Ona dévisageait Estelle, les yeux exorbités, une expression de panique, d'incompréhension sur le visage. Ces notes étaient tout simplement affolantes, qui étaient ces « sujets » ? Qui avait écrit tout cela ? Les questions se bousculaient dans l'esprit de la jeune fille. La blondinette semblait troublée, elle détournait le regard. Puis, elle se mit face à la porte et dans un mouvement de tête significatif invita son amie à la rejoindre. Celle-ci ramassa d'abord quelques autres notes éparpillées sur le sol et alla à sa rencontre. Les deux étaient livides et les Pokémons, anxieux, devinaient une atmosphère tendue. Eux-mêmes avaient écouté la lecture du papier et s'étaient fait une opinion : cela ne présageait rien de bon… Estelle, les yeux sur les chaussures commença à expliquer.
« C'est mon père qui a écrit ceci. Il… faisait des expériences et je n'ai jamais pu voir ces « sujets ». Je savais seulement qu'il s'agissait d'un Pokémon et d'un être… humain.
- Un être humain ?! s'étaient-ils tous, mis à part la narratrice, écrié en même temps.
- Oui, affirma-t-elle les yeux embués, un être humain. Je ne sais pas du tout d'où ils venaient car ils étaient apparu du bureau de mon père un jour, comme ça. Le Pokémon… appartenait à une race inconnue.
- Mais… risqua Ona, ils sont vraiment… sortis de nulle part ?
- Oui, continua l'autre, je ne sais pas d'où ils viennent. Et donc mon père a commencé à les étudier… Il ne sortait de son laboratoire que pour sortir ses sujets et les observer dans la montagne. Papa notait tout à leur sujet… Leurs habitudes alimentaires, semblables aux nôtres, les aptitudes du Néo-Pokémon et… le lien étrange qui les reliaient très étroitement.
- Un lien ? demanda la brunette.
- Oui, il s'est avéré que les deux êtres ressentaient sensiblement les mêmes choses. C'est-à-dire qu'à l'instant où le Pokémon commençait à ressentir la faim, le ventre de l'humain, ou l'humaine, je ne sais pas, se mettait alors à gargouiller.
- C'est… impensable ! s'exclama celle qui écoutait, alors quand le Pokémon se battait, le… dresseur subissait les dégâts aussi ?
- Non, c'est pour cela que j'ai dit « sensiblement ». L'humain ne ressentait pas les maux physiques, ce lien était plutôt mental.
- C'est… épatant. Et que sont-ils devenus ?
- Ils se sont enfuis. Peu de temps après, mon père avait disparu. Je suppose qu'il est parti à leur recherche mais quelque chose me porte à penser le contraire. Je crois que c'est
eux qui l'ont enlevé.
- Eux ?
- Oui, quand, après son départ j'ai lu les notes, je me suis aperçue que le terme de «
ils » réapparaissait souvent. «
Ils veulent telle chose de moi… » « Je me demande qui
ils sont réellement… »… Oui, ces personnes surgissaient très fréquemment. Et puis… il y avait autre chose. Les écrits ont plusieurs fois évoqué « les cinq ». Après avoir profondément étudié tout ça, j'ai deviné que cette expression faisait allusion à des scientifiques. Je pense alors qu'il existent cinq personnes qui, comme mon père, auraient étudiés les Néo-Pokémons ou des autres sujets qu'ils leur auraient envoyé. »
Ona frémit. Une idée folle lui traversa l'esprit. Elle tenta tout de même de s'informer davantage.
« Et ce lien entre le dresseur et le Néo-Pokémon, il est… unique, tu crois ?
- D'après ce qui était écrit, oui. Mon père aurait essayé de commander le Néo-Pokémon mais celui-ci, si gentil et confiant était-il en présence de sa moitié serait alors devenu comme fou, refusant tout de Papa, allant jusqu'à le charger… Ce n'est que quand l'humain a persuadé son animal d'écouter le scientifique que celui-ci se ravisa et commença alors à suivre tout ce que lui indiquait l'inconnu. Ces deux êtres semblent profondément liés… Je me demande en ce moment où ils sont. Je sais par ailleurs qu'ils étaient très jeunes. Mais je n'ai aucune autre information que les classeurs de ce bureau. »
Ona tremblait. La pensée précédente s'était implantée dans son cerveau et commençait a germer. Elle regarda Jordy, les yeux animés d'une étrange lueur mélange d'une totale appréhension et d'une infime fébrilité. La jeune brune fit alors signe à sa voisine d'approcher sa tête de la sienne. Elle murmura alors à l'oreille tendue, la voix brisée :
« Donne un ordre à Jordy, s'il te plaît. »
Tout s'enclenchait dans la matière grise de notre héroïne. Le métier de son père, l'absence de souvenir lié à son enfance, l'affection immédiate et totalement improbable qu'elle avait ressentit à l'égard de Jordy lors de leur rencontre… Toutes les indications, rassemblées semblaient alors hurler à l'unisson les paroles qui brûlaient aux lèvres de la dresseuse, qui lui consumaient l'âme tant l'absurdité et la dure réalité qu'amenait ces dires étaient grandes. Soudain, balayant la clameur qui résonnait dans la boîte crânienne d'Ona, la voix d'Estelle retentit.
« Jordy, vient ici, s'il te plaît. »
