Make your destiny de Brasévivi

Dans la salle de concert, la tension était palpable. Les Pokémon étaient déchaînés et hurlaient en agitant des petits drapeaux à l'effigie de MissDreavus. On vit même Ceribourré boire dans des canettes de bières avec un portrait de MissDreavus dessus. Celle-ci, toute excitée et toute guillerette, voltigeait dans tous les sens derrière le grand rideau rouge.
«Hiiihihi! Ils sont tous fous de moi! Fans de moi! Dingues de moi!
-Miss, calmez-vous!
-Je ne peux pas! Je suis surexcitée! Oh, M.Mime, annoncez-moi, viiite!»
Le Pokémon mime soupira. Il se téléporta sur la piste de concert au moment où une juteuse baie Stekpa lui arriva dans la tête.
«Oh, hé, calmez-vous!» dit le Pokémon dégoulinant de jus rose et sucré.
Empoignant un micro, M.Mime dit que la grande MissDreavus allait arriver avec son groupe du tonnerre. Ces paroles lui valurent une ovation générale. Il savait parfaitement que c'était MissDreavus qu'on applaudissait, pas comme certains imprésarios naïfs et simples d'esprit.
Il se téléporta aussitôt derrière le rideau.

Soudain, à la place des hurlements des Pokémon, un grand silence se fit. En effet, les lumières de la salle s'éteignirent les une après les autres. Le concert allait commencer.
Tout d'abord, une forme blanche et luisante se découpa dans la pénombre: le crâne d'Osso Bucco, dit Osso, l'Ossatueur italien qui maniait le xylophone à os plus vite que son ombre. Ensuite, un faible crissement parvint aux oreilles des fans, un crissement qui petit à petit emplit toute la salle: Crikita, dite «La crack du crik»: c'était une Mélokrik dont les compétences au violon Mélokrik étaient inégalées. On disait qu'elle avait eu tellement honte de ses moustaches qu'elle se les était faites couper. Par elle-même, ça va de soi.

Mais brusquement, les crissements cessèrent: entre Osso et Crikita apparût une sorte de collier rouge et luisant, qui brillait de mille feux. Puis deux yeux, deux yeux sublimes et envoûtants… Contrairement aux Feuforêves normaux dont les yeux sont rouges et jaunes, ceux de MissDreavus (car c'était elle) étaient vert émeraude à la place du rouge. Cela lui apportait une grande fierté et elle ne manquait jamais de les mettre en valeur.

Un tonnerre d'applaudissements envahit la salle. Les Pokémon dépourvus de mains hurlaient des «OUAAAIS!!!» et autres cris d'allégresse. Personne ne cachait sa joie. Pas même MissDreavus, dont le sourire resplendissant aurait pu faire dix fois le tour de la Tour s'il n'avait pas été solidement accroché à ses joues. On amena une Lumivole, qui avec son Doux Parfum attira des nuées de Mucioles, qui se mirent à faire briller leurs petites queues pour éclairer la salle de concert.

«Commençons!» dit Osso Bucco, avec son fort accent italien.
Les deux jeunes filles acquiescèrent. MissDreavus réclama le silence d'un petit cri aigu. Osso commença à jouer avec son xylophone à os. Il était composé de deux petites tablettes de bois parallèles entre elles. Dessus reposaient des os creux de la même longueur. En tapant sur un os, on obtenait un son. Osso se mit à taper comme un sourd et Crikita se prépara. Elle fit glisser ses longues lames sur son ventre où s'alignaient trois fils maigres couleur jaune cassé. En les frottant contre ses lames, elle parvenait à jouer des mélodies étranges mais qui donnaient envie de danser. Quand à MissDreavus, elle se mit aussitôt à entonner la chanson qu'elle avait écrite spécialement pour ce concert. Tout en chantant et en tourbillonnant sur elle-même, elle faisait l'effort d'être la plus jolie possible. Les fans déchaînés tentaient de saisir une de ses mèches de cheveux, de caresser l'une des perles de son collier rouge et de lui hurler: «je vous aime!». Cela amusait fort MissDreavus, qui s'esclaffait intérieurement.

Deux heures plus tard…

Le concert était enfin fini. Les fans descendirent dans la salle aux autographes. Osso Bucco s'étala de tout son long, par terre, dans sa loge et Crikita s'endormit dès qu'elle effleura son lit. Elle offrait ainsi un spectacle mémorable: la tête sur la couette, les élytres coincées sous son corps, le corps en équilibre sur une chaise branlante et les pieds dans le tiroir de sa commode, on se demandait par quel tour de magie elle pouvait ne pas s'écraser au sol. Quand à MissDreavus, dès la fin de son concert, elle avait bifurqué dans le couloir dont la plaquette dorée indiquait: «Studio télévision, salle aux autographes, cantine». Elle passa au travers d'une petite porte verte et prit sa place dans un énorme cylindre d'acier rouillé. Il y avait un quadruple vitrage devant la star de la soirée, pour empêcher les Pokémon de lui nuire. Elle narguait gentiment ses fans, qui étaient accumulés devant la vitre plus solide que jamais.

La séance autographe commença. MissDreavus usait de ses pouvoirs pour tracer, au moyen d'une Ball'Ombre, sa signature. Quand elle fatiguait, on interrompait la séance (et on se faisait couvrir d'injures comme quoi: «vous nous empêcher d'adorer notre star préférée!»). La boule noire que représentait la Ball'Ombre voletait de plus belle, un autographe par-ci, un autographe par-là…

Mais un imprévu fit basculer à tout jamais le destin de MissDreavus. Chez les Pokémon, on n'employait pas comme chez les humains les videurs (qui ont un cerveau, au moins) pour interdire l'accès aux soirées. C'était les Mackogneurs policiers qui s'en chargeaient. Or ce que les Mackogneurs peuvent faire c'est: taper, manger (rare), dormir. Ils ne peuvent même pas réfléchir. Du coup, quand une troupe d'Hariyama arriva, l'imprésario M.Mime ne put que dire un mot très grossier. Ces brutes se mirent à cogner la vitre pour avoir leur autographe. Cependant MissDreavus était terriblement fatiguée: elle venait de signer son cent vingtième autographe sans prendre de repos. Aussi réclama-t-elle une petite pause. Mais quand elle vit la troupe d'Hariyama, elle devint translucide (c'est ainsi que les des spectres pâlissent). Alors elle fit une chose qu'elle n'avait jamais faite en présence de fans: elle se téléporta.

A suivre…