Derrière la cascade
Dans le monde pokémon, il existait, parmi toutes les grandes villes regorgeant de technologies de pointe et de constructions mornes, un havre de paix, une oasis magnifique, un petit paradis…
Au cœur de la grotte que dissimulait la cascade, Myu était confortablement lovée sur une épaisse couche de feuilles qu'elle avait amassée au cours de l'automne. Il faisait encore nuit mais le ciel sans nuage, dans lequel brillaient les étoiles, laissait présager la première belle journée depuis la séparation de l'Union. Dans peu de temps, l'aube réveillerait la petite Minidraco et la sortirait de ses rêves d'enfants.
Dors, jolie Princesse,
Tu es en sécurité
Car la Lune jamais ne cesse
De te protéger.
Dors, Mignonne Déesse,
Tu mérites cette trêve
Car le Soleil sent ta détresse
Et veille sur tes rêves.
La jeune Pokémon était très affectée par le départ de ses cinq meilleurs amis car, contrairement à eux, elle n'avait rien à faire de particulier. Fany, pour qui elle avait le plus d'amitié, avait été envoyée dans une pension très stricte car elle était, selon ses parents, bien trop indisciplinée. Choupi avait, lui aussi, ce genre de soucis. Son père l'avait expédié chez sa tante pour qu'elle puisse parfaire son éducation car lui-même trouvait qu'il n'avait aucune emprise sur son fils unique. Cerise se trouvait également dans sa famille, mais pour des raisons différentes, puisqu'elle allait bientôt évoluer et que c'était la tradition d'être entouré de ses aînés pour cette importante expérience. Pipo, le plus timide mais le plus attachant aux yeux de Myu, passait ses journées dans une sorte de camp militaire où il apprenant à vivre à la dure. Quand à Sheli, elle avait été offerte à une dresseuse malgré ses réticences à l'égard des humains.
C'est à l'autre bout de la Terre
Que l'on vous a envoyés !
Et moi qui désespère
D'un jour, vous retrouver !
Je me sens si lasse
Sans vous à mes côtés !
Mais le temps passe
Et il ne reste plus personne, pour m'épauler…
La Minidraco ne connaissait pas ses parents. La première chose qu'elle avait vue était la clairière dans laquelle elle habitait à présent. Elle vivait comme elle l'entendait et elle n'avait personne pour l'empêcher de rester avec ceux qu'elle aimait. Sa condition ne lui permettait pas de comprendre pourquoi les autres membres de l'Union devait obéir aux ordres qui les avaient poussés à se quitter.
D'un naturel doux et calme, elle avait laissé ses amis partir tout en sachant qu'elle ne les reverrais pas avant de très longues semaines. Cependant, son cœur était meurtri par leur départ et elle ne s'habituait toujours pas à la solitude. Son seul moment de paix intérieure était la nuit car, dans ses songes, elle revoyait leur bande au complet courir dans la prairie, grimper dans les arbres et nager dans le lac.
Son unique passe-temps était la lecture des lettres qu'elle recevait presque quotidiennement. Toute cette sollicitude la blessait et la réconfortait en même temps, elle n'aurait pas su expliquer le sentiment qu'elle ressentait lorsqu'elle parcourait les lignes écrites par ses comparses. Elle répondait à chacune des missives en prodiguant des conseils avisés, en partageant ses points de vue ou en redonnant du courage à son destinataire.
Elle ne s'est jamais douté
Que la clairière de l'Union
Pouvait se transformer
En sombre prison.
Elle est maintenant enfermée
Dans sa propre maison
Hantée par les rires du passé
Qui sonnent comme une punition.
Myu tentait de se montrer brave lorsqu'elle écrivait à l'Union, ignorant sa propre peine pour tenter de soulager celle des autres, mais la plupart sentaient bien son désarroi et sa tristesse. Certains, comme Peluche, lui envoyaient des petites créations qui égayaient ses journées mais d'autres, comme la Rozbouton, n'en avaient pas la possibilité. D'après leurs fréquents courriers, ils avaient tous une foule choses à faire et cela les aidait à surmonter leur nostalgie.
Sur ce point, la Minidraco se différenciait des autres car elle n'avait aucun plan et ne sortait de son antre que pour recevoir et envoyer des lettres. L'inspiration l'avait désertée et elle n'était même plus capable de composer ne serait-ce qu'un haïku sur la froide saison qu'est l'hiver. Les jours s'enchainaient, tous aussi amers, pour cette jolie Pokémon.
Quand nous reverrons-nous ?
Dites-moi que c'est pour bientôt !
Quand nous reverrons-nous ?
Même demain n'est pas assez tôt !
Quand vous reverrais-je ?
C'est difficile de savoir…
Avant que s'évapore la neige
Ou après avoir perdu la mémoire ?
Le soleil se leva enfin et, lorsque ses rayons, transformés en arcs-en-ciel par la mince couche d'eau de la cascade, se réfléchirent sur Myu, elle ouvrit ses yeux puis poussa un soupir. Une fois encore, le matin était arrivé trop vite et l'avait arrachée à ses heureux rêves. Lorsqu'elle émergea complètement de son sommeil, elle tenta de se rappeler la date. C'était le 3 février et cela faisait tout juste dix jours que les autres étaient partis.
Elle se souvint qu'elle avait pleuré tout au long de la première semaine mais elle s'était finalement résignée et plus aucune larme n'avait coulé depuis. Malgré tout, ses yeux la picotèrent désagréablement en cette dixième matinée d'isolement. Encore trop touchée par la perte de Fany, Pipo, Choupi, Cerise et Cheli, elle se laissa aller en priant Arceus pour qu'il lui rende son bien le plus précieux : l'amitié infaillible des Pokémons de l'Union.
Une larme silencieuse roula sur la joue de la Minidraco. […] Myu savait que leurs destins seraient amenés à changer mais elle ne s'y était jamais préparée, préférant profiter des précieux instants qu'ils passaient ensemble.