La dernière confrontation
-C'est terminé pour les Antis. Ils battent en retraite, fit le chef Rocket depuis la pièce principal de son QG.
-Que faisons-nous ?
-Eliminez ce que vous rattraperez.
-Mais monsieur c'est…
-C'est un ordre !
-Très bien nous…
Une terrible explosion ébranla alors le manoir. Immédiatement le chef Rocket alluma un moniteur et hurla dans la direction de l'appareil.
-QU'EST-CE QUE C'EST !
-Chef nous… AAAAAAAH !
-Que…
La porte éclata laissant rentrer une vingtaine d'Antis. Ceux-ci mirent hors d'état de nuire les Rockets qui leur faisaient face, en quelques secondes. Léon s'avança, inspecta les lieux puis se retourna.
-J'ai eu une bonne idée je crois.
-Oui, répondit un Anti. Faire croire que nous partions alors que justement, vous et Razor êtes arrivés au bon mo…
Un pan de mur entier explosa, laissant tomber dix Rockets d'un coup. Derrière la fumée des débris apparut Razor.
-Voilà qui est fait. J'ai annihilé le château, le gros des troupes peuvent rentrer, fit-il d'une voix à peine tintée d'émotion.
Le chef Rocket ne put s'empêcher de sourire.
-Vous voulez rire, j'ai posté soixante de mes meilleurs hommes DANS le château, vous n'avez pas pu faire le tour.
Léon s'avança vers la table de commande, d'un pas tranquille, et appuya sur quelques boutons. Le Rocket ouvrit des yeux effarés : Razor avait dit vrai car l'écran indiquait clairement que tous les mafieux avaient été vaincus.
-Ce n'est pas possible.
-En tout cas je l'ai fait…
Le talkie-walkie de Léon sonna alors.
-Oui ?
-Léon, fit la voix d'un Anti, nous venons de battre les derniers Rockets dehors, la situation est maîtrisée. J'ai reçu un appel pour vous de Sylvain, il vous attend au point de rendez-vous Bratin / Hannot.
-Très bien, j'arrive. Razor…
Celui-ci le suivit et les deux partirent précipitamment.
* * *
Le jeune homme marchait maintenant depuis une heure. Il était entré dans une forêt et le petit sentier qu'il avait suivi et qui le menait loin de toute habitation venait maintenant mourir dans une grande clairière. A peine plus éclairé que la forêt malgré l'heure, il était presque 15 heures, ce lieu semblait avoir été conçu pour ce rendez-vous : glauque, malsain, des flaques de boues certainement dues aux récentes pluies, des racines d'arbres qui ressortaient du sol comme recrachées par celui-ci… Pourtant Thomas ne se sentait pas nerveux. Le jeune homme restait droit, respirait doucement, attentif à chaque bruit, chaque mouvement d'ombre. Il ne fallut aucun de ces indices à Tom pour se rendre compte de l'arrivée de Hannot. Un frisson désagréable parcourut alors le long de son dos, descendant de sa nuque jusqu'à ses jambes en y laissant une empreinte glacée, comme si un serpent avait glissé le long de sa peau, rampant de ses épaules jusqu'à ses mollets. Tel un spectre surgissant de l'ombre, Jack Hannot apparut, son visage de marbre faiblement éclairé par le soleil qui peinait à transpercer les nuages épais. Les deux hommes étaient séparés d'une dizaine de mètres. Une bourrasque soudaine parcouru les lieux, soulevant les plis du grand manteau de Thomas. La voix de Hannot s'était fait entendre, mêlée au vent, mais plus froide encore.
-Il fait frais.
-Je suis venu Hannot, comme vous le désiriez. Que voulez-vous ?
-Tu le sais.
-Sans rien ?
-Sans rien.
Hannot fit un pas en avant, Thomas l'imita.
-Comment comptez-vous vous débarrasser de moi sans Pokémon ni armes.
-Tu sais pourquoi le métal est si froid Thomas ?
-Hein ?
-Tu sais pourquoi le métal est si froid ?
-Ecoutez, je n'ai pas envie de jouer aux devinettes.
Thomas retroussa ses manches et serra les poings.
-Finissons-en une bonne fois pour tout.
-Le métal est froid parce qu'il n'a pas de sentiment. Adieu Bratin.
Il leva la main et se retourna, marchant quelques instants. Thomas resta interdit car il ne comprenait rien à ce qui venait de se passer. Hannot se retourna vivement et fit de nouveau face au jeune homme, visiblement déconcerté.
-J'ai dit ''Adieu Bratin'' !
-…
Il prit alors un objet qu'il sortit de sa poche et cria au travers.
-Equipe sept ! Que faites-vous ?
Aucune réponse. Le Caïd, ulcéré, reposa la question, d'une voix méconnaissable.
-EQUIPE SEPT !
-Bonjour Hannot ! Nous arrivons. Répondit une voix qui n'était pas étrangère à Thomas.
-Co…comment ?
Hannot tremblait. La voix, à travers ce qui apparaissait désormais comme un Talkie-walkie, répondit :
-Ce n'était pas très réglo d'envoyer cette équipe pour s'occuper de mon petit protégé, mon vieux ! Heureusement que Jean était là !
-Sylvain ! S'exclama Tom.
De rage, Hannot fit tomber l'appareil et l'écrasa du pied.
-Ton père me rendait fou, ses amis me rendaient fou, tu me rends fou ! Vous êtes là uniquement pour me mettre des bâtons dans les roues ! Toi et ton père êtes nés dans cette optique ! Vous êtes nés pour me pourrir la vie !
-J'ai l'impression que vous perdez votre sang froid Hannot. Vous ne ressemblez plus à l'homme sûr de lui que j'ai rencontré l'année dernière dans l'usine.
-Mais j'ai supprimé ton père, continua Jack comme si de rien n'était. Je l'ai fait supprimer, et je supprimerai son fils. Et la femme de son fils, au cas où elle porterait en elle le prochain gêneur… Je vais faire disparaître la famille Bratin. Ton père m'a toujours empêché de donner le meilleur de moi-même depuis que je règne sur la France. Je n'ai jamais pu que sauver les meubles, limiter la casse. Et après sa mort, la Mafia était tellement affaiblie qu'il m'a fallut des années pour la renforcer. Et toi, tu arrives et tu veux tout foutre en l'air !
-Vous êtes un malade Hannot. Ne vous placez pas en victime. Rien ne vous oblige à diriger le crime. Il y aura toujours des personnes pour mettre des bâtons dans les roues à ceux qui veulent défigurer le monde.
Le ton venait de monter entre les deux hommes, une haine sans nom planait désormais entre eux. Cependant, Jack parut se calmer, certainement conscient de son emportement.
-Rien ne m'oblige à diriger la Mafia en effet. Rien ne t'oblige à te joindre aux Antis.
-Bien sûr que si ! On ne peut pas vous laisser agir ainsi ?
-Et pourquoi ? Parce que ta perception du monde n'est pas la même que la notre ?
-Non, parce que…
-Nous faisons le mal ? Quel mal ? Je te l'ai déjà dit la première fois que l'on s'est vu. Il n'y a ni bien, ni mal.
Thomas eut alors un sourire.
-En fait, je me fiche de ce que vous pouvez faire.
Le regard du jeune homme s'était fait plus dur. En quelques secondes, Hannot sentit un brutal changement de sens dans la conversation. Il n'était plus en face du garçon facilement impressionnable de Mars 2004 mais se trouvait opposé à… quelque chose qui l'impressionnait, lui, Jack Hannot. Thomas continua :
-Je n'ai pas envie de jouer au gentil héros qui veut éradiquer le mal. En fait, c'est complètement égoïste. Si je te hais, c'est parce que tu as voulu tuer Marie, tu lui as fait du mal.
-…
-Tu peux peut-être me faire douter sur ma volonté de joindre les Antis, sur les notions de bien et de mal, mais…
Hannot recula. Quelle était cette soudaine sensation qu'il ressentait soudain ? De la… peur ?
-Mais tu ne peux pas me faire douter sur mon amour pour elle !
-Thomas je…
Le Caïd s'écroula à genoux. Il se mit à sangloter, faisant perdre toute contenance à Thomas, étonné. Celui-ci avait prévu tous les cas de figure, un combat violent, une discussion difficile, voire même un pacte, mais certainement pas de voir ainsi le chef de la Mafia Française se mettre ainsi à genoux devant lui et pleurer.
-Je regrette, je n'aurais jamais du… Les… Les circonstances… j'ai des ordres Thomas. Je… Je te jure que j'ai tout fait pour ne pas avoir à la tuer…. La vérité c'est que…
La voix d'Hannot retrouva un ton plus clair et ses sanglots s'arrêtèrent.
-Depuis que je suis à la tête de cette mafia, je tente de minimiser les actes de celle-ci tout en restant à la tête de l'organisation. Je suis pris dans un engrenage, car un Caïd licencié est un Caïd mort. Je dois continuer à diriger l'organisation, malgré moi. C'est pour cela que je voulais te voir, il te faut me croire !
-Et l'équipe sept ? Elle n'était pas là pour me fusiller ? Pff…
-Non, pour t'arrêter, et voir si tu n'étais pas armé.
-A d'autres Jack ! Je ne sais pas ce que vous voulez faire, mais je ne rentrerai pas dans votre jeu.
-Tu crois qu'une personne aussi haut placée que moi se mettrait à genou pour du flan ?
-Je…
-Si ce n'est pour…
-Qu…
Thomas ne venait que de s'en rendre compte maintenant, mais en se baissant, Hannot avait pu passer la main sous son manteau. En moins d'une seconde, il se releva, fit un pas en arrière et tira avec le petit pistolet qu'il venait de sortir. Avec rage il enchaîna les tirs, trois, quatre, cinq… Thomas tomba, raide. Hannot s'approcha du cadavre encore fumant, en prenant le soin de ranger son arme sous son manteau. Il avança doucement, savourant le temps qu'il mettait pour aller observer le corps de celui qui ne le dérangerait désormais plus jamais.
-Pauvre idiot. Je n'aurai jamais pensé que tu serais tombé dans un piège si grossier. Après tout ce que je t'ai fait subir, sans me l'avouer tu es resté assez utopiste pour croire que tu pouvais me pardonner. Un Caïd doit savoir jouer la comédie.
-Un héros aussi.
-Quoi ?
Thomas lui donna un coup de pied dans le tibia et se releva immédiatement. Il frappa violemment la mâchoire de Jack qui recula. Il se passa une main devant la figure et ouvrit des yeux horrifiés.
-Comment se… Non… Tu es donc immortel ! Quoique je fasse tu survis !
Thomas défit alors son manteau, il portait une sorte de gilet noir assez épais criblé de trous argentés et fumant.
-Tu portais un…
-Gilet pare-balles, mais honnêtement, je pensais pas qu'un si petit flingue puisse me faire aussi mal.
-…
-Allez, il vous reste une balle. Essayez de viser la tête cette fois.
-Espèce de …
Tom ne lui laissa pas le temps de suivre son conseil et lui plongea dessus. Les deux hommes se retrouvèrent à terre, de la même façon qu'il y avait un peu moins d'un an, lorsque Thomas s'était battu contre David Rain, sur le mont Alaok. Cependant, s'il avait à l'époque peu conscience de ce qui lui arrivait, le jeune homme avait ici une double satisfaction. Premièrement, il connaissait maintenant bien Jack Hannot, ses agissements et son profile. Et deuxièmement, il n'avait à sauver personne, juste à se protéger lui, et à faire en sorte que cette histoire se termine. Rapidement, la haine de Hannot s'écroula face à la volonté de Thomas. Celui-ci se retrouva accroupi sur son ennemi et l'enchaîna de plusieurs directs dans la figure. Le Caïd français n'avait pas l'habitude de recevoir ce genre de traitement, et Thomas savait placer des coups forts douloureux, grâce à l'entraînement qu'il avait reçu au Tibet conjugué aux muscles qu'il s'était fait depuis que Sylvain l'entraînait. Arriva un moment où Jack ne releva pas sa tête. Il regardait, groggy, le ciel, essayant de retrouver son souffle. Thomas, incapable de frapper quelqu'un qui ne se défendait plus, se releva et lâcha légèrement son emprise sur le corps de Hannot. Le regard de celui-ci changea alors immédiatement. Il prit le col du jeune homme et lui administra un coup de tête très vif. Sonné, Thomas perdit l'équilibre et faillit tomber. Jack se releva aussitôt et lui assena un puissant coup de poing en pleine figure avant de reculer. Les deux hommes se retrouvèrent à quelques mètres de distance, essoufflés. Cependant, Jack avait un atout que Tom n'avait pas. Il sortit son revolver en souriant.
-C'est terminé cette fois, Bratin.
-…
-Je ne te louperai pas, promis. La tête… En plein milieu du front. Tant pis, tu ne souffriras pas. J'aurais aimé te voir agoniser.
-… Si tu touches à un seul cheveu de Marie, je ressusciterai autant de fois que nécessaire pour la protéger.
-C'est touchant. Tes dernières paroles furent donc pour ta bien aimée. J'essaierai de m'en souvenir.
Le coup de feu partit. Cette fois-ci, le corps s'allongea. Inerte. Pour toujours.