La chasseuse solitaire.
Thème musical: http://www.youtube.com/watch?v=giFJkqwWoYY
Les pics glacés de la cordillère s'étendaient à l'infini, bordant de hauts plateaux neigeux eux mêmes encadrés par de profondes failles traversant la montagne. D'immenses glaciers occupaient le fond des fissures qui constellait ce paysage désert. S'il y avait un lieu ou même que même la vie et l'harmonie semblaient avoir abandonné, c'était bien ici. Le sol était couvert de cicatrices géologiques ayant laissé un paysage découpé et déchiré. D'immenses rochers de glace, des failles, des cavernes et de vastes plateaux difficiles d'accès étaient le seul décor ici. Tout n'était que blancheur immaculée, cette neige recouvrant le sol à perte de vue, tombant du ciel à chaque instant. Les cieux étaient d'un gris uni, ce qui donnait l'impression d'un monde fait de nuances monochromatiques.
Le blizzard s'était tu et cette journée était calme, le soleil pointait faiblement derrière les montagnes, le silence était partout. Le silence, c'est cette sensation étrange qui l'entoure et qui pèse sur son cœur. Rien ne se faisait entendre, pas un murmure, pas un souffle de vent, pas une seule trace de vie ne l'entourait. Elle se décida à avancer, posant une patte dans la neige qui s'enfonça sous son poids, émettant un infime crissement. Regardant autour d'elle, elle ne put s'empêcher d'admirer ce paysage mirifique. Ce qu'elle pouvait adorer cette vision apaisante et rarissime d'un monde sans nuances, un monde parfait selon elle.
Un bref courant d'air lui ébouriffa la fourrure recouvrant son corps. Cette toison unie qui l'isolait et lui permettait de survivre dans ce froid glacial faisait sa fierté. La femelle marchait calmement, furtivement, ne laissant derrière elle que quelques traces que la neige achevait de recouvrir en l'espace de quelques minutes. Cela ne lui posait aucun problème puisqu'elle pouvait retrouver son chemin sans se servir de ses sens, son intuition se révélait toujours exacte.
Celle qui marchait n'était qu'un simple pokémon. Vous vous direz qu'il n'y a rien de spécial à ce qu'un pokémon résistant aux basses températures marche dans de la poudreuse. C'est vrai, mais cette pokémon avait quelque chose de spécial en elle.
La créature leva le museau et renifla, l'air était différent, moins sec qu'habituellement et une infime odeur en émanait. La pokémon sauvage identifia bien vite ce parfum délicat. C'était une baie comme celles qui fleurissaient l'été dans la vallée. Ses réserves de nourriture l'attendaient bien sagement dans son terrier, mais elle ne refuserait pas un fruit si proche et si tentateur.
L'animal rampa contre le vent pour masquer son odeur jusqu'à ce qu'elle atteigne le bord du plateau qui se terminait par une cassure nette, le plateau suivant étant quelques mètres en dessous. En passant son museau au dessus du vide, elle perçut enfin l'agrume en question. A peine quelques mètres en contrebas, elle aperçut un petit pokémon qui restait seul. Ne prenant aucunement garde aux sanglots de l'animal, qui été adossé à un rocher, la pokémon chercha la source de l'odeur alléchante. Le jeune tenait une baie bleue entre ses pattes, deux autres l'attendant à ses cotés. La pokémon sentit un sentiment d'extase monter en elle même, trois baies étaient à sa portée.
Par précaution, elle scruta les alentours, cherchant une trace d'autre présence à proximité. Après quelques minutes, elle n'avait rien détecté et elle trouva cela très étrange. D'après les maigres connaissances qu'elle disposait sur cette espèce, les Ursaring et leurs petits étaient censés hiberner. Alors que faisait ce petit Teddiursa loin de la vallée, dans un lieu si hostile et désolé ? Un léger gargouillis saisit le ventre de la pokémon au poil blanc. Considérant que son estomac commençait à crier famine et qu'elle était dans son territoire, la femelle n'hésita plus et sauta sur le petit pokémon qui se retrouva projeté à quelques mètres.
L'ourson n'avait absolument rien vu, ni entendu venir et se retourna vivement. Instinctivement, il recula devant ce pokémon à l'air extrêmement menaçant qui venait de l'attaquer. Le Teddiursa se trouva alors à regretter d'avoir quitté le terrier familial en plein hiver. Il faut bien dire que malgré son instinct, le petit ours était curieux. Le Teddiursa envisagea sérieusement la fuite mais il vit que son agresseur venait d'engloutir une de ses baies. Ces fruits lui seraient indispensables s'il voulait retourner dans la vallée, ce n'est pas dans ce paysage si peu propice à la vie qu'il trouverait de quoi se mettre sous la dent.
Forcé de combattre pour sa nourriture, l'ourson chargea, griffes en avant. Malgré son jeune âge, il connaissait quelques bases en combat et en esquive, bases que ses parents avaient apprises à tous les enfants de leur portée. Malheureusement pour lui, son adversaire était une femelle aguerrie qui avait non seulement de l'expérience mais avait en plus l'habitude du combat en ce milieu glaciaire. La créature couverte d'une fourrure blanche donna un rapide coup de patte sur le sol, projetant une vague de poudreuse dans les yeux du jeune ours, yeux qu'il ferma par réflexe. Lorsque l'ourson les rouvrit, il n'eut même pas le temps de se remettre en position de combat. La femelle avait bondi, était déjà sur arrivée sur lui et d'un coup net, elle avait enfoncé la lame qu'elle portait au dessus de l'oreille droite dans le corps de l'ourson.
Le petit pokémon émit un faible glapissement couvert par le fœhn avant de s'effondrer dans la neige. Le liquide vital s'écoula, teintant le manteau blanc et immaculé d'une couleur rouge. Le contraste des deux couleurs était flagrant et le vent souffla plus violemment, commençant à recouvrir le corps qui ravirait les charognards au printemps. La dernière chose que vit le petit Teddiursa, ce fut le sourire carnassier de cette chasseuse au visage bleu nuit et aux extraordinaires yeux de sang. La meurtrière se jeta avec une voracité sur le corps encore chaud et engloutit le plus de viande possible.
Sans hésiter, elle ramena une partie de la chair qu'elle avait fichée sur sa corne ainsi que les deux baies dans sa gueule. La neige autour de sa tanière lui servirait à garder la viande au frais, la conservant efficacement pour des années s'il le fallait.
La femelle blanche dont le pelage était désormais souillé par le liquide à l'odeur cuivrée rentra tranquillement dans sa tanière, une nouvelle victime à son actif. Qu'y pouvait elle ? Elle ne faisait que suivre que son instinct de tueuse indépendante, c'était dans sa nature de garder farouchement son territoire. D'ailleurs, les autres pokémon se gardaient bien de croiser sa route. Pour autant qu'elle s'en souvienne, sa présence était considérée comme étant de mauvaise augure. Mais elle n'y pouvait rien et c'est en partie pour ne pas avoir à supporter ces regards persistants qu'elle vivait en haute montagne.
Elle repensa à cet isolement d'un seul coup. Cela faisait … des dizaines d'années qu'elle vivait seule. Le dernier pokémon qu'elle avait vu avant ce jour était un grand oiseau bleu couvert de givre qui avait brièvement survolé le domaine isolé il y a deux décennies de cela. L'oiseau s'était dirigé vers un pic rocheux dont le sommet abritait une grotte à flanc de falaise. Probablement un solitaire, mais elle ignorait les raisons d'un tel isolement. Au contraire, elle avait conscience qu'elle devait rester isolée, sinon quelque chose de terrible se déroulerait. Elle ressentait au plus profond d'elle même cette impression qui lui disait que quelque chose de terrible allait arriver si elle partait. Ses pressentiments ne l'avait jamais trompée, elle n'était pas l'Absolue pour rien.
La pokémon déblaya quelques congères qui s'étaient formées en son absence et passa dans un long tunnel pour déboucher dans une caverne plus grande. L'espace clos était plus chaud que l'extérieur et une odeur stagnante et âcre emplissait l'endroit. La pokémon se coucha dans sa grotte tapissée de lichens et s'enroula dans sa fourrure immaculée qu'elle avait consciencieusement nettoyée. Elle s'endormait et ne se relevait que pour manger ou se dégourdir les pattes. Mais un matin, elle ressentit une présence, un avertissement. Si elle avait su ce qui lui tomberait dessus, elle ne serait jamais sorti dehors !