Chapitre 3 : Pourquoi m'attaques-tu ?
Quand je fus éveillé, j'observai rapidement les alentours avant de me lever, léchant mes poils un peu brûlés. Autour de moi, personne. Mon père était sans doute parti s'entraîner, comme tous les matins – ou presque. Je passai vivement ma patte sur mon oreille, pour enlever les quelques brèves poussières qui gisaient encore dans mon beau pelage de jeune chiot.
Quelques minutes après, une ombre se déplaçait sur les buissons qui se dressaient autour de notre petite clairière. Notre repaire était très bien placé, près d'un cours d'eau, et d'où le soleil pouvait briller. La silhouette foncée s'approchait de notre petite cachette. C'était sans doute mon père, alors, je criai, vivement :
« Papa ! »
Je fis un énorme sourire, et des yeux tous mignons. Soudain, la forme de cette ombre grandit, et, dans un geste extrêmement rapide, l'animal bondit sur moi. Nous roulâmes sur plusieurs mètres, avant que je me fasse éjecter contre un arbre. L'ombre se releva et s'envola plus haut dans le ciel. Très atteint par son attaque qui m'avait projeté, je tentai de me relever non sans difficulté. Une fois sur mes quatre pattes, je levai la tête pour voir un Pokémon oiseau, qui me regardait de haut avec deux yeux rouges inquiétants. Il battait ses larges ailes marron pour prendre un peu de distance avec moi.
L'animal, avec son petit bec beige brillant, s'envola plus haut encore, et retomba dans ma direction. Il avait rangé ses ailes contre son fin corps dans une teinte plus claire que celles-ci, pour avoir plus de vitesse encore. Je me préparai, pour ne pas me faire toucher. Je pris un bon appui sur le sol, et, avant qu'il ne fût devant moi, je sautai. Je sortis mes griffes et m'accrochai à ses plumes. Il poussa un énorme cri qui jaillit de son bec, et dévia sa trajectoire. La créature tourna vers la droite, et s'envola encore plus haut. Je me trouvais toujours sur son dos en sang, causé par mes griffes acérées. Ne voyant plus où il allait, le Pokémon fonça en direction d'un énorme arbre. Je sautai sur le sol, et, m'ayant mal réceptionné, je m'écroulai par terre, ma balafre pleine de sang.
Le Pokémon reprit une route meilleure, et s'éleva une nouvelle fois dans les airs. J'étais couché, à terre, couinant douloureusement. Cette douleur qui me fit perdre peu à peu ma vue, qui commençait à se brouiller. Tout bougeait autour de moi, tout était rempli de sang, je ne voyais presque plus rien, quand, soudain, un loup robuste vint se placer devant moi. Mon père était revenu et il sauta sur l'oiseau, le martelant de coups de griffes aussi forts qu'il put. L'oiseau s'écrasa violemment contre le tronc d'un arbre. Il se releva tout de même, volant de nouveau dans les airs. J'observai l'audace dont faisait preuve mon père, voulant me protéger. L'oiseau provoqua une énorme tornade. A cause de celle-ci, mon père s'envola. Il le piqua ensuite plusieurs fois avec son bec aussi aiguisé qu'un couteau. Je criai :
« Papa, non arrête ! Tu vas te faire… »
Je ne pus terminer ma phrase. Je fermai mes paupières lourdement. Je n'avais pas été assez fort. Je laissais mon père seul. Je laissais tout derrière moi. J'étais faible, incapable de soutenir les personnes que j'aimais. Même si je n'étais pas très confiant sur sa victoire, je croyais toujours en lui, je l'encourageais. Malheureusement, il était trop tard, je l'avais laissé tomber. Il était seul contre cet oiseau de malheur, celui qui m'avait lâchement attaqué quand j'avais le dos tourné. Je ne lui pardonnerai jamais. Cet oiseau était un Pokémon horrible, terrifiant mais aussi fort et robuste. Je ne savais pas à quel destin mon père sera confronté mais malgré tout, je croyais en lui. Je souhaitais qu'il vive. Je ne voulais pas le perdre. Courage, papa.
Endormi, plongé dans mes rêves, je me murmurai quelques phrases incompréhensibles, que je prononçais dans le chemin entre la vie et la mort, dans lequel je me trouvais actuellement. J'étais couché dans un néant infini qui ne finissait pas. Je pleurais dans ce monde inconnu, où rien ne vivait, où rien n'existait. C'était le simple fil de mes pensées qui m'avait conduit ici, c'était comme ça que j'imaginais un chemin qui ne fasse ni vivre, ni mourir. Mes rêves étaient bons à priori. J'étais fier de ne pas mourir, mais j'étais un lâche d'avoir ainsi laissé seul mon père avec cet animal. J'avais échoué.
Dans ce monde où tout me semblait inconnu, je me posais enfin des questions, incompréhensibles vues mon état :
« Papa… Meu… Non… Jama… Tu do… Vivre ! Je t'ai… Ne m'ab… Pas… Je revi… Le p… vite pos… »
Je ne pouvais aligner trois mots. J'étais essoufflé, et respirait à chaque syllabe que je prononçais. Je réussis tout de même à dire une phrase quasi compréhensible, ayant préalablement prit une bonne respiration :
« Pourquoi ne… tu… rien dis ? Je t'aim... »
Je restai coincé dans ce monde qui me faisait peur. Je ne sais combien de temps après, je me réveillai dans la clairière, où du sang avait giclé sur les buissons, sur les arbres, sur le feuillage, sur le sol, sur moi, et sur l'herbe. Je me levai difficilement, suite à des blessures encore plus graves qu'avant. Je reluquai le décor, j'observai la végétation : mon père n'était pas là, ni l'autre Pokémon. Je partis en direction de la forêt, là où le cours d'eau passait.
Arrivé là-bas, je ne vis aucune créature. Je bus tout de même de l'eau, parce que ma gorge était un peu desséchée. A chaque pas que je faisais, les feuilles mortes et les branches cassées craquaient sinistrement. Les deux combattants avaient du se battre en s'écartant de la clairière où la lutte avait éclaté. Je criai dans la forêt, exprimant ma haine et ma colère, et aussi mon inquiétude envers tous les évènements qui avaient précédés :
« Papa ! Où es-tu ? Papa ! »
J'avançai à pas indécis, boitillant. Je ne savais pas où j'allais. Mes pattes avaient été ensanglantées et blessées durant la bataille. Je continuai mon chemin, suivant les arbres brisés, les branches cassées, les feuilles en miette et le sang, éparpillé un peu partout.
Quelques instants plus tard, j'arrivai à une deuxième clairière. Les pas de mon doyen et les dégâts causés par la lutte qu'il avait menée s'arrêtaient ici. Je m'approchai de buissons un peu défectueux, d'où du sang coulait à flots. Marchant doucement, en murmurant, d'une voix tremblante et déchirée :
« Papa… Tu es là ? »
Je sautai par dessus le buisson, et, derrière, j'avisais une piscine de sang où baignaient mes pieds. Je commençai de plus en plus à m'inquiéter. Je procédais lentement, mais trébuchai sur un lourd objet. Je me reculai de cette chose inanimée. Je poussai un soupir de soulagement en voyant que ce n'était qu'une simple racine inerte. Quand je continuai ma route, ma patte se posa sur une chose qui n'avait pas eu l'air de se déchirer sous mes pas. J'enlevai mon membre et, regardai avec stupeur. Aucun son ne sortait de ma gueule. Il y avait du sang partout, et des feuilles jonchaient le sol, recouvrant la chose sur laquelle je venais de poser le pied. Sauf à cet endroit…
« Papa… J'ai peur tout seul… »