En dehors du stade
-J'espère que tu comprendras ta douleur, cracha le gardien en jetant le prisonnier dans sa nouvelle cellule.
Celui-ci tomba lourdement sur une chaise et se releva, sans un mot, tandis que le maton partait. D'autres incarcérés se mirent à crier et à siffler.
-Alors l'albinos, on est tombé dans la cage au lion ?
-Ahahahahah !
-Tu vas voir, on l'appelle le Grizzly !
-Il va te broyer les os et on les entendra craquer toute la nuit ! Il s'en fou de la bonne conduite, il a perpétuité !
Mais James Rocket ne les écouta pas. Lui aussi était en prison pour toujours. Il s'avança vers le poste de télévision maladroitement mis sur une petite table. Seule cette pièce en était équipée. La masse de muscle allongée sur le lit et jusqu'alors muette se leva :
-C'est ma télé, je l'ai récupérée.
James ne répondit pas et l'alluma.
-Joue pas aux chefs avec moi !
Ce fut son dernier mot avant longtemps, James, malgré la différence de taille, le prit par la tête et écrasa celle-ci dans le mur.
-Et maintenez fermez-la ! Cria-t-il à l'intention des autres prisonniers qui, terrifiés par la force dont il avait fait preuve pour vaincre un adversaire bien plus imposant que lui et la haine qui courait dans ses yeux, se turent immédiatement.
Il resta droit, les bras derrière le dos, ne ratant rien de la fin du combat de Thomas retransmis à la télévision.
* * *
Incapable de bouger dans son fauteuil roulant, Hannot se contenta d'un imperceptible mouvement de sourcil lorsque l'infirmière lui annonça qu'il avait de la visite. Ses yeux s'agrandirent cependant lorsqu'il vit Wilson entrer dans la pièce.
-Je ne pensais pas vous revoir un jour.
-Moi… non plus, fit difficilement l'ancien Caïd de France.
-On m'avait dit que vous ne pouviez pas parler ?
-C'est ce que… je leur fait croire pour qu'ils me fichent la paix. J'ai… juste un peu de mal.
-Vous regardiez la télévision.
-En effet. Il est fort n'est-ce pas ?
-Je trouve aussi, répondit calmement Wilson.
-Nous ne l'avons… pas été.
-Si, au contraire Jack. Nous avons été très fort. Vraiment très fort. Mais il l'était plus, beaucoup plus. Il a en lui la volonté, mais également la possibilité de faire de grandes choses.
-Même sans son pouvoir ce… garçon est exceptionnel.
Un silence se fit, Hannot ne tourna pas la tête vers son ancien bras droit, ce même bras droit qui l'avait trahis quelques années plus tôt en agissant contre les Rockets.
-Que me vaut votre visite Wilson.
Ce n'était pas une question, mais un ordre, Hannot avait gardé cette faculté de se faire obéir, même dans ce service médical de la prison dans laquelle il allait certainement finir ses jours en tant que tétraplégique, la balle que Marie avait tirée sur lui s'étant logé en plein dans sa colonne vertébrale.
-La curiosité mais également… le besoin de vous voir.
-Le besoin ? Vous avez des regrets ?
-D'avoir trahis les Rockets… non. De vous voir assis dans ce fauteuil et moi en pleine santé… peut-être.
-Je comprends Wilson. Tout… ceci est stupide n'est-ce pas ?
-Pardon ?
-Depuis le temps qu'on se connaît. Ne vous êtes-vous jamais posé la question sur… le bien fondé de notre défunte organisation.
Wilson sembla hésita, puis acquiesça finalement d'un hochement de tête. Jack continua :
-Cela va vous paraître étrange, mais moi aussi.
-Depuis que vous connaissez Thomas ?
-Non, depuis toujours. Mais je pense que ceci est normal. Ce qui l'est moins, c'est de voir que ce jeune homme a profondément modifié nos existences. Au point qu'aujourd'hui… Je repense à tout.
-C'est pareil pour moi.
-La raison du plus fort. Cela a toujours été ma devise, murmura Jack Hannot, comme s'il parlait pour lui-même.
-Oui, et cette fois, le plus fort…
-C'était Bratin.
* * *
-ALLLLLLLLLLLLLLLLEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEZ !
-Du calme Nicolas, tu es complètement bourré !
-Ta gueule Jean ! TA GUEULE ! Il va gagner !
-Tu es impossible ! C'est la dernière fois que je … oh mon dieu OH MON DIEU !
Devant leur poste de télévision, Jean Deno et Nicolas Darras, les deux frères ex Champion de France et Champion d'arène de Paris n'en crurent pas leurs yeux.
A Danzel, ce fut pareil pour Vlad et son père qui s'étaient arrêté de parler devant leur écran de télévision. De même que pour tous les amis du collège, du lycée et de la fac de Tom. Les Antis, eux aussi, regardèrent avec de grands yeux ronds ce qui venait de se produire. Même les Rockets qui étaient en mesure de regarder le match tremblèrent, tout comme le monde entier, suspendu à son poste. Miranda et Tomoko restèrent immobile, de même que Tobias. Dans son bar, Pascal se tut (chose rare) et ses clients arrêtèrent de manger, tous les Champions nationaux, ceux qui étaient aux Etats-Unis pour la compétition et ceux qui n'avaient pu y parvenir, étaient eux aussi rivés sur l'écran. Le père de Laetitia laissa même couler sa tasse de café par terre sans s'en rendre compte.
Dans le stade, Marie froissa son t-shirt de sa main droite, Léa avait les larmes aux yeux, de même que Maxime et Luna. Le reste n'osait rien dire. Sylvain se leva alors, on eut cru qu'il était seul dans le stade, soudain figé. Il se mit à applaudir.
-Le Mew de Douglas est au sol… Nounours est Champion du Monde, fit l'arbitre d'une demi voix.
Firsty était là, droit, son aura venait à peine de se dissiper. Dans sa poche, Thomas sentit une étrange chaleur, mais il oublia bien vite ce détail lorsque soudain, comme réveillé, le public se mit à produire un bruit comme le jeune homme n'en avait jamais entendu. Et cette fois, contrairement au Championnat de France ou d'Europe, il savoura pleinement sa victoire. Douglas s'écroula à genoux, tremblant, les yeux baignés de larmes, incapable de rappeler son Mew, tandis que Clide et William ne trouvaient plus d'adjectifs suffisamment fort pour retranscrire cette émotion qui venait d'emparer non pas le stade, mais le monde entier. Tom leva les bras au ciel.
-OH YEAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! Hurla-t-il en se laissant tomber au sol.
Ses Pokéballs s'ouvrirent alors, même celles qui n'étaient pas réservées à cette compétition et qui contenaient les Pokémons qu'il n'avait pas choisi. Tous ses petits amis se jetèrent sur lui à la manière du footballeur qui vient de marquer un but, puis le firent descendre de la plateforme de dressage pour que Firsty puisse profiter également de la victoire. Il avait été exceptionnel.
Bientôt, Tom fut conduit, suivis par tous ses Pokémons (ce qui n'était pas très réglementaire mais que personne ne songea à interdire) sur l'estrade sur laquelle brillait la Coupe du Monde. Douglas le suivait, l'air résigné. Genzo fut appelé à son tour, il avait en effet vaincu la veille Brandon Clark lors de la petite finale qui devait déterminer la troisième place. Il enleva sa caquette et beaucoup de spectateurs furent très étonnés de constater que le troisième mondial était à côté d'eux depuis le début du match. Brandon s'énerva joyeusement :
-Je pourrais être à sa place ! Si seulement j'avais pris mon match au sérieux hier !
-ON S'EN FOU ! ON S'EN FOU TOM EST CHAMPION DU MONDE !
-T'AS RAISON, WOOOOOOH !
Alors que Genzo et Douglas se serraient la main et recevaient leur médaille, la coupe fut mise dans les mains de Thomas qui la souleva d'un coup, emportant avec lui les hourrahs des milliers de spectateurs. Un micro fut alors mis à sa portée.
-Nounours. Champion de France, d'Europe… et Maintenant du monde. Quelles sont vos impressions.
-Mes impressions sont que ma satisfaction n'est qu'incomplète, fit froidement Tom.
Son changement brutal d'attitude coupa les acclamations du public. Les cris et les applaudissements cessèrent petit à petit, devant le silence qui suivit cette déclaration.
-Euh… c'est-à-dire ?
-C'est-à-dire que je viens de livrer un combat contre l'ex Champion du Monde, Eric Douglas. Cependant, en tant que Champion du Monde, je pense être capable de savoir qui est le dresseur le plus fort sur terre.
-Oui, mais euh…
-Eric est très fort, Genzo aussi. Mais je pense que le dresseur le plus puissant au monde n'est ni l'un, ni l'autre. D'ailleurs, il n'existe pas, tout ceci est trop aléatoire.
-Où voulez-vous en venir ?
-Je veux en venir à ce fait : si vous voulez vraiment me considérer comme le Champion du Monde, il me reste alors un match à faire.
Dans les gradins, Marie et ses amis ne comprenaient pas.
-Mais qu'est-ce qu'il raconte ! Il gâche tout ! S'énerva Maxime.
-Il veut affronter Genzo et Douglas en même temps pour être sûr qu'il est le plus fort ? S'indigna Marie.
-Je ne comprends pas, admit Sylvain.
-Ce match, continua Thomas dans le microphone, je veux le faire contre toi, SYLVAIN FLANEL !
Le doigt pointé de Tom se dirigea vers le public et un silence se fit. Tétanisé, le coach de Thomas resta interdit pendant un moment, puis se leva, souriant.
-Non mais quel idiot.