Renouveau [One-shot] de Limonette[JV]2

Me voilà seule devant lui. Un rayon de lune éclaire la sombre grotte dans laquelle je l'attends. Sa toison s'illumine et reluit. Ses yeux brillent de peur et de doute, et s'il se tient devant moi, il ne semble pas connaître la raison de sa venue. Moi, je sais ce que je dois faire. M'offrir à lui.
Mon corps a été peint, mon visage est constellé de signes et figures géométriques, sur mon front sont dessinés trois croissants de lune entremêlés. Ma fourrure est poisseuse, la peinture colle mes poils entre eux…Dehors, des cris, des acclamations. Une flamme s'élève près de la grotte, l'éclaire. Il a l'air d'un sauvage. Ses canines sont ruisselantes de sang. Son regard fou est cependant atténué d'une once de douceur commune à sa propre personne. Il le faut. Je m'avance et me laisse tomber sur la paillasse qui a été placée là pour moi. Il tremble, impatient et sceptique. Un appel rauque s'élève du dehors.


Il panique, tremble, hésite. J'entame un des vers du Livre céleste, ferme les yeux. Ma voix n'est qu'un souffle, pareil au vent qui attise les braises ardentes. Ses épaules se carrent, il semble hypnotisé par mes paroles. L'Ancien Langage et sa magie millénaire… On me prend ma voix. Je ne m'entends plus. A l'extérieur, lentement sont repris mes mots, dans un torrent de passion et de ferveur.


Je soupire. Il sursaute, fait un pas en avant. Je tends mes pattes vers lui, désireuse. Il ne résiste plus. Un râle dehors le fait bondir. Il s'élance. Son poids me plaque au sol. Sa langue râpeuse effleure la toison de mon cou. Des coups de tonnerre frappent le sol, baignent notre abri dans une lumière diaphane. Il rugit, se dresse tel un fauve assoiffé. Je dois souffrir, endurer.

Alors qu'il recule et hurle, je sens une vague de chaleur me parcourir. Je rouvre les yeux. Pourtant, mon instinct m'ordonne de les fermer. Il n'est plus lui. Il n'est que lumière. Dieu vivant, pur et resplendissant. La lumière m'accable. Elle est trop puissante, je ne distingue qu'elle.
Enfin, il me libère, s'immisce en moi. Je suis à découvert. Il lit dans mon esprit, me déchiffre. Je me sens déchirée, dévorée par une âme vorace.

Mais en même temps, je me sens bien. Comme devrait se sentir l'élue, chaque millénaire qui suit le premier.

La fatigue m'assaille soudain. La lumière s'est évanouie. Il est redevenu lui et je suis redevenue la femelle que j'ai toujours été, à la différence de ma chasteté emportée par cette divinité.

Je peux observer autre chose. Même s'il a disparu, il m'a laissé sa preuve, le fruit de son passage. Je le sens déjà en moi.

Mes paupières, lourdes, se referment, et l'être qui avait cédé la place au divin Lug s'effondre sur mon corps chaud.
Des flammes dansent pendant que je sommeille. Un rêve. Les flammes prennent consistance. Un vieux Tengalice réveille les esprits de la forêt. Il s'active, bras tendus vers le firmament. Les offrandes brûlent. Une vapeur s'échappe du bûcher et se rapproche de moi. Elle m'enveloppe et je me réveille. Il n'est plus avec moi. Couché sur l'herbe sèche, de sombres silhouettes s'affairent autour de lui. Je perçois une goutte luire à hauteur de son torse. Elle perle de son bras et tombe dans le calice tenu par un prêtre, déjà bien rempli.

Les silhouettes se détournent de lui, viennent dans ma direction. Un Lucario au regard sage fredonne une vieille comptine. Il se baisse vers moi, sors une serpe d'argent effilée et tranchante. Doucement, il incise une de mes veines. J'écarquille les yeux et gémis. Plaçant son calice sous ma blessure, il laisse couler abondamment le sang. J'ai la nausée. Une fois ce travail fini, un Kirlia me baise le front trois fois. Le Lucario fait de même puis s'en va vers le bûcher.

Là, il verse mon sang et le sien, et entre en transe. Des mots intelligibles sortent de sa bouche, le font frémir. On me soulève et on m'emmène près du feu. On fait pareil avec lui. Le Lucario approche d'un seul coup un fer chaud et me le colle au front. Je hurle, et ce sont des milliers d'autres cris qui m'accompagnent. Tous autour de moi semblent subir ma douleur. Ma chair brûlée me fait souffrir, je halète, hoquète, m'étouffe. Un Makuhita tape dans mon dos. J'arrête de respirer. Son cri et ceux qui le suivent font vibrer la terre. Le fer chaud est jeté au feu.

Enfin, des paroles compréhensibles retentissent de gravité.
« Enfant de Dieu, recréé le monde, alimente les rivières, souffle sur les braises, chauffe les foyers… Enfant de la lumière, éclaire notre chemin, montre-nous la voie. Dieux des cieux, guidez-nous par sa prophétie, Enfant du Livre Céleste, donne-nous le renouveau ! ».

Un éclair tombe sur les flammes, lèche d'un feu sacré les branches sèches. Des milliers de pokémons affluent, saisissent les branches embrasées du feu des Dieux et descendent la colline. Une ligne orange zèbre la terre. Les prêtres restent, s'emparent du baume réputé magique et l'étalent sur mon ventre. « Donne-nous le renouveau ! répète le vieux Lucario. Que Beltane te permette de t'élever ! ».
Sur ce, les prêtres brandissent le feu sacré et dévalent la colline en chantant. Je reste seule. Celui qui m'a visité en revêtant l'apparence de notre dieu Lug est parti rejoindre le cortège qui sillonnera le monde pour placer dans chaque foyer Le Feu.

Simple et vulnérable Feunard, qui, un soir de Calendes, a été éclairée par la pleine lune... Choisie par les dieux...J'ai en moi celui qui créera. J'ai en moi un fils des cieux.












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