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Tome II : Le Nœud de Regigigas de Alecx



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» Auteur : Alecx - Voir le profil
» Créé le 09/05/2010 à 20:52
» Dernière mise à jour le 14/05/2010 à 11:47

» Mots-clés :   Action   Aventure   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 17 : Time is Running Out
Steven Bénéteau, robuste marin que l'océan n'effrayait plus, était impressionné par les conditions de navigation de cette nuit.

Les vagues semblaient venir de nulle part et partout à la fois. Il en venait de tous les côtés. Elles roulaient sous la coque, comme muées par une force mystique, soulevant la bateau à parfois plus de trois mètres, toujours plus haut vers le ciel noir et sinistre où aucune étoile ne perçait. Les eaux se déchaînaient, le courant était plus fort et hargneux que jamais. La masse sombre de l'étendue liquide paraissait prête à engloutir le bateau, avait même l'air de n'attendre que ça. Ses profondeurs abyssales ne se dévoilaient pas, laissant l'imagination faire le travail. Des Pokémon enragés, des espèces inconnues, un monde hostile et glaciale sans lumière ni âme qui vive. Un monde sous-marin proche de la mort, habité par ses armées de monstres et fantômes errants. Çà et là, des pics rocheux saillaient de l'eau, comme des lances dont le seul but serait d'atteindre les malheureux qui, en cette nuit de colère, préféraient affronter les éléments plutôt que d'écouter leur avertissement.

Et pour compléter le tableau, la pluie continuait de s'écouler comme un torrent descendu des cieux, qui se faisaient sombre et orageux, parfois éclairés par la lumière aveuglante d'un éclair.

Mais Steven ne craignait pas la mer. Il avait de l'expérience. Et il savait que son jour n'était pas arrivé. Un jour, la mer les prendrait, lui et son bateau, et alors il n'opposerait aucune résistance. Car c'est ainsi que doivent se passer les choses. L'homme domine la mer pendant un temps, puis en échange de ces années de règne, elle le garde à jamais avec elle à la fin de son cycle de vie.

Sur l'embarcation, hormis M. Bénéteau, tout le monde essayait de trouver le sommeil. Il était une heure du matin, et dans la chambre, chacun se tournait et se retournait sur sa couche. Lucas et Julien avaient pris les lits en hauteurs, laissant ceux du bas, plus pratiques, aux deux filles.

Alice, qui avait précautionneusement conservé sa propre Clef avec elle, la tenait fermement dans ses mains. Son contact la rassurait. Elle savait qu'elle avait pris la bonne décision. Elle le voyait dans les reflets que lui lançaient les rubis incrustés dans la pierre. Son destin était lié à celui de ces personnes. Elle se sentait bien sur ce bateau. Il faut dire qu'elle était souvent partie en mer, et que le roulis des vagues, aussi fort fusse-t-il, lui donnait toujours une agréable impression de flottement.

Morgane, elle, faisait le vide dans son esprit. Sa pierre pendait toujours autour de son cou, fixée sur la plaque en or qu'avait ajoutée sa famille. Maintenant que les trois Clefs étaient réunies, elle pouvait sentir leur pouvoir flotter dans l'air et imprégner la pièce. Elle sentait vibrer comme des ondes, et elle avait l'impression que, si elle parvenait à ne plus penser à rien, ces ondes l'envahiraient et lui dévoileraient quelque chose d'important.

Julien, au contraire, réfléchissait au maximum de ses capacités. Dans quelques heures, ils seraient au Secteur Combat. D'après sa carte, il ne leur faudrait pas plus de deux heures pour atteindre la base d'Hélio, si Lucas l'avait bien située. Ils arriveraient au plus tard à cinq heures du matin sur l'île. Ce qui signifiait qu'ils pouvaient être au QG vers huit heures, en s'offrant une marge d'une heure d'erreur. Attaquer sans plan le dérangeait, mais la vie de ses enfants était en danger, et il ne voulait pas prendre le risque de les faire attendre plus longtemps. Lucas voulait qu'ils se fassent discrets. Cette stratégie lui convenait parfaitement. Plus ils éviteraient le combat, mieux il s'en porterait. Des hypothèses sinistres lui traversaient l'esprit malgré lui (« Et s'ils étaient… ») mais il essayait de les éloigner autant que possible. Il devait dormir maintenant. Il lui faudrait être en forme lorsqu'ils arriveraient.



« Si j'avais su me battre, il ne serait pas mort. »

Cette phrase résonnait encore et encore dans les pensées de Lucas. Il se trouvait de nouveau dans cette maison où la cheminée était éteinte, mais il était seul cette fois-ci. Les deux personnages qui avaient les mêmes yeux, le jeune et le vieux, étaient partis. Debout sur un tapis épais, Lucas regarda autour de lui. Directement sur sa gauche, il y avait un fauteuil en cuir qui semblait confortable. Juste à côté était accolé un petit meuble, sur lequel reposaient un livre et une enveloppe. Un autre fauteuil se trouvait un peu plus loin. Tous les deux étaient tournés vers le triste âtre de la cheminée, qui se trouvait sur le mur de gauche. En face de cette cheminée, sur le mur de droite, il y avait une fenêtre. De la neige venait se coller à la paroi de verre, s'entassant sur la partie inférieure. Lucas essaya de distinguer le paysage de l'autre côté, mais il ne vit rien d'autre que du noir. Les ténèbres. Il trouva cela inquiétant. En reprenant sa position initiale, il vit que le mur devant lui comportait une porte fermée, et celui derrière lui une porte ouverte. La porte ouverte donnait, comme la fenêtre, sur le néant. Il s'approcha donc de celle qui était fermée. Il s'aperçut en abaissant la poignée qu'elle était verrouillée. S'il avait été dans ce roman de Lewis Carroll, il aurait pu boire une potion qui l'aurait rendu assez petit pour passer sous la porte, mais ce n'était pas le cas.

Il fit un demi-tour sur lui-même pour soudainement faire face au paysage majestueux des Colonnes Lances. S'il s'était souvenu du salon et de sa cheminée éteinte, sans doute aurait-il trouvé cela bizarre, mais il ne s'en souvenait pas. Une petite feuille verte vint se déposer devant lui en effectuant quelque ballet aérien digne de la professionnelle qu'elle devait être. Voir cette petite tâche colorée posée sur la roche froide de la montagne lui fit penser à cette branche sur laquelle un ami à lui avait trébuché alors qu'ils se trouvaient perdus dans une grotte. Qui ? Où ? Il ne s'en souvenait pas.

Aujourd'hui, le paysage du Mont Couronné, à l'instar de Sinnoh, était vide de Pokémon. Ni Dialga, ni Palkia, ni Giratina. Vide de Pokémon ne signifiait cependant pas vide de monde, et il remarqua que quelqu'un se tenait debout un peu plus loin devant lui. « Mais si je n'ai pas la clef, je ne pourrai pas ouvrir la porte. » remarqua Lucas.

Il s'avança donc en direction de cet homme en face de lui, pour lui demander si par hasard il n'avait pas trouvé une clef. Alors qu'il s'approchait, il n'était toujours pas à même de distinguer ses traits, et la personne devant lui ressemblait plus à une ombre qu'autre chose. Elle lui faisait dos. Elle portait un chapeau et un manteau long. Il n'y avait plus que trois ou quatre mètres qui les séparaient maintenant. Autour des Colonnes Lances, tout n'était que ténèbres.
-Excusez-moi, interjeta Lucas.

L'homme n'esquissa aucun mouvement. Lucas s'avança d'un pas. Puis d'un autre. Il tendit la main devant lui dans le but de tapoter l'épaule de cet homme. Il n'y avait plus que quelques centimètres. Il serait bientôt en contact avec lui. « Vous n'auriez pas vu une clef ? » pensait Lucas.

Juste avant qu'il ne le touche, une main se posa sur son épaule. Une large main noire au doigts crochus, froide. Lucas s'interrompit dans son mouvement pour se retourner et se trouver nez-à-nez avec Darkrai.
-Tu n'as pas vu une c… commença-t-il avant d'afficher une mimique étrange. Je délire hein ? demanda-t-il.

Darkrai raffermit sa pression sur l'épaule de Lucas, ce qui pouvait vouloir dire n'importe quoi.

« Regarde derrière toi. » murmura Darkrai dans les pensées de Lucas.

Lucas se retourna à nouveau. L'homme se tenait toujours là, immobile. Le jeune homme se sentit tout à coup très mal à l'aise.
-Darkrai je veux me réveiller, s'il te plaît, je veux me réveiller, s'il te plaît, je veux me réveiller, murmura-t-il en faisant encore une fois volte-face, les yeux fermés, le visage tordu par la terreur.

Derrière lui, il entendit un frottement de tissu. Un mouvement. Il ne se retourna pour rien au monde.
-S'il te plaît Darkrai, je veux me réveiller, je t'en prie ! supplia-t-il, paniqué.

Puis les ténèbres l'envahirent.



Lucas se redressa en sursaut, le corps trempé de sueur. Un cauchemar. Un horrible cauchemar. Il ne se souvenait plus de rien, mais il avait encore ce sentiment d'effroi tellement intense qu'il l'avait réveillé. Son cœur battait à tout rompre dans sa cage thoracique. Un coup d'œil à sa PokéMontre lui apprit qu'il était deux heures passées. Il sentit, grâce à ses « petites facultés », que mise à part Steven, tout le monde dormait. Sans faire de bruit, il quitta la chambre et rejoignit le matelot dans sa cabine.
-J'ai failli ne pas t'entendre arriver, le jeunot ! lui fit Steven sans même se retourner. T'es du genre discret toi, hein ?
-Presque une ombre, confirma Lucas. On est encore loin ?
-Encore une heure ou deux, je dirais, estima le marin. La mer est plus calme à mesure que l'on s'approche des îles, et j'ai l'impression qu'il pleut de moins en moins.

Comme pour le contredire, un éclair impressionnant zébra le ciel. Cette décharge importante d'électricité venue du ciel rappela à Lucas un livre qu'il avait lu où un Pokémon de type électrique, cobaye des expériences d'un savant déjanté, acquérait une puissance égale à celle des Pokémon légendaires. Ce roman passionnant mêlait le genre épique à une ambiance apocalyptique, le tout vécu par un groupe soudé de quatre amis, embarqués malgré eux dans cette aventure riche en épreuves, physiques comme psychologiques. Comment l'histoire se finissait-elle déjà ? Il ne s'en souvenait plus…

Avec un sourire, il s'étonna de tout ce qu'un simple éclair pouvait vous évoquer.
-Vous ne vous sentez pas fatigué monsieur ? demanda Lucas, surpris par l'endurance du marin.
-Quand je suis en mer, rien ne m'arrête !

Il y eut quelques minutes de silence, puis l'homme pris la parole :
-Toi et la jeune fille êtes dans le lycée de mon fils ?
-Alice oui, moi non. Je suis dresseur, répondit Lucas.
-Ah ouais ? Tu récoltes les badges alors. Je suppose que tu n'as jamais été au Secteur Combat ?
-Non, pas encore.
-Il n'y a que les dresseurs les plus puissants là-bas. Et pas seulement de Sinnoh, mais de toutes les régions. Il faut obligatoirement avoir le statut de Maître Pokémon pour accéder à la Zone de Combat. La crème de la crème. L'élite ! Parfois, les Champions s'y rendent pour s'entraîner.
-Un jour, moi aussi je m'entraînerai là-bas… dit rêveusement Lucas.
-Je te le souhai… Bon sang !

Le bateau venait de tanguer dangereusement.
-Excuse-moi, j'ai été surpris. Tiens ! On dirait qu'il ne pleut plus ! C'est de bonne augure ça.

Les bons présages, les signes du destin… Lucas ne demandait qu'à y croire.



Julien se réveilla lorsqu'une lui secoua l'épaule avec délicatesse. Il entrouvrit les yeux pour voir le visage de Morgane à hauteur du sien, strié par les barreaux de la barrière qui encadrait son lit.
-Nous sommes arrivés, lui dit-elle doucement.
-Quelle heure est-il ? demanda-t-il aussitôt.
-Sept heures. M. Bénéteau et Lucas ont décidé de nous laisser dormir un peu après que nous ayons touché terre.
-Quoi ?

Immédiatement, il se redressa dans son lit et en descendit par l'échelle. Puis il suivit Morgane en-dehors de la cabine. Un premier détail le choqua : il ne pleuvait pas. Plus étonnant encore : l'aube était teintée des couleurs chatoyantes du lever de soleil. Ils quittèrent le bateau pour rejoindre un petit ponton en bois qui leur permit d'aller jusque sur la plage.
-Bienvenue au port de l'Aire de Détente, fit Steven. Les habitations ne sont pas très loin.

Une longue plage déserte, couverte de sable fin, s'étendait le long de la mer. Large d'environ dix mètres, elle était bordée de palmiers. Dans certains nichaient des Pijako, dans d'autres se pendaient des Ferosinge. Quelques Goelise se laissaient flotter dans les airs en raillant. Cet endroit était vraiment paradisiaque.
-De l'autre côté des palmiers se trouve un petit village, leur indiqua le propriétaire de bateaux. C'est l'Aire de Détente. Depuis cet endroit, voter carte pourra vous guider jusqu'à votre destination. Je reste ici, je vais profiter du spectacle.
-Je reste avec vous, annonça Morgane.

Julien la regarda avec surprise, mais il comprenait très bien pourquoi elle ne venait pas avec eux.
-Tu as raison, ça ne sert à rien de prendre des risques inutiles. Alice, si tu veux rester aussi, je comprendrais parfaitement…
-Je vous arrête ! Il n'est pas question que je sois absente encore une fois.
-Alors allons-y. M. Bénéteau, je vous remercie sincèrement de ce que vous avez fait pour nous.

Il hésita un court instant.
-Si jamais il devait arriver quelque chose là où nous allons, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que les deux jeunes puissent revenir. Sinon, partez quand vous jugerez que nous ne reviendrons pas. Morgane devrait savoir vous le dire.

L'intéressée prit un air interrogateur. En réponse, Julien sortit la Clef qu'il gardait sur lui.
-Nous sommes les gardiens de trois reliques sacrées, reliées entre elles par des pouvoirs qui nous dépassent. Nous sommes irrémédiablement liés. Je le sens.

Et les deux jeunes femmes le sentaient également.
-Maintenant, on y va.

Alice, Julien et Lucas quittèrent donc la plage, laissant Morgane et M. Bénéteau seuls près du bateau. Il traversèrent la petite forêt de palmiers qui encadrait la plage pour arriver au cœur de l'Aire de Détente. C'était un village minuscule ne comportant que quelques rares habitations, un Centre Pokémon, une villa qui appartenait certainement à quelque riche personnage et un immense bâtiment luxueux qui était le célèbre Club du Ruban de Sinnoh. La végétation en cet endroit était luxuriante et le cadre idyllique. Derrière le Centre, une petite mare scintillait sous les rayons du soleil.

Le groupe ne s'offrit aucun repos et tous les trois avancèrent sans rien dire dans ce décor de rêve en direction de la route 229.



La pluie tombait encore irrémédiablement sur Sinnoh. Les nuages obstruant le ciel plongeaient la région dans une obscurité permanente et les Pokémon sauvages avaient tous disparus depuis longtemps.

A Littorella, un homme n'avait pas dormi de la nuit. Cela faisait des jours qu'il réfléchissait aux problèmes qui survenaient à Sinnoh, et ses études étaient sur le point de prendre un nouveau tournant. Seul dans son laboratoire, accompagné par les bips des machines et le martèlement de la pluie sur le toit, le visage éclairé par la lueur blafarde de son moniteur, le professeur Sorbier buvait sa quinzième tasse de café. Il jeta un regard à l'heure, affichée en haut à droite de son écran. Sept heures et douze minutes. Cela faisait exactement 492 minutes que l'idée, frivole, improbable, l'avait frappé.

S'assurer de sa cohérence lui avait pris un certain temps. Il lui avait fallu éplucher toute la presse de Sinnoh, ville par ville, parue ces derniers mois. Il avait ainsi pu remarquer que les disparitions de Pokémon ne s'étaient pas toutes faites au même rythme. Minutieusement, durant toute la nuit, il avait entré des données dans son ordinateur.

Et maintenant, le moment crucial était arrivé. Tout était prêt pour lancer la simulation. Si tout s'avérait exact, cela confirmerait et compléterait ses longues recherches de ces dernières semaines. Si, au contraire, quelque chose clochait, alors il devrait tout recommencer depuis le début. Une brève hésitation se saisit de lui. Et s'il avait omis quelque chose ? Et si des facteurs beaucoup plus importants que ce qu'il ne pouvait envisager entraient aussi en compte ? Et si la science ne pouvait pas répondre à toutes les questions ?

Fermement, il pressa la touche Entrée de son ordinateur, mettant un terme à tous ses questionnements. Sur l'écran, un plan basique de Sinnoh s'afficha. En-dessous était écrite une date. Une multitude de points jaunes vint s'ajouter à la carte. Chaque point représentait un Pokémon. La date sous la carte se mit à changer. Les jours passaient, les uns après les autres, sous les yeux du professeur. Puis les points se mirent à bouger. Les battements de son cœur s'accélérèrent, la pression de sa main droite sur sa souris se fit plus forte. Les tâches jaunes se firent d'abord moins nombreuses dans l'Ouest de Sinnoh, à proximité de Joliberges, Bonaugure, Littorella et Féli-Cité. Puis les disparitions s'étendirent petit à petit d'Ouest en Est sur la totalité de la région. Enfin, les tous derniers points à disparaître furent ceux à côté de Rivamar et ceux à côté de l'Aire de Repos. Quand la date sur l'écran concorda avec la vraie date, il n'y avait plus aucun Pokémon sur Sinnoh. L'excitation du professeur était à son comble. Le professeur Chen, qui l'avait récemment contacté, avait raison. Mais alors, cela signifiait que tout était lié ?

Chen, un confrère et vieil ami, avait eu vent des disparitions de Pokémon qui survenaient à Sinnoh, et lui avait envoyé un mail dans lequel il lui demandait si le même phénomène se produisait sur la route 224, celle située derrière la Ligue. Le professeur Chen avait eu l'occasion de l'étudier lors de son dernier voyage à Sinnoh et s'était étonné de la diversité des Pokémon que l'on y rencontrait. A l'époque, les disparitions n'avaient pas eu lieu dans toute la région, et Sorbier n'avait fait aucune liaison. Mais maintenant, tout laissait croire que les Pokémon se dirigeaient vers cette route.
-Et certainement au-delà de cette route, murmura Sorbier.

Le professeur chercha dans sa boîte mail le dernier courrier de son collègue et relut le passage qui l'intéressait :
« …Tout me porte à croire qu'il se trouve au-delà de cette route une zone qui nous est interdite, à nous autres humains. Une sorte de jardin, d'endroit paradisiaque où demeurerait un Pokémon légendaire. Oui, tu lis bien, je pense avoir détecté un des nombreux Pokémon légendaires de Sinnoh. Je ne veux pas trop m'avancer, mais… Tu as certainement déjà entendu parler de Shaymin ? Je crois qu'il se trouve là-bas… »

Un jardin paradisiaque dans lequel se rendraient tous les Pokémon en cas de danger. Pourquoi pas ? Et s'il envoyait un de ses trois jeunes assistants sur place, pour constater les faits ? Non, la météo ne le permettait pas.

Il savait maintenant où les Pokémon s'étaient rendus. La question qui subsistait était : pourquoi ? Quelle était la raison qui les avait poussé à migrer ainsi ? Si Shaymin se trouvait vraiment là-bas, cela soulevait aussi d'autres questions. Quelques mois plus tôt, d'autres Pokémon légendaires avaient fait parler d'eux. Dialga, Palkia, Giratina, Darkrai… Les événements du Mont Couronné avaient fait beaucoup de bruit. Et maintenant, Shaymin ?

Toutes ces légendes, tous ces Pokémon et cette pluie diluvienne qui s'abattait sur Sinnoh depuis plusieurs jours avaient-ils un point commun ? Sorbier aurait juré que oui. Mais lequel ? Il ne parvenait pas à le déterminer… Pourtant il sentait que la réponse n'était pas loin. De longues recherches l'attendaient. Mais pour l'heure, il devait envoyer un message à Chen.



Sous cette chaleur accablante, Julien avait froid. Cela faisait maintenant trois quarts d'heure qu'ils avançaient à travers la végétation dense de la route 229, et afin de ne pas être détectables, Lucas leur avait fait une proposition. « Darkrai peut faire en sorte que la lumière du soleil glisse sur nous. Ou quelque chose comme ça. Ainsi, nous pourrions devenir presque invisible aux yeux d'éventuelles caméras. » Et évidemment, ils avaient accepté.
-Nous devrions bientôt voir quelque chose, murmura Lucas. Cet endroit m'est familier.

Alice et Julien inspectèrent les environs avec attention dans l'espoir de repérer un bâtiment camouflé. Julien aurait aimé pouvoir utiliser les capacités de Regigigas comme le faisait Lucas avec celles de Darkrai, seulement il n'avait vu Regigigas que deux fois, et tous les deux n'avaient pas vraiment communiqué. D'ailleurs, comment communiquer avec un colosse qui ne parle pas ? Comme pour lui signaler que la réponse n'était pas loin, son symbole s'illumina faiblement, mais il n'y prêta pas attention.
-Là-bas ! s'écria-t-il tout à coup, surprenant ses deux compagnons.
-Moins fort ! chuchota Alice, qui se méfiait d'éventuels micros.
-Désolé, s'excusa Julien. Regardez, là-bas ! Il y a un grand hangar déguisé et une piste dégagée.
-Un aéroport… souffla Alice.

Le pilote devait être un professionnel, songea Julien, car l'espace entre les arbres était vraiment mince. Julien s'élança en direction du bâtiment, mais il n'alla pas trop vite pour que le groupe reste soudé.
-Faites gaffe, il peut y avoir des pièges, indiqua-t-il.

Mais ils arrivèrent jusqu'au bord du bâtiment sans encombre. C'était un énorme hangar sur lequel la végétation se laissait aller, peint en vert pour mieux se fondre dans le décor. Comme ils l'avaient prévu, ils repérèrent une caméra de vidéosurveillance située en hauteur, dans un angle.
-Tu es sûr que l'on ne pourra pas nous voir ? s'assura Julien.
-Pas si l'on fait vite, se contenta de répondre Lucas.
-Très bien. Bon, où est l'entrée ?

Il se rendirent devant les grandes portes qui servaient à faire sortir l'avion. Une porte plus petite se trouvait à côté, permettant aux hommes de passer. Évidemment, une caméra se situait juste au-dessus.
-Bon, on a le choix, fit remarquer Julien. Soit on passe en espérant que personne ne regarde l'écran à ce moment-là, soit on attend que quelqu'un sorte et on se faufile derrière lui.
-Dans les deux cas, c'est pas vraiment discret, constata Lucas.
-J'ai peut-être une idée ! dit Alice.

Les deux hommes se tournèrent vers elle, visiblement curieux. Devant eux, la jeune fille se saisit de l'une des Balls qui étaient accrochées à sa ceinture et la porta à ses lèvres. Elle lui murmura quelque chose que le scientifique et le dresseur ne purent entendre, puis elle se tourna face au hangar. Ils étaient arrivés par derrière le gros bâtiment et avait longé son côté droit pour venir jusqu'ici. La caméra qu'ils avaient vu en venant était un petit peu loin, mais elle allait essayer. En prenant son temps, elle analysa la position des caméras et chercha un angle mort. Lorsqu'elle l'eut trouvé, sans prévenir, elle lança sa PokéBall aussi fort qu'elle le put, faisant voler ses longs cheveux blonds dans son dos. Le globe métallique atterrit loin d'eux puis, après avoir fait apparaître un grand Archeodong, disparut dans l'herbe.

Le Pokémon savait ce qu'il devait faire. Il s'approcha de la caméra vers laquelle sa dresseuse l'avait lancé et attaqua violemment le mur contre lequel elle était fixée à coups répétés.
-Vite, il faut qu'on entre maintenant ! ordonna Alice.

Tous les trois se déplacèrent en même temps, se dirigeant vers la porte qui n'était qu'à une dizaine de mètres de l'endroit où ils se tenaient. Si quelqu'un, quelque part, surveillait des écrans, son attention serait focalisée par celui ou apparaissait Archeodong. Julien abaissa rapidement la poignée, et un éclair d'adrénaline le traversa à la pensée que la porte pusse être verrouillée. Heureusement, elle s'ouvrit sans problème. Il passa en premier et fit signe aux autres de le suivre tout de suite après s'être assuré qu'il n'y avait aucun danger. Alice accorda un dernier regard à Archeodong, espérant qu'il parviendrait à s'en sortir sans encombre. Ils ne se rendirent pas compte en fermant la porte que celle-ci ne comportait pas de poignée du côté intérieur, et qu'ils se trouvaient par conséquent prisonniers.

A l'exception de l'avion de taille moyenne qui servait aux déplacements de la Team Galaxie, le hangar était désert. Et sombre, la seule source de lumière étant les quelques fenêtres placées en hauteur le long des murs. Le camouflage que leur offrait Darkrai s'en trouvait donc renforcé.
-Bon, commença Julien, il doit bien y avoir quelque chose quelque part… Tu es sûr que c'est ici Lucas ?
-Certain.
-Alors cherchons tous les trois séparément.

Ils divisèrent donc leur groupe et fouillèrent chacun de leur côté le bâtiment à la recherche d'une porte, d'une indication ou de n'importe qu'elle autre chose qui aurait pu les guider. Dans l'ombre, Darkrai avait plus de facilitées à appliquer son pouvoir, ce qui leur permettait de se séparer sans craindre d'être repérés par une éventuelle caméra.

Julien se trouvait au fond du hangar, proche d'un angle, inspectant minutieusement chaque coin et recoin, quand il trouva quelque chose d'intéressant.
-Ici ! fit-il en faisant de grands gestes pour que les autres le rejoignent. Regardez, leur dit-il quand ils furent arrivés. C'est une trappe.

Au sol, un grand panneau métallique doté d'une poignée était fixé, accompagné de l'inscription « Tirez ».
-Bon, il n'y a plus qu'à suivre les consignes, fit Lucas.

Et sans aucune autre forme de procès, il tira la trappe qui tourna sur ses gonds sans opposer la moindre résistance.
-A partir de maintenant, on reste groupés, rappela Julien.
-A vos ordres chef ! plaisanta Lucas.

Et ils descendirent le long de l'échelle qui s'offrait à eux, sous la surface de la terre.



Entièrement éclairés. Pas une seule zone d'ombre. Les couloirs du QG de la Team Galaxie était aussi lumineux qu'un sapin de Noël. Avec l'obscurité disparaissaient les espoirs du trio de passer inaperçu. La main de Lucas cessa de briller sous sa mitaine. Déconfits, tous les trois se regardèrent.
-Plus la peine d'utiliser le pouvoir de Darkrai, dit Lucas alors qu'ils se tenaient tous les trois au fond d'un large et vaste couloir peuplé de portes.
-Tu ne disais pas que Darkrai faisait glisser la lumière sur nous ? demanda Julien.
-Seulement quand on est dans un environnement qui est déjà faiblement éclairé, comme la forêt de tout à l'heure ou le hangar. Pas sous la lumière aveuglante de longs couloirs aseptisés.
-Bon, maintenant qu'on est à découvert, il faut que nous agissions vite, remarqua Julien avec raison.

Le jeune professeur regarda rapidement autour de lui. A côté de l'échelle qu'ils avaient empruntée se trouvait une pancarte agrémentée d'indications et d'un slogan : « Ne peuvent monter dans le hangar que les sbires recrutés pour une mission. La Team Galaxie conquerra le monde. ». Le mur à l'opposé du leur, tout au bout du couloir, paraissait beaucoup plus intéressant.
-Regardez, il y a des ascenseurs là-bas ! dit Julien.
-Je ne me sens pas tranquille, confia Alice. Faisons vite !

En fait, Alice ne se sentait même pas bien du tout. Un pressentiment étouffant l'assaillait, comme si quelque chose de terrible allait bientôt se passer. Et toutes ces portes, donnant chacune sur des pièces qui leur étaient inconnues, nourrissaient son angoisse. Derrière chaque ouverture pouvait se trouver Hélio, n'attendant qu'une erreur de leur part pour leur sauter à la gorge. Oui, c'était ridicule de penser cela, mais elle n'arrivait pas à se défaire de cette impression que quelque chose de menaçant les dominait, qu'ils avaient commis ou allaient commettre une erreur grave aux conséquences lourdes et irrémédiables.

Ils avancèrent tous les trois de front dans le couloir. Julien entendait parfois des sons provenant de l'autre côté des portes : télévisions, discussions… Toutefois, à cette heure, tout semblait assez calme. Il avait vu une porte avec l'inscription « Bar », une sur laquelle il était écrit « Cuisine » et enfin une dernière où il était écrit « Détente et Loisirs ». Ils devaient se trouver dans l'espace de vie de la base.

Ils étaient presque arrivés au bout du couloir lorsque l'une des portes à leur droite s'ouvrit. Julien et Alice s'immobilisèrent aussitôt puis reculèrent tandis que Lucas se rangeait à côté de la porte en question, directement contre le mur. Avant que le sbire n'ait pu les voir ou crier pour ameuter les autres, le jeune homme l'empoigna par la bouche, se rua derrière lui et le maintint immobile en le plaquant contre son torse avec sa main libre.
-Un geste et je te tue, lui murmura Lucas dans le creux de l'oreille avec une assurance qu'il était loin d'avoir. Tu as compris ?

Le sbire remua la tête de haut en bas, doucement.
-Si tu coopères, je ne te ferai aucun mal. Mes amis et moi venons sauver des enfants que vous avez kidnappés. Où sont-ils ?

De son index, le sbire désigna l'ascenseur, puis sa bouche.
-Si tu cries, tu passeras le pire moment de ta vie, promit Lucas en retirant sa main.

Le sbire resta silencieux deux ou trois secondes, hésita, puis articula timidement :
-L'ascenseur avec la porte blanche est celui de Hélio, vous ne pouvez pas l'emprunter, et celui avec la porte rouge est celui des sbires. Il faut que vous descendiez au dernier étage, c'est la prison.
-Y a-t-il des gardes ?
-Oui, il y en a un. S'il vous plaît, je vous jure que c'est vrai, ne me tuez pas !
-Je ne vais pas te tuer, lui répondit Lucas. Endors-toi.
-Que ?

Avant d'avoir pu ajouter quoi que ce soit, le sbire se trouvait dans les bras de Morphée. Ou plutôt dans ceux de Lucas, qui le traîna avec difficulté jusque dans son lit.
-Si c'est pas de la gentillesse ça… souffla Lucas en rejoignant ses deux compagnons. Bon, dernier étage !
-Bravo pour ta persuasion, félicita Julien.
-Moi ça me fait presque peur ! fit Alice, mi-amusée, mi-effrayée.

Le trio s'avança vers les portes de l'ascenseur rouge que leur avait recommandé le sbire qui allait maintenant dormir pour une très longue durée. Une petite plaque vissée au mur indiquait les différents étages :

« Étage -1 : Chambres & espace vie
Étage -2 : Laboratoires & bureaux
Étage -3 : Quartiers privés de Hélio
Étage -4 : Salles des Pokémon
Étage -5 : Prisons & Sortie de secours »

Les deux dresseurs et le scientifique lurent rapidement le panneau et appelèrent l'ascenseur en appuyant sur un bouton situé à droite des portes. L'ascenseur de gauche, le blanc, n'était pas muni d'un bouton mais simplement d'un petit boîtier noir. Sans doute fallait-il être muni d'une carte magnétique à passer devant l'appareil pour pouvoir emprunter l'habitacle.

Quand l'ascenseur fut arrivé, Alice, Julien et Lucas entrèrent dedans. Il était spacieux. Tandis que Julien appuyait sur le bouton «-5 », Lucas observa la petite pièce. En face des portes par lesquelles ils étaient entrés s'en trouvaient d'autres, avec l'inscription « Issue de secours » écrit en vert sur blanc.

Julien, pâle comme un linge, regardait les numéros des étages défiler tout en agitant compulsivement ses doigts. S'ils leur avaient fait quoi que ce soit, il ne savait pas comment il réagirait. Il n'arrivait pas à le concevoir, à s'imaginer le désarroi et la haine qui l'empliraient. Comment avait-il pu laisser cela se produire ?
-Surtout, quand les portes s'ouvriront, restez derrière moi, ordonna Julien.
-Je peux nous protéger avec un dôme d'énergie si tu veux, proposa Lucas.
-Restez dans l'ascenseur et crée un dôme pour vous deux. Je dois sauver mes enfants.

Lucas ne chercha pas à insister. Quand les portes commencèrent à s'ouvrirent, tous les trois étaient prêts. Une voix s'éleva de l'autre côté :
-Tiens, tu es en avance aujourd'hui ! Tu sais qu'on n'est pas payés à l'heure ?

Les prisons étaient alignées dans un couloir de même taille que celui qu'ils avaient traversé plus haut. Tout au bout se trouvait un sbire, seul. Avant qu'il n'ait pu réagir, Julien se lança à travers le couloir à toute vitesse, dans sa direction.
-Eh, attendez ! cria le sbire, pris au dépourvu.

En une poignée de secondes, Julien était arrivé sur son adversaire. Sa main droite était éclairée d'un éclat bien particulier, celui du symbole de Regigigas. Avant que le criminel n'ait pu esquissé le moindre mouvement, Julien le saisi par le col et, emporté par l'adrénaline et la fureur, leva son poing, prêt à lui assener un coup puissant, si possible mortel.

Quand une voix retentit dans la cellule juste à côté.
-Papa, arrête ! cria Florian.

Jade poussa un cri terrifié.
-Papa, il est gentil !

Julien s'immobilisa, le poing en l'air, le souffle court, sa deuxième main toujours fermement agrippée à la veste du sbire. Puis petit à petit, il lâcha prise et ses épaules s'affaissèrent. Lentement, le cœur lourd, il tourna la tête vers la gauche, en direction des deux voix qu'il avait reconnues aussi bien que s'il les avaient entendues la veille. Ses deux enfants, ses enfants à lui, étaient là, enfermés dans une geôle. Sous le coup de l'émotion, il se mit à pleurer.
-Je suis là, balbutia-t-il en passant les mains à travers les barreaux. Je suis enfin là.

L'homme chargé de les surveiller ouvrit la porte métallique à barreaux pour permettre aux enfants de sortir.
-Merci, dit Julien.

Jade et Florian sautèrent au cou de leur père, qui s'assit par terre pour les prendre dans ses bras et les embrasser.
-Je suis désolé de vous avoir fait subir ça, murmura-t-il. Je suis vraiment désolé.

Les enfants ne dirent pas un mot, profitant de la présence rassurante de leur papa, de l'avoir à leurs côtés pour la première fois depuis de longues semaines. Lucas et Alice avaient avait rejoint le groupe, se tenant toutefois à une distance raisonnable pour les laisser fêter leurs retrouvailles. Cependant, Julien et ses enfants furent vite interrompus.
-Écoutez, il va falloir que vous fassiez vite maintenant, leur dit le sbire.

Julien se releva.
-Comment vous appelez-vous ?
-Je m'appelle Mickael, répondit l'intéressé.
-Il nous a donné des biscuits et des couvertures et il éteignait la lumière la nuit pour qu'on puisse dormir, fit savoir Florian.
-Mickael, en tant que père, je vous remercie de vous être occupés de mes enfants.
-Ce n'est rien vous savez. Cela fait maintenant un certain temps que j'ai envie de quitter la Team Galaxie. Quand nous avons vu la puissance de Giratina, j'ai pensé que nous en faisions beaucoup trop. On ne fait pas son bonheur sur le malheur des autres. Et maintenant que nous sommes ici… Je ne sais même pas où précisément ! Maintenant que nous sommes ici, je ne peux plus me consacrer à la vraie vie…

Il pensait à cette femme qu'il aimait, cette femme qui avait besoin de lui, et qu'il avait quittée pour des idéaux égoïstes. Cette femme qu'il voulait revoir, et avec qui il voulait recommencer sa vie.
-Écoutez-moi bien. Il est presque huit heures, et un collègue va venir me remplacer. S'il vous voit ici, je serai obligé de faire semblant d'être contre vous. Je ne vous ferai rien, mais je vous demande de ne pas me frapper trop fort et de ne surtout pas prononcer mon nom. Et s'il vous plaît, dites-moi où nous nous trouvons précisément.
-Nous sommes sur la route 229, à côté de l'Aire de Détente du Secteur Combat.
-Merci beaucoup. Partez vite !

Il se pencha pour être à la hauteur des gamins.
-Allez les deux p'tits héros, ça a été un plaisir de vous connaître. Vous aviez raison, votre papa est venu. C'est un bon papa que vous avez. Surtout, n'oubliez pas : on ne peut pas être heureux en faisant du mal à quelqu'un d'autre.

Il fouilla dans ses poches et en ressortit deux barres chocolatées.
-Tenez, il m'en restait encore deux. Vous allez courir, vous allez avoir besoin de forces. Pensez à moi quand vous les mangerez !

Et il leur ébouriffa affectueusement les cheveux.
-Au revoir !
-Au revoir Mickael, répondirent en cœur les petits, tristes.

Le groupe s'apprêtait à s'en aller quand la porte de l'ascenseur sonna. Lucas et Alice étant sortis, plus personne ne tenait la porte ouverte et, par conséquent, tout le monde pouvait l'utiliser.
-Mickael, je t'endors pour cinq minutes ! prévint Lucas.
-Ne tape pas trop fort.
-Tu ne sentiras rien. Ce sera même agréable.

Et sur ce, il lui effleura le front, le faisant immédiatement sombrer dans le sommeil.
-Eh ! Qu'est-ce que vous faites là vous ? cria une voix à l'autre bout du couloir.

Julien attrapa Florian et le porta contre son torse. Alice en fit de même avec Jade, et Lucas passa en tête, courant en direction de leur ennemi.
-Vous n'avez aucune chance de sortir d'ici ! cria le sbire.

Et ce disant, il appuya sur un bouton situé dans l'ascenseur. Aussitôt, une puissante alarme se mit à retentir, résonnant dans tout le QG.
-Toi non plus ! répondit Lucas en se jetant en avant dans la cage d'ascenseur.

Profitant de son élan, le jeune attrapa le sbire par les épaules et laissa sa vitesse faire le reste, écrasant son adversaire contre la porte fermée de l'issue de secours. Sans doute aurait-il droit à un traumatisme crânien après le coup contre la tête qu'il venait de recevoir. Le membre de la Team Galaxie, sonné, ne put rien faire quand Lucas l'éjecta hors de la cabine pour laisser entrer Alice, Julien et les enfants.
-Étage -1, c'est parti, dit Lucas en appuyant sur le bouton correspondant.

L'ascenseur commença à s'élever, doucement.
-Je sens que s'enfuir ne pas va pas être facile, déclara Lucas.
-On doit y arriver dit Julien, qui pensait à la sécurité de ses enfants.

Quand les portes s'ouvrirent, ils comprirent à quel point ils auraient du mal à quitter la place. Les sbires, paniqués, sortaient tous de leurs chambres, Balls en main, prêts à se défendre. Et la sortie se trouvait au bout du couloir.
-Ils sont là ! fit l'un d'entre eux en désignant l'ascenseur ouvert.

Aussitôt, des dizaines de Balls volèrent dans la pièce, libérant de nombreux Pokémon des mêmes espèces : Nosferalto, Chaffreux, Archeomire, Moufflair et Coatox. Tous se mirent en place, menaçants. Leurs dresseurs s'apprêtaient à leur donner des ordres quand une voix retentit de nulle part, couvrant le bruit l'alarme.
-Ici Hélio. Les intrus ne DOIVENT PAS s'échapper. Les sbires de l'étage -1 doivent les empêcher de s'enfuir. J'arrive.

Cela voulait dire qu'il ne leur restait pas longtemps pour agir.
-Poussez-vous ! cria Lucas. Darkrai, Vibrobscur !

Darkrai apparut dans un tourbillon d'ombres aux côtés de Lucas. Il envoya dans le couloir une vague sombre, inconsistante et puissante qui renversa quelques Pokémon et affecta les humains.
-On doit y aller !

Le groupe sortit de l'ascenseur en courant, mais déjà des Pokémon se relevaient et les troupes de la Team Galaxie se resserraient, prêtes à obéir à leur chef quoi qu'il arrive.
-Sortez tous vos Archeomire, ordonna une voix.

Aussitôt, de nouveaux éclairs de lumière apparurent, libérant de nombreux Archeomire qui se placèrent vers leurs dresseurs. Sans doute étaient-ils chargés de les protéger avec leurs attaques de défense telles que Mur Lumière, Bouclier ou encore Mur de Fer. Lucas allait de nouveau demander à Darkrai d'attaquer quand un bruit le fit se retourner. L'ascenseur blanc venait d'arriver.

L'attaque fut très rapide. Alors que tout le monde, immobile, s'attendait à voir sortir Hélio, ce fut Regirock qui apparut dans l'embrasure des portes encore à moitié fermées. Le temps d'assimiler l'information, le Pokémon légendaire avait déjà préparé son attaque Ultralaser. De tous, il n'y eut que Alice qui réagit.
-Ronflex ! Protège-nous !

Le Pokémon apparut juste entre le rayon et le groupe en fuite, recevant l'attaque de plein fouet et les protégeant de peu. Malgré sa grande résistance, le Pokémon chancela, tentant de rester debout, puis s'écroula, KO.
-Bien évité, concéda Hélio, qui se tenait derrière son golem. Alors Julien, tu me rends de nouveau visite ? Vous ne faites pas les présentations ? Bon, je connais vos enfants évidemment. Mais je n'ai pas souvenance d'avoir déjà vu cette charmante jeune fille à tes côtés lors de notre dernière rencontre. Mademoiselle, laissez-moi vous dire que vous êtes une excellente dresseuse. Quels réflexes ! Et toi Lucas… Je crois que je ne t'ai que trop vu.
-Tu me tutoies ? Quel honneur… ironisa Lucas. Alice, Julien, tenez-vous prêts, ajouta-t-il plus bas.
-Je vois que comme toujours, tu te sers de Darkrai commença Hélio, sûr de lui.
-Pourquoi dis-tu ça ? demanda Lucas en s'avançant vers lui. Tu en as marre de perdre ?

Tout en marchant vers Hélio, le jeune homme porta discrètement sa main à sa ceinture et s'empara de la première Ball avec sa main gauche.
-Tu me diras, continua-t-il, je te comprends. Tu avais consacré tellement de temps à l'opération du Mont Couronné. Dialga, Palkia, Giratina… Mais tu n'avais pas prévu ce Symbole.

En disant cela, il tendit vers lui la paume de sa main droite. Il n'était plus qu'à deux mètres de l'ascenseur maintenant.
-Ce Symbole qui, longtemps avant que tu ne parviennes à tes fins, m'avait déjà désigné pour te battre. Comme ce doit être difficile !
-Tais-toi ! Tu ne m'as pas vaincu, tu n'as fait que repousser l'échéance. Giratina n'était qu'une solution de facilité. Un moyen plus rapide de créer un nouveau monde. Mais tu ne m'as pas laissé de choix, et j'ai dû opter pour la solution la plus longue. Capturer les trois golems n'a pas été facile, mais rien n'arrête un dresseur tel que moi. Je suis maintenant en la possession des trois serviteurs du Roi ! Et je vais en finir avec toi une bonne fois pour toutes !

Lucas sentit qu'il ne lui restait plus longtemps pour agir. Maintenant qu'il s'était suffisamment approché de Hélio, il pouvait passer à l'action.
-Brasegali, attaque Brouillard !

Tout en lançant la Ball qu'il tenait depuis plusieurs secondes déjà, il créa avec sa main droite une barrière qui emprisonna Hélio dans l'ascenseur, l'empêchant d'agir. Pendant ce temps, Brasegali créa un épais brouillard qui réduisit la visibilité à zéro.
-Lucas, viens ! cria Julien, quelque part.

Le jeune dresseur sentait sa main vibrer, résistant autant qu'il le pouvait pour maintenant la barrière qui subissait les attaques de Regirock.
-Courez ! Ramène tes enfants ! Allez !

Julien et Alice traversèrent le couloir à l'aveuglette, un bras en avant pour éviter les hommes et les murs, tenant fermement les enfants qu'ils portaient.
-Rhinoferos, ordonna Lucas, attaque !

Le Pokémon sortit de sa Ball et attaqua quiconque se trouvait sur son passage. Quand ils furent arrivés au pied de l'échelle, Julien fit passer Alice en premier pour ouvrir la trappe, puis ses deux enfants.
-Julien ! hurla Lucas, la voix brisée. Je n'en peux plus ! Je lâche !
-Lucas ! répondit-il. J'arrive !
-PARS ! adjura Lucas, qui sentait venir des larmes tellement la douleur était grande. Magne-toi ! J'arrive dans quelques minutes !
-Nous t'attendrons Lucas !

Puis Julien monta l'échelle à son tour. Quand Lucas fut sûr qu'ils ne risquaient plus rien, il arrêta enfin sa barrière.
-Corboss, dissipe le brouillard ! cria Hélio.

Malgré l'épaisse fumée, Lucas distingua un jet de lumière. Puis il sentit de puissantes bourrasques envahir la salle, estompant petit à petit le brouillard.
-Maintenant, dit Hélio avec une voix menaçante, à nous deux.
-Chouette, soupira Lucas, vidé de ses forces.
-Vous ! fit Hélio à l'intention des deux des sbires, qu'il savait forts. Faites un groupe de dix et allez chercher nos chers fugitifs. Ils n'iront pas loin, le hangar est fermé. Corboss, Aéropique !
-Darkrai ! cria Lucas.

Darkrai se plaça devant Lucas pour stopper l'attaque. Rhinoferos et Brasegali rejoignirent leur dresseur.
-J'ai l'impression que c'est pas gagné d'avance… regretta Lucas.
-On peut même déjà dire que tu as perdu, ajouta Hélio, satisfait.



-Et Lucas ? demanda Alice.
-Il nous rejoint plus tard, dit Julien. Il retient Hélio.
-Il faut que j'aille l'aider ! On ne peut pas le laisser seul !

Alors qu'elle disait cela, la trappe à côté d'eux s'ouvrit, laissant passer des sbires qui sortirent, un à un.
-Archeodong, Ultralaser ! ordonna l'un d'eux.

Un Archeodong apparut et chargea son attaque. Sans prendre le temps de réfléchir, Julien attrapa Florian et Alice prit Jade, et tous les deux coururent aussi loin qu'ils le purent, évitant l'attaque de justesse. Derrière eux, ils entendirent le bruit distinctif de plusieurs Balls qui s'ouvrent, et des cris de Pokémon peu rassurants.
-On n'y arrivera pas Alice. Pars avec les enfants, je vais essayer d'aider Lucas.

La jeune femme le regarda, surprise.
-Je ne peux pas partir seule avec tes deux enfants, je n'y arriverais pas !
-Sauf que toi tu n'arriveras pas à faire face à la Team Galaxie et aux golems.

Il déposa Florian.
-Vous allez partir avec Alice. Obéissez bien. Je vous aime. Allez, poussez-vous maintenant ! Regigigas, à moi !

La Ball blanche à sa ceinture se mit à vibrer, puis libéra le Roi des Pokémon. Alice et les enfants coururent jusqu'à la porte par laquelle le trio était entré tout à l'heure. Seulement lorsque l'adolescente baissa la poignée, la porte refusa de s'ouvrir.
-Julien ! cria-t-elle. Nous sommes coincés !

Julien était aux prises avec une quarantaine de Pokémon, dont beaucoup de Coatox, gênants pour leur type Combat. Regigigas parvenait à leur tenir tête, toutefois leur nombre important l'empêchait d'attaquer.
-Regigigas, on se déplace vers la porte ! ordonna-t-il au titan.

En reculant, tous les deux se déplacèrent en direction de l'issue du hangar, que seule la carte de Hélio permettait de déverrouiller.
-Regigigas, ouvre-nous les portes !

Le Pokémon se détourna du combat pour attaquer violemment les grandes portes qui permettaient à l'avion de passer. Les sbires profitèrent de cet instant pour envoyer leurs Pokémon.
-Arcanin, crée un mur de flammes ! demanda Alice en envoyant la PokéBall de son Pokémon.

Le magnifique chien aux couleurs flamboyantes apparut et envoya de grands jets de flammes pour maintenir ses adversaires à l'écart. Un puissant tremblement annonça que Regigigas avait réussit à faire tomber l'une des portes. Alice et les enfants s'enfuirent immédiatement.
-Julien, nous n'y arriverons pas, fit Alice. Ni toi à aller chercher Lucas, ni moi à retrouver Morgane. Viens.

Maintenant qu'ils avaient plus de place, Julien aurait peut-être pu battre tous ces Pokémon, mais même s'il y arrivait, il devrait ensuite descendre dans le repère de la Team Galaxie, et Regigigas n'aurait jamais pu se battre dans ces couloirs trop petits pour lui. A contrecœur, il dût reconnaître cette vérité.
-Regigigas, Séisme !

Le Roi lança une puissante attaque qui terrassa un bon nombre de ses adversaires et neutralisé momentanément les sbires. Mais les Pokémon de type Vol n'avait subi aucun dégât, et déjà leurs dresseurs se relevaient pour envoyer d'autres Pokémon. Julien fit revenir Regigigas et, avec Alice, ils prirent la fuite pendant le court temps de latence que leur offrit l'attaque du géant, portant de nouveau les deux enfants.

Le Archeodong de Alice, qui avait fait diversion pendant qu'ils pénétraient dans la base, rejoignit sa dresseuse lorsqu'il la vit sortir. La jeune femme s'était longuement demandée ce qui allait lui arriver et fut soulagée lorsqu'elle le vit apparaître. En Pokémon intelligent, Archeodong avait même pensé à garder sa Ball, et la petite sphère métallique se trouvait collée à son corps, sans doute par le moyen d'un quelconque procédé électromagnétique.

Une fois que Alice eut récupéré son Pokémon, le duo partit en courant en direction du bateau, où devaient les attendre Morgane et M. Bénéteau.



Dix minutes après le départ de Julien et Alice, Lucas se battait encore contre Hélio, mais avec une difficulté grandissante. Il avait réussi à battre le Corboss, le Leviator et le Regirock de Hélio, mais son adversaire avait encore en sa possession Regice, Registeel et Lucario, tandis qu'il ne lui restait plus que Brasegali et Darkrai. Sans compter que, quand bien même il arriverait à vaincre Hélio, il restait encore une trentaine voire une quarantaine de sbires derrière lui prêts à lui faire mordre la poussière. Sa position était loin d'être réconfortante.
-Lucas, Lucas, Lucas… soupira Hélio. Mon cher Lucas. Si ton intelligence n'égale pas la mienne, nous savons tous les deux que tu n'es quand même pas bête. Toi comme moi, nous voyons bien que tu vas perdre.
-Pas sans avoir fait un maximum de dégâts ! cracha Lucas, essoufflé.
-Calme-toi, calme-toi ! Tu vas perdre le peu de souffle qu'il te reste. Je te propose un marché. Laisse-moi ton Darkrai ainsi que tes autres Pokémon, et je te laisserai quitter mon QG, je t'en donne ma parole.
-Pour me tuer dès que je serai sorti ? Rêve ! Et Darkrai n'est pas à moi. C'est moi qui suis à Darkrai.
-Que c'est mignon… Réfléchis bien, je te laisse une chance unique de t'en sortir ! Si tu ne…

Hélio fut interrompu dans sa phrase par un événement inattendu. Toutes les lumière du bâtiment s'éteignirent subitement, plongeant le couloir dans le noir. Puis un vrombissement souterrain se fit entendre, étouffé par l'épaisseur des murs. Aussitôt la lumière se ralluma dans les ascenseurs. Le générateur de secours s'était lancé, permettant aux ascenseurs de rester en service et aux ordinateurs ainsi qu'aux serveurs de continuer à fonctionner.
-On dirait que tes amis n'ont pas voulu t'abandonner… Les idiots !

Lucas espérait que ce n'était pas Julien qui avait décidé de venir à son secours au lieu d'emmener ses enfants au bateau.
-Darkrai, pensa Lucas, est-ce que tu sais si Regigigas est dans les parages ou non ?

La créature ténébreuse lui fit comprendre qu'elle ne savait pas.
-Brasegali, reviens !

Lucas profita de l'obscurité ambiante pour se camoufler légèrement et faire disparaître Darkrai. Il n'était pas en mesure de devenir complètement invisible à cause du peu de forces qu'il lui restait, mais au moins pouvait-il essayer de rejoindre discrètement la sortie. Seulement dès que Hélio se rendit compte qu'il avait perdu Lucas de vue, il prit des mesures.
-Resserrez-vous tous ! Formez un mur ! Lucas, tu ne sortiras pas d'ici !

Puis le chef de la Team Galaxie sortit un appareil qui ressemblait à un talkie-walkie.
-Sécurité ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Je ne sais pas chef, grésilla une voix. On dirait que l'alimentation a été sabotée.

Au moment où il disait cela, la trappe métallique qui permettait de sortir du bâtiment souterrain s'ouvrit. Lucas, qui voyait mieux que n'importe qui dans le noir, sentit son sang se glacer dans ses veines lorsqu'il reconnut les hommes qui étaient en train de pénétrer dans la base de la Team Galaxie.

La Dominus Regi investissait la place.

Les hommes, au nombre de dix, vêtus de noir, portaient des paires de lunettes de vision nocturne, qui leur offraient une totale visibilité dans les endroits sombres. Chacun était muni d'un pistolet à impulsion électrique. Celui qui était en tête se saisit d'une Ball à sa ceinture et la lança au milieu des sbires. Ceux qui virent ou entendirent l'objet reculèrent instinctivement, mais quelques-uns n'eurent pas ce réflexe. La Ball s'avérait être une bombe, et les malheureux qui ne s'étaient pas éloignés en subirent les conséquences.

L'explosion illumina le couloir dans un vacarme assourdissant, accompagnée des cris des hommes de la Team Galaxie.
-Défendez ! ordonna Hélio. Envoyez les Archeomire et les Archeodong en tête ! Mettez vos Moufflair en deuxième ligne pour utiliser Détection !

Des PokéBalls s'ouvrirent du côté de la Dominus Regi, libérant des Nidoking enragés. Des voix retentirent :
-Furie !
-Surpuissance !
-Empal'Korne !
-Megacorne !

Les Pokémon attaquèrent violemment, ne laissant aucun répit à leurs adversaires.
-Ultralaser !
-Ultralaser !

Une demi-douzaine de rayons à la puissance incommensurable fila dans le couloir, explosant contre les murs ou contre de malheureux Pokémon, mis KO par de si violentes attaques. Lucas comprit qu'ils n'étaient pas là simplement pour faire le ménage. Ou plutôt, si, ils venaient justement faire le ménage. Un grand ménage. La Team Galaxie était en danger.

Hélio, pétrifié, assistait à la scène sans réagir. S'il envoyait ses Pokémon légendaires au combat, il était certain qu'ils résisteraient aux bombes ou aux attaques, au moins pour un certain temps. Mais lui, non. Il suffisait que quelqu'un lui lance une bombe, et c'en serait fini de ses rêves, de sa vengeance et de son nouveau monde. C'est lorsqu'il distingua un petite lumière rouge qui clignotait au bout du couloir qu'il comprit que ces hommes, peu importe leur identité, n'était pas là simplement pour stopper la Team Galaxie. Non. Ils posaient des bombes. Ils venaient pour supprimer une bonne fois pour toute l'association criminelle.
-Évacuation ! ordonna Hélio en sortant son talkie-walkie. Tout le monde à l'issue de secours ! Tout le monde à l'issue de secours ! Je vais ouvrir la porte !

Hélio retourna dans son ascenseur privé en direction de son étage privé, d'où il pouvait activer l'ouverture de l'issue de secours située dans l'ascenseur.

Lucas, qui était le plus proche de l'ascenseur rouge, se rua en premier à l'intérieur, bientôt suivi par des dizaines de sbires (pour la plupart des hommes, bien qu'il y eût aussi quelques femmes) qui, à l'évidence, ne pourraient pas tous entrer. Finalement, l'ascenseur démarra. Lucas entendit les cris de ceux qui avait dû rester à l'étage -1, hurlant et suppliant de les laisser venir. D'autres plus courageux continuaient de donner des ordres à leurs Pokémon.

Quand l'ascenseur fut arrivé en bas, beaucoup en sortirent pour le laisser remonter, mais d'autres restèrent à l'intérieur.
-Sortez ! disaient certains.
-Pour que ça soit les tueurs qui redescendent ? Jamais !
-Egoïste !
-Vous voulez tous mourir ? cria un autre.

Lucas qui se trouvait au fond de la cabine, contre les portes de l'issue de secours, et qui voulait minimiser le nombre de victimes, créa un dôme qui repoussa tout le monde hors de l'habitacle, puis il en sortit. L'ascenseur remonta aussitôt.
-Il est encore là lui ? Salaud, c'est de ta faute si notre QG est attaqué !
-Ta gueule ! lui répondit-on. Maintenant on s'en fout.

Le jeune homme, qui n'avait rien à faire de ce qui pouvait se dire sur son compte, traversa la foule et se rendit au bout du couloir pour voir si Mickael était encore là. Une main le surprit en se posant sur son épaule.
-C'est moi, dit une voix qu'il reconnut. Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Vous êtes attaqués, murmura Lucas. Hélio est parti ouvrir l'issue de secours.

Ils s'approchèrent de l'ascenseur, devant lequel s'entassaient une vingtaine de sbires. Quand les portes s'ouvrirent à nouveau, ce fut pour laisser apparaître les chercheurs et scientifiques de l'étage -2, qui avaient interceptés l'ascenseur.
-Okay, les autres doivent être morts maintenant. On bloque l'ascenseur.

Un silence approbateur s'installa, comme si tout le monde était d'accord sans vouloir le reconnaître.
-J'ouvre les portes, annonça la voix de Hélio, venue de haut-parleurs dissimulés dans les murs. Je les refermerai dans trente secondes, entrez vite ! Continuez tout droit dans le tunnel. Je dissous la Team Galaxie. Une fois dehors, allez où bon vous semble, faites ce que vous voulez. Merci d'avoir fait avancer la Team Galaxie et d'avoir cru en ce rêve avec moi. Maintenant, c'est fini.

Et de l'autre côté de la cabine, les portes s'ouvrirent, faisant de l'ascenseur une passerelle entre le tunnel de sortie et le bâtiment. Tous se précipitèrent à l'intérieur, le temps leur étant compté.
-On peut sortir ! s'écria Mickael.

Mais Lucas ressentait comme un malaise. Quelque chose clochait.
-Dépêche-toi ! cria Mickael. On n'a que trente secondes ! Il ne doit plus en rester que dix !
-Attends ! Quelque chose ne va pas ! lui dit Lucas, frappé par une idée que lui paraissait de plus en plus crédible.
-Entre dans le tunnel, tu réfléchiras après ! lui lança Mickael. On se retrouve dehors !

Et il pénétra dans le tunnel à son tour. Les sbires restants firent de même. Lucas était persuadé que ce tunnel était un piège. Si Hélio refermait la sortie de secours, comment allait-il s'échapper ? Par son propre ascenseur ? Deux sorties de secours ? Situées si profondément sous terre ? Ça n'était pas crédible. La véritable sortie de secours devait se trouver à l'étage -3, celui des appartements de Hélio. Oui, c'était sûrement ça !

Sauf que lorsqu'il voulut reprendre l'ascenseur, les portes de ce dernier étaient fermées, et les lumières situées au-dessus indiquaient qu'il était en train de revenir. La Dominus Regi.

Boosté par l'adrénaline, il courut jusqu'au bout du couloir dans lequel il se trouvait. Comme il l'avait espéré, la porte de la cellule où s'étaient trouvés les enfants de Julien était encore ouverte. Il pénétra rapidement à l'intérieur et se terra dans un angle. Dix secondes plus tard, il entendait la sonnerie de l'ascenseur, suivit des bruits de pas des criminels. Il entendait le claquement de leurs semelles se rapprocher de lui, toujours plus prêt. Le cœur battant à tout rompre, il retint son souffle, immobile. Les hommes, arrivés au bout du couloir, placèrent un petit boîtier noir contre le mur, illuminé d'une petite DEL rouge qui clignotait. Une bombe.

Ils n'étaient qu'à deux mètres de lui. Par chance, ils s'en allèrent rapidement, mais cela signifiait sans doute que les bombes placées dans le bâtiment allaient bientôt exploser. Quand il entendit les portes de l'ascenseur se refermer, il courut hors de sa cachette. Cinq points rouges clignotaient dans le couloir. Cinq bombes. Il devait aller à l'étage de Hélio.

Il se précipita vers l'ascenseur et appuya sur le bouton pour l'appeler. L'attente lui parut interminable. Lucas sentait la panique s'emparer de lui. Et s'ils avaient détruit l'ascenseur ? Finalement, les portes finirent par s'ouvrir. Il entra dans la cabine et respira longuement. Il devait garder les idées claires pour pouvoir agir efficacement. Fatigué comme il l'était, un rien suffirait à lui faire perdre connaissance.

Il appuya sur le bouton -3 et pria pour que la cabine aille vite. Mais avant qu'elle ne démarre, une violente explosion retentit, quelque part au-dessus de lui. La base entière trembla furieusement. Cette fois-ci, les lumières s'éteignirent toutes, et définitivement. Lucas sortit hâtivement de l'ascenseur pour retourner dans le couloir maintenant entièrement plongé dans le noir, si l'on ne comptait pas le clignotement des bombes qui semblait le narguer.

Une nouvelle explosion retentit.

Puis une autre. Plus proche.

Tous les étages sautaient un par un. Un souffle d'air chaud s'échappa du conduit de l'ascenseur. Lucas recula. Il était pris au piège. Encore une explosion. La dernière serait la bonne.

Coincé dans le couloir, affolé, Lucas réfléchissait aux solutions qu'il lui restait. Seulement il n'en voyait pas. Tout autour de lui, les clignotements s'accélérèrent. Les bombes émirent un bref sifflement strident. Lucas ferma les yeux, envahi par une foule de souvenirs. Sa famille, Aurore, Régis, ses Pokémon, son périple inachevé vers la Ligue Pokémon… Il n'avait pas pu dire au revoir.

Le dernier étage explosa.



Alors que la Dominus Regi investissait la place, Hélio était retourné à son étage pour ouvrir les portes de la sortie de secours. Ses quartiers privés étaient composés de quatre salles : son bureau, une bibliothèque, une salle de bain et une chambre.

Dès que l'ascenseur était arrivé, il s'était rendu dans son bureau et avait lancé le programme de destruction des serveurs. Tout ce que la Team Galaxie avait accompli depuis ses débuts, toutes les recherches qui avaient été menées, tous les actes accomplis, toutes les opérations conduites étaient enregistrés sur des serveurs situés ici-même. Mais aussi, et il était le seul à le savoir, sur des serveurs lointains, situés à Jotho. De plus, toutes les informations les plus importantes étaient stockées sur des clefs USB. Ainsi, toutes les traces de leurs activités ici allaient être détruites, mais une sauvegarde était effectuée dans une autre région. Et il était le seul détenteur du mot de passe qui permettait d'accéder à ces serveurs.

Une fois que la destruction de données fut lancée, Hélio se saisit du micro et, ému, s'adressa à ses sbires :
-J'ouvre les portes, annonça-t-il. Je les refermerai dans trente secondes, entrez vite ! Continuez tout droit dans le tunnel. Je dissous la Team Galaxie. Une fois dehors, allez où bon vous semble, faites ce que vous voulez. Merci d'avoir fait avancer la Team Galaxie et d'avoir cru en ce rêve avec moi. Maintenant, c'est fini.

Et il appuya sur le bouton qui permettait d'ouvrir l'issue de secours. Il lui restait trente secondes pour faire ses valises.

Il alla dans sa bibliothèque et choisit cinq des ouvrages qui l'avaient le plus aidé dans ses recherches, puis il retourna dans son bureau. Il avait déjà ses clefs USB sur lui ainsi que six Pokémon. Tous les Pokémon de l'étage -4 allaient très certainement périr. Tant pis. Les autres Pokémon importants étaient stockés sur son PC.

Au bout de trente secondes, il referma l'issue de secours. Personne n'avait encore dû se rendre compte que le tunnel n'avait pas d'issue. Puis il appuya sur un second bouton. Celui-ci activa la diffusion d'un gaz toxique dans les tunnels, composé de venin de Migalos et de Arbok. Leur mort serait rapide et sans douleur. Il ne pouvait laisser aucune information s'échapper de ces lieux.

Maintenant que tout était réglé, il devait quitter la base au plus vite. Sortant dans le couloir, il courut en direction du mur opposé aux ascenseurs, un sac sur l'épaule. Les intrus avaient déjà posé des bombes ici. Au bout du couloir, il passa sa carte magnétique devant l'angle inférieur droit du mur. Celui-ci tourna aussitôt à quatre-vingt-dix degrés, révélant une sortie cachée. Un tunnel, un vrai cette fois-ci, qui débouchait quelques kilomètres plus loin dans le désert de la route 228.

Peu de temps après qu'il ait fermé son passage secret, il entendit sa base exploser, mettant un terme définitif aux actions de la Team Galaxie.

Mais pas aux siennes.



Julien poussa un soupir de soulagement quand, après qu'ils eurent traversé la petite forêt de palmiers pour rejoindre la plage, il vit le bateau de M. Bénéteau, toujours amarré au même endroit. Son propriétaire et Morgane se trouvait sur le pont du petit navire, l'une assise, l'autre accoudé aux barrières, le regard tourné vers la terre. Quand il vit le groupuscule au bout de la plage, il leur fit de grands signes.
-Ohé !

Un sourire éclaira son visage quand il vit les deux enfants que portaient Julien et Alice.
-Vous avez réussi ! Félicitations !

Morgane se leva et reconnut les enfants qu'elle avait déjà vus à Frimapic, il y a de cela une éternité. Puis son regard se posa sur Alice, sur Julien, puis enfin…
-Où est Lucas ? demanda-t-elle.

Alice et Julien finirent par arriver au bord de l'eau, où les rejoignirent tout de suite Steven et Morgane.
-Il a retenu la Team Galaxie quand nous sommes partis, déclara Julien. Je lui ai dit que nous l'attendrions.
-Vous n'avez rien vu de bizarre ? demanda M. Bénéteau.
-Non, pourquoi ? interrogea Julien.
-On a vu avion qui a dû se poser pas loin de l'endroit où vous étiez. Une espèce de jet privé noir.
-Le symbole sur le flanc de l'avion m'a fait peur, avoua Morgane. C'était le même que le signe de Regigigas.

Alice sursauta.
-Le même ? En blanc ? questionna-t-elle vivement.
-Euh… Oui, hésita Morgane.

A ce moment-là, une terrible explosion se fit entendre au loin. Un nuage de fumée noire s'éleva dans les airs depuis un endroit qui ne devait pas être loin du QG de la Team Galaxie. Puis un avion passa à toute vitesse au-dessus de la plage, noir et froid.
-Lucas ! cria Julien. Mon dieu, pourvu qu'il ait pu s'échapper !

Le groupe de six, sur la plage, contemplait avec horreur le nuage de fumée qui grandissait dans le ciel tel un arbre sinistre dont les racines seraient profondément ancrées dans une montagne de cadavres.
-Nous attendrons Lucas, affirma Julien.

Mais Lucas ne viendrait pas.