[One-Shot] - Fidèle jusqu'a la mort . de King-of-Ice

"Un soir...
Juste un soir ...
Juste un soir pour me rattraper ...
Juste encore une chance… Je t'en prie ! "

Malosse ne cessait de japper. De pleurer. Sous une pluie déchainée.
Les gouttes martelaient son pelage noir et le pénétraient jusqu'à la moelle. Il restait assis sur son arrière-train, ses yeux implorants tournés vers l'humain qui s'adressait à lui. La mousse et la terre détrempées de la forêt formaient une boue épaisse qui alourdissait ses coussinets.

"Tu n'es qu'un bon à rien. Regarde-toi. Même pas capable d'enflammer une simple branche pour nous éclairer ! Je n'ai pas d'autre choix que de te laisser ici."

Les cris de la pauvre bête redoublèrent.

Son maître ...
Celui qu'il aimait tant ...
Celui ... qui lui avait donné une chance de parcourir le pays ...
Il était en train de le rejeter ... à jamais.

"Non ... ne me laisse pas ... Je peux changer ... Je vais changer ... ''

Malosse ne cessait d'aboyer ces mots. D'abord dans un long hurlement, puis à petits coups de gémissements plaintifs. Encore et encore.
Ses yeux criaient '' Ne m'abandonne pas " ...
Mais l'homme ne voulait rien entendre ...

" Je n'ai pas le choix. Scorplane devra m'aider à sortir de ce bois. Toi, tu restes là. "

Malosse pleurait.
Il clignait des paupières pour chasser les grosses larmes qui roulaient sur ses joues. Qui se mêlaient à la pluie dégoulinant de son museau avant d'aller se perdre dans le petit ruisseau entre ses pattes.

Il repensa alors au temps où il avait rencontré son maître.
A son regard déterminé ...
A cette envie d'en avoir toujours plus ...
Malosse pensait être prêt à supporter cette soif démesurée…
Mais voilà où tout cela l'avait mené ...

Plongé dans ses pensées, il n'avait pas remarqué l'arrivée de Scorplane.

Lui ...
Malosse ne l'avait jamais réellement apprécié ...
Souvent, la pauvre bête se faisait martyriser par l'espèce de chauve-souris...
Scorplane arrivait sans bruit derrière lui et lui enfonçait cruellement ses serres dans l'arrière-train. Juste pour le plaisir de le voir sursauter et l'entendre japper de douleur.
A l'abri des regards du maître bien sûr ...
Enfin ... de son ancien maître ...

'' Bonne continuation. J'espère que dans l'autre monde, tu trouveras une personne aussi impuissante que toi. "
L'homme avait dit ça d'une manière ...

Puis, il fit demi-tour et commença à s'éloigner, suivant du coin de l'œil la trajectoire de son imbécile de Pokemon volant.

Alors Malosse se leva…
Et marcha ...
Marcha vers lui ...

"Arrête de me suivre ! "
Non.
Malosse n'arrêterait pas. Il tenait à son maître comme à la prunelle de ses yeux.

"Va-t-en, sale clebs ! Je ne veux plus de toi ! "
Il n'écouta pas son maître ... Il devait le suivre ... changer ... s'améliorer pour lui ...

Un bruit sourd ...
Puis un glapissement ...
Un gémissement ...

Le dresseur venait de décocher un méchant coup de pied à son Pokémon.
Son ancien Pokémon ...
La lourde botte ferrée et pointue avait atteint la truffe si sensible.
Malosse s'était écroulé à terre ...
Son museau saignait ...
Les gouttes de pluie ruisselaient sur sa blessure, formant une petite rigole rouge qui serpentait le long de son poitrail.
" Je t'avais prévenu. Si tu n'as pas envie que je te tue de mes propres mains, reste là. "

Mais Malosse se releva, dans un pitoyable effort pour suivre son maître.
Un second coup de pied l'atteignit dans les côtes. Bruit de bois sec brisé…
Et un autre…
Et encore un…
" Je t'ai dit de rester là ! "

Cette fois-ci, Malosse ne bougea plus. Il n'en avait plus la force ...
L'homme reprit sa marche.

Malosse hurlait ... Un long cri modulé par la douleur qui arrivait en vagues et envahissait tout son être. Son corps. Son cœur.
Ses aboiements déchirants déclenchèrent un envol de Cornebre ...
Puis ils commencèrent à diminuer d'intensité. Seuls quelques gémissements plaintifs secouaient encore ses côtes défoncées.

Il suivait de ses yeux plein d'ombre la forme humaine qui s'éloignait avec son Pokémon ailé.
Ce fut son dernier regard...

Quand la silhouette de son dresseur eut disparu, sa vie défila ...
Ce fut sa dernière pensée ...

Il jappa encore un coup ...
Ce fut son dernier cri ...

Il respira encore une fois...
Ce fut son dernier souffle ...