliqua :

-Tu aurais pu battre Giovanni. Mais tu n'as pas su, parce qu'il a osé parler d'Harry. Parce que ce qui est arrivé à Harry te fait toujours souffrir.

Peter se figea, blême tandis que Marc, triste, relançait :

-Harry était un gamin adorable Peter. C'était un plaisir de le côtoyer tous les jours à Atalanopolis, à l'école. Et c'est affreux, injuste ce qui lui est arrivé…Mais ce n'est pas…
-Si c'est ma faute !

Le cri paralysa le célèbre coordinateur qui se tût, stupéfait, victime d'un regard haineux, empli de souffrances contenues depuis des années, qui au fil des ans, s'infectaient, rongeaient plus que de raison.

-Je savais qu'il ne voulait pas être dracologue ! Je savais ça ! Et j'aurais du insister davantage auprès de mon grand-père : j'aurais dû être capable d'empêcher Harry de subir l'épreuve de l'antre du Dragon ! Si j'avais été capable de cela…Il ne se serait jamais brisé le genou ! Il…Il ne serait jamais parti en voyage à Sinnoh ! Il n'aurait jamais disparu ! Il…Il ne serait pas mort aujourd'hui !

Le sanglot qui remontait le long de sa trachée se bloqua dans son gosier sans s'écouler.

-C'est faux. Tu le sais. –Pierre, loin d'être envoyé sur la touche par la boutade, gardait son ton cinglant, assommant, enfonçant davantage encore le blessé, sans sourciller. – Ton père, et Arisa n'ont pas pu enrayer la pression familiale non plus. Crois-moi, cette force là tue un être plus sûrement qu'une balle en pleine poitrine. Cela fait 5 générations que vous êtes dracologues, personne n'aurait pu empêcher Harry de subir l'épreuve de l'antre du Dragon. Tout comme personne n'aurait pu empêcher les gosses d'approcher du nid de Dracoloss pour capturer leurs minidracos. Tout comme personne n'aurait pu entendre les cris d'Harry au fond du gouffre.

Il leva la tête et défia Peter de le contredire tandis qu'il lançait froidement :

-Harry s'est brisé la jambe. Mais ce n'est pas ta faute. C'est un bête accident que personne n'aurait pu prévoir, que personne n'aurait pu enrayer.
-Mais j'étais présent ! J'étais à quelques mètres de là où…où…Il a passé 5 jours au fond d'un gouffre avec la jambe brisée ! 5 jours ! A crier ! A hurler qu'on l'aide ! A désespérer ! Et J'étais à Ebenelle ! Juste à côté de lui ! Je n'ai rien entendu ! Se rebella Peter, criant de douleurs.
-Arrête de dire des bêtises ! Le coupa Marc, pour la première fois choisissant un camp dans la bataille. – Peter, personne n'est en faute là dedans.
-Et pour son voyage à Sinnoh…Cela semblait être la meilleure solution pour lui. S'évader, être capable de penser ses plaies, reprendre confiance en lui…Qui aurait pu prévoir sa disparition ? Cesse de refaire le monde. C'est du passé. Termina Pierre avec un sourire mélancolique.

Une grimace étirèrent les amants, une lame aiguisée striant leurs cœurs, impuissants devant l'incontestable, il était temps de ranger le souvenir qu'il conservait du garçon du côté des fantômes éternels, si proche dans leurs souvenirs, leurs songes, mais si lointain de leurs caresses et de leurs pleurs.

La main de Marc se glissa dans celles des autres hommes, graves tandis qu'il essayait un vague sourire, comme pour leur insuffler, leur murmurer qu'eux, malgré tout, marchait toujours le long du chemin de l'existence.

Harry n'avait pu faire que quelques pas avec eux, éphémère, fugace, mais sans lui, jamais Marc n'aurait rencontré Pierre, qui un beau matin, avait accompagné le gamin à son école privé…Il n'avait peut être parcouru que peu de distance, mais il avait su marquer les esprits de par ses actions. Conserver en eux le souvenir de son sourire, les échos de son rire, de son étonnement naïf face à l'incongru, c'était tout ce qu'il souhaitait. Tout ce qu'il pouvait faire à présent.

L'impuissance humaine face à la mort le mordit aigrement.

-Je ferai mieux de déléguer la tâche à Marion.

Les mots de Peter sonnèrent dans la chambre vide, stagnèrent comme un glas de résignation.

-Décidément…Ton cerveau a du être touché pendant l'opération. Remarqua Pierre, acide.

Peter coula une œillade déprimée vers lui, et il ricana nerveusement.

-Il faut savoir…je suis un trop sentimental pour m'occuper de ma propre organisation, ou pas ?
-Tu es trop sensible. Confirma Pierre.

Marc soupira devant l'entêtement qui ne menait à rien de son compagnon, aussi sursauta-t-il quand le chef d'entreprise harangua :

-Mais c'est ce qui fait ta force également.

Plusieurs yeux se plissèrent, le dévisagèrent, déboussolés. Il soupira et continua doucement :

-C'est parce que tu te remets en question, que tu es sentimental, sensible, que tu es un bon chef. Tu t'inquiètes pour tes membres, pour les soldats que tu envoies au front, et de même, tu te chagrines de la mort des ennemis…C'est une attitude stupide…Mais humaine, généreuse. Peter, si tu n'avais pas ces qualités là, ça ferait longtemps que Twilight aurait rejoint le camp adverse.
-Pourtant mes choix ont rendu une gamine paraplégique. J'ai conscience d'avoir ruiné sa vie également. Même si elle est mourante, elle aurait mérité de passer ses derniers instants auprès des siens, et non pas à souffrir comme ça, dans un lit, loin de tout soin…Marmonna Peter, flasque, éreinté, irrité par sa propre personne.

La haine de soi était une blessure bien plus douloureuse que celle qui avait transpercé son torse. Pierre et Marc contemplèrent sans force leur ami plonger dans la déprime la plus noire et totale, dans un endroit où leurs mots, mêmes les plus attentionnés, les plus chargés de soutien, sonnaient irrémédiablement vide de sens.

-C'est en faisant des erreurs qu'on apprend, Peter. Tenta Pierre, persévérant sans trop y croire.
-Il y a des erreurs qui ne pardonnent pas. Comme celles qui sacrifient des vies. J'ai du sang sur les mains…Pire, les enfants que j'ai formé, n'ont aucun remord à battre à homme de manière déloyal, certains sont même capable de tuer eux aussi…Quel genre d'acte peut rattraper un tel carnage ? Je ne crois pas qu'un « désolé je ferai mieux la prochaine fois. » rendra leurs morts aux familles éplorées.

Marc soupira, et Pierre ne parvint pas à répondre cette fois.

-Quelques fois, Peter, un petit sacrifice est nécessaire pour le plus grand nombre.

Les mots de Marc raisonnèrent dans l'esprit du maître dragon, et il se tourna vivement vers le coordinateur, ses yeux lançant des éclairs de fureur.

-Jamais ! Jamais je ne permettrai ça ! C'est horrible ! Tu te rends compte au moins de ce que tu insinues ? Que dirais-tu si je choisissais de sacrifier Pierre pour sauver le reste du continent ?

Marc écarquilla des yeux, mais Peter ivre de douleur asséna son discours avec la violence de coups de poings dans une bataille de rue.

-Une vie n'a pas de prix ! On ne peut pas la lier à une quantité, la soupeser ! Une vie, même la plus petite, en est liée à d'autres, comme une gigantesque toile ! En la détruisant, nous touchons bien plus que…

Il s'arrêta net, pâle, et se laissa retomber sur son dossier, le visage enfoui dans les mains, la mâchoire crispée sur des mots trop méprisables pour qu'il les jette si impunément sur son ami. Marc, secoué, face à lui, ne proféra plus aucun son, la culpabilité le rongeant.

-Tu es trop sensible, trop idéaliste. Ce que dit Marc prend du sens, dans le désespoir, il prend du sens. Insista Pierre.

Mais plus personne n'osa répliquer, Peter se ferma tout entier. Pierre contempla son camarade, prostré, en deuil, et il lança simplement :

-Depuis quand un dracologue renonce-t-il ? Tu as donné ta parole, tu as commencé une action, tu dois l'achever Peter. Tu dois mener twilight à son but. Nous sommes là pour t'épauler, dès que les choses deviennent trop dures pour toi…
-J'en ai assez, Marc, Pierre. Vraiment.
-Et alors quoi ? Tu vas laisser le commandement à Marion, Cynthia, Marc et moi ? Tu vas te retirer aussi simplement que ça !
-Mais qu'est-ce que tu cherches à la fin ? M'obliger à continuer à mener Twilight à sa perte ? Désolé mais je refuse de contempler ça ! L'enjeu de cette organisation me tient trop à cœur pour que…Que je sois responsable de sa défaite.
-Alors bats-toi ! Sinon il y aura d'autres Harry ! Il y aura d'autres victimes !

Peter jeta une œillade désespérée au maître acier, qui debout, rouge de colère, fulminait. Cependant, devant l'absence de réaction de son ami, le Rochard grommela, dédaigneux.

-Nous allons bientôt organiser une conférence de presse…Avec Théodd, pour Jadielle, pour lancer officiellement Twilight, pour entrer en guerre…

Il attrapa la main de son compagnon et l'obligea à le suivre vers la sortie, mais il s'arrêta après quelques pas. Le dos tourné, son irritation moins diluée à l'amitié qu'il vouait au blessé sans la vision éplorée qu'il lui offrait, il trouva la force de lâcher :

-Si vraiment tu n'en as plus le courage Peter…Alors abandonne la gestion de Twilight…Reprends une vie tranquille, dans ton coin. Fais comme si de rien n'était, trouve toi une femme, fonde une famille…

Il marqua une pause et balbutia, aigre, les mots lui coûtait autant qu'il meurtrissait son collègue.

-Mais est-ce que tu seras capable, tous les matins, de te réveiller, de sourire à ton bonheur, en sachant que derrière toi, des personnes meurent chaque jour ? Que parce que tu as décidé de te retirer, de ne pas agir, des vies disparaissent sous les coups ennemis ? Que les enfants que tu as pris soin de choisir, d'aider pour certains, auquel tu as offert parfois l'espoir, se fassent écraser, simplement parce que tu n'es pas là pour les soutenir ?
-Qui te dit que je ne rendrai pas les choses pires encore ? Siffla Peter.

Pierre sourit tristement.

-Rien. Personne ne me le dit. Si tu changes d'avis, ou même si tu tiens à participer à une dernière mission de ton organisation…Nous organisons la conférence de presse le 13 mai, à Jadielle.

Las, il saisit la poignée de la porte et l'ouvrit. Marc seul comprit à quel point la remarque de son compagnon était fourbe et malsaine. Peter aurait peut être pu baisser les bras, naïvement, les abandonner lâchement, se bornant à croire en le bien de son action, en imaginant qu'ainsi il sauvait des vies. Et Pierre venait de lui révéler la vérité nue, des faits inéluctables. En lui narrant ces injustices, lui mettant sous les yeux les morceaux disloqués d'un futur probable, il le forçait à les accepter, à les prendre en compte.

Il l'obligeait à prendre sa décision en toute connaissance de cause.

Marc jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et vit Peter reprendre son visage dans le creux de ses paumes, effondré, harassé, et il comprit, il comprit les propos de son compagnon.