Chapitre unique.
Avez-vous déjà ressenti la solitude ?
Ce sentiment hideux, qui vous ronge de l'intérieur, vous faisant ressentir le besoin d'être avec quelqu'un.
Ce sentiment, je vis avec.
Pourquoi ?
Les gens sont si superstitieux. Ils m'ont tant de fois banni de leurs villages, par peur des malheurs, que, paraît-il, je provoque…
Pourtant, je ne suis qu'un Absol, désireux de faire ses preuves…
Mais à quoi bon sauver des gens de catastrophes, s'ils vous tiennent pour responsable de leurs malheurs ?
Pourquoi la vie m'a-t-elle persécuté ainsi ?
Je suis né un jour d'hiver, alors que la neige tombait drue sur la forêt.
Ma mère était une femelle Absol admirable, courageuse et loyale.
Quand mon œuf s'est brisé, et que je l'ai vu pour la première fois, elle avait dans les yeux, une lueur d'amour telle, que je ne l'oublierai jamais.
Elle m'a tout appris. Je lui dois tout.
Elle m'a enseigné la chasse, la nage. M'a appris les pièges des bois, comment les éviter. Comment survivre sans nourriture.
Elle m'a montré les plantes qui guérissaient, les pokémon à chasser…
Ai-je mérité une mère pareille ?
Un jour, alors que le printemps reprenait ses droits, nous sommes allé boire à la rivière, récemment dégelée.
Après s'être déshydraté tout l'hiver, en mangeant la neige, cette eau nous parut délicieuse.
Alors que je lapais le liquide glacial, ma mère surveillait les alentours. Et là, elle les a vu.
Ces choses horribles, appelés humains, tenant à la main, de longs bâtons noirs.
Ils nous ont bien vite repérés. Ma mère m'a sans peine soulevé par la peau du cou, et s'est mise à courir vers la forêt.
La neige à demi fondu crissait sous ses pattes et manquait à chaque foulée, de la faire déraper.
Derrière, les bipèdes couraient aussi, et de leur bâtons sortaient des choses métalliques et fulgurantes, qui tuaient aussi bien qu'elles blessaient.
Mais ma mère poursuivait sa course folle entre les chênes, sautant d'un bond les massifs de fougères et les ruisseaux, se frayant un passage entre les troncs d'arbres abattus…
Soudain, une cartouche l'a atteinte à la patte postérieure et elle s'est écroulée.
Je me suis libéré de l'étreinte de ses crocs et ai couru me poster près de son flanc, tentant désespérément de la soulever.
Voyant que mes efforts étaient vains, je me suis effondrée près de sa patte blessée.
Une chose brillante était plantée dedans, et du sang coulait.
J'ai touché timidement la plaie du bout de la patte, mais ma mère a poussé un couinement.
Je me suis rendu auprès de sa tête sombre.
Elle a levé des yeux ternis par la souffrance vers moi, m'a léché le visage et m'a dit de sa voix cristalline :
-Va mon fils, laisse moi là, ta vie vaut plus que la mienne…
-Non ! ai-je soufflé.
Elle m'a donné un petit coup de tête, me forçant à m'éloigner.
Entre les arbres, j'apercevais déjà les silhouettes des hommes qui jouaient avec leurs carabines.
J'ai regardé une dernière fois ma mère, avant de détaler dans les fourrés.
J'entends les cris de triomphe des chasseurs. La détonation qui ôte la vie à maman, son cri d'agonie. Mes larmes m'aveuglent, je coure à l'aveuglette dans la forêt, sans faire attention à mon environnement.
Après ça, j'ai erré dans la forêt pendant des jours. J'étais à peine plus grand qu'un ouisticram, sans parents, et à peine capable de mettre une patte devant l'autre…
Beaucoup de familles pokémon m'ont accueilli.
Mais à chaque fois, des choses terribles arrivaient.
Pourquoi ? Pourquoi tant de morts à cause de moi ?
Si elle n'avait pas eu à me porter, ma mère s'en serait sortit.
Et si je n'avais pas existé, mon père ne l'aurait pas quitté.
Suis-je un monstre, une créature de la nuit, venue dans le but de tuer les êtres qui me sont cher ?
Pourquoi ne pas m'avoir dit la vérité sur mon espèce ?
Pourquoi la vie est-elle si cruelle ?
Un matin, j'ai débarqué dans un village.
Les villageois m'ont tous accueilli chaleureusement.
Je suis resté dans ce village pendant près d'un an.
Hélas, ce bonheur s'est arrêté d'un coup, le jour où un terrible tremblement de terre s'es abattu sur la ville.
Je suis le seul survivant.
Pourtant, il m'arrive de sauver des vies.
Un jour d'été, alors que je patauge dans une rivière pour me rafraichir, j'ai entendu un cri ténu.
J'ai suivi le bruit, et alors j'ai vu un petit Mustebouée, emporté par le courant des rapides.
Sans hésiter, j'ai plongé au cœur du danger.
Grâce à mes puissantes pattes, j'ai réussi à le rejoindre.
Je l'ai atrappé par la peau du cou et ai remonté tant bien que mal le courant, jusqu'à la berge.
J'ai été accueilli comme un dieu par les parents des petits.
C'est bien la seule fois de ma triste vie.
Les rumeurs sur mon compte seraient-elles vraies ?
Suis-je réellement la cause de tous ces désastres ?
En tout cas, des gens qui m'avaient reconnu comme un Absol (ce que, vous le savez, je suis), ont commencé à répandre cette rumeur…
Plus aucun village, plus personne n'a accepté de me recueillir.
Suis-je maudit, les dieux sont-ils contre moi ?
C'est ce que je me dis, pensant que tout cela est dû au fait que j'ai abandonné mère.
J'ignore les contes sur mon espèce…
Il y a un an que je l'ai rencontré…
Cette femelle Feunard à la beauté sidérante. Au pelage soyeux, jaune pâle, ses yeux rouges et ses neuf queues flottant derrière elle.
Nous nous sommes rencontrés un soir d'automne.
J'étais seul, chassant dans l'ombre des arbres.
Elle était seule, buvant au bord du ruisseau.
Je l'ai regardé, son regard à croisé le mien, et nous nous sommes aimés…
C'est ce que l'on appelle le coup de foudre…
Nous nous aimions comme personne ne s'est aimé.
Un amour à faire pâlir de jalousie un couple de Lovedisc.
Mon pelage ne fut jamais aussi brillant que lors de cette période.
Que la vie est belle, que la vie est douce.
Quand Feunard me parlait, le son cristallin de sa voix me calmait ; quelque soit mon état.
Quelle grâce elle avait lorsqu'elle courait, faisant voler les feuilles couleur d'or autour d'elle, qu'elle était belle lorsqu'elle se roulait en boule à mes côtés, dans le nid de mousse, installé dans notre tronc d'arbre.
J'ai cessé de voyager, à quoi bon quitter ce havre de paix qu'était la forêt?
Pendant un instant, j'ai pensé que les dieux ne m'avaient peut-être pas renié.
J'ôtais la vie de mes proies, priant toujours le ciel pour le bonheur qu'il me donnait.
Feunard était belle, Feunard était douce.
La femelle parfaite !
Un matin, alors que je me réveillaiS, à ses cotés, J'ai senti quelques chose de lisse et de chaud entre nous deux.
Je me suis retourné, découvrant avec stupéfaction un globe à la blancheur du marbre, frémissant de temps à autre.
Feunard me regardait, avec tendresse et fierté.
J'ai compris que l'objet était un œuf, mon œuf, notre œuf…
Comblé, j'ai pris grand soin de cette chose, si fragile et si précieuse.
Je me relayais avec ma compagne pour le garder au chaud, le nettoyer…
Il s'est brisé au premier jour de l'hiver.
A l'intérieur, une petite femelle Goupix. Elle était le portrait craché de sa mère. Seuls ses yeux étaient les miens, des pupilles d'un rouge éclatant.
Une joie euphorique s'est installée dans ma famille.
Chaque jour, des pokémon venaient saluer notre enfant.
Peu à peu, la neige a recouvert la forêt d'un épais manteau blanc.
Mais notre fille était forte.
Chaque jour, elle grandissait un peu plus.
Chaque jour, elle devenait plus courageuse.
Combien de temps ce bonheur allait-il durer ?
Ce matin, ma compagne m'a demandé d'aller chasser, pour renouveler les réserves hivernales.
Je suis rentré, tenant fièrement un jeune Cerfrousse naïf entre mes croc.
Il était midi passé, lorsque j'ai entendu des détonations de fusils.
J'ai deviné que les braconniers étaient de retour.
Vite, j'ai couru vers la tanière.
Lorsque j'ai pénétré dans la clairière qui l'abritait, j'ai vu Feunard, tenant Goupix dans sa gueule, tentant de fuir.
Mais son fardeau l'empêchait de courir, tapant contre ses pattes avant.
Au loin, des cris et des détonations résonnaient toujours plus fort.
J'ai lâché mon trophée et ai couru l'aider.
Mais les hommes étaient bien plus prêts que je le pensais.
L'un d'eux a jailli des fourrés et nous a contemplé quelques secondes.
Moi, je n'ai pas attendu.
Je me suis enfuis immédiatement, laissant Feunard et Goupix seules, face à la mort.
Comment ai-je pu faire une chose pareille ?
Je ne me retournai que pour les voir s'écrouler, une balle de plomb planté dans leurs flancs soyeux.
Je suis un monstre.
J'ai couru plusieurs heures, en tout cas, j'en eu l'impression.
Les hommes étaient toujours sur mes talons.
Ils gagnaient du terrain. Je sentais la terre trembler à chacun de leur pas.
Ma crinière de poil blanc voletant autour de ma tête.
Mais ma tristesse, ma honte et mon désespoir m'empêchait de savourer ce dernier moment de bien être.
J'ai débouché sur une petite clairière à l'aspect irréelle.
Alors, je me suis rappelé de la mort de ma mère, et de tous les autres.
« A quoi bon courir ? »
Je me suis arrêté, et me suis retourné, faisant face à la mort.
« A quoi bon vivre ? »
Les chasseurs déboulaient dans la clairière.
« Quand tant d'autres sont morts par ma faute… »
L'un d'eux a pointé son fusil vers moi.
Il y a eu une détonation terrible.
J'ai senti une horrible douleur me transpercer le cœur.
J'ai résisté quelques instants, avant de tomber face contre terre.
Ma vue s'est brouillée...
Les silhouettes des tueurs sont apparues à mes cotés.
Puis le noir a pris possession de ma vision.
Les fantômes de mon passé ont ressurgi.
Je me suis cabré une ultime fois, avant que tout ne cesse.
Le froid m'a envahi.
Je suis enfin mort…
Je l'ai mérité, j'ai laissé mourir ma mère, ma compagne et ma propre fille, sans rien faire.
Il était temps de payer ma dette.
Et le prix était ma vie.
Plus personne ne mourra à cause de moi, c'est une certitude.
Car à quoi bon vivre, si c'est pour n'être qu'un paria et un lâche…