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Sans Coeur de Limonette[JV]2



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» Auteur : Limonette[JV]2 - Voir le profil
» Créé le 31/03/2010 à 20:28
» Dernière mise à jour le 20/10/2010 à 14:36

» Mots-clés :   Drame   Présence d'armes

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Visite nocturne
Edouard traînait des pieds dans la rue déserte qu'il avait l'habitude de parcourir. Il rentrait chez lui, harassé de sa journée trop pleine de mystère. Qu'avait son père ? Il ne pouvait pas trouver la réponse à cette question. Son père était quelqu'un de pratique. Honnête et intègre. Des qualités si rares en ce temps…Il avait ses petits secrets, et gardait à cœur de résoudre les différentes affaires qu'on lui confiait.
Chaque piste était pour lui une brèche et s'y engouffrer restait sa seule préoccupation. Malheureusement, sa trop grande impatience lui valait de s'égarer sur des chemins trop accidentés dont l'extrémité semblait parfois inexistante.

Mais cela n'expliquait en rien pour quelle raison il s'était engagé dans une entreprise insensée ! Que pouvait-il donc se passer, chez lui, pour qu'il préfère n'en communiquer rien à ses proches, du moins pas le strict nécessaire permettant qu'on le comprenne ? Edouard s'arrêta un moment, contemplant la lune qui avait pris la place du soleil. Oui, il faisait nuit. Une nuit d'une écrasante chaleur… L'air sentait l'orage, et les étoiles se dissimulaient derrière de longues étoffes d'encre… Edouard recueillit une goutte qui perlait de son bras. Il enleva sa veste qu'il glissa sous son coude en compagnie de sa serviette. Son domicile était à quelques pas de là. Un immeuble tout en hauteur, loué à sa mère.

A la mort de cette dernière, le petit studio avait été sien en toute bonne et due forme. Savoir qu'il avait pu profiter du décès de sa mère était une réelle blessure dans son cœur. Les murs de son appartement étaient imbibés de l'essence de cette femme, et cela il ne le supportait pas. Qu'elle ait posé un pied dans ce lieu lui était douloureux. Tout simplement car il l'aimait par-dessous tout, et que la savoir perdue ne faisait que raviver la brûlure du souvenir.

Elle était morte peu après la majorité de son fils atteinte, il y a deux mois de cela. Affective et dévouée, ç'avait été une mère comme on aime en décrire dans une famille heureuse. Une femme au foyer, toute à son mari et son fils unique.
Elle aimait sa famille. C'était son seul espoir, sa seule raison de vivre, son accroche. Orpheline de naissance, sans famille ni entourage, elle n'avait été sauvée que par la compassion d'un vieillard, qui l'avait élevée et hébergée. Elle n'en devait qu'à lui. Elle aurait pu haïr les liens familiaux. Pourtant, elle les chérissait par-dessus tout, rien que pour l'illusion d'un enfance joyeuse que lui procurait la vue de son mari et de son fils.
Ainsi, tout ce qu'elle avait crée, tout ce qu'elle s'était appliquée à construire s'était effondré à l'instant où terrassée d'un mal inconnu, elle avait quitté dans un souffle le monde des vivants.

Le père et le fils n'avaient vécu que par elle, et si Edouard n'avait pas été un jeune homme rigoureux et un étudiant décidé, le sergent Hall l'aurait emporté avec lui dans sa détresse. A peine âgé de dix-huit ans, le jeune garçon délaissé par sa mère avait dû s'occuper de son père comme un malade, faisant lui-même grief de sa propre tourmente.
Des instants de solitude, il n'avait connu que cela. Des heures passées à se lamenter et à espérer. Infinie labeur, qui s'effrite peu à peu pour laisser place aux exigences infondées que faisait reposer son père sur son dos. Car pour pallier la douleur, il fallait encombrer son temps de travail, rien que pour apporter un répit illusoire au sergent Hall, tout en accablant Edouard d'un mal plus réel et physique que la mort de sa mère.
Edouard suivait son père. Que pourrait-il faire de plus, pour cet homme blessé ? Sans sans sa mère, Hall avait changé ; et Ed' s'était vite rendu compte de l'importance que tenait la défunte dans la vie de chacun. Le sergent avait perdu son habituelle chaleur, pour la substituer à une rudesse étrangère, envers son fils. Au final, Edouard avait tout perdu, et il lui parut normal, du moins essentiel de se tourner vers d'autres horizons.
Travailler avec son père. Son champ de vision était si étroit que ça ? Non, simplement qu'il se sentait la force de reprendre le flambeau paternel. Ainsi, il contentait son cher père.

Edouard ramassa un caillou qu'il jeta avec fureur devant lui. Un bruit de verre brisé emplit la rue. Le jeune garçon, alerté et soudain effrayé courut jusqu'à son immeuble, s'y introduit, juste à temps pour entendre les vociférations d'un homme.
Edouard gravit les marches de son établissement quatre par quatre, jusqu'à arriver, essoufflé, dans le corridor. Il activa sa clé de détection, qui fit jouer le mécanisme et avant qu'il arrive à moins d'un mètre, la porte était ouverte. Il entra.

- Je suis idiot…soupira-t-il, à bout de souffle une fois que la porte se fut fermée automatiquement.
Il jeta sa serviette et sa veste sur un canapé dont les formes étaient visibles dans l'obscurité.
- Pas si idiot que ça, fit une voix railleuse.
Le cœur d'Edouard bondit dans sa poitrine. Quelqu'un s'exprimait du fond de la pièce. Apeuré, Edouard chercha l'interrupteur.
- N'allume pas la lumière, souffla la voix.
Nouveau sursaut de surprise.
- Qui…Qui êtes-vous ? bégaya le jeune homme en sueur.
- Tu n'as pas besoin de le savoir tout de suite.
- Que…Que faites-vous ici ? Dans mon appartement, je…Vous me cambriolez ? J'appelle la police !
- Ah, ah ! éclata de rire la voix. C'est toi la police, non ?
Edouard se tut. Il ne pouvait répondre à ça.
- Maintenant, tu ne vas pas prévenir qui que ce soit de ma venue, n'est-ce pas ? Ou alors je reviendrai, et pour des raisons plus…nécessaires.
- Vous…vous me tuerez ? s'empressa d'articuler Edouard, l'estomac noué.
- En quelque sorte…
- Mais, qui êtes-vous ?
- Je ne me répéterai pas deux fois. Ne préviens personne, c'est tout ce que je te demande.
- Vous…Je vous connais ? questionna encore le garçon.
- Plus que tu ne le crois ! ricana la voix.
- Et…Vous me connaissez ?
Là, pendant un instant, toute parole fut silence. Puis, la « chose » qui s'était dangereusement rapprochée, véhiculant un froid étrange lui souffla à l'oreille:
- Mieux que personne.
Edouard sentit ensuite que la tête lui tournait… Ses paupières s'alourdirent… Il ne put rester debout, et s'effondra sur le sol dans un grand fracas, évanoui.



******





Le soleil était à son zénith quand le téléphone sonna. Edouard mit du temps à se remettre de son sommeil agité, et il manqua l'appel de peu. Agacé, il appuya sur une touche digitale et rappela. S'affalant dans le canapé, il réfléchit à la raison de son peu de dynamisme, lui qui était une personne matinale… Son père décrocha au bout du fil.
- Ed ?! Qu'est-ce que tu fais, bon sang ? Tu n'as pas vu l'heure ? Je t'ai laissé plusieurs messages !
- Pa…

La scène lui revint en mémoire. Il resta muet d'incompréhension.
- Ed ? Tu es là ? Ed ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Je n'ai pas beaucoup d'associés, et si tu n'es pas là… Hé, oh !
- Je suis là, papa, fit Edouard d'une voix blanche.
- Ah ! Donc tu vas pouvoir m'expliquer tout ça…
- P…Papa il m'est arrivé une chose in…
L'avertissement de la chose le stoppa aussitôt.
- Il t'est arrivé… ? Edouard, ne m'invente pas une de ces histoires à dormir debout !
- …Et bien, dans la rue…J'ai…j'ai lancé un caillou sur…
Il raconta l'incident du soir, en omettant évidemment le plus aggravant. Le récit terminé, son père s'emporta :
- Et pourquoi as-tu fait ça ? Maintenant c'est toi, mon fils, que je dois arrêter ?
- Je pensais à maman, dit simplement Edouard.
Le sergent Hall ne trouva rien à répliquer à son fils.
- J'arrive, papa.
- Oui, d'accord…


Edouard regarda distraitement son appartement, attentif au moindre changement, puis se dépêcha d'enfiler sa veste et fila au commissariat, à pieds. Quand il entra dans le bureau de son père, celui-ci téléphonait. Il s'assit sur une chaise et attendit un instant que le sergent raccroche de façon toujours brutale, ce qui faisait un peu sa marque de fabrique. C'est donc en coupant une phrase de son – sans doute – indicateur, qu'il raccrocha, ne disant mots.
- Ed, fit-il, se plongeant de même temps dans un de ses dossiers.
- Papa…
Hall se leva immédiatement, faisant valser sa chaise sur la bibliothèque de derrière.
- Allons donc casser la croûte, ça fait des heures que je moisis dans ce bureau.
L'ironie de son père étonna un peu Edouard.
- Euh, d'accord, murmura-t-il.
- Je connais un bon café en terrasse, qui fait de splendides omelettes. Autant y aller, n'est-ce pas ?

Le sergent Hall avait toujours le don de remettre à plus tard ses affaires, pour sortir. Il disait chaque fois que prendre l'air était la meilleure solution pour avoir les idées claires, avec se soûler à la vodka et discuter en compagnie de la doyenne du village ; ce qui vous apportait essentiellement de la considération envers votre vie de ribaud, et du temps pour réfléchir. C'étaient ces mots qui avaient joyeusement suivi le parcours d'adolescent d'Edouard, si bien qu'il s'était bien protéger des déboires de son père. Mais le fait n'était pas là. Si Hall avait besoin de prendre l'air, c'était que, comme cela lui arrivait souvent, une piste se mugissait dans ses pensées, et qu'il avait besoin de toutes ses ressources pour lui donner consistance.

Edouard suivit son père qui sortit prestement de son bureau. Ils se dirigèrent tous deux à pied jusqu'à un café, « Chez Le Bon Mr. Mime ». Raymond Hall, de son nom complet, entra dans l'établissement, en s'annonçant à haute voix.
- Hey ! Francky, c'est Ray ! Tu nous prends une table ?
- Ray ! Tiens, ça fait longtemps ! lui répondit le barman qui lavait des verres. Ta table n'attend que toi ! Elle est toujours prête. Va t'asseoir avec… Oh ! Mais c'est le petit Edouard ! Ca va mon garçon ? Tu as grandi !
- Euh, hésita Edouard.
- Francky Goltrand, l'aida son père. Tu te le remets ?
- Euh, c'est que…continua le pauvre garçon incertain.
- Oh, ça lui reviendra peut-être ! rétorqua le barman. Ca fait belle lustre que je ne l'ai plus vu dans mon petit café ! Et puis après la mort de Lisbeth…
Hall se rembrunit et Edouard avala la bile qui montait en lui. Franck comprit sa maladresse et attabla directement le père et le fils.
- Qu'est-ce que tu commandes ? demanda Hall à son fils après un petit moment silencieux.
- Bah…Ce n'est pas comme si le choix manquait ! fit Edouard en lorgnant Francky de dessus son épaule.
- Effectivement. Moi, je prends des croques-monsieur !
- Tiens, je vais commander ça aussi. Avec de la sauce...aux baies.
Franck Goltrand, grand brun de deux mètres, aux faux airs d'ex-prisonnier ramassa les cartes, un sourire commercial sur le visage.
- Hum… Vous savez que la viande est très bonne aussi. Si vous prenez…
- Ne tente pas d'arrondir tes fins de mois en nous faisant un geste commercial, répliqua aussitôt Hall. Je te connais.
- Ah, ah ! rit - jaune - Franck. On voit bien que tu es habitué à moi !

Edouard resta perplexe de la scène un instant, jusqu'à ce que les plats arrivent tout chauds sur la table branlante, apportés par un Mr. Mime aimable. Le plateau sur lequel se tenait les plats était comme suspendu à quelques centimètres du sol. Franck n'avait pas eu les moyens de s'acheter de la technologie - son restaurant était tout à fait dans la normalité - pourtant ce gadget en était. Le sergent ne manqua pas de faire savoir au serveur que la table était bancale. Mais bousculé par son chef, celui-ci n'entendit pas son appel. Franck vint prendre nouvelle du père et de son fils.
Raymond était déjà arc-bouté sous la table, à essayer de placer son bout de serviette repliée entre un pied et le sol. Tout se passa alors très vite. Francky se jeta lestement sur Edouard et l'empêcha de tomber en arrière sous son poids. Il mit sa main sur sa bouche et resserra sa poigne sur son cou. Edouard en était muet de surprise ; il ne pouvait guère plus parler. Les mots qui glissèrent à ses oreilles furent tranchants et la menace très présente.

- Recommence à jeter des pierres sur ma voiture, mon petit, et tu ne pourras plus te désespérer sur le sort de la débauchée qui te faisait office de mère, puisque tu la rejoindras. Maintenant, si tu n'as pas compris, je t'attends avec une petite surprise, voyou ! Et me dénoncer à la police n'arrangerait pas les choses, crois-moi. Je serai sans pitié, et compte sur moi pour te faire souffrir si tu en dis quoi que ce soit à ton idiot de père.

Francky relâcha Edouard et fit mine d'être à peine arrivé, tandis que Raymond, sur une flopée de vulgarités, se redressait. Son dos lui faisait mal, et il haïssait la vieillesse d'avoir fatiguer ses articulations. Quand il vit Francky, il l'invita à s'asseoir à son côté, de façon à pouvoir converser. Edouard était estomaqué. Le sourire que lui adressait Franck était lourd de paradoxe. De plus, ses mots étaient comme un écho à une menace qu'on lui avait déjà faite.. Sa consternation fut plus complète quand le gentil barman s'exprima :

- Dis, Ray. On m'a amoché ma voiture. Encore ces saletés de bandes !
- Ah bon ? Quand cela s'est-il passé ?
- Hier soir, tard dans la nuit...
- Tard dans la nuit? éluda Hall. Ah là, là ! Ces voyous ! Quels parents pour laisser ses enfants traîner tard dans la rue ?
- Des parents indignes, objecta Goltrand qui tenait la réplique.
- Tsss ! Quels délinquants ! Une nuit de garde à vue et un traitement militaire ! Voilà ce qu'il mérite ! Je vais faire la ronde dans ton quartier. S'il arrive encore quoi que ce soit, les Démolosse seront là pour rattraper les bandits.
- Merci, Raymond. Tu m'aides beaucoup. Ah, aussi… Je crois que le fautif habite dans le quartier.
Edouard retint son souffle.
- Le quartier ? s'interrogea Hall. Ton quartier ?
- Exact, mais c'est une supposition.
- Je mènerai l'enquête.

Un quart d'heure plus tard, Hall disait au revoir à son ami et à ses pokémon serveurs. Edouard serra la main de Franck, qui lui sourit d'un air pernicieux. La pression de sa poigne fit mal à Edouard, mais il n'en laissa rien paraître. Evidemment, comme à son habitude, Hall avait oublié ce qu'Ed lui avait dit le matin.
Sur le chemin du commissariat, Hall s'adressa à son fils :

- Ed', j'ai une mission pour toi.
- Laquelle ? demanda l'interpellé.
- Tu vas rendre visite à Sara John's Elydia. Je veux que tu sois en sa compagnie les semaines qui suivent.