Rébellion de Alabama

La porte s'ouvrit brusquement, faisant sursauter les conspirateurs. Il s'agissait d'un Zigzaton qui devait sûrement faire le ménage dans la salle.
-Oh, pardonnez-moi, messires, s'excusa platement le domestique. Je repasserai plus tard.
Jungko était toujours blême après que le Zigzaton eut refermé la porte.
-Il faut absolument le tuer, déclara Jungko dans son timbre nasillard.
-Oui, ça je sais, mais s'il ne vient pas à la bataille…
-Non, pas lui, le Zigzaton !
-Et comment ? Tous les domestiques chargés du nettoyage sont des Zigzaton !
-Alors il faut vite le rattraper ! Les domestiques sont bavards comme des pies, des vraies commères ! Si la nouvelle venait à arriver aux oreilles de Dracaufeu ou même Drattak, nous serions vite suspectés et surveillés ! Ca pourrait détruire complètement notre projet !
Ils se turent un instant. Métamorph, derrière la porte, avait repris sa forme initiale et s'était collé au plafond, écoutant en souriant la conversation. Quand Jungko et Kaimorse quitteraient la salle, il ne le verrait pas tandis que lui irait tout de suite répéter à Ectoplasma ce qu'il avait découvert.


Drattak avait dépassé les murailles quand il s'aperçut qu'on se cramponnait à lui. Il fit une pirouette et sentit quelque chose tomber d'un bruit mât sur le sol. Il se posa alors et regarda aux environs.
Derrière lui, Lucario, très mal, se relevait péniblement. Drattak ronronna de plaisir. En une Déflagration surpuissante, le Pokémon était à terre, fumant, bientôt mort.
Drattak mit le cap vers Paletta.
C'est alors que de nulle part surgit un Kadabra qui arborait un fier sourire. Il commença de faire léviter Lucario puis se vaporisa avec un Téléport.


Métamorph était maintenant avec Ectoplasma, qu'il avait rejoint, dans une petite caverne au nord de l'île. Ils venaient de soigner Lucario par l'Hypnose et s'apprêtaient à l'emmener au Palais dès qu'il se serait réveillé.
Mais Métamorph, en attendant, avait une autre mission. Il dit au revoir à Ectoplasma et prit la direction du Sanctuaire.

-Alors, vous partez demain à Jungkcity ?

Feunard parlait à Teddiursa.

-Oui, dès la deuxième heure après le zénith. Ceux qui vont se battre partent tôt le matin...

Feunard hocha tristement la tête. Elle allait se retrouver seule ! Mais une idée lui fit soudain reprendre espoir.

-Je pourrais venir avec vous ? Demanda-t-elle.

Teddiursa parut surpris.

-Je sais pas... Faudrait que t'en parles aux chefs, tu les vois passer tous les jours, toi...

Feunard hocha une seconde fois la tête. Elle ne savait toutefois pas si Florizarre la laisserait partir.


Dans la salle des chefs rebelles, Voltali et Altaria venait de finir de fignoler le plan de l'attaque de Jungkcity. Elle parlaient maintenant de la grande agitation qui régnait dans le camp.

-J'ai l'impression que la nouvelle fait sensation... On aurait peut-être du dire plus tôt qu'on allait assiéger Jungkcity ?
-On a été obligé d'avancer la date vu qu'Ectoplasma ne nous a pas livré la nourriture comme prévu...
-Ce qui serait le mieux, c'est qu'ils aient transférés les réserves de nourriture d'Abyssa à Jungkcity au cas où on prendrait la ville !
-Ah oui, ce serait... encore mieux. Et, Voltali, j'aimerais vous poser une question...

Voltali se raidit.

-Quoi ?
-Je... d'après ce qu'on raconte sur vous, vous avez mené la Rébellion avec Dracaufeu et Dracolosse... et vous avez été la rivale de Dracaufeu... De même, c'est vous qui m'avez contacté pour créer un mouvement de Rébellion !
-Et... ?
-Alors, j'aimerais savoir, pendant ces quinze années... Où vous étiez ?

Voltali prit un air contrarié.

-Ah, ça...

Altaria se rapprocha du Pokémon Electrique.

-A vrai dire, je...
-MADAME ! MADAME !

Un Tarpaud arriva en sueur dans la salle du Conseil, affolé.

-On m'a dit de venir vous voir, Madame !!
Voltali et Altaria se regardèrent, interloquées.
-... Qu'y a-t-il ?
-C'est... c'est... Il y a Dracaufeu en haut ! Dracaufeu est venu voir Florizarre !

Tout le camp rebelle était présent devant le labyrinthe qui menait au centre du Sanctuaire. Altaria, Voltali et Tarpaud arrivèrent les derniers après cette foule hurlante et gesticulante. Les chefs rebelles durent s'y frayer un chemin jusqu'au bout où les attendaient Arcanin et Roucarnage, qui tentait vainement de calmer les Pokémons se bousculant.
Ils furent soulagés de voir arriver Voltali et Altaria.

-Vous voilà !
-C'est quoi cette histoire idiote ? Demanda cavalièrement Voltali.
-Eh bien, à ce qu'il paraît... commença Arcanin par-dessus le vacarme.

La cohue était trop forte pour qu'il continue. Voltali se retourna et se mit à grésiller fort.

-Silence ou je vous grille !

Les Pokémons les plus proches baissèrent d'un ton.

-...Merci. Le jeune Feunard, et le jeune Teddiursa (ce disant il les désigna) ont dit avoir aperçu un Dracaufeu qui se serait posé sur la falaise, puis aurait pris le corridor du Sanctuaire...
-Et vous les croyez ?
-Le problème, c'est qu'on a cinq Pokémons qui disent la même chose... Et voyez comment cela a dégénéré...
-Eh bien, qu'on y entre dans ce Sanctuaire ! Qu'est-ce qu'ils ont tous à brailler devant ? Allez, au pas de course !

Voltali partit la première dans le sombre et vétuste labyrinthe. Puis Arcanin, Roucarnage, Altaria, Feunard, Teddiursa et enfin toute la foule lui emboitèrent le pas.
Ils n'avaient pas passé un premier virage que des arbres des deux côtés sortirent deux lianes qui se croisèrent en X, leur barrant le passage.

-C'est Florizarre qui ne veut pas nous laisser passer ! Dit Voltali.
-Ca c'est fâcheux... commenta Arcanin.
-...

Feunard passa outre les lianes sans qu'il ne se passe rien. Il se retourna et encouragea les autres à la suivre.
Altaria se baissa la première pour passer sous les lianes à son tour. Voltali la suivit. Quand Arcanin essaya de passer, les lianes réagirent. Deux autres s'ajoutèrent.

-Apparemment Florizarre ne vous aime pas assez pour vous laisser passer ! Lança Voltali, goguenarde.
-Grmbl...

Tous se mirent à attendre, pleins d'espoir, le retour des trois acceptés.
Ceux-ci commencèrent de se diriger la peur au ventre vers le centre du Sanctuaire où devait les attendre Florizarre et Dracaufeu.
Finalement ils arrivèrent en même temps que Dracaufeu qui provenait d'un autre chemin devant le Doyen. Feunard n'avait jamais remarqué auparavant ce deuxième chemin !
Dracaufeu sembla aussi étonné d'arriver en même temps que les trois rebelles. Pourtant il n'avait suivi que l'unique chemin qui menait au Doyen...

-Bonjour, jeunes âmes troublées, salua de sa voix profonde Florizarre les quatre arrivants. Sachez que dans le Sanctuaire c'est moi le maître de l'espace-temps...

Le deuxième chemin disparut.

-Et de la matière...

Un troisième chemin apparut juste à côté du Doyen. Les quatre Pokémons étaient effarés.

-Je savais qu'aujourd'hui vos tourments d'esprits fragiles vous feraient vous tourner vers moi afin de trouver chacun une réponse à la question qui vous ronge... Alors, jeune Métamorph, parlez le premier, comme vous avez été le premier à venir ici...

Le Dracaufeu devint un Manzai. Le Doyen avait gâché son effet !

-Euh... soit, donc, je ne révèlerais ni qui je suis ni qui je soutiens mais j'étais venu pour révéler aux rebelles que Florizarre connait le point faible physique de Dracaufeu, et pour soutirer donc ce secret à Florizarre...

Altaria fit de grands yeux.

-Et... et pour continuer sur ma lancée, Voltali savait que Florizarre avait connaissance d'un tel secret...
-QUOI ? Voltali, c'est vrai ?

Le Pokémon ne perdit rien de son arrogance.

-Bien sûr que c'est vrai. Vous croyez que moi-même je n'ai jamais essayé de soutirer ce renseignement à Florizarre ?

Altaria n'était que peu convaincu.

-... Comme je l'ai déjà dit à celui qui t'envoie, jeune Métamorph, ce genre de secret ne doit être divulgué qu'en cas d'évènement exceptionnel...

Altaria réfléchissait à qui avait bien pu envoyer Métamorph.
Métamorph réfléchissait à l'« événement exceptionnel ». C'était ça la signification des métaphores ?

-... et je n'ai en ma qualité de gardien des âmes, pas le droit de prendre part à ce conflit d'intérêt...

Feunard reconnaissait ce discours.

-Alors, maintenant, va-t-en par le chemin qui est à mon côté, et tu te retrouveras là où tu souhaiteras te retrouver.

Métamorph-Manzai emprunta le chemin à gauche de Florizarre et marcha quelque mètres pour se retrouver dans la caverne avec Ectoplasma comme par magie – en était-ce ?

Pendant ce temps, Florizarre s'occupait d'Altaria, de Feunard et de Voltali.

-Maître, commença Altaria (elle non plus ne savait pas s'il était d'usage de nommer ainsi le Doyen) vous pensez réellement que notre rébellion n'est qu'un conflit d'intérêt ?
-... Je le pense, noble Altaria.
-Mais ! … ?
-Si ta pensée est justice, ta lutte est brutalité, tes intentions sont violence.
-...

Altaria baissa la tête, défaite. Elle n'avait peut-être jamais considéré les choses sous cet angle, mais elle ne renoncerait pas pour autant.

-Feunard, ta mère aujourd'hui défunte a souhaité que tu t'occupes de moi jusqu'à ma mort. Je te promets que je me dépêcherais afin que tu puisses prendre ton envol...

Feunard écarquilla les yeux.

-Après avoir passé quinze ans ici, tu as accumulé un certain potentiel que Voltali s'est proposé de révéler par un entraînement...

On allait de surprise en surprise ! Tous se tournèrent vers Voltali qui regardait ailleurs, embarrassée.

-Maintenant que j'ai parlé, vous pouvez chacun partir la paix en vous. Que le bon sens et l'esprit guident votre conduite.

Altaria, Voltali et Feunard partirent vers les rebelles.

-Parfois, je me demande s'il comprend vraiment ce qu'il dit, ou si ce n'est pas des mots qu'ils prononcent au hasard... dit Voltali.
-Je pense, Voltali, que ce n'est pas la peine de révéler aux autres rebelles ce que vous saviez... Ca ferait trop de bruit, et la veille de l'assaut de Jungkcity, je ne veux pas de ça !
-Je suis d'accord.

Feunard regardait Voltali avec insistance. Des chefs rebelles, Voltali, non contente d'être la plus mystérieuse, était celle qui l'impressionnait le plus. Si Altaria avait le leadership, Voltali avait toute la majesté d'une égérie, elle avait une rhétorique plus poussée et plus expressive que celle d'Arcanin, et à l'en croire, une puissance supérieure à celle de Grolem ou de Roucarnage. Et ce chef allait l'entraîner !
Les trois Pokémons arrivèrent au niveau des lianes qu'avait déployées Florizarre, et qui disparurent dans les arbres dès qu'ils furent passés. La totalité des rebelles étaient toujours là, vociférant et se bousculant. Arcanin et Roucarnage les voyaient venir, mi-intrigués, mi-inquiets.

-'Va falloir tout expliquer... geignit Voltali.


L'ambiance au Palais était plutôt gaie. Persuadés d'avoir mis un terme à la menace rebelle, les membres du Conseil se relâchait enfin, Dracaufeu semblait redevenir pleinement actif et en pleine forme, jeune et détendu. Drattak avait le coeur léger, et, après l'entrevue avec Kaimorse où le général s'était montré pitoyable de ridicule, le dragon s'était convaincu que c'était surtout Jungko qui avait dirigé le complot contre lui et Dracaufeu. Presque sûr donc que Kaimorse n'avait fait que suivre le Pokémon Plante, il s'était résolu à laisser tranquille le Pokémon Glace et Eau.
Kaimorse, tout en étant rassuré quand au sort de son ami et complice, en pouvait s'empêcher de penser au crime qu'il avait commis en aidant les rebelles. Comment pourrait-il se rattraper ? Comment pourrait-il voir un jour Paletta tomber, sans se dire que c'était sa faute ?
C'était donc dans une grande joie et une bonne humeur générale que les monarchistes s'apprêtaient à recevoir une véritable gifle de la part des rebelles.


-Donc vous êtes sûr, maître, que la ville de Jungkcity n'opposera aucune résistance ?

Altaria, dans la salle où elle et les chefs rebelles se réunissaient par habitude, s'adressait par boule de cristal à Volcaropod.

-Oui ! Même si j'ai du soigner le pire des monarchistes pour ça, Jungkcity est maintenant à vous ! Ou plutôt... à nous !
-Je suis contente de l'entendre... même si ça va plus les énerver, je préfère attendre d'arriver à Jungkcity pour avouer aux autres chefs que Jungko n'est pas mort.
-Et autant ne pas avouer que c'est moi qui l'ai soigné, avec votre aval de plus... de toute façon, je vous ai mise au courant pour son... nouveau point faible...
-Oui, oui. Ca n'est pas grave, je préfère ça ! Et puis de toute façon, on doit parfois faire une concession pour gagner la guerre... Les débats à l'Assemblée me l'ont appris !
-Eh bien, à demain, Altaria.
-A demain, maître.

La boule redevint opaque. Altaria sourit. Demain. Demain s'annonçait être une journée radieuse.