Ce que tu es, ce que tu peux être
-J'y crois pas, je l'ai battu.
Tom avait prononcée cette phrase non pas comme s'il avait du mal à assimiler sa victoire, mais plutôt comme s'il s'en voulait d'avoir vaincu un rival si proche de lui. Le fait que Genzo ne soit pas resté après le match le mettait également mal à l'aise. Du côté des amis de Thomas, c'était la liesse.
-Punaise Tominou, tu captes rien ? Si tu avais perdu, tu serais dans le même état que lui ! Pense plutôt à ta victoire !
-Allez minable, ça n'arrivera pas tous les jours, trinque avec nous.
-… Je vais aller faire un tour.
Le jeune homme n'eut pour réponse de ses amis qu'un « oh » et s'en alla à pas lent traîner dans les rues de New York. Il ne savait pas trop où il allait, mais marcha plusieurs minutes, jusqu'à se retrouver à Battery Park, au bord de la rivière Hudson. Sur un des ponts, face à l'immense rive, une silhouette était assise, immobile, la tête cachée dans ses mains.
-Hey, fit Tom.
-Comment m'as-tu retrouvé ?
-J'ai vu Douglas juste après le match. Il m'a dit que tu venais souvent ici. J'ai tenté le coup.
-D'accord.
-Je peux m'asseoir ?
-Oui.
-Opla. Bon alors…
-…
Thomas se frotta la nuque puis continua.
-Tu sais, ça va te paraître bizarre, mais je n'arrive pas à savourer ma victoire.
-…
-J'ai bien senti qu'on était du même genre toi et moi, même si tu es plus jeune. On est pas des compétiteurs acharnés, enfin… disons qu'on l'est devenu, mais au départ, on a peut-être pas la carrure pour ça. Pourtant, ça nous donne encore plus l'envie d'aller loin, et arrivé à notre stade, à deux matchs de la Coupe du Monde… Je pense trop à ce que tu ressens pour être vraiment heureux. Tu comprends ?
-En partie.
-T'es pas un grand causeur, j'avais remarqué. Toujours est-il que je voulais te dire que notre combat était… J'avais l'impression de jouer contre moi-même, c'était à la fois désagréable et en même temps super intéressant. J'ai déjà connu des matchs intenses, que ce soit pour leur enjeu, le climat qui régnait, ou bien parce que je jouais contre ma copine ou mon rival. Mais là, c'était différent. Tu me surprenais comme je le fais souvent, tu contrais mes propres contres, tu me fourbais alors que je t'avais déjà feinté… Tout ça c'est joué à si peu.
-La chance fait partie des grands champions. Tu avais quelque chose en plus que moi.
-Marie. C'est Marie qui m'a fait gagner. Je… je sais pas, en la voyant, une intuition. C'est idiot de gagner avec ça.
-Tu sais, répondit Genzo, la chance n'est pas toujours visible. On a déjà beaucoup de chance d'être arrivé jusqu'ici, et parfois, on ne se rend même pas compte de tous ces petits événements qui nous ont aidé à arriver là. Je suis désolé d'être partie tout à l'heure.
-Genzo…
-Tom, tu as raison, on se ressemble beaucoup. Alors… j'espère vraiment que tu vas être le premier à détrôner Eric !
-Tu connais mon prénom ?
-Ta petite amie t'a appelé comme ça lors de la soirée.
-Ah ! Je vois. Dis-moi Genzo… T'as pas un petit tuyau pour battre Douglas ? Tu l'as affronté quelques fois ?
-Plusieurs matchs amicaux en effet, mais un seul match en finale il y a trois ans.
-Oui, je l'ai vu et revu ce match, tu lui as mis la dragée haute.
-J'étais encore trop jeune à l'époque, je pense que j'aurais été beaucoup plus inquiétant cette année. C'est pour ça que je pense que tu peux le battre.
-Il a un Mew et un Dracolosse dans son équipe, ça fait déjà pas mal…
-J'avais un Suicune, cela ne t'as pas empêché de me battre.
-De faire match nul…
-Avec un simple Tygnon.
Thomas s'étira un peu et croisa les jambes. Le soleil s'était définitivement couché et seuls les éclairages de Manhattan se reflétait désormais sur la rivière.
-La finale est dans deux jours, j'ai largement de quoi établir une stratégie, fit le champion de France. Mais tu sais quoi, je ne vais pas le faire. J'ai envie d'être calme et reposé, et de simplement donner le meilleur de moi-même le jour J.
-Tu as raison, surtout qu'une stratégie pourrait t'empêcher de jouer à cent pour cent. Je te donnerai bien d'autres conseils, des points faibles chez Eric mais… S'il est à ce niveau, c'est qu'il n'en a pas. Ses Pokémons sont incroyablement bien dressés, ils obéissent au doigt et à l'œil, et ils sont trois fois plus forts que la normale. Ce n'est pas un dresseur qui mise beaucoup sur la tactique, d'ailleurs, les seuls adversaires qui l'ont inquiétés étaient ceux qui misaient tout sur un combat pur, tout simplement parce qu'aucune stratégie n'est efficace contre lui. Ses Pokés n'ont pas de faiblesse. Il faut se confronter à lui directement.
-Je trouverai un moyen de le surprendre, murmura Tom.
-Tu en es certainement capable, mais ne base pas tout ton jeu sur ça.
-T'inquiète. En tout cas, ce que tu racontes sur lui me conforte dans mes premières impressions.
-Finale… six Pokémons contre six… Tu penses qu'ils auront récupérés d'ici là ?
-J'espère bien ! Bon…
Thomas se leva et s'étira.
-C'est pas tout mais je suis complètement fatigué, je sais pas pour toi…
-Oui, mais j'imagine qu'on ne te laissera pas te reposer à l'hôtel.
-Non, ils vont me faire boire et danser.
-Je pense qu'il y a pire comme tortures.
-Oh que oui. Et je ne pense même pas à la fin de la soirée.
-La fin de la soirée ?
Une vision de rêve de Marie très, mais alors très peu habillée flotta dans l'esprit de Tom, lui faisant tirer la langue de façon comique.
-Mwahaha, je me comprends, c'est le principal ! ALLEZ RETOURNONS A L'HOTEL GENZO !
-Mais je…
-Youpiiiiiiii !